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A propos de livres...

29 janvier 2010

Seul contre tous - Jeffrey Archer

Livre lu dans le cadre  07_chronique_de_la_rentree_litteraireen partenariat avec ulike_logo_petit

seul_contre_tous Editions Générales First - février 2009 – 572 pages

Prix du Polar International

Présentation de l'éditeur :

Il suffit parfois de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment pour voir basculer le cours de sa vie... Si Danny Cartwright avait demandé Beth Wilson en mariage un jour plus tôt, ou un jour plus tard, il n'aurait ainsi jamais pu être accusé du
meurtre de son meilleur ami. Mais quand les quatre témoins de l'accusation sont un avocat, un acteur à succès, un aristocrate et le plus jeune associé d'une prestigieuse agence immobilière, qui pourrait bien croire à la version des faits d'un garagiste de l'East End ? AU MAUVAIS ENDROIT, AU MAUVAIS MOMENT. Danny est donc condamné à vingt-deux années d'emprisonnement dans le quartier de Haute sécurité de la prison de Belmarsh, duquel personne ne s'est jamais échappé. Seulement, ses adversaires ont tous sous-estimé le désir de revanche du jeune homme et la farouche détermination de sa fiancée à faire entendre justice

Auteur : Né en Angleterre en 1940, sir Jeffrey Archer fait ses études à l'université d'Oxford avant d'embrasser la carrière politique. En 1969, il est élu à la Chambre des Communes, dont il devient l'un des plus jeunes membres de toute l'Histoire. Il en démissionne en 1974, ruiné et endetté, et décide de faire fortune grâce à sa plume. Pari gagné ! Inspiré de son expérience d'actionnaire floué, son premier livre La Main dans le sac, rencontre un succès immédiat aux États-Unis, et se vend à plusieurs millions d'exemplaires dans le monde. Il sera suivi de bien d'autres best-sellers.

Mon avis : (lu en janvier 2010)

Ce livre n’est pas un thriller mais un roman policier où se mêle suspens et une intrigue qui nous tient en haleine.

Danny Cartwright, fils d’ouvrier, vit dans le East End, un faubourg populaire de Londres, il travaille dans un garage. Il est amoureux de Beth, la fille de son patron, et il vient de la demander en mariage. Ils doivent fêter cela avec son meilleur ami Bernie, le frère de Beth, dans le quartier chic de West End.

Spencer Craig vit dans le West End, après des études à Cambridge, il est devenu avocat et est promis à une belle carrière. Ce même soir, il passe une soirée conviviale avec des amis pour fêter les 30 ans de Gerald Payne avec Larry Davenport et Toby Mortimer

Danny et Spencer n'auraient jamais du se rencontrer. Mais cette soirée va changer leur destin à tous jamais… Spencer va provoquer une bagarre au cours de laquelle il poignardera Bernie mais avec la complicité de ses amis, il fera accuser Danny. Personne ne voudra croire à sa version des faits face aux quatre témoins de l’accusation qui sont un brillant avocat, un acteur à succès, un aristocrate et un talentueux agent immobilier. Danny sera donc condamné à vingt-deux ans de prison. Il se retrouve donc dans le quartier de Haute-Sécurité de la prison de Belmarsh. Mais Danny va se battre pour prouver son innocence.

Ce roman policier est très bien documenté. L’auteur nous décrit parfaitement des scènes de procès, on découvre la vie à l’intérieur d’une prison… Les descriptions de la psychologie des nombreux personnages sont très bonnes, et certains sont vraiment attachants. Un livre vraiment agréable à lire, et que l’on ne veut pas lâcher avant la fin !

Merci aux Éditions Générales First et à Ulike pour ce livre à découvrir sans tarder !

Extrait : (début du livre)
- Oui !
Beth avait essayé de feindre la surprise et le ravissement. Mais elle n'avait pas été très convaincante. Ce mariage, elle l'avait décidé depuis leurs années de collège. Elle fut néanmoins stupéfaite lorsqu'elle vit Danny se mettre à genoux au milieu du restaurant bondé.
- Oui, répéta-t-elle rapidement et un peu gênée. Elle voulait que Danny se lève avant que toute la salle ne s'arrête de dîner pour les observer.
Mais Danny restait à genoux, et, tel un prestidigitateur, il sortit une boîte minuscule qui semblait venue de nulle part. Il l'ouvrit. Elle contenait une bague en or simple, ornée d'un solitaire bien plus gros que ce que Beth avait imaginé - même si son frère lui avait déjà confié que Danny avait dépensé deux mois de salaire pour lui offrir cet anneau.
Quand son fiancé se décida enfin à se relever, elle le vit sortir son portable et composer fébrilement un numéro. Beth savait parfaitement qui serait au bout du fil.
- Elle a dit oui ! annonça-t-il triomphalement. (Beth sourit en regardant le diamant de plus près, à la lumière.) Et si tu venais nous rejoindre ? ajouta-t-il avant que Beth ne puisse l'en empêcher. Super ! Retrouvons-nous dans ce bar à vins sur Fulham Road - celui où on est allé après le match de Chelsea l'an dernier. On se retrouve là-bas, mon vieux.

Beth ne protesta pas ; après tout, Bernie n’était pas seulement son frère, c’était le plus vieil ami de Danny et il lui avait déjà probablement proposé d’être son garçon d’honneur.

Quand Danny demanda l’addition au serveur, le maître d’hôtel s’approcha.

- C’est pour la maison, annonça-t-il en les gratifiant d’un sourire chaleureux.

La nuit allait être pleine de surprises

Livre lu dans le cadre  07_chronique_de_la_rentree_litteraireen partenariat avec ulike_logo_petit

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27 janvier 2010

Le cœur est un chasseur solitaire – Carson McCullers

Lu dans le cadre des Challenges : challenge_100_ans_article_300x225 et coeur_vs3

le_coeur_des_un_chasseur_solitaire Stock – mars 2007 – 530 pages

traduit de l'anglais (États-Unis) par Frédérique Nathan

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LGF – 1972 – 445 pages

LGF – 1983 – 445 pages

LGF – 1997 – 445 pages

Stock – avril 2000 – 476 pages

LGF – avril 2001 - 445 pages

Quatrième de couverture :

Habitants d'une petite ville du fin fond des États-Unis, les personnages du Cœur est un chasseur solitaire se sentent profondément seuls, abandonnés avec leurs révoltes. Subsistent cependant certains rêves. Pour Mick l'adolescente complexée, celui d'apprendre à jouer du violon qu'elle s'est confectionné, et qu'elle cache sous son lit. Biff, lui, observe ses clients pour échapper à sa vie de couple bien terne. Jake rêve d'un monde plus juste. Le docteur Copeland essaie pour sa part d'œuvrer concrètement à la réalisation de ce monde car sa couleur de peau l'expose à des brimades quotidiennes. Leur rencontre avec John Singer, sourd-muet dont le calme et la courtoisie inspirent confiance, leur permet d'entrevoir la possibilité d'être compris.
Cette édition comprend également l'esquisse de ce grand roman ainsi que l'ensemble des essais et des articles que Carson McCullers a publiés de son vivant. Ces textes précisent les références de ce prodige de la littérature américaine tout en mettant en valeur sa sensibilité et son engagement.

Auteur : Née à Columbus, Georgie le 19 février 1917, dans le vieux Sud des États-Unis, l'adolescente Lula Carson Smith trompe son ennui entre le piano, qu'elle découvre à l'âge de 10 ans, et l'écriture. En 1934, elle délaisse ses ambitions de concertiste pour se rendre à New York. Là, elle se consacre à l'écriture en suivant des cours de création littéraire à la Columbia University. Un an plus tard, elle épouse le caporal James Reeves McCullers. Carson se consacre à l'ébauche du roman 'Le cœur est un chasseur solitaire' (1940) qui est un véritable succès. D'autres œuvres suivront parmi lesquelles 'Reflet dans un œil d'or' (1942) et 'La ballade café triste' (1943). Après avoir divorcé de McCullers, elle se remarie avec celui-ci bien qu'elle entretienne une relation amoureuse avec son amie Annemarie Schwarzenbach. Fascinée par Paris comme tous ceux de la 'Lost Generation', elle s'y rend régulièrement et se promène à Saint-Germain-des-Prés aux côtés de son mari. Malgré leur relation de plus en plus tendue, ils achètent une maison à Bachiviliers en 1952. Un an plus tard, Reeves se suicide et laisse une Carson de plus en plus fébrile. Les problèmes de rhumatismes aigus qu'elle connaît depuis ses 15 ans l'handicapent ; Carson se fragilisera d'année en année pour mourir à seulement 50 ans le 29 septembre 1967.

Mon avis : (lu en janvier 2010)

Livre lu dans le cadre du Challenge Les coups de coeur de la blogosphère proposé par Brize et du Challenge 100 ans de littérature américaine

Ce roman a été écrit en 1940 par une jeune femme de 22 ans, Carson McCullers, c’est son premier roman. L’histoire se situe à la fin des années trente, dans une petite ville du Sud profond des Etats-Unis. L’auteur nous dresse le portrait de personnages attachants qui sont tous les clients du "Café de New York". Biff Brannon est le propriétaire du café, il aime observer ses clients pour oublier sa vie de couple qui ne lui plaît pas. Il aime aider les marginaux, les anormaux de toutes espèces. Jack Blount est un révolté que personne ne veut entendre surtout lorsqu’il est imbibé d’alcool ! Il rêve d’un monde plus juste. Benedict Copeland est le seul médecin noir de la ville, il souffre du mépris des Blancs qu’il subit au quotidien. Et il se bat chaque jour pour sortir son peuple de l’ignorance et de la servitude. Mick Kelly est une jeune fille garçon manqué qui ne rêve que de musique, la nuit Mick rôde dans les rues pour écouter la musique qui s’échappe des fenêtres ouvertes. Mick rêve de devenir un jour une grande musicienne. John Singer est silencieux et énigmatique, il est sourd-muet et lit sur les lèvres. Il a une grande écoute et chacun va lui confier sa révolte, ses espoirs, ses rêves. Mais aucun ne sait pas que toutes les pensées de Singer sont pour son ami Antonapoulos, sourd-muet également, qui est enfermé dans un hôpital psychiatrique.

Un livre sur la solitude des hommes plutôt pessimiste mais surtout plein d’humanité. Une superbe découverte d’un beau roman américain !

Extrait : (page 51)

Mick joignit les mains en forme de coupe les serra fort, et souffla à travers l’interstice entre ses pouces. Ses joues se gonflèrent et on n’entendit d’abord que le bruit de l’air s’engouffrant dans ses poings. Puis un sifflement aigu, perçant, retentit, et au bout de quelques secondes Bubber surgit du coin de la maison.

Elle secoua la sciure des cheveux de Bubber et redressa le bonnet de Ralph. Ralph ne possédait rien de plus beau que ce bonnet. Il était en dentelle et entièrement brodé. Le ruban du menton était bleu d’un côté et blanc de l’autre, et de larges rosettes surmontaient les oreilles. Sa tête était devenue trop grosse pour le bonnet et la broderie s’effilochait ; pourtant, Mick le lui mettait toujours quand elle l’emmenait en promenade. Ralph n’avait pas de véritable landau comme la plupart des bébés, ni de chaussons d’été. Il fallait le trimbaler dans un vieux chariot ringard qu’elle avait reçu pour Noël trois ans auparavant. Mais le beau bonnet lui donnait fière allure.

La rue était déserte : c’était dimanche, en fin de matinée, il faisait très chaud. Le chariot grinçait et bringuebalait. Bubber ne portait pas de chaussures, et le trottoir lui brûlait les pieds. Les ombres courtes des chênes verts donnaient une fausse impression de fraîcheur.

« Monte dans le chariot, dit-elle à Bubber. Et prends Ralph sur tes genoux. – Je peux très bien marcher. »

Le long été donnait toujours la colique à Bubber. Il était sans chemise, et on voyait ses côtes blêmes et saillantes. Le soleil, au lieu de le bronzer, le rendait pâle, et ses petits tétons se détachaient sur son torse comme des raisins secs bleutés.

« Ça ne me dérange pas de te tirer, insista Mick. Monte. – D’accord. »

Mick, nullement pressée d rentrer, traînait lentement le chariot. Elle se mit à parler aux gosses. En fait, c’était à elle-même plutôt qu’aux enfants qu’elle s’adressait.

« C’est curieux, les rêves que j’ai faits ces temps-ci. On dirait que je nage. Mais c’est pas dans l’eau que je nage, je pousse les bras, à travers des grandes foules de gens. La foule est cent fois plus nombreuse que chez Kresses la samedi après-midi. C’est la plus énorme du monde. Et quelquefois je hurle et je nage au travers, en bousculant les gens sur mon passage – et d’autres fois je suis par terre et on me piétine et mes intestins se répandent sur le trottoir. Ça ressemble davantage à un cauchemar qu’à un rêve ordinaire… »

Le dimanche, la maison était pleine de monde parce que les pensionnaires avaient des visites. On froissait des journaux, et il y avait de la fumée de cigare, et des bruits de pas dans l’escalier.

« Certains trucs, on veut simplement les garder pour soi. Pas parce qu’ils sont pas bien, seulement parce qu’on veut que ça reste secret. Il y a deux ou trois choses que je ne voudrais pas que vous sachiez, même vous. »

Bubber sortit quand ils arrivèrent au coin pour l’aider à descendre le chariot sur la chaussée et à le hisser sur le trottoir suivant.

« Il y a une chose pour laquelle je donnerais n’importe quoi. Un piano. Si on avait un piano, je m’exercerais chaque soir et j’apprendrais tous les morceaux du monde. Y a rien que je désire plus. »

Lu dans le cadre du challenge coeur_vs3 proposition de Brize

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Livre lu dans le cadre du Challenge 100 ans de littérature américaine

Voir le_coeur_des_un_chasseur_solitaire_25 (suite) Carson McCullers

A propos de l'édition qui comprend également l'esquisse de ce grand roman ainsi que l'ensemble des essais et des articles que Carson McCullers a publiés de son vivant. Ces textes précisent les références de ce prodige de la littérature américaine tout en mettant en valeur sa sensibilité et son engagement.

25 janvier 2010

Les Monts de l'Éléphant – Jean-François Chabas

les_Monts_de_l_El_phant École des Loisirs – février 2009 – 161 pages

Quatrième de couverture : Henri de Lespagne, 47 ans, est issu d'une famille des beaux quartiers, ravagée par l'orgueil et l'argent. Une famille qui s'est coupée du reste du monde et a pourri. Après s'en être détaché, il y a longtemps, il est devenu veilleur de nuit dans une tour où Sok Kateka, femme étrange, fait le ménage. En khmer, Kateka signifie " Promesse "...

Auteur : Jean-François Chabas est né en région parisienne en 1967. Après une adolescence mouvementée, il a exercé trente-six métiers avant de se consacrer exclusivement à l’écriture. Il vit en Provence, après avoir exploré entre autres le Pays basque et les Alpes. Il a publié plus de vingt romans pour la jeunesse et obtenu pour eux de nombreux prix, il fait son entrée en « littérature adulte » début 2004 avec un roman sur la mafia albanaise, "Les violettes".

Mon avis : (lu en janvier 2010)

C'est le premier livre que je lis de cet auteur. Ce sont les blogs de Clarabel et Sylvie qui m'ont donnée envie de découvrir ce livre.

« Il faut que je te raconte l'histoire de Promesse. » la première phrase nous annonce la couleur, mais avant de connaître Promesse, le narrateur, Henri 47 ans nous raconte avec beaucoup de détachement son enfance et sa famille durant plus de 100 pages... Henri est le petit dernier d'une famille de quatre enfants dans un milieu très riche. La famille de sa mère possédait des parts importante dans l'industrie de l'acier et celle de son père était propriétaire dans l'immobilier à Paris, en Belgique et au Luxembourg. Ils habitent un bel appartement avenue Kléber. Mais l'apparence est trompeuse, la famille ne va pas bien : le père est atteint d'une maladie mentale la dysmorphophobie que le pousse à se replier sur lui-même, la mère est une maniaque de l'ordre et est obnubilée par son argenterie, sa vaisselle et son mobilier de valeur. Sébastien le frère aîné est sarcastique, dès à 18 ans il deviendra délinquant, Paul « avait la musique dans l'âme » mais « n'était pas doué du tout, c'est un euphémisme. En nous écorchant les oreilles, il n'a pas contribué à rendre nos enfances faciles. » Ensuite il y a Charlotte « ma petite grande sœur chérie » discrète et courageuse et enfin Henri dit l'Hurluberlu « parce que j'étais toujours un peu ailleurs » « Je rêvais d'aventures, avec une application têtue, avec constance ». A travers l'enfance et l'adolescence, nous assistons à la chute de cette famille aux principes formatés. Avec les désastres de sa famille devant lui, Henri va se mettre à penser différemment, il ne veut pas les imiter. Sans diplôme, il devient coursier puis gardien de nuit dans un immeuble de bureau, c’est là, qu’Henri va rencontrer Promesse une femme de ménage qui rit tout le temps. Son vrai nom est Sok Kateka, elle est khmère et son histoire personnelle est bouleversante. Une histoire très touchante et drôle à la fois, destinée aussi bien aux adultes qu’aux ados. A découvrir !

Extrait : (page 32)

Tu sais, les familles... c'est un drôle de truc, les familles. Tu les regardes de loin et tu vois un groupe à peu près uni, tu te dis que les membres se ressemblent forcément, puisqu'ils sont du même sang, qu'ils grandissent ou vieillissent côte à côte... Et puis tu regardes de plus près les individualités, et tu te rends compte qu'ils peuvent différer les uns des autres à peu près autant qu'une carpe miroir, une crosse d'évêque et une pompe à vélo.
Une famille, ce n'est pas un puzzle. C'est plutôt une tas de bidules et de machins balancés ensemble dans une caisse, et plus ou moins forcés d'y cohabiter. Il y a une question de chance. Je veux dire que tu peux tomber sur des parents aimants, merveilleux, et qu'avec tes frères et sœurs, c'est aussi un peu la roulette. Nous connaissons tous des familles où on se hait, d'autres où on s'adore. Certaines où des clans se forment. Certaines dont les membres choisissent un mouton noir, un paratonnerre qui reçoit toutes les rancœurs, les jalousies et les hargnes recuites. Sébastien aurait pu être celui-là.

Tu imagines, un braqueur de dix-huit ans chez nous. Mais ça ne s'est pas du tout passé de cette façon. Pour chacun d'entre nous, il y a eu tant d'autres évènements qui ont suivi.

Non, tu sais, je me demande encore quelle sorte de famille nous étions. Aimante, ou pas ? Moche ? Arrogante ? Loufoque ? Divisée ? Je ne sais pas. A quarante-sept ans, je ne sais pas ce que c'est exactement qu'une famille.

24 janvier 2010

Les petites sœurs - Valérie Saubade

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Anne Carrière – janvier 2002 – 394 pages

Pocket – janvier 2009 – 349 pages

Présentation de l'éditeur

" Sarah Debussy avait, ce jour-là, une foule de choses à faire avant de mettre fin à ses jours. Elle tenait à se suicider comme elle avait vécu. Avec efficacité. " Qui a poussé Sarah Debussy à finir consciencieusement sa boîte de somnifères ? Pour sa famille, peu importe : il est avant tout extrêmement indécent de mettre fin à ses jours quand on appartient à la bourgeoisie. D'autant que la petite effrontée, pourtant morte et enterrée, semble envoyer post-mortem des lettres sibyllines signées de sa main. Alors qu'on accuse la défunte de ne pas vouloir faire comme tout le monde, Agathe, sa nièce, décide de suivre ce jeu de pistes et les méandres du passé de cette famille pas comme les autres...

Auteur : Née en 1966, Valérie Saubade est journaliste à Bordeaux. Après le succès de son premier livre "Happy birthday grand-mère"(1999), ont suivi "Les petites sœurs"(2002) et "Marche arrière"(2009).

Mon avis : (lu en janvier 2010)

Ce livre nous raconte une histoire de famille. Cela commence par le suicide de Sarah Debussy jeune femme brillante de 38 ans aux États-Unis. Pourquoi ce suicide ? Le lecteur va vite découvrir la famille de Sarah qui vit en France dans une vaste propriété en province. Il y a Albert le père qui régente tout. Les deux sœurs, Béatrice mariée à Jean-Alain et mère de Julien 18 ans et Bernadette mariée à Pierre-Louis mère d'Agathe 20 ans. Après sa mort, Sarah envoie à sa nièce Agathe des messages qui va lui permettre peu à peu de découvrir les secrets de la famille : Qu'est devenue Rosalynd la femme d’Albert ? Pourquoi Sarah est-elle partie aux Etats-Unis depuis vingt-ans ?

Avec Agathe, le lecteur va de découvertes en rebondissements dans cette famille pas comme les autres. Les personnages sont attachants, mystérieux ou mauvais. J'ai été prise par l'intrigue de cette histoire critique et plein d'humour d'une famille bourgeoise qui détient de lourds secrets. Une lecture distrayante qui se lit d'une traite !

Extrait : (début du livre)

San Francisco, Californie (États-Unis), octobre 1996

Sarah Debussy avait, ce jour-là, une foule de choses à faire avant de mettre fin à ses jours. Elle tenait à se suicider comme elle avait vécu. Avec efficacité.

A trente-huit ans, elle se laissait aller, lorsqu'elle était ivre, à vanter sa réussite professionnel. Elle dirigeait, avec fermeté mais élégance, le département de littérature étrangère d'une grande maison d'édition américaine. Son immense bureau vitré donnait sur la baie de San Francisco. Ses collaborateurs louaient sa gentillesse et sa disponibilité et son supérieur hiérarchique, vaguement amoureux de sa silhouette longiligne, multipliait les réunions informelles pour le seul plaisir de monologuer tout en lorgnant ses jambes.

Lovée dans un fauteuil en cuir beige, Sarah jeta un regard aigu en direction du canapé qui lui faisait face. La femme de ménage, qui entretenait son luxueux duplex, avait laissé sur un coussin un poil noir et soyeux appartenant à Sam, le compagnon de Sarah. Sam et Sarah formait depuis huit ans un couple inséparable. Il n'avait pas sa pareil pour la réveiller en douceur le matin, elle lui prodiguait en retour chaque soir de langoureusement caresses. Elle se demanda ce qu'il allait devenir. Un miaulement autoritaire la tira de ses réflexions. Sam exigeait de sortir sur la terrasse afin d'y guetter les pigeons.

Après s'être étirée, elle ajusta ses lunettes et consulta de nouveau sa liste. « Je n'aurai jamais terminé à temps », pensa-t-elle, agacée. En moins de cinq heures, il lui fallait expédier quelques lettres et colis, confier le chat à la femme de ménage, ranger une dernière fois son bureau et détruire certains fichiers de son ordinateur, aller chez le coiffeur puis se rendre à l'institut de beauté pour une ultime épilation. Sarah ne supportait pas le moindre poil sur son corps.

Elle se redressa, rajusta d'un geste maniaque un pli de sa jupe en lin beige et plia consciencieusement la feuille qu'elle tenait. « Des préparatifs pour une noce noire », songea-t-elle en glissant la liste dans son sac à main Hermès.

Déjà lu du même auteur : happy_birthday "Happy birthday grand-mère"

23 janvier 2010

Présent ? - Jeanne Benameur

Livre lu dans le cadre du logo_challenge_ABC- (8/26)

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Edition Denoël – août 2006 – 209 page

Folio – mai 2008 – 221 pages

Présentation de l'éditeur :

Elle aurait voulu être une bête, au moins ça aurait été clair. Elle est juste professeur de la vie et de la terre, mais il n'y a plus de vie il n y a plus de terre sous ses pieds quand son amant part. Alors au collège, elle n y va pas. Qu'est-ce qu'elle enseignerait, hein ? Son corps enseignant, il est ici. Son intelligence, sa patience, son savoir, tout pourrit sans caresse. Elle se racornit comme les feuilles de certaines plantes quand elles manquent d'eau. Elle peut juste attendre qu'il revienne ou qu'elle reparte le voir. Toute la vie suspendue dans l'intervalle. Sans son corps, elle ne peut pas enseigner C'est comme ça. Elle n'a de tête que si tout le corps vit. Et elle a beau essayer de penser autrement, elle n y arrive pas. Elle pense par la peau. Son corps la mène dans la vie et elle découvre un gouffre. Le corps peut manquer à l'appel. D'une écriture incisive et empathique, Jeanne Benameur brosse le portrait de tous les acteurs d'un collège de banlieue avant les émeutes, questionnant leur présence vive. Avec émotion, elle débusque les symboliques occultées du monde scolaire et les drames intimes de chacun: une brèche s'ouvre pour une pédagogie à rebours de tous les tabous.

Auteur : Jeanne Benameur a été professeur dans les établissements dits difficiles jusqu'en 2001 et se consacre désormais à un enseignement nomade, ponctuel. Elle a récemment publié chez Denoël Les Reliques.

Mon avis : (lu en janvier 2010)

Ironie de la vie, c'est le livre que j'étais en train de lire lors de la réunion parents-professeurs pour la classe de 3ème d'un de mes fils. Ce livre m’a vraiment beaucoup plu, il nous montre la vie d’un collège un jour de conseil de classe et d’orientation d’une classe de 3ème. C’est le jour où se joue l’avenir des élèves de la classe. On découvre la Principale, les différents enseignants, le conseiller d’orientation, les parents, le personnel de service, le «factotum» qui détient les clés, la documentaliste et bien sûr les élèves. Tous ces personnages sont plein d'humanité et ils sont très attachants.

Le prof de français profite des récréations pour se plonger dans un livre pour fuir le monde. «Lire, c’est rêver. Lire, c’est laisser des images se former à partir des mots choisis par les auteurs.» La jeune prof de SVT ne supporte plus d’aller au collège, elle n’arrive pas à tenir ses élèves et elle a perdue confiance en elle. Madison est une élève qui se trouve nulle en classe car ses notes sont médiocres, elle est discrète, presque invisible, mais elle a un don pour le dessin. D. est un élève bagarreur, qui va découvrir l’atelier d’écriture de la documentaliste et reprendre confiance en lui. La documentaliste donne au CDI un aspect de bien-être avec bouquets de fleurs, elle propose aux élèves un atelier d'écriture, elle initie à la lecture les élèves mais aussi le personnel du collège...

Un livre plutôt optimiste qui fait réfléchir sur le collège et l’avenir de nos enfants, il se lit très facilement. A découvrir sans tarder !

Extrait : (début du livre)

Il y a toujours trop de monde dans les couloirs.

Couloirs. Couloir du latin colare : couler, s’écouler. Dans les couloirs, les corps devraient s’écouler. Comme de l’eau. C’est l’étymologie.

On voudrait bien.

Glisser son corps au milieu des autres, fluide. De face, impossible. Il faut biaiser. En avant ! les épaules à l’égyptienne. Ça passe, un peu. Et puis tôt ou tard, la masse fait pression plus fort. Même de biais, on n’arrive plus. On a du mal à respirer. C’est la dynamique du trop.

Dans les couloirs, on est réduit.

C’est peut-être pour ça que les enfants se poussent. Les enfants, leur dynamique à eux est verticale. De la plante des pieds à la tête, ils se dressent, cherchent à voir au-dessus de la tête des autres, plus loin. Ils résistent. Peu importe le nombre. Les épaules en avant. Cohue, cris. C’est joyeux ou ça pleurniche, coude dans une côte, pied écrasé. Qui a commencé ?

Les profs n’aiment pas être pris là-dedans. Les profs ont déjà eu le corps resserré dans les couloirs du métro. Ils ont déjà dû faire paquet avec les autres, cartable pendue au bout du bras, toujours trop lourd. Impossible de jeter un coup d’œil sur la montre : le poignet ne peut plus se frayer de chemin. Ils ont poussé aussi, comme les gamins, contents de se trouver une place assise. Mais les épaules sont lasses.

Au collège, ils attendent que le flot soit passé en buvant un petit café avec les collègues. Reprendre force. Certains, plus sûrs, se lancent, d’autorité occupent un bord du couloir. Les élèves se plaquent un peu plus contre le mur d’en face. Ceux qui ont quitté le havre de la salle des profs dans la bousculade taillent alors un passage, pour un seul corps. Un plus timide peut emboîter le pas à son collègue. Si c’est une femme, c’est galant. Le temps d’un couloir on ouvre la voie, épaules élargies, on est un chevalier.

Les couloirs sont froids, immenses quand ils sont vides. Rien n’est parfait.

L’élève en retard est seul. Toujours.

La principale du collège aussi qui va constater les dégâts faits par un coup de pied dans une porte.

Ce serait bien de pouvoir être dans un couloir, juste à deux, coude à coude, avec seulement les murs pour border la conversation.

On pourrait marcher.

On pourrait apprendre, en marchant, dans le mouvement du corps. Il y a des idées parfois comme ça qui traversent la tête.

Mais dans le collège, les couloirs sont faits pour être bondés, puis vidés.

Livre lu dans le cadre du logo_challenge_ABC- (8/26)

Déjà lu du même auteur :

les_demeur_es Les demeurées    les_mains_libres_p_ Les mains libres

ca_t_apprendra___vivre_p Ça t'apprendra à vivre   laver_les_ombres Laver les ombres

si_m_me_les_arbres_meurent_2 Si même les arbres meurent

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21 janvier 2010

Ravel - Jean Echenoz

Livre lu dans le cadre du logo_challenge_ABC- (7/26)

ravel_ Les Editions de Minuit - janvier 2006 – 123 pages

Présentation de l'éditeur :

Ravel fut grand comme un jockey, donc comme Faulkner. Son corps était si léger qu'en 1914, désireux de s'engager, il tenta de persuader les autorités militaires qu'un pareil poids serait justement idéal pour l'aviation. Cette incorporation lui fut refusée, d'ailleurs on l'exempta de toute obligation mais, comme il insistait, on l'affecta sans rire à la conduite des poids lourds. C'est ainsi qu'on put voir un jour, descendant les Champs-Élysées, un énorme camion militaire contenant une petite forme en capote bleue trop grande agrippée tant bien que mal à un volant trop gros. Ce roman retrace les dix dernières années de la vie du compositeur français Maurice Ravel (1875-1937).

Auteur : Né en 1947, Grand nom de la littérature française contemporaine, Jean Echenoz s'impose avec un sens de l'observation unique et un style singulier. L'ancien étudiant en sociologie et en génie civil déclare être l'auteur de romans 'géographiques'. Il tâche en effet dans son oeuvre de tracer les conditions, les décors et les milieux qui fondent une existence, celle de personnages fictifs ou réels à l'instar de Ravel dans un roman éponyme ou d'Emile Zatopek dans 'Courir'. Amené à l'écriture suite à la découverte d''Ubu Roi' d'Alfred Jarry, Echenoz imprime sa propre empreinte avec un sens de la dérision hérité du dramaturge. Lauréat du prix Goncourt en 1999 pour 'Je m'en vais', l'auteur joue à détourner les codes du langage et les genres littéraires. Ainsi, il s'approprie le roman policier avec 'Cherokee' ou le roman d'espionnage avec 'Le Lac'. Ecrivain de la quête et de l'enquête, Jean Echenoz succède avec brio et innovation à la génération du Nouveau Roman, qui a fait la renommée de sa maison d'édition, Minuit.

Mon avis : (lu en janvier 2010)

Lu dans le cadre du Challenge des coups de cœur de la blogosphère proposée par Denis et du Challenge ABC 2010.

Ayant beaucoup aimé « Courir » de Jean Echenoz, j’étais très curieuse de découvrir ce livre qui nous raconte les dix dernières années de la vie de Ravel.

Cela commence avec son départ et son voyage sur le paquebot France pour sa tournée triomphale aux Etats-Unis. Grace à des recherches très documenté de l’auteur, le lecteur découvre ses goûts, ses manies, son quotidien mais aussi son travail. Ravel s’enferme dans la solitude, il est angoissé et insomniaque. Il est également conscient qu’il perd progressivement ses capacités à cause d’une maladie neurologique d’abord la mémoire puis l’usage de ses mains… Le style d'écriture donne de la fluidité à la lecture, le récit est concis et précis.

Je n’ai pas autant aimé ce livre que « Courir », mais j’en ai appris beaucoup sur Maurice Ravel et été très émue par sa fin de vie. une belle lecture.

Extrait : (page 20)

Une fois les lieux rapidement inspectés, Ravel jette un coup d’œil par l’un des hublots qui, pour un moment encore, commandent le quai : il observe la masse de parents et alliés qui s’y pressent en agitant des mouchoirs comme à Saint-Lazare, mais également des chapeaux et des fleurs et d’autres choses encore. Il ne cherche pas à reconnaître qui que ce soit dans cette foule : s’il a bien voulu qu’on l’escorte à la gare, c’est tout seul qu’il préfère embarquer. Une fois qu’il a ôté son manteau, déplié trois affaires et disposé son nécessaire de toilette autour des lavabos, Ravel va réserver une place dans la salle à manger auprès du maître d’hôtel puis, auprès du chef de deck, un emplacement de chaise longue. En attendant qu’on appareille, il s’attarde un moment au fumoir le plus proche dont les murs d’acajou sont incrustés de nacre. Il y grille encore une ou deux Gauloises et, à certains regards qui s’attardent ou se détournent, certains sourires discrets ou connivents, il croit comprendre qu’on le reconnaît.

Il y a de quoi, et c’est assez normal : il est à cinquante-deux ans au sommet de sa gloire, il partage avec Stravinsky le rôle de musicien le plus considéré du monde, on a pu voir souvent son portrait dans le journal. C’est assez normal aussi vu son physique : son visage aigu rasé de près dessine avec son long nez mince deux triangles montés perpendiculairement l’un sur l’autre. Regard noir, vif, inquiet, sourcils fournis, cheveux plaqués en arrière et dégageant un front haut, lèvres minces, oreilles décollées sans lobes, teint mat. Distance élégante, simplicité courtoise, politesse glacée, pas forcément bavard, il est un homme sec mais chic, tiré à quatre épingles vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Livre lu dans le cadre du logo_challenge_ABC- (7/26)

Lu dans le cadre du challenge coeur_vs3 proposition de Denis

20 janvier 2010

Mort sur liste d’attente – Veit Heinichen

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Seuil – janvier 2008 – 272 pages

Points – juin 2009 – 319 pages

traduction de l’allemand par Colette Kowalski

Quatrième de couverture :

Un vent de folie souffle sur Trieste. Le médecin d'une célèbre clinique de chirurgie esthétique est retrouvé dans son sang, sauvagement émasculé. Le commissaire Laurenti est immédiatement réquisitionné. Ses recherches dérangent et il ne semble jamais le bienvenu dans la clinique. Viendrait-on ici s’inscrire pour d’autres opérations que de simples retouches esthétiques ?

Auteur : Veit Heinichen, né en 1957, a été libraire, journaliste et éditeur en Allemagne. Amoureux de la ville de Trieste, il y vit désormais comme écrivain. Après ses romans, Les Requins de Trieste et Les Morts du Karst Mort sur liste d'attente est la troisième enquête du commissaire Laurenti.

Mon avis : (lu en janvier 2010)

J’ai pris un peu par hasard ce roman policier à la bibliothèque, je ne connaissais pas cet auteur. L’histoire nous plonge dans une enquête autour du trafic d’organe.

Au début, j’ai un peu été perdu car les chapitres se succèdent sans aucun lien semble-t-il… Nous sommes à Trieste : un roumain essaye de se rendre à Trieste par bateau en passant par Istambul. Un ancien médecin légiste de 82 ans est mis à la retraite. On découvre la clinique de chirurgie esthétique « La Salvia » et une discussion entre médecins et actionnaires. Lorenzo Ramses Frei enquête depuis bientôt deux ans sur la mort mystérieuse de sa compagne lors d’une conférence universitaire à Malte. Le commissaire Laurenti participe à l’organisation de la protection lors d’un sommet italo-allemand…

Un jeune homme vêtu d'une blouse d'hôpital se jette sous les roues d’une voiture officielle. Un chirurgien esthétique est retrouvé dans son jardin, mutilé et baignant dans son sang. Et le commissaire Laurenti se retrouve à la tête de deux enquêtes délicates. Et j’ai pris beaucoup de plaisir à suivre le commissaire Laurenti dans ses enquêtes sans oublier ses tracas personnels qui ajoute au personnage de l’humanité et à l’histoire de l’humour. Une belle découverte !

Extrait : (début du livre)

Un vent d’est glacial soufflait sur le port au bord de la mer Noire. Début mars, il avait encore fortement neigé à Constan a, et la neige crissait sous les pas. L’homme battait la semelle pour se réchauffer. Une fois à bord du cargo, il espérait être à l’abri jusqu’à Istanbul. Plus tard, sur l’autre bateau qui devait l’emmener à Trieste, il serait mieux loti, on le lui avait promis. Mais, auparavant, il lui fallait sortir de Roumanie sans passeport.

Il n’avait pas été difficile d’arriver sans encombre aux quais bien éclairés. A l’ombre des conteneurs empilés, ils attendaient en silence le signal qui devait venir à vingt heures trente précises du bateau amarré au môle. Dimitrescu devrait alors escalader le plus vite possible l’échelle de coupée. A la fin du voyage, on lui donnerait dix mille dollars – moins les frais de son accompagnateur, qui avait déjà déduit cinq cents dollars de l’acompte. Dix fois le salaire mensuel moyen en Roumanie – quand on avait du travail.

Ils se connaissaient depuis peu. L’intermédiaire, un type mielleux en costume bon marché, n’avait pas mis longtemps à le convaincre de l’affaire, comme il disait. Il ne savait pas que Dimitrescu le cherchait depuis des jours. Un rein, lui avait-il expliqué, c’est une bagatelle pour quelqu’un qui en a deux en bon état, mais c’est un bien précieux quand on a les deux malades. La recherche du groupe sanguin et le test immunologique furent vite expédiés. L’intermédiaire avait été dirigé vers Dimitrescu quand le frère jumeau de celui-ci, Vasile, n’était pas revenu de son voyage.

La famille avait longtemps attendu le retour de Vasile, espérant tous les jours le voir monter les escaliers de l’immeuble en préfabriqué, plein de courants d’air et mal chauffé, à la périphérie de Constan a, un peu fatigué peut-être, mais riant, et le voir entrer, une liasse de dollars à la main, dans la main, dans l’appartement où vivaient les familles des jumeaux et dont il voulait enfin faire sortir sa femme et ses trois enfants. Chaque fois qu’ils entendaient des pas dans la cage d’escalier, l’espoir se réveillait, mais de jour en jour la peur qu’il ne lui soit arrivé quelque chose grandissait. Jamais il ne les avait laissés sans nouvelles quand il partait gagner de l’argent dans une autre ville. Vasile n’avait même pas révélé à sa femme la raison de son départ. Seul Dimitrescu était dans la confidence. Il avait essayé de l’en dissuader, sans succès. Il y avait beaucoup à gagner et Vasile y voyait le seul moyen de sortir de sa situation désastreuse. Il n’était pas le premier à faire le voyage jusqu’à Istanbul, où se déroulaient les interventions. La ville était pleine de cliniques clandestines qui changeaient d’adresse avant que les autorités, peu actives, ne puissent les découvrir et mettre fin à leurs trafics. Le commerce était lucratif et des spécialistes chevronnés, sans scrupule, opéraient aussi vite que bien la clientèle venue de l’Ouest ou du Proche-Orient.

Avant que Dimitrescu n’ai retrouvé l’homme qui avait recruté Vasile, la terrible nouvelle était arrivée. Un soir avait surgi Cezar, un parent éloigné, qui parcourait toutes les routes du monde à bord de son poids lourd. Ils ne l’avaient pas vu depuis longtemps, si bien que, d’abord, personne ne sut ce qu’il voulait, mais, à un moment, il tira de sa veste une photo froissée qu’il posa sur la table. La femme de Vasile se cacha le visage dans les mains et poussa un long cri de détresse. Cezar expliqua que la photo lui avait été donnée à Trieste par un policier.Vasile était mort. Les mains de Dimitrescu tremblaient en prenant la photo et la carte du policier que Cezar lui remit.

16 janvier 2010

Happy birthday grand-mère – Valérie Saubade

Livre lu dans le cadre du logo_challenge_ABC- (6/26)

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Anne Carrière - août 1999 – 235 pages

Pocket - janvier 1999 – 235 pages

France loisirs – 2000 – 217 pages

Pocket – janvier 2009 – 235 pages


Présentation de l'éditeur

" J'ai décidé hier après-midi de tuer ma fille. A quatre-vingts ans, cela ne va pas être facile. D'autant que je me déplace en fauteuil roulant. ". mais cette octogénaire hémiplégique est bien déterminée à parvenir à ses fins. Car entre mère et fille, la haine est réciproque et implacable. Ancienne pianiste, adulée par les hommes, despotique, Eleonore ne s'est jamais préoccupée de personne sauf d'elle-même. Terne et aigrie, sa fille Elisabeth attend de pied ferme l'héritage. Et soigne sa mère indigne de façon très personnelle...

 

Auteur : Valérie Saubade, née en 1966, a été journaliste pendant sept ans. "Happy birthday grand-mère"  est son premier roman. Elle enseigne aujourd’hui à Bordeaux.

Mon avis : (lu en janvier 2010)

Ce livre un peu loufoque se lit très facilement. La narratrice, Éléonore est une vieille dame de 80 ans qui se retrouve dans un fauteuil roulant hémiplégique et muette suite à une attaque. Elle attaque fort dès la première phrase : « J'ai décidé hier après-midi de tuer ma fille. A quatre-vingts ans, cela ne va pas être facile. D'autant que je me déplace en fauteuil roulant. » Tout au long du livre, mois après mois, elle nous raconte une année de sa vie dans les griffes de sa fille Élisabeth qui est venue s’installer dans la maison familiale avec son mari Michel. « Ma vie jusque-là paisible se transforma en cauchemar »

Depuis toujours les rapports entre la mère et la fille ont été difficiles. Élisabeth n’hésite pas à maltraiter insidieusement puis de plus en plus ouvertement sa mère. « Il est facile de gâcher la vie d’une vieille dame infirme. Ma fille s’y entendait admirablement. » Malgré son handicap, Éléonore résiste grâce à l’aide de Léonie sa fidèle dame de compagnie depuis 40 ans, de son vieil ami et notaire Charles de Beaulieu, d’Antoine veuf qu ‘elle rencontre lors de son séjour dans la maison de retraite des Lauriers, de Charlotte sa nouvelle dame de compagnie âgée de 25 ans…

Le ton est à la fois corrosif et plein d’humour les méchancetés entre la mère et la fille sont de plus en plus fortes. Tous les personnages rencontrés dans cette histoire sont particulièrement bien décrits et l’auteur n’hésite pas à aborder les thèmes de l’héritage, de la maltraitance des personnes âgées, de l’absence d’amour entre une mère et ses enfants, du parricide et de l’infanticide sans aucun tabou. Qui d’Élisabeth ou Éléonore parviendra à ses fins ?


Extrait : (page 33)

J’avais donc décidé d’aller chez le notaire pour me venger des humiliations qu’Élisabeth m’infligeait. Je savais qu’elle était obsédée par la perspective d’hériter de notre maison de famille. Et très inquiète à l’idée que je décide d’avantager son demi-frère. Brian vivait aux Etats-Unis et ne venait me voir qu’une fois tous les deux ans. Comme feu son père, il était brillant mais un peu volage.

Pour Élisabeth, occuper le terrain – c’est-à-dire ma maison – semblait le plus sûr moyen de parvenir à ses fins. Sans doute s’imaginait-elle ainsi pouvoir contester un héritage défavorable, en arguant qu’elle s’était occupée de moi jusqu’à ma mort. Quoi qu’il en soit, elle se montrait excessivement préoccupée chaque fois qu’une rencontre avec mon notaire était organisée. D’autant qu’en dépit de mon handicap, je parvenais à lui interdire d’assister à ces entretiens confidentiels.

A l’issue de chacun de mes rendez-vous avec Charles de Beaulieu, Élisabeth me jetait un regard interrogateur, parfois proche de la panique lorsque je la toisais d’un air moqueur. Un plaisir innocent dont je ne me privais pas. D’autant que durant les deux jours suivant ces visites, ma fille redoublait d’attentions à mon égard.

Ma visite chez mon ami Charles de Beaulieu avait également pour but de rappeler à ma fille que, même physiquement diminuée, j’étais encore propriétaire des lieux. Élisabeth ne manifestait pas une tendresse excessive à mon égard, mais il était clair qu’elle s’était prise d’une grande affection pour ma maison. C’était peut-être le seul sentiment que nous partagions, elle et moi.



Livre lu dans le cadre du logo_challenge_ABC- (6/26)

14 janvier 2010

Le Tailleur de pierre – Camilla Läckberg

Livre lu dans le cadre du logo_challenge_ABC- (5/26)

le_tailleur_de_pierre Actes Sud – octobre 2009 – 477 pages

Traduit du suédois par Lena Grumbach et Catherine Marcus 

Présentation de l'éditeur :

" La dernière nasse était particulièrement lourde et il cala son pied sur le plat-bord pour la dégager sans se déséquilibrer. Lentement il la sentit céder et il espérait ne pas l'avoir esquintée. Il jeta un coup d'œil par-dessus bord mais ce qu'il vit n'était pas le casier. C'était une main blanche qui fendit la surface agitée de l'eau et sembla montrer le ciel l'espace d'un instant. Son premier réflexe fut de lâcher la corde et de laisser cette chose disparaître dans les profondeurs... " Un pêcheur de Fjâllbacka trouve une petite fille noyée. Bientôt, on constate que Sara, sept ans, a de l'eau douce savonneuse dans les poumons. Quelqu'un l'a donc tuée avant de la jeter à la mer. Mais qui peut vouloir du mal à une petite fille ? Alors qu'Erica vient de mettre leur bébé au monde et qu'il est bouleversé d'être papa, Patrik Hedstrôm mène l'enquête sur cette horrible affaire. Car sous les apparences tranquilles, Fjâllbacka dissimule de sordides relations humaines - querelles de voisinage, conflits familiaux, pratiques pédophiles - dont les origines peuvent remonter jusqu'aux années 1920. Quant aux coupables, ils pourraient même avoir quitté la ville depuis longtemps. Mais lui vouer une haine éternelle.

Auteur : Camilla Läckberg-Eriksson, née le 30 août 1974, est l'auteur de plusieurs romans noirs mettant en scène Erica Falck et dont l'intrigue se situe toujours à Fjâllbacka, port de pêche de la côte ouest en Suède. Ses ouvrages se sont tous classés parmi les meilleures ventes de ces dernières années dans son pays et le succès est aussi de mise à l'étranger. Dans la collection "Actes noirs" ont déjà paru La Princesse des glaces (2008) et Le Prédicateur (2009).

Mon avis : (lu en janvier 2010)Ayant beaucoup aimé les deux livres précédents : La Princesse des glaces et Le Prédicateur, j’ai retrouvé avec beaucoup de plaisir Erica Falk et Patrik Hedstrôm qui sont maintenant les jeunes parents d’une petite fille de deux mois Maja. Sara, une petite fille de sept ans est retrouvée dans le filet d'un pêcheur. Sa mère Charlotte et son mari Niclas sont désespérés, ils ont également un fils Albin et ils vivent chez Lilian, la mère de Charlotte. Lilian est en conflit avec son voisin Kaj qui a un fils Morgan atteint de la maladie d’Asperger (autisme avec un QI élevé). Tout le commissariat de Fjâllbacka (Patrick, Martin, Ernst, Gosta) se mobilise pour mener l’enquête.

Parallèlement, le lecteur suit entre 1923 et 1928 l'histoire d'une jeune fille Agnès qui cherche à s'émanciper et qui va se trouver liée pour son malheur avec le tailleur de pierre.

L'histoire est prenante et le suspens est fort car on cherche à comprendre le lien entre l’enquête et l’histoire du début du siècle et les nombreuses fausses pistes corsent la résolution de l’énigme. Tout comme les deux livres précédents, je me suis régalée en lisant les nouvelles aventures d’Erica et Patrick et j’attends avec impatience la traduction des volumes suivants !

Merci au site logo_alapage qui m'a fait cadeau

de "Le Tailleur de pierre" – Camilla Läckberg.

Extrait : (début du livre)

La pêche au homard avait connu des jours meilleurs. Autrefois, les pêcheurs professionnels travaillaient dur pour capturer les crustacés noirs. Aujourd’hui, les estivants passaient une semaine de vacances à pêcher pour leur plaisir personnel. Sans rien respecter. Au fil des ans, il avait constaté bien des entorses au règlement. Des gens sortaient discrètement des brosses pour éliminer les œufs bien visibles sur les femelles et ainsi faire croire qu’elles étaient licites. Certains relevaient des casiers qui ne leur appartenaient pas, et on voyait même des plongeurs cueillir les homards directement avec les mains. Il se demandait où cela s’arrêterait, si l’on ne pouvait même plus compter sur un code d’honneur entre pêcheurs. Une fois, dans la nasse qu’il remontait il avait trouvé une bouteille de cognac à la place des crustacés disparus, c’était déjà ça. Ce voleur-là avait malgré tout fait preuve d’une certaine classe, sinon d’humour. Frans Bengtsson trouva deux homards magnifiques dès le premier casier, et il sentit sa mauvaise humeur s’évaporer. Il avait l'œil pour repérer leurs passages et il connaissait quelques véritables mines d’or où les nasses se rem plissaient avec la même abondance d’année en année. Trois paniers plus tard, il avait amassé un tas non négligeable de ces précieuses bêtes. Il ne comprenait pas pourquoi le homard se vendait à des prix aussi éhontés. Certes, ce n’était pas mauvais, mais à choisir il préférait le hareng pour son dîner. C’était bien meilleur et d’un prix plus raisonnable. Mais les revenus qu’il en tirait augmentaient avantageusement sa retraite à cette époque de l’année.

La dernière nasse était particulièrement lourde et il cala son pied sur le plat-bord pour la dégager sans se déséquilibrer. Lentement il la sentit céder et il espérait ne pas l’avoir esquintée. Il jeta un coup d'œil par-dessus bord mais ce qu’il vit n’était pas le casier. C’était une main blanche qui fendit la surface agitée de l’eau et sembla montrer le ciel l’espace d’un instant.

Son premier réflexe fut de lâcher la corde et de laisser cette chose disparaître dans les profondeurs avec le casier. Mais il se reprit et tira à nouveau sur la corde. Il dut mobiliser toutes ses forces pour réussir à hisser sa trouvaille macabre dans la snipa en bois. Le corps mouillé, livide et inanimé roula sur le fond du bateau et lui fit immédiatement perdre son sang-froid. C’était un enfant qu’il avait sorti de l’eau. Une petite fille, les cheveux longs collés sur le visage et les lèvres aussi bleues que les yeux qui fixaient le ciel sans rien voir.

Frans Bengtsson se précipita pour vomir par-dessus bord.

Jamais Patrik n’avait pu imaginer qu’on puisse être aussi fatigué. Toutes ses illusions sur le sommeil des nourrissons avaient été systématiquement brisées ces deux derniers mois. Il passa les mains dans ses cheveux châtains coupés court pour les démêler, sans grand résultat. Si lui était crevé, il n’arrivait même pas à imaginer l’état d’Erica. Lui au moins était dispensé des fréquentes tétées nocturnes. Patrik se faisait du souci pour elle. Il n’arrivait pas à se rappeler l’avoir vue sourire depuis son retour de la maternité, et elle avait de grands cernes noirs. Le dé s espoir se lisait dans ses yeux le matin et il avait du mal à les laisser, Maja et elle. Pourtant il devait avouer qu’il était franchement soulagé de pouvoir s’échapper vers son monde professionnel rempli d’adul tes. Il adorait Maja par-dessus tout, mais se retrouver avec un bébé était comme entrer dans un univers inconnu, avec sans cesse de nouvelles raisons d’être aux aguets et stressé. Pourquoi ne dort-elle pas ? Pourquoi crie-t-elle ? A-t-elle trop chaud ? trop froid ? Est-ce qu’elle n’a pas des boutons bizarres ? Alors que les voyous adultes, il les pratiquait depuis longtemps et il savait comment les gérer.

Livre lu dans le cadre du logo_challenge_ABC- (5/26)

Lu du même auteur :

la_princesse_des_glaces La Princesse des glaces  le_pr_dicateur Le Prédicateur

12 janvier 2010

Le Beau Revoir – Guy de La Valdène

Livre lu dans le cadre du partenariat Blog-o-Book et Livre de Poche

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Le Cherche-Midi - novembre 2003 – 241 pages

Livre de Poche – février 2008 – 318 pages

traduit de l’anglais (États-Unis) Marie-Christine Loiseau

Présentation de l'éditeur : Normandie, années 1960. Vincent, né de père inconnu, habite le château du comte de Costebelle, où sa mère est femme de chambre, son oncle garde-chasse. Les saisons s'écoulent dans une douce quiétude. Vincent passe une grande partie de son temps dans la forêt avec les braconniers, qui l'initient aux mystères de la nature. L'été de ses dix-neuf ans, alors que Nicole, la fille du Comte, revient au château, après quelques années passées à l'étranger, l'oncle de Vincent est sauvagement assassiné. À l'approche de la grande chasse à courre, les événements se précipitent, Vincent, animé d'un désir de vengeance, se lance à la poursuite des assassins de son oncle en compagnie d'un ami et découvre de terribles secrets trop longtemps enfouis, concernant sa famille et le village. Il fait ainsi connaissance avec le double visage de la nature humaine, capable de la plus grande cruauté comme de la plus belle des loyautés.

En termes de vénerie, le « beau revoir » désigne l'empreinte bien marquée du pied d'un animal sur le sol. Celle qui permet à la Mort de localiser sa proie. Dans ce roman envoûtant, qui dresse un pont entre le roman naturaliste français et « l'école du Michigan », Guy de La Valdène recrée à la perfection la vie de village, ses mystères et ses non-dits et offre une vision violente et charnelle des noces de l'homme avec la nature.

Auteur : D’origine française, Guy de la Valdène est né à New York. Il a passé ses jeunes années en Normandie puis dans un lycée en Suisse avant de rejoindre l’université de Cornell. Il partage aujourd’hui son temps entre la Floride et la Normandie, se consacrant à l’écriture et aux parties de chasse et de pêche en compagnie de ses amis, Jim Harrison et Thomas Mc Guane.

Mon avis : (lu en janvier 2010)

Cette lecture a été un vrai plaisir, l’auteur nous entraîne dans la nature normande au milieu des bois, au bord de la rivière avec une histoire simple et touchante.

Dans les années 1960, au village de Merlecourt se côtoient deux mondes : les paysans qui sont également chasseurs, souvent braconniers  et le château où vit le comte de Costebelle et sa famille. Vincent Lebuisson a été élevé au château du comte de Costebelle, sa mère y travaillait. Après la mort de cette dernière, il vivait et aidait son oncle Serge le garde-chasse de la propriété. A l’âge 15 ans, il rencontre Ragondin, braconnier et fils de braconnier qui va devenir son ami. Il a seulement 19 ans lorsque son oncle Serge est sauvagement assassiné. Aidé de Ragondin, Vincent va tout mettre en œuvre pour retrouver les meurtriers.

L’auteur nous décrit le monde paysan avec beaucoup de détails et de réalismes. C’est également un hymne à la nature à travers des descriptions pleines de poésie et de sensualité de la chasse, de la pêche ou d’une simple promenade au bord de la rivière ou dans les bois… A découvrir pour les amoureux de la nature !

Merci à Blog-O-Book et aux éditions du Livre de Poche pour cette belle découverte !

 

Extrait : (page 114)

La boîte à tabac ronde qui ne quittait jamais la poche de la chemise de Serge avait glissé entre les coussins du fauteuil dans lequel Vincent somnolait. Il l'ouvrit, l'arôme familier le prit à la gorge et il se mit à verser toutes les larmes qu'il avait refoulées depuis que François avait annoncé la tragédie. Le visage dans les mains, il sanglotait. Après un long moment, quand il eut versé tout le chagrin dont il était capable, il se redressa et reposa la tête contre le dossier du fauteuil, laissant le silence du moulin recueillir sa peine.

Avant de se coucher, il alla jusqu'au bord de l'Eure et tâta la température de l'eau avec sa main.  Une mince couche de brouillard en dissimulait la surface. Sans réfléchir, il se déshabilla et entra dans l'eau. Ses pieds s'enfoncèrent dans la vase avant d'atteindre la fermeté du fond du gravier. Il frissonna. La température de l'eau avait suivi le changement de saison.

Pendant des années, quand arrivait l'été, Vincent allait presque toutes les nuits se baigner nu dans la rivière. Peut-être parce qu'il était sourcier et prévoyait la pluie, il avait surmonté sa crainte des eaux sombres. Il faisait partie de la rivière au même titre que les poissons. Certaines nuits, quand la lune était pleine et que les chouettes chassaient à ras des champs, il ne sortait pas de l'eau avant le lever du soleil. Maintenant, même la vase qui au début le dégoûtait lui inspirait une excitation insolite. Un samedi soir, après le bal, il avait ôté ses vêtements, s'était allongé à plat ventre dans un remous, la poitrine posée sur l'herbe chaude de la rive, et avait fait l'amour à la vase. Le lendemain matin, il s'était réveillé affolé, persuadé que son membre allait pourrir et se détacher de son ventre.

La rivière glissait sur son corps et l'entraînait dans des lieux familiers. Il traversait des zones d'eau chaude, puis d'eau froide et sentait l'air pur et frais de la nuit sur son visage. Porté par le courant, il regardait le brouillard s'ouvrir devant lui et se refermer après son passage. Il se demanda si Nicole viendrait nager avec lui comme lorsqu'ils étaient enfants. Au-dessus de lui, les étoiles illuminaient le ciel.

Livre lu dans le cadre du partenariat logotwitter_bigger et logo

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