Actes Sud - février 2016 - 240 pages
Présentation éditeur :
Après le succès de la trilogie Rosalie Blum, Camille Jourdy revient avec un nouveau roman graphique, vaudeville familial haut en couleur.
Auteur : Camille Jourdy a grandi dans le Jura, à Dole. Elle écrit et illustre son premier livre, Une araignée, des tagliatelles et au lit, tu parles d'une vie ! (Drozophile/Quiquandquoi, 2004), alors qu'elle est encore étudiante à l'Ecole des beaux-arts d'Epinal. Elle rejoint ensuite l'Ecole des arts décoratifs de Strasbourg. Après son diplôme, en 2005, elle s'installe à Lyon, où elle vit aujourd'hui.
Mon avis : (lu en octobre 2016)
Après avoir lu et aimé "Rosalie Blum", j'ai eu envie de découvrir "Juliette : Les fantômes reviennent au printemps".
Devenue parisienne d’adoption, Juliette revient pour quelques jours de congés dans la petite ville de province où elle a grandi. Elle revient voir son père, toujours seul après son divorce, sa mère qui collectionne les petis amis, sa grand-mère qui perd la tête et sa sœur Marylou, son beau-frère et ses neveux. Juliette cherche également à revoir la maison de son enfance. Elle va faire la rencontre de Pollux, le locataire actuel, c'est un solitaire qui aime passer son temps libre à jouer aux fléchettes dans le bistrot du coin.
Cette BD, pleine de sensibilité, met en scène de vrais instants de vie, des instants du quotidien... Quelques scènes inattendues ou décalées donnent une touche d'humour à cette chronique familiale... Le dessin est toujours expressif, avec un côté assez enfantin.
Extrait :





Déjà lu du même auteur :
Rosalie Blum

Masse Critique Babelio
Ecole des Loisirs - août 2016 - 272 pages
Quatrième de couverture :
Quand on est le fils d'un montreur d'ours, d'un Ursari comme on dit chez les Roms, on sait qu'on ne reste jamais bien longtemps au même endroit. Harcelés par la police, chassés par des habitants, Ciprian et sa famille ont fini par relâcher leur ours et sont partis se réfugier à Paris où, paraît-il, il y a du travail et plein d'argent à gagner. À peine arrivés dans le bidonville, chacun se découvre un nouveau métier. Daddu, le montreur d'ours, devient ferrailleur, M'man et Vera sont mendiantes professionnelles, Dimetriu, le grand frère, est «emprunteur» de portefeuilles et Ciprian son apprenti. Un soir, Ciprian ne ramène rien de sa «journée de travail». C'est qu'il a découvert le paradis, le jardin du Lusquenbour où il observe en cachette des joueurs de tchèquématte. Le garçon ne connaît rien aux échecs mais s'aperçoit vite qu'il est capable de rejouer chaque partie dans sa tête. C'est le début d'une nouvelle vie pour le fils de l'Ursari.
Auteur : Xavier-Laurent Petit a suivi des études de philosophie. Il devient instituteur puis directeur d'école.
En 1994 il se lance dans l'écriture avec deux romans policiers publiés chez Critérion. Le Crime des Marots est son premier roman. Il entre à l'École des Loisirs avec "Colorbelle-ébène" qui obtient le prix "Sorcières" en 1996. Ses premières publications sont des romans de science fiction pour la jeunesse. Il est ensuite récompensé par le Prix Goya du premier roman pour Le Monde d'en haut. Il écrit aussi pour des revues qui lui commandent des articles. Marié, quatre enfants, il vit à Saint-Maur-des-Fossés dans le Val de Marne.
Mon avis : (lu en novembre 2016)
Ce roman est un vrai coup de cœur. Une histoire d'actualité sur l'immigration mais également une histoire pleine d'espoir avec des personnages attachants. Ciprian est le fils de l'Ursari, c'est à dire d'un montreur d'ours. Avec sa famille, il parcoure les routes de Roumanie, allant de villages en villages pour présenter leur spectacle avec Găman, leur ours. Ils sont Roms, mênent une vie de bohême et sont souvent mal reçus par la population. Un beau jour, ils sont obligés de relâcher leur ours et de fuir leur pays, ils deviennent les victimes de trafiquants qui les conduisent en France. Ciprian et sa famille arrivent donc dans un bidonville à la périphérie de Paris. Pour rembourser la dette exorbitante qu'ils doivent au passeur et qui double à chaque mois de retard, toute la famille doit « travailler » c'est à dire mendier et voler... Lassé de passer ses journées dans le métro, Ciprian part à la découverte de Paris et il arrive dans le jardin du Luxembourg. Il est captivé alors par Madame Baleine et Monsieur Enorme qui jouent aux échecs. Ciprian les observe en secret derrière une palissade, et jour après jour il revient les regarder jouer et dans sa tête, il réussit à apprendre à jouer... Il vient de découvrir une passion qui va changer sa vie...
Voilà une histoire forte et bouleversante.
Merci Babelio et les éditions Ecole des Loisirs pour cette découverte coup de cœur !
Extrait : (début du livre)
Un jour Mică est morte.
C'était notre voiture.
Arrivée au sommet d'une côte, elle a lâché un pet effroyable et s'est arrêtée net. La cage de Găman a cogné l'arrière de la caravane, et mon père a poussé un juron. On n'a plus entendu que le piaillements des oiseaux qui s'enfuyaient et les ronflements de Mammada. Lorsque grand-mère dort, rien ne saurait la réveiller.
Mică était une spécialiste des pannes et ce n'était pas la première fois qu'elle nous laissait au bord de la route. Lorsque Daddu, mon père, a ouvert le capot, l'intérieur ressemblait à une bouillie de cambouis et de ferraille, un liquide noirâtre dégoulinait sur la route, et de la fumée s'échappait du moteur... Il nous a lancé un coup d'œil navré.
- Cette fois, c'est grave, a-t-il annoncé.
Rien n'aurait pu ressusciter Mică.
A son habitude, m'man n'a rien dit et ma sœur à vérifié son maquillage dans le rétroviseur. Depuis quelques mois, rien ne semblait plus important pour Vera que la longueur de ses cils et la couleur de ses lèvres. Dimetriu, mon frère, s'est roulé une cigarette et Mammada a ouvert un œil. Găman, lui, tournait en grondant dans sa minuscule cage. Le choc l'avait réveillé de sa sieste et les ours n'aiment pas les réveils brutaux.

16/18
Carole Matthieu

Vendredi 18 novembre 2016 à 20h55 sur Arte
Réalisé par Louis-Julien Petit
C'est l'adaptation du roman Les Visages écrasés de Marin Ledun
Synopsis : Médecin du travail à Melidem, une entreprise aux techniques managériales brutales, Carole Matthieu est témoin de la détresse des salariés harcelés. En totale empathie avec eux, elle tente en vain d’alerter sa hiérarchie sur les conséquences de ces pratiques, à l’origine d’un premier suicide. Alors quand Vincent, un employé dont elle suit depuis des années la descente aux enfers, la supplie à son tour de l’aider à en finir, elle y voit le seul moyen de contraindre les dirigeants à revoir leurs méthodes…
Acteurs : Isabelle Adjani, Corinne Masiero, Lyès Salem, Ola Rapace, Pablo Pauly, Arnaud Viard, Alexandre Carrière, Sarah Suco, Christian Joubert, Marie-Christine Orry, Sébastien Chassagne
Rediffusion : dimanche 20 novembre à 09h45
Sur Arte + du 18 au 25 novembre
Au cinéma à partir du 7 décembre
Déjà une année de plus... et huit bougies à souffler !


Qu'est-ce que je lis en ce moment ?
Le fils de l'Ursari - Xavier-Laurent Petit (Masse Critique Babelio)
Mourir partir revenir Le jeu des hirondelles - Zeina Abirached
Laëtitia - Ivan Jablonka
Que lirai-je les semaines prochaines ?
Le tableau - Laurence Venturi (Albin Michel)
Irmina - Barbara Yelin
Au bout du chemin - Patricia Hespel
Les Derniers Jours de Rabbit Hayes - Anna Mc Partlin
Bonnes lectures et bonne semaine.

Manufacture de livres - octobre 2014 - 240 pages
Livre de Poche - janvier 2016 - 240 pages
Quatrième de couverture :
Les Doges, un lieu-dit au fin fond des Cévennes. C’est là qu’habite Gus, un paysan entre deux âges solitaire et taiseux. Ses journées : les champs, les vaches, le bois, les réparations. Des travaux ardus, rythmés par les conditions météorologiques. La compagnie de son chien, Mars, comme seul réconfort. C’est aussi le quotidien d’Abel, voisin dont la ferme est éloignée de quelques mètres, devenu ami un peu par défaut, pour les bras et pour les verres. Un jour, l’abbé Pierre disparaît, et tout bascule : Abel change, des événements inhabituels se produisent, des visites inopportunes se répètent.
Un suspense rural surprenant, riche et rare.
Auteur : Franck Bouysse, né en 1967, vit à Limoges. Il a publié Noir Porcelaine, Vagabond et Pur Sang.
Mon avis : (lu en novembre 2016)
Voilà un roman noir très original que j'ai découvert grâce à Canel.
Dans les Cévennes, au lieu-dit Les Doges vit Gus, un paysan ayant la cinquantaine, taiseux et solitaire qui n'a que son chien, Mars, comme seul compagnie et réconfort. Son seul voisin, Abel est lui aussi un paysan solitaire et il a vingt ans de plus. Tous deux ne sont pas vraiment amis, mais se fréquentent et s'échangent des services et quelques verres... Voilà le cadre de ce huis clos campagnard posé.
Un jour d'hiver, Gus entend des cris et des coups de feu en provenance de la ferme de son voisin, pourtant il fait comme s'il ne s'était rien passé et en effet le lendemain tout semble normal, Abel est à sa tâche... Et pourtant quelque chose à changé... Petit à petit, le suspense s'installe, la tension monte... Le lecteur comprendra le sens du titre « grossir le ciel » dans les toutes dernières pages de ce roman sombre et dépaysant.
Un petit bémol pour la conclusion que je n'ai pas trouvé à la hauteur du reste de ce roman... A vous de découvrir ce roman néanmoins marquant !
Extrait : (début du livre)
C’était une drôle de journée, une de celles qui vous font quitter l’endroit où vous étiez assis depuis toujours sans vous demander votre avis. Si vous aviez pris le temps d’attraper une carte, puis de tracer une ligne droite entre Alès et Mende, vous seriez à coup sûr passé par ce coin paumé des Cévennes. Un lieu-dit appelé Les Doges, avec deux fermes éloignées de quelques centaines de mètres, de grands espaces, des montagnes, des forêts, quelques prairies, de la neige une partie de l’année, et de la roche pour poser le tout. Il y avait aussi des couleurs qui disaient les saisons, des animaux, et puis des humains, qui tour à tour espéraient et désespéraient, comme des enfants battant le fer de leurs rêves, avec la même révolte enchâssée dans le cœur, les mêmes luttes à mener, qui font les victoires éphémères et les défaites éternelles.
Le hameau le plus proche s’appelait Grizac, situé sur la commune du Pont-de-Montvert. Une route les reliait et devait bien mener quelque part : si on prenait le temps de s’y attarder.
Gus vivait ici, depuis plus de cinquante hivers. C’était en décembre que ce pays l’avait pris et que sa mère l’avait craché sur des draps durs et épais comme des planches de châtaignier, sans qu’il se sente dans l’obligation de crier, comme pour marquer son empreinte désastreuse dans un corps ancestral, une manière de se cogner à la solitude, déjà, dans ce moment qui le faisait devenir quelqu’un par la simple entrée d’une coulée d’air dans sa bouche tordue. Des gens diraient plus tard qu’on n’aurait pas dû le secouer comme on l’avait fait pour lui extorquer le fameux cri et que, si dans le futur il s’était mis à parler plus volontiers aux animaux qu’aux hommes, c’était un peu à cause de ce retard à l’allumage. Mais qui peut dire ce qu’il serait advenu si tout s’était déroulé normalement ? Et qui aurait pu soutenir que, justement, la volonté du Tout-Puissant n’était pas de changer la donne pour Gus, et que cette singularité n’augurait pas d’un destin supérieur ? Ce qui était certain, c’était que même les âmes les plus charitables ne se gênaient pas pour montrer du doigt ce poisson-là qui nageait à contre-courant depuis sa naissance.
La ferme de Gus était pinquée dans la partie la plus haute des Doges, à une dizaine de kilomètres à vol d’oiseau du Pont-de-Montvert. Elle était constituée de vieux bâtiments, de terres cultivées et de taillis acoquinés en forêt de châtaigniers, de pins, de chênes, de hêtres et de mélèzes, pour l’essentiel. Le tout s’étendait sur vingt-quatre hectares. Pour être précis, il faudrait dire qu’entre Les Doges et le village les kilomètres ne duraient pas pareil, selon qu’on était en bonne ou en mauvaise saison. Les distances, dans ce coin-là, c’est du temps, pas des mètres. Et Gus n’était pas un oiseau.
Dargaud - octobre 2016 - 432 pages
Quatrième de couverture :
En 1997, alors qu'il est responsable d'une ONG médicale dans le Caucase, Christophe André a vu sa vie basculer du jour au lendemain après avoir été enlevé en pleine nuit et emmené, cagoule sur la tête, vers une destination inconnue. Guy Delisle l'a rencontré des années plus tard et a recueilli le récit de sa captivité – un enfer qui a duré 111 jours. Que peut-il se passer dans la tête d'un otage lorsque tout espoir de libération semble évanoui ? Un ouvrage déchirant, par l'auteur de "Pyongyang", de "Shenzhen", de "Chroniques birmanes" et de "Chroniques de Jérusalem".
Auteur : Guy Delisle est né en 1966 à Québec. Il suit des études d'arts plastiques et d'animation et embarque pour l'Europe en 1988. Il entame alors une carrière d'animateur, métier qu'il exercera pendant dix ans, avant de réaliser son propre court-métrage, Trois Petits Chats. Il publie ses premiers albums à l'Association : outre Shenzhen, un récit de voyage lié à son métier d'animateur, citons Aline et les autres, remarquable exercice de style, proche de son travail en animation, suivi en 2001 par Albert et les autres. Par ailleurs, Guy Delisle n'hésite pas à s'aventurer dans d'autres univers avec la série humoristique Inspecteur Moroni ou Louis à la plage et Louis au ski, deux récits autobiographiques pleins de charme et sans parole. Par son regard, à la fois acéré et bienveillant, sur une culture étrangère, Chroniques birmanes constitue le prolongement de la démarche initiée avec Shenzhen et Pyongyang et poursuit la série d'ouvrages que Guy Delisle a consacrés à ses voyages en Asie.
Mon avis : (lu en octobre 2016)
Dans cet album, Guy Delisle raconte l'enlèvement de l'humanitaire Christophe André en 1997 en Ingouchie, une petite république de Russie située à l'ouest de la Tchétchénie. L'otage est enfermé dans une pièce avec une fenêtre fermée avec des planche, une ampoule au plafond, un matelas, il est menotté à un radiateur. La vie d'un otage est longue, monotone, rien ne se passe, trois fois par jour on lui apporte son repas, toujours le même menu : une tasse de thé et un bol de bouillon... Un peu de bouillon renversé, une cigarette offerte, un menu différent, ce sont des évènements marquants pour une journée !
Avec la répétition des journées, des semaines passées sans aucune information, le lecteur ressent la tension qui s'installe peu à peu, l'angoisse de l'otage qui compte les jours sans savoir quand viendra la fin de sa captivité... Pour éviter l'ennui et les pensées négatives, Christophe rejoue dans sa tête les grandes batailles napoléoniennes qu'il connait par coeur...
Voilà une histoire bouleversante où il se passe presque rien et qui est pourtant haletante.
A découvrir !
Extrait :



Déjà lu du même auteur :
Chroniques de Jérusalem
Shenzhen
Pyongyang
Le Guide du Mauvais Père tome 1
Chroniques Birmanes
Louis au ski
Le Guide du mauvais père tome 2

15/18

Rendez-vous le mercredi 9 novembre 2016
Lu en partenariat avec les éditions Denoël
Denoël - octobre 2016 - 304 pages
traduit de l'anglais (Canada) par Isabelle D. Taudière
Titre original : Laughing All The Way To The Mosque, 2014
Quatrième de couverture :
Zarqa Nawaz n’a que six ans quand ses parents, musulmans pakistanais aisés, s’installent au Canada. Le choc culturel est rude pour la fillette, qui doit affronter les préjugés de ses camarades autant que le conservatisme religieux de ses pairs… Jeune femme, elle a tôt fait de s’autoproclamer sultane de la dérision, et elle nous plonge dès les premières pages de ce roman tendre et hilarant dans la peau de cette enfant impertinente et lucide. Des mésaventures scolaires de la petite Zarqa à l’amour vache qui la lie à son flegmatique mari en passant par l’éducation de ses enfants, tout est délicieusement absurde, réaliste et d’une infinie tendresse dans ce récit d’une famille éternellement confrontée à sa différence culturelle et religieuse… et le résultat est savoureux, politiquement incorrect et salutaire.
Auteur : Née en 1968 à Liverpool, Zarqa Nawaz est une journaliste et réalisatrice britannico-canadienne d'origine pakistanaise.
Mon avis : (lu en octobre 2016)
J'ai beaucoup aimé cette lecture qui utilise un ton léger pour aborder des thèmes plus profond. Zarqa Nawaz vient d'une famille d'origine pakistanaise, sa famille est arrivée au Canada alors qu'elle avait six ans. Elle a donc été élevée avec cette double culture, à l'école elle découvre les habitudes canadiennes et la liberté et chez elle, les coutumes sont musulmanes et plus conservatrices... Zarqa est tour à tour naïve, révoltée, critique, elle pose pleins de questions, elle refuse à se plier aux exigences de sa communauté sans comprendre le pourquoi du comment, elle exige souvent de connaître la référence exacte de telle ou telle obligation ou interdiction. Gaffeuse mais au caractère bien trempé, elle bouscule les convictions des uns et des autres mais reste toujours fidèle à ses convictions religieuses.
Dans ce livre, elle raconte chronologiquement des instants de sa vie de son enfance à maintenant où elle mène de front sa vie de mère de famille de 4 enfants et sa carrière de journaliste et réalisatrice. Ils illustrent ce choc des cultures avec humour, ironie et autodérision.
C'est au cours de ma lecture et vers la fin du livre que j'ai découvert que Zarqa est la créatrice de la série "La Petite Mosquée dans la prairie" (Little Mosque on the Prairie).
Voilà un roman autobiographique intelligent et drôle pour aller au delà des préjugés.
Merci Chloé et les éditions Denoël pour cette lecture instructive mais également pleine d'humour.
Extrait : (début du livre)
À sept ans, j’ai approché un petit garçon dans la cour d’école. C’était un petit rondouillard aux cheveux noirs ondulés, assis tout seul sur les balançoires, une grosse sucette dans le bec.
« Dis-moi, Davy, tu crois en Dieu ? »
Il m’a regardée d’un drôle d’air et a haussé les épaules.
« Parce que tu sais, c’est très important de croire en Dieu. »
Il comprit tout de suite qu’il avait affaire à une fondamentaliste enragée.
« Si tu me pousses tout le temps que je veux sur la balançoire, je veux bien croire en Dieu. »
Mes récrés virèrent au cauchemar. J’avais les bras tout engourdis. Mais que n’aurais-je fait pour sauver l’âme de Davy ?
Je fus d’ailleurs bien récompensée de ma B.A. car, quelque temps plus tard, j’étais invitée à son goûter d’anniversaire. J’étais aux anges. En prenant place autour de la table bien garnie, j’avais l’eau à la bouche. Mais j’avais à peine commencé à vider les plats, que la maman de Davy m’arrêta :
« Non, ne mange pas ça !
— Mais c’est drôlement bon, protestai-je en continuant de m’empiffrer.
— C’est du jambon, expliqua-t-elle en fronçant les sourcils. Tu es musulmane, n’est-ce pas ? »
J’engloutis une dernière tranche aussi vite que ma conscience coupable me le permit. C’était si savoureux que j’aurais cru manger un bout de paradis. Je regardai tristement s’éloigner le plateau de charcuteries. Ma petite mine implorante n’y fit rien.
Quand ma mère vint me chercher, notre hôtesse se crut obligée de lui raconter l’incident.
« Je pensais qu’elle était assez grande pour reconnaître du porc… »
Ma mère regarda sa gloutonne de fille et soupira.
« Nous l’envoyons aux cours d’instruction religieuse à la mosquée, mais je ne sais pas trop ce qu’elle en retient. »
J’étais un peu vexée. J’avais tout de même compris qu’il fallait croire en Dieu. Et comment aurais-je pu faire le rapport entre les grandes images de jolis cochons roses barrés d’un immense X noir et ces délicieuses tranches de charcuterie sur une assiette ?
Davy me considéra d’un œil nouveau :
« Alors tu vas aller en enfer ?
— Bien sûr que non, voyons ! s’indigna sa mère. Elle a fait une erreur, mais, comme nous l’apprenons à l’église, Dieu sait pardonner.
— Parce que Davy va à l’église ?
— Naturellement. Nous sommes catholiques, tu sais. Et il est même enfant de chœur. »
Dès lors, je continuais à pousser Davy sur la balançoire parce que je m’y étais engagée, même si c’était pour de mauvaises raisons. Mais je décidai d’être plus attentive pendant les heures d’éducation religieuse. Dieu avait sans doute voulu me donner une leçon : m’occuper d’abord de mon âme, et apprendre à repérer les innombrables périls qui la guettaient en permanence. La religion était décidément une affaire bien compliquée.

14/18

C'est le jour du rendez-vous initié par Mallou proposé par
Galleane
Qu'est-ce que j'ai lu cette semaine ?

Qu'est-ce que je lis en ce moment ?
Mon petit bled au Canada - Zarqa Nawaz (partenariat Denoël)
Le fils de l'Ursari - Xavier-Laurent Petit (Masse Critique Babelio)
Que lirai-je les semaines prochaines ?
Grossir le ciel - Franck Buysse
Irmina - Barbara Yelin
Mourir partir revenir Le jeu des hirondelles - Zeina Abirached
Au bout du chemin - Patricia Hespel
Les Derniers Jours de Rabbit Hayes - Anna Mc Partlin
Bonnes lectures et bonne semaine.