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A propos de livres...

11 avril 2010

Les disparues de Vancouver – Élise Fontenaille

les_disparues_de_vancouvert Grasset – février 2010 – 194 pages

Présentation de l'éditeur :

" Pourquoi sortir l'affaire des disparues de Vancouver au moment des Jeux olympiques ? Parce qu'elle en est le négatif absolu... D'un côté, les cimes, la blancheur, la glace, l'exploit, la vitesse, les corps vainqueurs, venus du monde entier, ce que Vancouver veut montrer au monde, une image rêvée... De l'autre, la noirceur, un gouffre au coeur de la ville, les corps vaincus, détruits, drogués, les Indiennes, l'échec, la mort, tout ce que l'on voudrait cacher. " A Vancouver, les prostituées du downtown eastside disparaissent. Soixante-neuf déjà. Parmi elles, Sarah, jolie, rieuse, pleine de vie. Mais qui se soucie du sort de ces filles qui vendent leur corps pour un peu d'héroïne ? Dans ce roman vrai, émouvant, lucide, Elise Fontenaille offre à Sarah un espoir de survie : tombeau et résurrection.

Auteur : Elise Fontenaille, romancière, née à Nancy en 1960, elle a été journaliste pendant quelques années. Elle est l'auteur de La gommeuse (1997), Le Palais de la femme (1999), Demain les filles on va tuer papa (2001), L'enfant rouge (2002), Brûlements (2006), L'aérostat (2008). Fabuleuse raconteuse d'histoire, elle aime explorer des univers singuliers et mettre en scène des personnages atypiques.

Mon avis : (lu en avril 2010)

J'ai entendu parler de ce livre lors d'une émission de radio «Café crime» de Jacques Pradel sur Europe 1. Ce roman appartient à la collection « Ceci n'est pas un fait divers » et s'est inspiré d'un horrible fait divers. A Vancouver, durant plusieurs années, soixante-neuf prostituées du downtown eastside disparaissent sans explication. Le 5 février 2002, le coupable sera arrêté et la vérité atroce sur ses disparitions sera connue de tous. « Le procès Pickton durera six mois, de mai à décembre 2007 »

A travers ce récit l'auteur nous montre le combat difficile des proches des disparues pour tenter de les retrouver et de comprendre, elle dénonce aussi l'absence totale d'action de la part de police et des autorités considérant que les disparitions de pauvres indiennes, droguées et prostituées ne nécessitent pas d'enquête. Nous découvrons également la vie difficile des femmes de ce quartier downtown eastside et plus largement celle de la communauté indienne qui est méprisée et laissée pour compte.

Downtown Eastside (DTES) est le quartier le plus pauvre du Canada, il est situé en plein centre de Vancouver, « dix blocs qui ressemblent à l'enfer » et affichent des taux très élevés de toxicomanie et de séropositivité. C'est une réalité que les autorités préfèrent ignorer. Les disparues sont des prostituées du DTES, elles font cela pour « se payer des doses de crack et d'héroïne ». Elles sont pour la plupart indiennes, putes et drogués, leurs disparitions n'inquiètent pas la police, c'est la juste conséquence de la vie qu'elles mènent ! L'auteur va nous raconter l'histoire de l'une des disparues, Sarah. « Métisse de Black et d'Indienne, adoptée tout bébé par une famille libéral », « Une enfance heureuse, en apparence... En proie au racisme et au rejet à l'école, mais ça, à la maison, personne ne le savait, elle n'en parlait jamais. Trop fière pour ça Sarah, trop blessée. », « A l'adolescence, tout à volé en éclats : fugue, drogue, prostitution... » Lorsque Sarah à disparue, son ami, Wayne Leng, tente de retrouver son corps pour lui offrir de dignes funérailles : il monte un site et réunit les proches des autres disparues pour alerter les médias et l'opinion publique.

Avec ce livre, Élise Fontenaille dénonce également le racisme des canadiens vis à vis des populations indiennes. A travers un des chapitres du livre, elle revient sur un épisode tragique de l'histoire canadienne : depuis les années 1860 et jusqu'en 1970, les autorités canadiennes ont mis en place des orphelinats (les residential schools), « qui ressemblaient plutôt à des camps de concentration pour enfants », ils étaient destinés à assimiler les jeunes Indiens arrachés à leur tribu. L'auteur évoque aussi un livre de photos réalisées par Lincoln Clarkes, fasciné par les filles du Downtown Eastside, il les a traité « comme si elles devaient faire la Une de Vogue, comme si chacune était Sharon Stone ».

lincoln_clarkes

(la photo de la couverture est l'une des photos réalisées par Lincoln Clarkes)

Une histoire vraie qui nous donne de Vancouver une autre image que celle montrée lors des JO d'hiver. Le livre est court et percutant, il m'a donné envie d'en savoir plus.

Extrait :

Crab Park, la cérémonie

En ce matin de mai, il pleut à Vancouver, le port est embrumé. On devine la silhouette d'un cargo au loin, de hautes grues rouges qui oscillent en grinçant ; la cime des monts, de l'autre côté de la baie, a disparu, gommée par les nuages gris.
Le ciel est bas et lourd, comme souvent ici, mais cela n'altère en rien la splendeur du paysage : le spleen sied à Vancouver. Ciel liquide, océan, forêt, cité… Tout se confond, tout est noyé.
Une foule silencieuse est massée sous des parapluies colorés, face à l'océan Pacifique, devant un banc portant une plaque de cuivre gravé, dont la bruine ne parvient pas à ternir l'éclat.
Sur cette plaque, onze noms de femmes.

IN MEMORY OF L. COOMBES, S. DE VRIES,
M. FREY, J. HENRY, H. HALLMARK,
A. JARDINE, C. KNIGHT, K. KOSKI,
S. LANE, J. MURDOCK, S. SPENCE
& ALL OTHER WOMEN
WHO ARE MISSING. WITH OUR LOVE.
MAY 12, 1999.

Crab Park : une simple bande de gazon donnant sur le port industriel. Ici viennent les marins, les dockers… et aussi les filles de Skid Row, quand elles veulent se laver l'âme entre deux passes, en regardant l'océan, oublier un instant le downtown eastside, l'œil errant sur le gris ondoyant des vagues… Le Pacifique lave de tout, même des souillures de Skid Row.
Rassemblées en demi-cercle autour du banc, une centaine de femmes, la plupart indiennes, serrées les unes contre les autres, à deux ou trois sous un même parapluie, quelques hommes aussi. Soudain, les femmes se redressent, entonnent un chant rauque et lent, les hommes les accompagnent au tambour, battement sourd… Sans même comprendre, on a la gorge nouée. Une langue oubliée, surgie d'un passé obscur, qu'on croyait aboli… Même celles qui chantent, le sens des mots leur échappe, les jeunes surtout. Ce sont les anciennes qui mènent, elles savent, elles se souviennent… Il est question d'un départ, d'un chagrin qui n'a pas de fin.
A Vancouver, si l'on meurt, et si l'on a les moyens - cela coûte tout de même vingt mille dollars - on peut laisser un banc à son nom, dans un des parcs qui entourent la ville, avec quelques mots gravés, invitant les passants à se reposer un moment, à contempler l'océan… Un mémorial bucolique et léger.
Les femmes dont les noms sont inscrits ici ne sont pas mortes, pas officiellement en tout cas. Elles ont juste disparu.
Elles étaient là, au coin d'une rue… Soudain, elles n'y sont plus, nul n'a rien vu, rien entendu.
La mélopée s'interrompt, une femme s'empare d'un bâton hérissé de plumes d'aigle, le talking stick, elle prend la parole… Une Blanche robuste, Pat de Vries, la mère de Sarah, épaulée par Maggie, sa fille aînée.
S. DE VRIES : le deuxième nom sur le banc.
- Ce matin, je veux vous parler de Sarah, vous dire quelle enfant rieuse elle était, drôle, gaie, pleine d'énergie et de talents : elle dessinait, chantait, écrivait des poèmes aussi…
Les Indiennes opinent en silence, bras croisés, regards acérés ; des femmes fortes, elles en ont vu.
- … toujours à nous jouer des tours, tu nous faisais mourir de rire… Sarah, on ne rit plus aujourd'hui. Où es-tu ? Où êtes-vous toutes ?
Pat s'essuie les yeux. Un homme s'avance, prend le bâton à son tour : Wayne Leng, un ami de Sarah. La quarantaine gracile, un visage juvénile, barré d'une fine moustache à la Errol Flynn.
- Avant de disparaître, Sarah a laissé son Journal chez moi. Ceci, elle l'a écrit un soir de Noël, elle était seule dans les rues, elle avait froid… J'étais loin à ce moment-là.
Il lit, sa voix tremble un peu.
- Et voilà, une fois de plus c'est Noël. Cette année j'ai le regret de vous annoncer qu'il n'y aura pas d'arbre, pas de décoration, pas de dinde farcie pour le dîner. Le blues s'amplifie à chacun de mes souffles, le vide en moi grandit, il prend toute la place… Je sais que je n'en ai plus pour longtemps, je sais que bientôt, je vais disparaître. Ce soir je le ressens plus fort que jamais, déjà, je ne suis plus qu'une ombre… Est-ce qu'ils se souviendront seulement de moi, quand je ne serai plus là, les autres, leur vie continuera-t-elle comme avant ? Leurs yeux verseront-ils des larmes, le jour où ils me diront adieu…
Wayne plie la feuille en deux, la glisse dans sa poche, ému.
- On se souvient tous de toi, Sarah, on ne t'oubliera jamais… Je pense à toi très fort chaque jour et chaque nuit, tu seras toujours en moi.
Sarah, ça fait deux ans que Wayne la cherche, avec acharnement… Il a même quitté son travail, pour lui consacrer tout son temps.
C'est en déposant des affiches dans le downtown eastside, avec la photo de Sarah, qu'il a découvert qu'il y en avait bien d'autres, des disparues… Des affiches, il en a vu partout, sur les murs de Skid Row, laissées par des proches : des dizaines de femmes rayées de la carte du jour au lendemain, certaines depuis des années.
Quand il a vu les photos, il a compris que quelque chose de grave leur était arrivé, à toutes ces femmes… Il a essayé d'alerter les autorités, les flics lui ont ri au nez.
Un micheton, s'inquiéter pour une pute ? On aura tout vu…
Pour pallier le laxisme de la police, Wayne a créé un site, MISSING… C'est devenu sa vie, il y travaille jour et nuit.
Les enfants de Sarah sont là eux aussi, devant le banc, tout petits, blottis entre Pat et Maggie ; Pat pense que c'est bien qu'ils sachent, qu'ils soient présents, en ce jour. Ce qu'on leur cache, ils le devinent, alors…
- Pourquoi elle a pas de tombe, maman…, chuchote Sarah-Jean, petite fille aux grands yeux noirs, vivant portrait de Sarah.
Wayne se penche, caresse la petite tête brune… Il soupire, se relève, passe le bâton à la mère d'Angela Jardine.

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10 avril 2010

Victoria et les Staveney – Doris Lessing

victoria_et_les_staveney Flammarion – mars 2010 – 150 pages

traduit de l'anglais Philippe Giraudon

Présentation de l'éditeur

Victoria n'a jamais oublié sa rencontre, à l'âge de neuf ans, avec une riche famille blanche, les Staveney. Ce souvenir entêtant la poussera, des années plus tard, à entamer une liaison avec leur fils, Thomas. De cette histoire naîtra Mary, petite fille à la peau claire et au sourire radieux. En adoration devant l'enfant, les Staveney proposent de l'accueillir chez eux de plus en plus souvent. Victoria, toute à la réalisation de la chance que représenterait une telle éducation pour sa fille, n'imagine pas quelles conséquences aura sa décision. La grande dame des lettres anglaises revient sur ses thèmes de prédilection : le racisme, l'hypocrisie, l'ambition. Un regard sans concession et d'une incroyable modernité sur notre époque.

Auteur : Doris Lessing est née en Perse en 1919 et a vécu une grande partie de son enfance au Zimbabwe. Devenue célèbre dès son premier livre, Vaincue par la brousse (1950), elle est aussitôt apparue comme un écrivain engagé aux idées libérales. Prix Nobel de Littérature en 2007, elle est l'auteur d'une quarantaine d'ouvrages, parmi lesquels le célèbre Carnet d'or (Prix Médicis étranger), mais aussi Mémoires d'une survivante. Flammarion a notamment publié Le Rêve le plus doux (2004), Les Grand-mères (2005), Un enfant de l'amour (2007), et Alfred et Emily (2008).

Mon avis : (lu en avril 2010)

C'est le premier livre que je lis de cette auteur, Prix Nobel 2007. Ce livre est très court, je l'ai lu en moins d'une heure. C'est une histoire d'amour, de racisme et d'hypocrisie.

A l'âge de 9 ans, Victoria, une orpheline à la peau noire, rencontre les Staveney, une riche famille blanche et passe une nuit dans leur maison aussi belle que dans un conte de fée. Dix ans plus tard, elle retrouve Thomas Staveney son camarade de classe de l'époque et fils de la famille. Ils eurent une liaison le temps d'un été dont naîtra Mary. Victoria commence par la cacher avant de la présenter aux Staveney lorsqu'elle sera âgée de 6 ans, elle espère que grâce à cela Mary pourra bénéficier d'une meilleure éducation. Mais le bon accueil des Staveney pour Mary n'est pas sans conséquences...

Même si les Staveney sont d'un milieu avec des idées larges, il y a encore un grand fossé entre les idées et la réalité d'accepter les différences. J'ai trouvé très sympa cette histoire, mais j'ai malgré tout eu une impression d inachevé.

J'ai appris qu'à l'origine ce texte est une nouvelle extraite d'un recueil de quatre nouvelles "The grandmothers" (The Grandmothers , Victoria and the Staveneys, The Reason for It, A Love Child), paru en 2003. Deux autres des nouvelles sont déjà parues en français :

les_grand_m_res_ Les grand-mères (2005) et l_enfant_de_l_amour_ Un enfant de l'amour (2007)

Extrait : (début du livre)

La cour de récréation était déjà plongée dans une ombre glacée. En arrivant au portail, les gens regardaient dans la direction d'où s'élevaient les voix de deux groupes d'enfants. Il était malaisé de distinguer qui était qui. Une sorte d'instinct permettait aux enfants du groupe le plus important de reconnaître leurs proches parmi les arrivants, et ils se précipitaient vers eux, seuls ou par paires, afin qu'on les ramène à la maison. Deux enfants restaient isolés au milieu du terrain, lequel était entouré de hauts murs surmontés de tessons de verre. Ils faisaient beaucoup de bruit. Un petit garçon se démenait, distribuait des coups de pied à l'aveuglette, en hurlant :

- Il a oublié. J'avais bien dit à maman qu'il oublierait !

Une fillette essayait de le calmer et de le consoler. Lui était grand pour son âge, tandis qu'elle était fluette, la tête hérissée de nattes raides dont les rubans roses pendaient, amollis par l'humidité froide. Elle était plus vieille que lui, mais non plus grande. Malgré tout, forte de ses deux années supplémentaires, elle le réprimandait :

- Allons, Thomas, ne fais pas ça. Inutile de brailler, ils vont venir.

Mais lui refusait de se calmer.

- Laisse-moi, laisse-moi ! Je ne veux pas ! Il a oublié !

Plusieurs personnes arrivèrent en même temps au portail. Parmi elles, un grand garçon blond d'une douzaine d'années, qui se mit à scruter les ténèbres. Il aperçut Thomas, son frère, qu'il venait chercher, tandis que d'autres parents tendaient déjà les bras et s'avançaient. Il y eut un instant de tumulte et de désordre. Edward, le grand blond, attrapa par la main le petit Thomas, lequel continua de se débattre en se plaignant :

- Tu m'as oublié, oui, tu m'as oublié !

Edward observa les autres enfants qui disparaissaient dans la rue, puis il se retourna et s'éloigna avec Thomas.

Il faisait froid. Victoria n'était pas assez vêtue. Elle frissonnait, à présent que l'enfant récalcitrant ne la contraignait plus à s'activer. Les bras serrés autour de son corps, elle se mit à pleurer en silence. Le concierge de l'école émergea de l'obscurité, rabattit la grille du portail et la verrouilla. Lui non plus ne vit pas la fillette. Avec son pantalon marron foncé et sa veste noire, elle n'était qu'une tache plus sombre dans l'obscurité tourmentée de la cour où le vent se levait.

9 avril 2010

Le Club Jane Austen - Karen Joy Fowler

Livre lu dans le cadre du partenariat Blog-o-Book - La Table Ronde

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La Table Ronde – octobre 2005 – 335 pages

Folio – avril 2007 – 384 pages

traduit de l’anglais (États-Unis) par Sylvie Doizelet

Présentation de l'éditeur :

Un de ces livres rares qui nous rappelle ce qu'est le bonheur de lire. " New York Times Book Review.

" La conversation de ce club est tour à tour enjouée, intelligente et anodine. Mais ce n'est pas tout : les protagonistes dégustent des desserts hautes calories, sirotent des margaritas et s'évadent dans leurs rêveries. Comme Jane Austen, Fowler est un esprit subversif et une fine observatrice des relations humaines. " Publisher's Weekly.

" Cinq femmes et un homme se réunissent régulièrement pour discuter de l'œuvre de l'une des plus grandes romancières anglaises. Ça se passe en Californie, au début du XXIe siècle, et ce sont des gens normaux, ni heureux, ni malheureux chacun avec une blessure et tous hantés par l'amour. A eux seuls ils forment le Club Jane Austen éternel et avec eux Karen Joy Fowler compose un roman qui est si réussi, si délicat, si plein d'esprit que les admirateurs d'Emma et d'Orgueil et préjugés vont défaillir de bonheur. " Washington Post.

Auteur : Auteur américaine, née en 1950 d'un père psychologue et d'une mère professeur des écoles, Karen Joy Fowler est bercée par une littérature aussi riche que variée (de 'l'Iliade' d'Homer à 'Winnie l'ourson'). En 1968, elle rejoint l'université de Berkeley ou elle va développer un intérêt particulier pour les grandes causes. Anti-guerre activiste, c'est lors d'une manifestation qu'elle rencontre son mari. Lors de son parcours universitaire, elle découvre les cultures de l'Inde et de l'Asie. Car découvrir le fonctionnement du monde par les hommes la fascine. Après avoir eu deux enfants, lors de son trentième anniversaire, elle décide de devenir écrivain.

Mon avis : (lu en avril 2010)

J’ai souvent entendu parler en bien de Jane Austen mais je n’ai jamais eu l’occasion de la lire… En acceptant de lire ce livre, je me suis d’abord dit qu’il faudrait peut-être que je lise au moins un livre de cette auteur… mais par lequel commencer ? Finalement faute de temps, j’ai commencé ce livre sans avoir lu du Jane Austen, j’ai quand même lu sur internet l’article qui lui est consacrée sur wikipédia.

Le Club comprend six membres qui se réunissent une fois par mois pour discuter autour des livres de Jane Austen. Celle qui est à l'initiative de ce Club, c'est Jocelyn californienne et célibataire de cinquante ans, elle a invité sa plus vieille amie Sylvia et la fille de celle-ci Allegra. Il y a aussi Bernadette, Pruni une professeur de français et Grigg le seul homme du groupe.

Chaque chapitre présente un des six romans de Jane Austen et également un des membres du Club. Il est question de sentiments, de relations, d'amour et le fait de n'avoir jamais lu Jane Austen ne m'a vraiment pas gêné. Avant de commencer le livre, j'avais lu les résumés des œuvres de Jane Austen que l'on trouve à la fin du livre dans Le guide du lecteur avec également les opinions de son entourage à la parution de ses romans et les questionnaires des membres du Club Jane Austen. J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce livre et il m’aura donné envie de découvrir vraiment Jane Austen et enfin de lire son œuvre !

Merci à Blog-o-Book et aux éditions de la Table ronde de m'avoir permis de découvrir ce livre,

the_jane_austen_book_club_film

J'ai appris qu'il existe également un film en DVD datant de 2007 tiré de ce livre, réalisé par Robin Swicord avec Maria Bello, Amy Brenneman, Jimmy Smits, Emily Blunt, Kevin Zegers, Hugh Dancy, Maggie Grace, Marc Blucas, Kathy Baker.

Extrait : Prologue

Chacun de nous possède sa propre Jane Austen.

Celle de Jocelyn a écrit de merveilleux romans sur l'amour et l'art de faire la cour, mais ne s'est jamais mariée. C'est elle qui a eu l'idée du club, et c'est elle qui a choisi les membres. Elle a plus d'idées en une seule matinée que le reste d'entre nous en une semaine, et plus d'énergie aussi. Il est essentiel de réintroduire Jane Austen dans notre vie d'une manière régulière, a dit Jocelyn, nous regardant l'une après l'autre. Nous avons soupçonné un plan secret, mais qui oserait se servir de Jane à des fins malhonnêtes ?

La Jane Austen de Bernadette est un génie comique. Ses personnages, ses dialogues gardent leur drôlerie d'origine, contrairement aux bons mots de Shakespeare, qui ne vous amusent que parce qu'ils sont de Shakespeare et que vous lui devez bien ça.

Bernadette était la plus âgée des membres du club. Elle venait d'atteindre soixante-sept ans. A cette occasion, elle a annoncé que désormais elle se laisserait aller. « Je ne me regarde plus dans la glace, nous a-t-elle dit. Si seulement j'y avais pensé des années plus tôt... »

« Comme un vampire », a-t-elle ajouté et, présenté ainsi, nous nous sommes demandé comment les vampires se débrouillent pour être toujours aussi impeccables. La plupart d'entre eux auraient plutôt dû ressembler à Bernadette.

Un jour, au supermarché, Prudie avait croisé Bernadette en pantoufles, les cheveux en bataille comme si elle ne s'était même pas peignée. Elle achetait des fèves de soja surgelées, des câpres et autres articles qui ne pouvaient être de première nécessité.

Le livre préféré de Bernadette était Orgueil et préjugés. C'est certainement celui que tout le monde préfère, a-t-elle dit à Jocelyn. Elle recommandait de commencer par lui, mais le mari-depuis-trente-deux ans de Sylvia venait juste de demander le divorce et, dans un contexte si récent et si sensible, Jocelyn n'imposerait pas à Sylvia le séduisant M. Darcy. « Nous commencerons avec Emma, a répondu Jocelyn. Car personne après l'avoir lu ne peut avoir envie de se marier. »

Jocelyn et Sylvia s'étaient rencontrées à l'âge de onze ans ; elles avaient une petite cinquantaine à présent. La Jane Austen de Sylvia est une sœur, une fille, une tante. La Jane Austen de Sylvia écrit ses livres dans une salle à manger remplie de monde, les lit à voix haute à sa famille, et reste une fine et impartiale observatrice de ses semblables. La Jane Austen de Sylvia peut aimer et être aimée, mais cela ne trouble pas sa vision, n'émousse pas son jugement.

Il était possible que Sylvia ait été la raison d'être du club, et que Jocelyn ait simplement cherché à l'occuper pendant cette période difficile. Elle en était tout à fait capable. Sylvia était sa plus vieille et plus proche amie.

N'est-ce pas Kipling qui a dit : « Quand tout va mal, rien ne vaut Jane Austen »? Ou quelque chose comme ça.

Livre lu dans le cadre du partenariat

logo_bob_partenariat - quai_voltaire

6 avril 2010

Netherland - Joseph O'Neill

netherland Éditions de l'Olivier - août 2009 – 296 pages

traduit de l'anglais (États-Unis) Anne Wicke

Quatrième de couverture :

Hans et Rachel vivent à New York avec leur jeune fils lorsque surviennent les attentats du 11-Septembre. Quelques jours plus tard, ils se séparent, et Hans se retrouve seul, perdu dans

Manhattan, où il ne se sent plus chez lui. Il fait la connaissance de Chuck, un homme d’affaires survolté qui rêve de lancer le cricket à New York. Sur des terrains de fortune, Hans tente d’échapper à la mélancolie. Le charisme de Chuck draine une foule de joueurs du dimanche, tous venus d’ailleurs – de Trinidad, de Guyane ou de plus loin encore –, tous persuadés que l’Amérique reste le pays des possibles.

Alors que le monde entier ne croit plus en rien, eux continuent d’espérer. Au milieu de ces exilés, Hans retrouve un second souffle. Mais qui est Chuck ? Il faudra des années avant que le mystère qui entoure sa véritable identité finisse par se dissiper.

Ce très beau livre, souvent comparé à Gatsby le Magnifique, est à la fois une parabole sur la fin du rêve américain et un roman d’amour aux résonances poignantes.

Auteur : Né à Cork (Irlande) en 1964, irlandais par son père, Turc et francophone par sa mère, Joseph O'Neil grandit au Mozambique, en Iran et au Pays-Bas avant de devenir avocat d'affaires à Londres puis de s'installer à New York avec son épouse britannique... Cet héritage culturel pour le moins hétéroclite nourrit l'intrigue et l'univers de son troisième roman et premier succès, 'Netherland', un portrait du New York de l'après-11-septembre paru en 2009 en France. Journaliste pour Atlantic Monthly, Joseph O'Neil est également l'auteur de 'Blood-Dark Track : a Family History', une enquête autobiographique sur le passé de ses grands-parents.

Mon avis : (lu en avril 2010)

Pourquoi ai-je choisi ce livre à la bibliothèque ? En premier lieu parce que l'auteur est né en Irlande (suite au swap St Patrick, je suis toujours curieuse de découvrir des auteurs irlandais), ensuite la lecture de la quatrième de couverture m'a donné envie... enfin, les Éditions de l'Olivier sont souvent pour moi gage de qualité.

Le titre est mystérieux, « Netherland », un dictionnaire m'apprend que cela veut dire « Pays-Bas », nom du pays d'origine du narrateur, Hans (dont le nom intégral est Johannus Franciscus Hendrikus van den Broek).

Hans a la trentaine, il est analyste financier. Il est né et à grandit aux Pays-Bas, à l'âge de 20 ans il est parti travailler à Londres, il a rencontré Rachel et s'est marié avec elle. En 1999, Hans et Rachel sont partis s'installer à New-York, ils ont eu un fils Jack. L'essentiel de l'action du roman se situe quelques mois après les attentats du 11 septembre 2001 : la chute des tours a ébranlé leur couple « Nous avions perdu la capacité de nous parler. L’attaque contre New York avait ôté tout doute à ce sujet. Elle ne s’était jamais sentie aussi seule, aussi mal, aussi loin de chez elle, que durant ses dernières semaines… » Rachel est retourné à Londres avec Jack et Hans vit maintenant seul dans New-York encore traumatisée, il retourne environ deux fois par mois à Londres pour voir son fils. Il va faire par hasard la rencontre de Chuck, originaire de Trinidad, autour d'une passion commune le cricket. L'auteur utilise le criquet comme un symbole de justice et de fraternité entre les hommes et nous offre le portrait d'un New-York multiculturel car en effet, l’équipe de Hans est composé d’hommes originaires de Trinidad, de Guyane, de Jamaïque, d’Inde, du Pakistan et du Skri Lanka, soit trois hindouistes, trois chrétiens, un sikh, quatre musulmans…

En découvrant ce livre, j'ai appris également que Netherland, un an après sa sortie aux États-Unis, avait bénéficié d’une publicité exceptionnelle, en effet, interrogé sur ses lectures par la BBC, Barack Obama avait répondu qu’il était en train de le lire, et qu’il le trouvait « excellent ».

Pour ma part, je ne suis pas aussi enthousiaste concernant ce livre, j'ai bien aimé ce portrait multicolore de New-York, mais le criquet est resté pour moi un sport mystérieux...

Extrait : (début du livre)

La veille de mon départ de Londres pour New York - Rachel m'avait précédé de six semaines -, dans l'après-midi, je me trouvais au travail, à mon bureau, je rassemblais mes affaires, lorsqu'un des grands vice-présidents de la banque, un Anglais d'une cinquantaine d'années, vint me souhaiter bonne chance. J'en fus surpris ; il travaillait dans une autre partie de l'immeuble, dans un autre service, et nous ne nous connaissions que de vue. Néanmoins, il me demanda force détails sur l'endroit où je comptais m'installer (« Watts Street ? À quelle hauteur, dans Watts ? »), puis s'épancha quelques minutes sur les souvenirs de son loft dans Wooster Street et de ses virées au magasin « original » Dean & DeLuca. Il ne cherchait
absolument pas à dissimuler son envie.
« Nous n'y resterons pas longtemps », dis-je en la jouant profil bas sur ma bonne fortune.
Car tel était le plan conçu par ma femme : s'installer à New York un à trois ans puis rentrer.
« Vous pensez ça aujourd'hui, me dit-il. Mais New York, c'est une ville qu'il est très difficile de quitter. Et une fois qu'on la quitte... »
Il ajouta en souriant : « Elle me manque toujours, pourtant, j'en suis parti il y a douze ans. »
Ce fut alors mon tour de sourire - un peu parce que j'étais gêné, en fait, car il avait parlé avec une spontanéité tout américaine.
« Eh bien, nous verrons, dis-je.
- Oui, c'est ça. Vous verrez. »
Son assurance m'agaça, bien qu'il me fît avant tout pitié - comme l'un de ces habitants du Saint-Pétersbourg de jadis, rejeté du mauvais côté de l'Oural par ses fonctions. Mais il s'avère qu'il avait raison, d'une certaine manière. Maintenant que, moi aussi, j'ai quitté cette ville, j'ai bien du mal à me débarrasser de l'impression que la vie a un goût de fenaison et de regain. Ce dernier mot, m'a un jour dit quelqu'un, renvoie dans un premier sens à l'herbe qui repousse dans un champ déjà fauché. Vous pourriez dire, si vous êtes le genre de personne encline aux observations d'ordre général, que New York met l'accent sur la fenaison répétitive effectuée par la mémoire - sur cette sorte d'autopsie déterminée qui a pour effet, on nous le dit et on l'espère sans trop y croire, de faucher le passé herbeux en de maîtrisables proportions. Car il ne cesse de repousser, bien sûr. Rien de tout cela ne signifie que je souhaiterais m'y trouver à nouveau en ce moment ; naturellement, j'aimerais penser que ma propre rétrospection est d'une certaine façon plus importante que celle de ce vieux vice-président. Lorsque j'en fus gratifié, elle ne me parut pas être grand-chose de plus qu'une nostalgie ordinaire. Mais, dans le fond, cela n'existe pas, la nostalgie ordinaire, suis-je tenté de conclure ces temps-ci, pas même si vous sanglotez sur un ongle cassé. Qui sait ce qui est arrivé à ce type, là-bas ? Qui sait ce qui se cache derrière son histoire d'aller acheter du vinaigre balsamique ?
Il en parlait comme d'un élixir, le pauvre crétin.
En tout cas, pendant les deux premières années qui ont suivi mon retour en Angleterre, je fis de mon mieux pour ne pas regarder du côté de New York - où, après tout, j'avais été malheureux pour la première fois de ma vie. Je n'y retournai pas, j'évitai de me demander trop souvent ce qu'il était advenu d'un homme appelé Chuck Ramkissoon, qui avait été mon ami durant mon dernier été passé sur la côte Est et qui était devenu depuis, comme cela arrive fréquemment, une silhouette éphémère. Et puis, un soir, au printemps de cette année 2006, Rachel et moi nous nous trouvons à la maison, à Highbury. Elle est plongée dans un article de journal. Je l'ai déjà lu. Cela parle de la découverte en Colombie d'un groupe tribal de la forêt amazonienne. On dit qu'ils en ont assez de leur vie difficile dans la jungle, même si l'article précise qu'ils n'aiment rien tant que manger du singe, grillé puis bouilli. Une photographie troublante d'un garçon rongeant un petit crâne noirci illustre le propos. La tribu n'a aucune idée de l'existence du pays dans lequel ils se trouvent, la Colombie, aucune idée non plus, et c'est plus dangereux, de l'existence de maladies comme le simple rhume, ou la grippe, contre lesquelles ils n'ont pas de défenses naturelles.
« Coucou, dit Rachel, hé, t'as vu, on parle de ta tribu. »
J'ai encore le sourire aux lèvres lorsque je réponds au téléphone qui sonne. Une journaliste du New York Times demande monsieur van den Broek.
« C'est au sujet de Kham, euh, Khamraj Ramkissoon... précise la journaliste.
- Chuck, dis-je en m'asseyant à la table de la cuisine. C'est Chuck Ramkissoon. »
Elle me dit que les « restes » de Chuck ont été retrouvés dans le Gowanus Canal. Ses poignets étaient menottés et, de toute évidence, il avait été victime d'un meurtre. Je garde le silence. J'ai l'impression que cette femme vient de proférer un mensonge éhonté et que si j'y réfléchis suffisamment une réfutation va me venir.
« Vous le connaissiez bien ? dit sa voix, avant d'ajouter, comme je ne réponds pas : il est écrit quelque part que vous étiez son associé.
- C'est inexact.
- Mais vous travailliez bien ensemble, non ? C'est ce que dit ma note.
- Non. Vous avez été mal informée. C'était juste un ami.

- D'accord, d'accord. »
On entend qu'elle tape sur son clavier, puis, une pause.
« Bon, alors, vous pouvez me dire quelque chose sur son... milieu ?
- Son milieu ? dis-je, suffisamment surpris pour corriger sa prononciation légèrement meuglante du mot.
- Oui, enfin, vous voyez ce que je veux dire, avec qui il traînait, les ennuis dans lesquels il aurait pu se mettre, s'il connaissait des personnages un peu louches... C'est assez inhabituel, ce qui lui est arrivé », ajoute-t-elle avec un petit rire.
Je me rends compte que je suis bouleversé, et même, furieux.
« Oui, je finis par dire. Vous avez une bonne histoire sous le
coude, là. »
Le lendemain, il y a un petit article dans la section « Nouvelles locales ». Il a été établi que le corps de Chuck Ramkissoon gisait depuis plus de deux ans dans l'eau, près de l'entrepôt du Home Depot, parmi les crabes, les pneus de voitures et les caddies de supermarché, jusqu'au jour où un de ces plongeurs en zone urbaine fit une « découverte macabre » alors qu'il filmait un banc de bars rayés. Dans la semaine qui suit paraissent sur le sujet quelques petites choses au compte-gouttes, mais aucune information véritable. Cela semble cependant intéresser les lecteurs et rassurer certains traditionalistes de savoir que le Gowanus Canal peut toujours rejeter la victime d'un meurtre. Tant qu'il y a de la mort, il y a de l'espoir, comme l'a dit un commentateur plein d'esprit.
« Alors, qui est cet homme ? » me demande Rachel, allongée dans le lit à côté de moi, le soir où nous avons appris la nouvelle.
Comme je ne réponds pas immédiatement, elle pose son livre.
« Oh, je suis sûr que je t'en ai déjà parlé. Un joueur de cricket que je connaissais. Un type de Brooklyn.
- Chuck Ramkissoon ? » répète-t-elle.

Sa voix a un ton détaché qui ne me plaît pas. Je me tourne sur une épaule et ferme les yeux.
« Oui, dis-je. Chuck Ramkissoon. »
Chuck et moi, nous nous étions rencontrés pour la première fois en août 2002. Je jouais au cricket dans le Randolph Walker Park, à Staten Island, et Chuck se trouvait là. Il était l'un des deux arbitres indépendants qui proposaient leurs services en échange d'honoraires de cinquante dollars. Le jour était épais comme de la gélatine, avec une atmosphère chaude et vitreuse, sans aucun vent, pas même la brise venant du Kill van Kull qui coule à moins de deux cents mètres de Walker Park, séparant Staten Island du New Jersey. D'assez loin, au sud, montait le grondement sourd du tonnerre. C'était bien là le genre d'après-midi américain à la viscosité barbare qui me faisait vivement regretter les ombres projetées par les mouvements rapides des nuages d'été dans le nord de l'Europe, regretter même ces jours où vous jouiez au cricket en portant deux pull-overs, sous un ciel froid parsemé çà et là d'un pan de bleu - assez grand pour tailler une culotte de gendarme, comme disait ma mère. Selon mes propres critères, Walker Park était un endroit fort médiocre pour jouer au cricket. L'aire de jeu était, je suis sûr que c'est toujours le cas, deux fois plus petite que la taille réglementaire d'un terrain de cricket. Le terrain proprement dit est inégal et l'herbe y est toujours trop haute, même lorsqu'elle est tondue (un jour, en cherchant une balle, j'ai failli tomber sur un canard caché dans l'herbe, ce qui, pour les joueurs, est de très mauvais augure 1) ; et, alors que le vrai cricket, comme certains pourraient le nommer, se joue sur une livrée en pelouse, celle de Walker Park est en terre battue, et non en gazon, et doit être recouverte d'un tapis en fibres de coco ; par ailleurs, la terre en question est de la terre battue de base-ball, pâle et sableuse, elle n'est pas rouge comme celle des terrains de cricket : on ne peut alors compter bien longtemps sur la fiabilité du rebond. Et quand bien même on pourrait parler de fiabilité du rebond, il manquera toujours de variété et de complexité. (En revanche, les livrées faites de vraie terre et d'herbe sont riches de possibilités : elles seules peuvent pleinement mettre au défi et récompenser le répertoire du lanceur, avec ses balles lentes, tournantes, courtes à rebond, ou déviées, et seules ces balles peuvent mettre en action et véritablement à l'épreuve le répertoire du batteur, ses coups défensifs et offensifs, sans parler de son mental.) Il y a un autre problème. De grands arbres - des chênes des marais, des chênes rouges, des gommiers,
des tilleuls américains - longent de manière désordonnée les bordures de Walker Park. Il faut considérer que chaque élément de ces arbres, même la plus petite feuille qui pend, fait partie des limites du terrain, ce qui confère une dimension aléatoire au jeu.
Souvent, il arrive qu'une balle roule entre les troncs. Le joueur de l'équipe au champ qui doit courir après la balle va alors disparaître partiellement, et lorsqu'il réapparaît, la balle à la main, un concours de cris démarre, exigeant de savoir comment les choses se sont exactement passées.

5 avril 2010

Les lieux sombres – Gillian Flynn

Livre lu dans le cadre du logo_challenge_ABC- (16/26)

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les_lieux_sombres Sonatine – février 2010 – 482 pages

traduit de l'anglais (États-Unis) par Héloïse Esquié

Quatrième de couverture :

Début des années 1980. Libby Day a sept ans lorsque sa mère et ses deux sœurs sont assassinées dans leur ferme familiale. Rescapée par miracle, la petite fille désigne le meurtrier à la police, son frère Ben, âgé de 15 ans. Ce fait divers émeut tout le pays, et la jeune Libby devient un symbole de l'innocence bafouée. Vingt-cinq ans plus tard, alors que son frère est toujours derrière les barreaux, Libby, qui ne s'est jamais remise du drame, souffre de dépression chronique. Encouragée par une association d'un type très particulier, elle accepte pour la première fois de revisiter les lieux sombres de son passé. C'est là, dans un Middle West désolé, dévasté par la crise économique et sociale, qu'une vérité inimaginable commence à émerger. Et Libby n'aura pas d'autre choix pour se reconstruire, et peut-être enfin recommencer à vivre, que de faire toute la lumière sur l'affaire, quelles qu'en soient les conséquences. Bien loin des clichés et du manichéisme qui encombrent la plupart des thrillers contemporains, Gillian Flynn nous offre ici une intrigue d'une densité rare, des personnages complexes, tragiques, terriblement humains. Considérée dès son premier roman, Sur ma peau, comme l'une des voix les plus originales du thriller contemporain, elle confirme avec ce livre, où l'on retrouve son style intense et viscéral, son immense talent.

Auteur : Gillian Flynn est née à Kansas City. Après Sur ma peau (1997), Les Lieux sombres est son deuxième roman.

Mon avis : (lu en avril 2010)

Ce livre est vraiment prenant, superbe et grave à la fois. Il nous raconte un drame et ses conséquences. Le 2 janvier 1985, Libby a sept ans, sa mère et ses deux sœurs vont être sauvagement assassinées. Libby est le seul témoin du drame : cachée dans un placard, elle a tout entendu. Elle accuse son frère Ben âgé de quinze ans.

Vingt-cinq ans plus tard, Libby est sans argent, sans travail. Jusqu'alors elle profitait des dons que suite au drame, les gens avaient fait en sa faveur. Par intérêt financier, elle accepte de rencontrer le Kill Club. Les membres de ce club s'intéressent aux grandes affaires criminelles, et plusieurs d'entre eux sont persuadés que Ben n'est pas coupable et que Libby pourrait les aider à le prouver.

Le lecteur suit en parallèle deux récits, celui de l'enquête d'aujourd'hui menée et racontée par Libby et celui de la journée du meurtre, racontée alternativement par Patty (la mère) et Ben (le frère).

Le personnage principale, Libby Day est au début plutôt antipathique, elle est kleptomane, elle est dépressive, puis elle devient touchante et émouvante. Ben est un adolescent fragile et influençable, c'est mon personnage préféré ! Patty est une mère épuisée, qui n'arrive pas à faire marcher sa ferme et qui élève seule comme elle peut ses quatre enfants.

Au début je croyais savoir et avoir compris ce qui c'était passé, mais plus j'avançais dans l'histoire et plus le mystère s'épaississait et plus l'intrigue m'empêchait de lâcher le livre ! Le dénouement final est à la hauteur de mes espérances. Une superbe découverte d'un roman vraiment palpitant !

Extrait : (début du livre)

La mesquinerie qui m'habite est aussi réelle qu'un organe. Si on me fendait le ventre, elle pourrait fort bien se glisser dehors, charnue et sombre, tomber par terre, et on pourrait sauter dessus à pieds joints. C'est le sang des Day. Il y a quelque chose qui cloche. Je n'ai jamais été une petite fille bien sage, et ça a empiré après les meurtres. En grandissant, Libby la petite orpheline est devenue maussade, lymphatique, trimballée de mains en mains au sein d'un groupe de parents éloignés – des cousins issus de germains, des grands-tantes, des amis d'amis –, collée dans une série de mobil-homes ou de ranches décatis aux quatre coins du Texas. J'allais à l'école dans les vêtements de mes sœurs mortes : des chemises aux aisselles jaunies. Des pantalons comiquement lâches, retenus à la taille par une ceinture élimée serrée jusqu'au dernier cran, qui faisaient des poches aux fesses. Sur les photos de classe, j'ai toujours les cheveux en bataille – mes barrettes pendouillent au bout de mes mèches comme des objets aéroportés pris dans les nœuds – et j'ai toujours des poches gonflées sous les yeux, mes yeux de vieille patronne de pub alcoolique. Peut-être les lèvres retroussées à contrecœur en lieu et place d'un sourire. Peut-être.

Je n'étais pas une enfant aimable, et je suis devenue une adulte profondément mal aimable. Si on voulait dessiner mon âme, on obtiendrait un gribouillis avec des crocs pointus.

Livre lu dans le cadre du logo_challenge_ABC- (16/26)

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3 avril 2010

Le Monde de Barney – Mordecai Richler

Livre lu dans le cadre du partenariat Blog-o-Book - Livre de Poche

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Albin Michel – janvier 2000 – 558 pages

LGF – janvier 2001 – 603 pages

traduit de l'anglais (Canada) par Bernard Cohen

Quatrième de couverture :

Drôle de vie que celle de Barney !
Barney Panofsky, juif canadien, expatrié dans les années cinquante à Paris, où il a côtoyé la bohème artistique. De retour au pays, il devient importateur de fromages français, puis producteur de télévision.
De ses trois épouses, la première, nymphomane, se suicidera. Il abandonnera la deuxième le jour même de leur mariage. Quant à la troisième, elle le quittera au bout de trente-six ans.
Accusé du meurtre d'un de ses copains, Barney finira solitaire et poivrot, laissant cette autobiographie.
Drôle d'histoire ? Oui. Ecrite d'une plume virtuose, avec un humour et un souffle ahurissants. Et l'un des plus grands romans du Canada anglophone d'aujourd'hui.

Auteur : Mordecai Richler (27 janvier 1931 – 3 juillet 2001) était un auteur et un scénariste canadien. Né et élevé dans le Mile End (rue Saint-Urbain) à Montréal, au Québec, il fréquenta l’Université Sir George Williams (qui fait maintenant partie de l’Université Concordia). Dans les premières années de sa vie, il vécut et écrivit en Angleterre mais revint au Canada en 1972.

Mon avis : (lu en mars 2010)

Cette lecture fut laborieuse. N’étais-je peut-être pas dans de bonnes dispositions pour découvrir ce livre ?

J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans ce livre. J'ai mis deux jours à lire les 140 premières pages et devant ces difficultés, j'ai préféré faire une pause avant de le reprendre.

Barney Panofsky a été mis en cause injustement dans une autobiographie écrite par son ennemi Terry McIver, écrivain reconnu. Il décide donc de lui répondre en écrivant ses propres mémoires pour donner sa version en trois chapitres. Chacun d'entre eux évoque ses trois femmes : Clara : une artiste qu'il a rencontré à Paris, Mrs Panofsky II et Miriam, la femme de sa vie et la mère de ses trois enfants. Il a vécu à Paris de façon un peu bohème, il est retourné au Canada où il a été importateur de fromages puis producteur de télévision. Aujourd'hui, il a 70 ans, il boit et fume trop, il commence également à avoir des problèmes de mémoires.

Il y a beaucoup de personnages, les histoires et anecdotes se succèdent sans que le lecteur ne les mettent en relations les unes aux autres. L'auteur passe brutalement du présent au passé et du passé au présent. Et l’auteur le dit lui-même page 373, « Les digressions, ou plutôt ce que je préfère considérer comme les "propos de table de Barney Panofsky", abondent. », ce qui embrouille encore plus l'esprit de son lecteur. En avançant dans le livre, on comprend un peu mieux la chronologie des faits, mais j’avoue avoir vraiment eu du mal à être intéressée par cette histoire.

Merci à Blog-O-Book et Livre de Poche de m’avoir donné l’occasion de lire ce livre.

Livre lu dans le cadre du partenariat logo_bob_partenariat - logo


2 avril 2010

Sukkwan Island – David Vann

sukkwan_island Éditions Gallmeister – janvier 2010 – 220 pages

traduit de l'américain par Laura Derajinski

Quatrième de couverture :

Une île sauvage du Sud de l’Alaska, accessible uniquement par bateau ou par hydravion, tout en forêts humides et montagnes escarpées. C’est dans ce décor que Jim décide d’emmener son fils de treize ans pour y vivre dans une cabane isolée, une année durant. Après une succession d’échecs personnels, il voit là l’occasion de prendre un nouveau départ et de renouer avec ce garçon qu’il connaît si mal. La rigueur de cette vie et les défaillances du père ne tardent pas à transformer ce séjour en cauchemar, et la situation devient vite incontrôlable. Jusqu’au drame violent et imprévisible qui scellera leur destin.

Sukkwan Island est une histoire au suspense insoutenable. Avec ce roman qui nous entraîne au cœur des ténèbres de l’âme humaine, David Vann s’installe d’emblée parmi les jeunes auteurs américains de tout premier plan.

Auteur : David Vann est né sur l'île Adak, en Alaska. Après avoir parcouru plus de 40 000 milles sur les océans, il travaille actuellement à la construction d’un catamaran avec lequel il s'apprête à effectuer un tour du monde à la voile en solitaire. Auteur de plusieurs livres, il vit en Californie où il enseigne également à l'Université de San Francisco. Sukkwan Island est son premier roman traduit en français. Site de l'auteur

Mon avis : (lu en avril 2010)

Après avoir lu beaucoup de bons billets sur ce livre, j'étais très curieuse de pouvoir le découvrir.

Ce livre est un huis clos en pleine nature, dans une petite île inhabitée en Alaska. Pour renouer avec son père, Roy un adolescent de 13 ans qui accepte d'aller vivre un an dans une cabane avec son père sur cette île. Cela commence comme un retour à la nature, un aventure de Robinson mais assez vite les conditions de vie s'avèrent plus difficiles que prévu et surtout le père ne semble pas à la hauteur de son projet. Roy se rend vite compte que son père est bizarre : il l'entend pleurer et gémir chaque nuit et il voit bien qu'il est incapable de gérer les difficultés. Au bout d'un mois et divers péripéties, Roy demande à arrêter l'aventure. Mais après une discussion avec son père et pour ne pas le décevoir, la mort dans l'âme, il accepte de continuer. Et là, alors qu'on s'y attend pas, tout bascule...

Le livre se lit très facilement, l'histoire est prenante, bouleversante et ne laisse pas le lecteur indifférent. A découvrir !

Extrait : (début du livre)

ON AVAIT UNE MORRIS MINI, avec ta maman. C’était une voiture minuscule comme un wagonnet de montagnes russes et un des essuie-glaces était bousillé, alors je passais tout le temps mon bras par la fenêtre pour l’actionner. Ta maman était folle des champs de moutarde à l’époque, elle voulait toujours qu’on y passe quand il faisait beau, autour de Davis. Il y avait plus de champs alors, moins de gens. C’était le cas partout dans le monde. Ainsi commence ton éducation à domicile. Le monde était à l’origine un vaste champ et la Terre était plate. Les animaux de toutes espèces arpentaient cette prairie et n’avaient pas de noms, les grandes créatures mangeaient les petites et personne n’y voyait rien à redire. Puis l’homme est arrivé, il avançait courbé aux confins du monde, poilu, imbécile et faible, et il s’est multiplié, il est devenu si envahissant, si tordu et meurtrier à force d’attendre que la Terre s’est mise à se déformer. Ses extrémités se sont recourbées lentement, hommes, femmes et enfants luttaient pour rester sur la planète, s’agrippant à la fourrure du voisin et escaladant le dos des autres jusqu’à ce que l’humain se retrouve nu, frigorifié et assassin, suspendu aux limites du monde.

Son père fit une pause et Roy demanda : Et après ?

Au fil du temps, les extrémités ont fini par se toucher. Elles se sont recroquevillées pour se rejoindre et former le globe, et sous le poids de ce phénomène la rotation s’est déclenchée, hommes et bêtes ont cessé de tomber. Puis l’homme a observé l’homme, et comme il était devenu si laid avec sa peau nue et ses bébés pareils à des cloportes, il s’est répandu sur la surface de la Terre, massacrant et revêtant les peaux des bêtes les plus correctes.

Ha, lança Roy. Mais ensuite ?

La suite devient trop compliquée à raconter. Quelque part, il y a eu un mélange de culpabilité, de divorce, d’argent, d’impôts, et tout est parti en vrille.

Tu crois que tout est parti en vrille quand tu t’es marié avec Maman ?

Son père le dévisagea d’un œil qui prouva à Roy qu’il était allé trop loin. Non, c’est parti en vrille un peu avant, je crois. Mais difficile de dire quand.

Ils ne connaissaient pas cet endroit ni son mode de vie, ils se connaissaient mal l’un l’autre. Roy avait treize ans cet été là, l’été suivant son année de cinquième à Santa Rosa, en Californie, où il avait vécu chez sa mère, avait pris des cours de trombone et de foot, était allé au cinéma et à l’école en centre-ville. Son père avait été dentiste à Fairbanks. Ils s’installaient à présent dans une petite cabane en cèdre au toit pentu en forme de A. Elle était blottie dans un fjord, une minuscule baie du Sud-Est de l’Alaska au large du détroit de Tlevak, au nord-ouest du parc national de South Prince of Wales et à environ quatre-vingts kilomètres de Ketchikan. Le seul accès se faisait par la mer, en hydravion ou en bateau. Il n’y avait aucun voisin. Une montagne de six cents mètres se dressait juste derrière eux en un immense tertre relié par des cols de basse altitude à d’autres sommets jusqu’à l’embouchure de la baie et au-delà. L’île où ils s’installaient, Sukkwan Island, s’étirait sur plusieurs kilomètres derrière eux, mais c’étaient des kilomètres d’épaisse forêt vierge, sans route ni sentier, où fougères, sapins, épicéas, cèdres, champignons, fleurs des champs, mousse et bois pourrissant abritaient quantité d’ours, d’élans, de cerfs, de mouflons de Dall, de chèvres de montagne et de gloutons. Un endroit semblable à Ketchikan, où Roy avait vécu jusqu’à l’âge de cinq ans, mais en plus sauvage et en plus effrayant maintenant qu’il n’y était plus habitué.

Tandis qu’ils survolaient les lieux, Roy observait le reflet de l’avion jaune qui se détachait sur celui, plus grand, des montagnes vert sombre et du ciel bleu. Il vit la cime des arbres se rapprocher de chaque côté de l’appareil, et quand ils amer - rirent des gerbes d’eau giclèrent de toute part. Le père de Roy sortit la tête par la fenêtre latérale, sourire aux lèvres, impatient. L’espace d’un instant, Roy eut la sensation de débarquer sur une terre féerique, un endroit irréel.

Ils se mirent à l’ouvrage. Ils avaient emporté autant de matériel que l’avion pouvait en contenir. Debout sur un des flotteurs, son père gonfla le Zodiac avec la pompe à pied pendant que Roy aidait le pilote à décharger le moteur Johnson six chevaux au-dessus de la poupe où il patienta, suspendu dans le vide, jusqu’à ce que l’embarcation fût prête. Ils l’y fixèrent, chargèrent le bateau de bidons d’essence et de jerrycans qui composèrent le premier voyage. Son père le fit en solitaire tandis que Roy, anxieux, attendait dans la carlingue avec le pilote qui ne cessait pas de parler.

Pas très loin de Haines, c’est là que j’ai essayé.

J’y suis jamais allé, fit Roy.

Eh ben, comme je te disais, tu y trouves des saumons et des ours, et tout un tas de trucs qu’une grande majorité d’humains n’aura jamais, mais c’est tout ce que tu y trouves, et ça inclut une vraie solitude sans personne autour.

Roy ne répondit rien.

C’est bizarre, c’est tout. Les gens emmènent rarement leurs gosses avec eux. Et la plupart emportent de la nourriture.

De la nourriture, ils en avaient apporté, du moins pour les deux premières semaines, ainsi que les denrées indispensables : farine et haricots, sel et sucre, sucre brun pour fumer le gibier. Des fruits en conserve. Mais ils comptaient vivre de chasse et de pêche. C’était leur plan. Ils mangeraient du saumon frais, des truites Dolly Varden, des palourdes, des crabes et tout ce qu’ils parviendraient à abattre – cerfs, ours, mouflons, chèvres, élans. Ils avaient embarqué deux carabines, un fusil et un pistolet.

Tout ira bien, dit le pilote.

Ouais, fit Roy.

1 avril 2010

La Vierge en bleu - Tracy Chevalier

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traduit de l'anglais (États-Unis) par Marie-Odile Fortier-Masek

Édition de La Table Ronde – novembre 2004 – 317 pages

Folio – mars 2006 – 427 pages

Présentation de l'éditeur :

Récemment arrivée des États-Unis avec son mari, Ella Turner a du mal à trouver sa place dans cette bourgade de province du sud-ouest de la France. S'y sentant seule et indésirable, elle entreprend des recherches sur ses ancêtres protestants qui eurent à fuir les persécutions. Elle est alors loin d'imaginer que cette quête va bouleverser sa vie. Quatre siècles plus tôt, en pleine guerre de religion, Isabelle du Moulin, surnommée " La Rousse " en raison de sa flamboyante chevelure, risque un procès en sorcellerie pour le culte qu'elle voue à la Vierge Marie. Cependant, l'enfant qu'elle porte ne lui laisse d'autre choix que d'entrer dans l'intolérante famille des Tournier qui a embrassé la Réforme. Séparées par des générations mais unies par un mystérieux héritage, Ella et Isabelle vont renouer les fils du temps à deux voix. Premier roman de l'auteur de La jeune fille à la perle, La Vierge en bleu livre l'histoire tragique et foisonnante des Tournier, sur fond de guerre de religion.

Auteur : Née à Washington, Columbia en 1962, après des études dans l'Ohio, Tracy Chevalier part en 1984 à Londres pour un séjour de six mois. Amoureuse des livres, elle reste finalement en Angleterre, y fonde une famille et commence à travailler dans l'édition. Pourtant, le virus de l'écriture, déjà côtoyé durant ses études, la rattrape. Après quelques cours d'écriture, Tracy voit ses écrits publiés dans le magazine Fiction, avant que son premier roman, 'La Jeune fille à la perle', ne lui apporte en 1998 un grand succès sur ses terres d'adoption. Confirmation dès lors que ses ouvrages se diffusent à grand échelle. Tracy Chevalier enchaîne, au début des années 2000, avec 'Le Récital des anges', 'La Dame à la licorne' puis 'La Vierge en bleu', et rencontre à chaque fois son public. Elle revient dans les librairies en 2007 avec 'L' Innocence'. Désormais, la sortie de chaque nouveau livre de Tracy Chevalier est un événement.

Mon avis : (lu juin 2004 en et relu en mars 2010)

Après avoir découvert et beaucoup aimé "La jeune fille à la perle", j’avais lu et aimé "La Vierge en bleu ". A l’occasion du concours Tracy Chevalier organisé par BoB, j’ai relu ce livre avec toujours autant de plaisir.

Ce livre nous raconte deux histoires en parallèle : au XVIème siècle, dans les Cévennes, Isabelle est enceinte de l'enfant d'Etienne Tournier, le fils de riches paysans protestants. Elle doit l'épouser et vivre avec sa famille. Pourtant, elle est à l'origine catholique et elle a beaucoup d'admiration pour la Vierge Marie. Les guerres de religions faisant rage, la famille Tournier doit fuir et ils se réfugient à Moutier une petite ville suisse. Au XXème siècle, deux américains Ella et Rick viennent s'installer à Lisle-sur-Tarn une petite ville proche de Toulouse. Mal à aise dans ce village et en attendant de reprendre des études pour travailler en France, Ella Turner s'intéresse à ses ancêtres protestants et entreprend des recherches avec l'aide du bibliothécaire. Les deux récits vont se rejoindre lorsqu’Ella découvrira les lieux de ses origines, et un peu plus sur l’histoire de cette famille.

Extrait : (début du livre)

Elle s'appelait Isabelle. Enfant, ses cheveux changeaient de couleur en moins de temps qu'il n'en faut à l'oiseau pour appeler son compagnon.

Cet été-là, le duc de l'Aigle rapporta de Paris une statue de la Vierge à l'Enfant et un pot de peinture destinés à la niche au-dessus du portail de l'église. Le village célébra par une fête l'installation de la statue. Assise au pied d'une échelle, Isabelle regardait Jean Tournier peindre la niche d'un bleu intense, de la couleur d'un ciel vespéral. Au moment où il achevait, le soleil apparut derrière un pan de nuages, rendant le bleu si vif qu'Isabelle croisa les mains sur sa nuque et serra les coudes contre sa poitrine ; ses rayons posèrent sur sa chevelure une auréole mordorée qui y demeura après qu'il eut disparu. A partir de ce jour, on l'appela La Rousse en souvenir de la Vierge Marie.

Quelques années plus tard, ce surnom perdit toute résonance affectueuse, avec l'arrivée au village de M. Marcel, aux mains maculées de tanin, qui s'exprimait avec des paroles empruntées à Calvin. Lors de son premier sermon, dans les bois, bien loin des regards du curé, il déclara que la Vierge Marie leur barrait le chemin de la Vérité.

30 mars 2010

Zulu – Caryl Férey

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Gallimard – avril 2008 – 391 pages

Folio – avril 2010 -

Grand Prix des Lectrices de ELLE 2009

Présentation de l'éditeur :

Enfant, Ali Neuman a fui le bantoustan du KwaZulu pour échapper aux milices de l'Inkatha, en guerre contre l'ANC, alors clandestin. Même sa mère, seule rescapée de la famille, ne sait pas ce qu'elles lui ont fait... Aujourd'hui chef de la police criminelle de Cape Town, vitrine de l'Afrique du Sud, Neuman doit composer avec deux fléaux majeurs : la violence et le sida, dont le pays, première démocratie d'Afrique, bat tous les records. Les choses s'enveniment lorsqu'on retrouve la fille d'un ancien champion du monde de rugby cruellement assassinée dans le jardin botanique de Kirstenbosch. Une drogue à la composition inconnue semble être la cause du massacre. Neuman qui, suite à l'agression de sa mère, enquête en parallèle dans les townships, envoie son bras droit, Brian Epkeen, et le jeune Fletcher sur la piste du tueur, sans savoir où ils mettent les pieds... Si l'apartheid a disparu de la scène politique, de vieux ennemis agissent toujours dans l'ombre de la réconciliation nationale...

Auteur : Né en 1967, à Caen, remarqué lors de la parution de son troisième roman 'Haka', Caryl Férey s'inscrit rapidement parmi les figures importantes du polar à la française. La singularité de ses oeuvres : le dépaysement. Grand voyageur, l'écrivain situe ses romans noirs, parmi lesquels 'Zulu' ou 'Utu', aux quatre coins de la planète, de la Nouvelle-Zélande, où il a vécu, au Maroc en passant par la France ou l'Afrique du Sud. Inspiré par la culture rock, on lui doit des titres comme 'La Jambe gauche de Joe Strummer', référence directe à sa passion pour les Clash, ou 'D'amour et dope fraîche', qui constitue un nouvel épisode des aventures du Poulpe. Férey distille également son talent en direction d'un public plus jeune avec des livres comme 'Jour de colère' ou 'Ma langue de fer'. Lui qui a débuté auprès d'une petite maison d'édition rennaise, La Balle d'Argent, fait désormais partie des valeurs sûres de la prestigieuse Série noire.

Mon avis : (lu en mars 2010)

Dans ce livre, Caryl Ferey s'est beaucoup documenté sur l'Afrique du Sud et il dépeint la société sud-africaine après l'apartheid.

Ali Neuman est un personnage attachant, il est chef de la police criminelle Cap Town, il spécialiste de la question zoulou. Il est hanté par des démons du passé, enfant, il a vu son père pendu et son frère mourir sous la torture, il a été lui-même meurtri. Le corps d’une jeune femme blanche a été retrouvé sauvagement assassinée dans le jardin botanique. Avec l’aide de deux collègues blancs, Brian Epkeen et Dan Fletcher, Ali va mener l'enquête chez la "jet set" sud-africaine, chez les miliciens afrikaners, chez les gangs mafieux des bidonvilles ou encore chez les militants de la condition noire.

A travers une intrigue policière très bien construite, l’auteur dénonce le nouvel « apartheid social » dont sont victimes les plus pauvres, les plus faibles. Il nous dresse un portrait de l'Afrique du Sud sombre et violent. Les descriptions des paysages sont superbes mais la misère des townships, les traditions ancestrales, la drogue, le sida, la violence bestiale rendent ce livre parfois difficile à supporter. Un livre à la fois terrifiant et bouleversant ! A lire !

Extrait : (page 67)

"Le Jardin Botanique était vide à cette heure, l'aube encore un souvenir. Neuman marcha sur la pelouse taillée à l'anglaise, ses chaussures à la main. L'herbe était tendre et fraîche sous ses pieds. Les feuillages des acacias frémissaient dans l'oscurité. Neuman rabattit les pans de sa veste et s'agenouilla près des fleurs.
"Wilde iris (
Dictes grandiflora
)", disait l'affichette. Il y avait encore les rubans de la police, qui battaient dans la brise...
On n'avait pas retrouvé le sac de Nicole sur les lieux du crime. Le tueur l'avait emporté. Pourquoi ? L'argent ? Qu'est-ce qu'une étudiante pouvait avoir dans son sac à main ? Il leva les yeux vers les nuages affolés qui filaient sous la lune. Le pressentiment était toujours là, omniprésent, qui lui comprimait la poitrine."

28 mars 2010

Blast : 1 - Grasse carcasse – Manu Larcenet

blast Dargaud – novembre 2009 – 204 pages

 

Présentation de l'éditeur :

 

Je pèse lourd. Des tonnes. Alliage écrasant de lard et d'espoirs défaits, je bute sur chaque pierre du chemin. Je tombe et me relève, et tombe encore. Je pèse lourd, ancré au sol, écrasé de pesanteur. Atlas aberrant, je traîne le monde derrière moi. Je pèse lourd. Pire qu'un cheval de trait. Pire qu'un char d'assaut. Je pèse lourd et pourtant, parfois, je vole.

 

 

Auteur : Né le 6 mai 1969 à Issy-les-Moulineaux, après s'être lancé dans la BD à l'âge de dix ans, Manu Larcenet étudie le graphisme au lycée de Sèvres et obtient un BTS d'expression visuelle option 'images de communication' à l'Ecole des arts appliqués. Parallèlement, il multiplie les concerts avec un groupe punk fondé avec des amis de collège. Il fait son service militaire en 1991 et connaît alors le bataillon disciplinaire. A son retour, il emménage avec des amis musiciens et poursuit la scène et le graphisme : ses premiers dessins sont publiés dans des fanzines de rock et de bande dessinée. Il commence en 1994 une collaboration d'abord discrète avec le magazine Fluide glacial ; son premier récit, 'L' Expert-comptable de la jungle', est bientôt suivi de 'Soyons fous', 'La Loi des séries' et 'Bill Baroud espion'. Spirou, Dupuis, Glénat et Les Rêveurs de runes, une maison d'édition qu'il a fondée avec Nicolas Lebedel, publient depuis ses albums. Les improbables créatures ou les petits bonhommes ordinaires qui peuplent ses dessins font son succès. Il reçoit en 2003 le prix Jacques Lob, puis le prix du meilleur album à Angoulême en 2004 pour 'Le Combat ordinaire'. Mêlant autobiographie et réflexion, à l'instar de son 'Retour à la terre', cette série apparaît comme celle de la maturité. Changement de ton qui ne l'empêche pas, à l'occasion, de revenir, en 2006, à ses premières amours avec l'album 'Chez Francisque', scénarisé par Yan Lindingre. Artiste protéiforme, alternant séries potaches et récits plus profonds, Manu Larcenet compte désormais parmi les auteurs incontournables de la bande dessinée.

Mon avis : (lu en mars 2010)
C'est le premier album d'une série, c'est l'histoire de Polza Mancini dit Grosse Carcasse. Il est très gros, un crâne chauve, un nez long et rouge et de tous petits yeux. Il est en garde à vue car il aurait fait du mal à une femme prénommée Carole. On n'en saura pas plus. Deux policiers sont là pour le faire avouer. Il veut avant tout raconter sa vie “Si vous voulez comprendre… Il faut que vous passiez par où je suis passé”. Il commence par raconter la mort de son père. Puis son expérience du Blast, une hallucination ou un délire qui lui donne l'impression d'être léger. Un jour, il est devenu clochard volontaire et décide de rejoindre l'île de Pâques et ses moaïs en s'enfonçant dans la nature...
C'est à la fois un conte sombre et énigmatique qui navigue avec imagination et réalité, il nous émeut et nous fait réfléchir. Le dessin est superbe, du noir et blanc avec quelques touches de couleurs de dessins d'enfants. Et après ce premier volume, j'attends avec beaucoup de curiosité la suite des aventures de Grosse Carcasse.

Extrait :

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Larcenet_Blast_Extrait01_Decembre_2009

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