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A propos de livres...

1 juillet 2010

Robe de marié - Pierre Lemaitre

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Calmann-Lévy – janvier 2009 – 270 pages

LGF – janvier 2010 – 313 pages

Présentation de l'éditeur :
Nul n'est à l'abri de la folie. Sophie, une jeune femme qui mène une existence paisible, commence à sombrer lentement dans la démence : mille petits signes inquiétants s'accumulent puis tout s'accélère. Est-elle responsable de la mort de sa belle-mère, de celle de son mari infirme ? Peu à peu, elle se retrouve impliquée dans plusieurs meurtres dont, curieusement, elle n'a aucun souvenir. Alors, désespérée mais lucide, elle organise sa fuite; elle va changer de nom, de vie, se marier, mais son douloureux passé la rattrape... Les ombres de Hitchcock et de Brian de Palma planent sur ce thriller diabolique.

Auteur : Né à Paris, Pierre Lemaitre a beaucoup enseigné aux adultes, notamment les littératures française et américaine, l'analyse littéraire et la culture générale. Il est aujourd'hui écrivain et scénariste. Il a rendu hommage à ses maîtres (James Ellroy, William McIlvanney, Bret Easton Ellis, Emile Gaboriau...) dans son premier roman, Travail soigné, qui a obtenu le Prix Cognac en 2006.

 

Mon avis : (lu en juin 2010)
Ce livre a déjà été souvent commenté sur la blogosphère et j'ai été curieuse de le découvrir moi aussi.
Voici un thriller français captivant que j'ai lu d'une traite, sans lâcher mon livre. Il est question de harcèlement psychologique et de vengeance.
Le livre est construit de façon superbe en quatre parties : dans la première partie on découvre Sophie qui semble devenir folle, elle vivait une existence paisible et voilà que des personnes de son entourage meurent les uns après les autres, elle semble être la coupable mais elle ne se souvient de rien... On ne comprend pas vraiment où l'auteur veut en venir. Dans la deuxième partie, on revient sur ce qui s'est passé dans la première partie avec un autre point de vue et l'intrigue devient plus claire... mais la troisième et la quatrième partie nous réservent encore des rebondissements et des surprises !

Un livre plein de suspense et qui donne des frissons, à lire sans tarder !

Extrait : (début du livre)
Assise par terre, le dos contre le mur, les jambes allongées, haletante.
Léo est tout contre elle, immobile, la tête posée sur ses cuisses. D'une main, elle caresse ses cheveux, de l'autre elle tente de s'essuyer les yeux, mais ses gestes sont désordonnés. Elle pleure. Ses sanglots deviennent parfois des cris, elle se met à hurler, ça monte du ventre. Sa tête dodeline d'un côté, de l'autre. Parfois, son chagrin est si intense qu'elle se tape l'arrière de la tête contre la cloison. La douleur lui apporte un peu de réconfort mais bientôt tout en elle s'effondre de nouveau. Léo est très sage, il ne bouge pas. Elle baisse les yeux vers lui, le regarde, serre sa tête contre son ventre et pleure. Personne ne peut s'imaginer comme elle est malheureuse.

Ce matin là, comme beaucoup d'autres, elle s'est réveillée en larmes et la gorge nouée alors qu'elle n'a pas de raison particulière de s'inquiéter. Dans sa vie, les larmes n'ont rien d'exceptionnel : elle pleure toutes les nuits depuis qu'elle est folle. Le matin, si elle ne sentait pas ses joues noyées, elle pourrait même penser que ses nuits sont paisibles et son sommeil profond. Le matin, le visage baigné de larmes, la gorge serrée sont de simples informations. Depuis sa mort ? Depuis l'accident de Vincent ? Depuis sa mort ? Depuis la première mort, bien avant ?
Elle s'est redressée sur un coude. Elle s'essuie les yeux avec le drap en cherchant ses cigarettes à tâtons et ne les trouvant pas, elle réalise brusquement où elle est. Tout lui revient, les événements de la veille, la soirée... Elle se souvient instantanément qu'il faut partir, quitter cette maison. Se lever et partir, mais elle reste là, clouée au lit, incapable du moindre geste. Épuisée.

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29 juin 2010

En avant, route ! - Alix de Saint-André

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Gallimard – avril 2010 – 307 pages

Folio - juin 2011 - 351 pages

Présentation de l'éditeur :
Alix de Saint-André a pris trois fois la route de Compostelle. La première fois, elle est partie de Saint-Jean-Pied-de-Port, sur le chemin français, avec un sac plein d'idées préconçues, qui se sont envolées une à une, au fil des étapes. La deuxième fois, elle a parcouru le " chemin anglais " depuis La Corogne, lors d'une année sainte mouvementée. L'ultime voyage fut le vrai voyage, celui que l'on doit faire en partant de chez soi. Des bords de Loire à Saint-Jacques-de-Compostelle, de paysages sublimes en banlieues sinistres, elle a rejoint le peuple des pèlerins qui se retrouvent sur le chemin, libérés de toute identité sociale, pour vivre à quatre kilomètres-heure une aventure humaine pleine de gaieté, d'amitié et de surprises. Sur ces marcheurs de tous pays et de toutes convictions, réunis moins par la foi que par les ampoules aux pieds, mais cheminant chacun dans sa quête secrète, Alix de Saint-André, en poursuivant la sienne, empreinte d'une gravité mélancolique, porte, comme à son habitude, un regard à la fois affectueux et espiègle.

Auteur : Née en 1957 à Neuilly sur Seine, fille de l’écuyer en chef du Cadre Noir, Alix grandit dans la région de Saumur avant de devenir grand reporter et journaliste, travaillant pour le magazine ELLE. En 1994, elle publie son seul polar, le farfelu L’ange et le réservoir à liquide à freins et poursuit dans le domaine de l’angéologie avec son livre Archives des anges (1998) dans lequel elle enquête sur l’existence de ces créatures aériennes aussi bien dans la Bible, le Talmud que le Coran. De Saint André revient à la fiction avec Papa est au panthéon (2001), avant de publier Ma Nanie (2003), Prix Terre de France, où Alix, dans un monologue affectueux adressé à cette femme, revisite son enfance et sa relation privilégiée avec cette Nanie, décédée en 2001. En 2007, paraît Il n’y a pas de grandes personnes, livre entièrement consacré à sa passion pour André Malraux et où elle nous raconte sa rencontre avec la fille de ce dernier, Florence Malraux.

Mon avis : (lu en juin 2010)
J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce livre. Un récit drôle et très fort, d'Alix de Saint-André qui nous raconte ses trois Chemins vers Saint-Jacques de Compostelle.
Pour son premier Chemin, Alix est partie de Saint-Jean-Pied-de-Port sans aucune préparation et avec beaucoup d’à priori… Et elle découvre les Pyrénées où le « paysage n’arrête pas de monter et de descendre. » Les fins d’étapes difficiles « Les derniers kilomètres sont interminables. » et elle fera ses premières rencontres. Pour son deuxième voyage, Alix emprunte le « Chemin anglais » en Catalogne lors d'une année sainte. Enfin le troisième voyage est le plus vrai, Alix commence son Chemin de Compostelle à la porte de sa maison d'enfance en bord de Loire.
Dans un récit haut en couleur, Alix nous raconte le Chemin de Compostelle avec ses traditions, son folklore avec beaucoup d'humour elle décrit ses compagnons et compagnes de pèlerinage, les paysages qu'elle croise, ses bobos, ses étapes... Elle nous donne également les petits trucs des pèlerins pour charger et porter son sac, pour soigner ses pieds…
Il se dégage de ce livre un vrai sentiment d'humanité et de partage, la marche transforme aussi le rapport au temps « J'étais sûre de n'avoir marché que pour cela, pour cette surprise qui nous attendait, après tant et tant de terres traversées, pour ces joyeuses retrouvailles, ce souffle, cette libération, cette respiration, ce vrai bonheur »
J'ai également beaucoup pensé à un film que j'aime beaucoup celui de Coline Serreau « Saint-Jacques La Mecque » en lisant ce livre. A lire absolument !

Extrait : (début du livre)

Bécassine chez les pèlerins

Le 14 juillet 2003, ma cousine Cricri et moi-même étions dans le très typique village de Saint-Jean-Pied-de-Port, au Pays basque, attablées devant une nappe à carreaux rouges et blancs typique, en train d'avaler du fromage et du jambon typiques avec un coup de rouge typique aussi, en fin d'après-midi, sous la menace d'un orage de montagne, bien noir mais presque tiède. J'étais au pied du mur. D'un grand mur appelé : Pyrénées. Cricri connaissait très bien le chemin de Compostelle ; elle avait fait beaucoup de reportages dessus. Moi, je ne connaissais même pas l'itinéraire. Je fumais trois paquets de cigarettes par jour depuis vingt-cinq ans, et, selon l'expression de Florence, j'entrais dans les restaurants avec ma voiture. Je n'avais rien préparé. Aucun entraînement. Ni sportif ni géographique. Aucune inquiétude non plus : le chemin était fléché et il y avait plein de monde. Je n'aurais qu'à suivre les autres. À mon rythme. Ce n'était pas bien compliqué. Fatigant, peut-être ; dur, mais pas difficile. Cricri m'offrit un couteau ; je lui rendis une pièce de monnaie (pour ne pas couper l'amitié), et elle partit. J'achetai un bâton ferré - appelé un bourdon. Il fallait qu'il soit léger, m'avait-elle dit. Celui-ci était léger, l'air, droit, avec une courroie de cuir. En haut, un edelweiss pyrogravé couronné de l'inscription « Pays Basque » faisait plus touriste que pèlerin, pas très professionnel. Mais le vendeur m'assura que ça irait.

PREMIER JOUR

Tout de suite, ça grimpe. Il est plus tôt que tôt, l'air est chaud et humide comme à Bombay pendant la mousson, et ça monte. Sur une route asphaltée, pour voitures automobiles, dure sous les pieds ! Grise et moche. On peut juste espérer que la campagne est belle. Dès qu'on sera dégagés du gros nuage qui nous enveloppe, on verra. Pour le moment, bain de vapeur. J'ai suivi les autres, comme prévu. Je me suis levée en pleine nuit, pour faire mon sac à tâtons au dortoir. On sonne le réveil à six heures dans les refuges, mais tout le monde se lève avant l'aube. Pourquoi ? Mystère. D'ores et déjà je sais une chose : dans le noir, j'ai perdu mes sandales en caoutchouc, genre surf des mers, pour mettre le soir. Je sais aussi une autre chose : je ne ferai pas demi-tour pour les récupérer !

Je marche derrière un jeune couple de fiancés catholiques. Des vrais. Au-delà de l'imaginable. Courts sur pattes musclées sous les shorts en coton. Très scouts des années cinquante. Ils sont venus à pied de Bordeaux. Il doit y avoir une réserve là-bas. Gentils, polis, souriants : je hais les catholiques, surtout le matin. Ils me vouvoient et ne savent pas encore quand ils vont se marier. Pour le moment, la situation leur convient : un long voyage de non-noces dans des lits superposés ! Devant marche un curé rouquin. Je l'ai vu au petit déjeuner. En clergyman avec un col romain, le tout synthétique et bien luisant, armé d'un bourdon d'antiquaire, énorme, sculpté, digne des Compagnons du Tour de France sous le second Empire. Une semaine par an, il quitte sa paroisse de banlieue pour le chemin de Saint- Jacques. Respirer, dit-il. Suer, c'est sûr. Il a les joues rose bonbon. Le nuage s'évapore, et des vaches apparaissent. Bien rectangulaires, avec de beaux yeux sombres et mélancoliques sous leurs longs cils. Un peintre m'a expliqué un jour pourquoi les juments avaient l'œil si joyeux, alors que celui des vaches était si triste : pas des choses à raconter à des fiancés catholiques.

Très vite, ça fait mal. Dans les jambes, les épaules et le dos. Ça grimpe et ça fait mal. Je n'y arriverai pas seule. N'ayant aucune forme physique, je dois m'en remettre aux seules forces de l'Esprit. Comme au Moyen Âge. Je pique mon bâton dans le sol à coups d'Ave Maria, comme des mantras. Une pour papa, une pour maman, une cuiller de prières, une dizaine par personne, et en avant ! Ça passe ou ça casse. À la grâce de Dieu ! Comme on dit. Mais pour de vrai. En trois dimensions. Mine de rien, ça rythme, ça concentre. Ça aide. Ça marche. J'ai l'impression de traîner toute une tribu derrière moi, des vivants et des morts, leurs visages épinglés sur une longue cape flottant aux bretelles de mon sac à dos. Un monde fou.

28 juin 2010

Brèves de Football – Renaud Dély

Livre lu dans le cadre du Partenariat avec Blog-O-Book et François Bourin Éditeur

br_ves_de_football François Bourin Éditeur – mai 2010 – 270 pages

Présentation de l'éditeur :
Les joueurs de foot ne se contentent pas de jongler avec le ballon, ils jonglent aussi avec les mots, malaxent la syntaxe, pétrissent la langue, jouent avec les phrases, maltraitent la grammaire. Du vestiaire au plateau de télévision, du comptoir de bistrot au canapé du salon, les stars du ballon rond, les entraîneurs, les commentateurs et les spécialistes autoproclamés du football multiplient les aphorismes et les mots d'esprit. Passionné par ce sport, Renaud Dély propose ici une anthologie réjouissante de ces brèves étonnantes, drolatiques ou absurdes.

Auteur : Rédacteur en chef de la matinale de France Inter, Renaud Dély a publié de nombreux ouvrages dont Besancenot, l'idiot utile du sarkozysme (2009). Ancien participant à l'émission "On refait le match", il collabore régulièrement à So foot.

Mon avis : (lu en juin 2010)
J'ai reçu ce livre le lendemain de la défaite et l'humiliation des Bleus, c'était tout à fait de circonstance. Ce livre ne se lit pas en continue, mais se feuillette ce sont de petites phrases de footballeurs, d'entraineurs, de journalistes, d'auteurs, cinéastes... avec en dessous de chacune, un commentaire de l'auteur. Un drôle de mélange... Certaines phrases sont justes et très bien vu, d'autres sont drôles ou pitoyables.
Ce livre a été mis en vente juste avant le début de la Coupe du Monde pour surfer avec l'engouement des pro-foot, malgré cela, je l'ai lu avec amusement.
Je regrette qu'il manque souvent le contexte dans lequel chacune des phrases ont été dites.

Merci à Blog-O-Book et François Bourin Éditeur pour la découverte de ce livre.

Quelques extraits :

« Le football est le reflet de notre société. Regardez bien l'expression d'un joueur sur le terrain, c'est sa photographie dans la vie. » Aimé Jacquet

« Le football est un miracle qui a permis à l'Europe de se détester sans se détruire. » Paul Auster

« Il y a toujours quelque chose à retenir d'un médiocre match de football : une talonnade, un tir... On lit un livre raté avec la conviction que le suivant sera meilleur. » Bernard Pivot

23 juin 2010

Les jardins du vent – Annie Degroote

les_jardins_du_vent Presses de la cité - avril 2010 - 319 pages   

Présentation de l'éditeur :
Qu'est-ce qui fait qu'une personne, un jour, renonce à être elle-même ?
Parce qu'il s'estime responsable de la tragique disparition de son fils, Sam, âgé de trois ans, David sombre, comme si sa vraie vie s'était arrêtée à ce même instant. Il faudra un accident grave, le patient amour de Pauline, l'amitié attentive de quelques fidèles et la magie débridée du carnaval de Dunkerque pour qu'il se reconstruise. Et prenne un nouveau départ.
Sublime célébration du Nord, de Lille à Dunkerque et de Berck au Touquet, Les Jardins du vent est un roman magnifique sur la fragilité de la vie, les parts d'ombre et de lumière de chacun.

Auteur et personnalité du Nord de premier plan, Annie Degroote a publié de nombreux romans aux Presses de la Cité, notamment L'Oubliée de Salperwick, Les Silences du maître drapier, La Splendeur des Vaneyck, Les Amants de la petite reine, Un palais dans les dunes, Renelde, fille des Flandres et L'Etrangère de Saint-Pétersbourg.

Mon avis : (lu en juin 2010)
C'est sur le conseil d'une lectrice lors du dernier Café Lecture de la Bibliothèque que j'ai lu ce livre. Tout d'abord, j'adore la couverture du livre qui évoque de belles choses pour moi qui suis si amoureuse des bords de mer ! Le titre est également sympa et mystérieux.

Tout commence en 2004, à Bray les Dunes, sur la Côte d'Opale, non loin de Dunkerque. David Aston est écrivain, il est le papa de Sam un petit garçon âgé de 3 ans. Un jour lors d'une promenade avec son fils en bord de mer, le petit Sam disparaît...
Trois ans plus tard, David ne se remet pas de la disparition de Sam, sa femme l'a quitté et est partie en Nouvelle-Zélande. Ses deux amis de Carnaval "l'Arsouille" et Fanfan, dit la "Tulipe" tentent sans grand succès de lui remonter le moral.
A Lille, Pauline est médecin, elle élève seule Lilou, sa fille de 15 ans. Elle a le soutien de sa copine de toujours Mathilde et de son meilleur ami Rémi.
Romain Meusla est photographe. C'est un bel homme athlète et sportif. Lors d'un rassemblement de cerfs volants à Berck, où il prend des photos d'enfants et de familles, il sauve de la noyade un petit garçon d'environ six ans. Mais le comportement plutôt bizarre du père qui ne le remercie pas, suscite la curiosité de Romain.
A Paris, Rachel est une vieille dame de 90 ans, ancienne artiste. Elle va tous les jours au Cimetière du Père Lachaise pour apporter à manger aux nombreux chats errants et pour se rendre sur la tombe de Sarah Bernhardt.
Voici certains des personnages que l'on découvre dans ce livre, ils vont avoir les uns et les autres l'occasion de se croiser. L'intrigue est parfaitement construite un peu comme un roman policier avec des rebondissements. A travers des descriptions précises et imagées, Annie Degroote nous fait également découvrir le Nord, les plages de Berck, du Touquet et les cerfs-volants, le Carnaval de Dunkerque vu de l'intérieur. Le lecteur découvre aussi le cimetière du Père Lachaise, ses occupants célèbres et ses rassemblements nocturnes.

Un livre que j'ai dévoré avec beaucoup de plaisir et qui m'a donné envie d'aller me promener le long des plages du Nord.

Extrait : (début du livre) 
20 juin 2004
David Biot-Aston ressentit un pincement au cœur à l'instant précis où la petite main potelée lâcha la sienne. La peur de la séparation s'exprime souvent lors de gestes banals. En apparence.
Je deviens une vraie mère poule en vieillissant, songea-t-il. De plus en plus émotif...
Il oublia ses appréhensions, et sourit au bonheur de son enfant de trois ans, qui s'élançait de ses petites jambes vers la voiture à pédales.
Prudent, il resta toutefois à sa hauteur, sur la digue.

A Bray-Dunes, la mer du Nord se respire dès l'«avenue de la plage», qui traverse la commune et mène droit à la digue. Les poumons se remplissent avec délice d'air salé et marin, signe avant-coureur de la proximité de la mer. La lumière elle-même semble s'apaiser.
Dans cet environnement, les angoisses de David s'évaporaient. Atténuées avec la rencontre d'Élise, disparues avec la naissance de leur petit garçon, elles avaient reflué avec ses «déceptions». Le mot était lâché, la mort dans l'âme. Il ne reconnaissait plus le visage de l'amour, sous les frustrations et les déchirures.

La mer possédait ce pouvoir d'agir sur son être comme un antidépresseur naturel. Ses démons intérieurs se dissipaient au profit de forces créatrices.

Il déplorait la disparition, à maints endroits du littoral du Nord, des villas parsemant les digues. Des immeubles sans caractère les remplaçaient. Il se traitait d'égoïste. Ces appartements, décriés par les esthètes, les nostalgiques et les privilégiés comme lui, permettaient à de nouveaux vacanciers de jouir du spectacle inlassable des vagues. Ici et là, quelques villas avaient résisté aux assauts des bombes, puis des marteaux-piqueurs. Elles témoignaient du charme suranné d'un autre siècle, celui de monsieur Bray, l'armateur dunkerquois à l'origine du village.

La digue, elle, était toujours là.

21 juin 2010

C'est l'été !

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Van Gogh - Les blés jaunes

Nuits de juin

L’été, lorsque le jour a fui, de fleurs couverte
La plaine verse au loin un parfum enivrant ;
Les yeux fermés, l’oreille aux rumeurs entrouverte,
On ne dort qu’à demi d’un sommeil transparent.

Les astres sont plus purs, l’ombre paraît meilleure ;
Un vague demi-jour teint le dôme éternel ;
Et l’aube douce et pâle, en attendant son heure,
Semble toute la nuit errer au bas du ciel.

Victor Hugo, Les rayons et les ombres

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20 juin 2010

Toxic Blues - Ken Bruen

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Gallimard – novembre 2005 – 297 pages

Folio – mai 2007 – 353 pages

traduit de l'anglais (Irlande) par Catherine Cheval et Marie Ploux

Présentation de l'éditeur :

Jack Taylor, l'ancien flic de Galway reconverti en privé dans un pays qui ne supporte pas cette profession, revient dans sa ville natale. A peine a-t-il le temps de retrouver ses marques, les dealers divers et les pubs gorgés de soiffards qu'il croise un chef tinker. Ces gens du voyage, sans être tsiganes, passent leur vie sur les routes d'Irlande. Tout le monde s'en méfie. Peu de gens les aident. Des jeunes hommes du clan, depuis quelques semaines, sont pourtant mutilés et tués sans que la police ne bouge. Quatre au total. Taylor, marginal à sa façon, le nez dans la poudre et la Guinness, accepte le marché. Nourri et logé en échange de son travail, il va, très loin des bars branchés du centre-ville, partir bille en tête affronter le chaos.

Auteur : Ken Bruen est né en 1951 à Galway. Après une carrière qui le mène en Afrique, en Asie du Sud-Est et en Amérique du Sud, il crée les inspecteurs Roberts & Brant, puis le privé Jack Taylor dont Toxic Blues est la deuxième enquête. Son style incisif et la férocité désarmante de ses personnages l'ont d'emblée placé parmi les meilleurs d'une génération en passe de renouveler le roman noir anglo-saxon.

Mon avis : (lu en juin 2010)

C'est la deuxième enquête de Jack Taylor après Delirium Tremens. Après quelques temps à Londres, Jack Taylor, ancien flic reconverti en privé, est de retour dans sa ville natal de Galway. L'alcool ne suffit plus à Jack, il est devenu également dépendant à la cocaïne. Cette nouvelle enquête tourne autour des tinkers, qui sont les gens du voyage d'Irlande, ils sont rejetés de partout. Depuis quelques temps, des jeunes hommes de la communauté de Galway sont tués sans pitié et la police se refuse à enquêter.

Comme dans le livre précédent, l'enquête est un prétexte pour suivre Jack Taylor et retrouver quelques personnages déjà vu et découvrir l'Irlande sous un angle assez sombre. Jack Taylor est un personnage haut en couleur et attachant, qui nous parle aussi littérature et musique...

Note de bas de page (p.32) : Tinkers (littéralement « rétameurs ») : terme plutôt péjoratif désignant, en Irlande, les travellers ou gens du voyage. Ces nomades, d'origine irlandaise, n'ont pas de racines communes avec les Roms, les Gitans ou les Tziganes. Aux colporteurs ou travailleurs itinérants qu'ils étaient à l'origine se sont joints les petits paysans, métayers et bannis de toute sorte, chassés de leurs terres à dater de la conquête de Cromwell, ou expulsés par les grands propriétaires terriens anglais ou écossais au moment de la Grande Famine de 1845. Depuis la partition de l'Irlande, les gouvernements successifs ont tenté de les sédentariser sans grand succès, du fait de la méfiance et de l'hostilité de la population à leur égard.

Déjà lu du même auteur :

delirium_tremens Delirium Tremens le_martyre_des_Magdal_nes_p Le martyre des Magdalènes

19 juin 2010

Le cahier bleu – James A. Levine

le_cahier_bleu Buchet & Chastel – janvier 2010 – 223 pages

traduit de l'américain par Sylviane Lamoine

Présentation de l'éditeur :
Batuk est âgée de neuf ans à peine quand son père, un paysan du Madya Pradesh, la vend à un bordel d'enfants de Common Street, à Bombay. Jetée en pâture aux désirs pervers des notables de la ville et des policiers pédophiles, la petite prostituée parvient, six années plus tard, à subtiliser un crayon à sa patronne. Et se met à couvrir les pages d'un cahier bleu auquel elle confie le quotidien épouvantable de son esclavage sexuel. Dans ce journal intimiste, désespéré, expiatoire, Batuk écrit tous les jours avec ses mots d'enfant sacrifiée. Elle écrit pour conjurer son destin, pour oublier que son père a abandonné sa léoparde aux yeux d'argent à la violence de ces clients qui viennent jusque dans son nid pour y faire des pains au lait. Elle écrit aussi pour retrouver ses jeux au village avec les lézards de son enfance entre les rochers chauffés par le soleil. Et, dans son cahier bleu, Batuk finit par s'inventer des héros fantastiques qui viendront peut-être, un jour, la libérer... Mais, une nuit, un taxi blanc s'arrête devant sa prison...

Auteur : James A Levine est professeur émérite et médecin dans la célèbre clinique américaine de Mayo. Il a été mandaté par les Nations unies pour enquêter sur le travail des enfants dans les pays émergents. Lors d'une visite dans la sordide rue des Cages de Bombay où exerce une partie du million deux cent mille enfants prostitués en Inde, il voit un jour une petite fille en sari rose qui écrit dans un cahier bleu. Batuk, l'héroïne du Cahier bleu, est née. Ce premier roman, dérangeant, puissant et engagé contre la prostitution des enfants dans le monde, est traduit dans une quinzaine de pays.

Mon avis : (lu en juin 2010)
Ce n'est pas facile de parler de ce récit bouleversant. Dans la première partie de ce livre, Batuk nous raconte sa vie effroyable : à l'âge de neuf ans, elle est vendue par son père. Elle va être violée et découvrir le terrible travail auquel elle est destinée dans une maison close de Common Street à Bombay. Six ans plus tard, elle arrive à se procurer un crayon et dans un « cahier bleu », Batuk raconte son histoire en utilisant un langage imagé, poétique et enfantin. Elle a beaucoup d'imagination et pour supporter l'insupportable, elle s'invente des contes.
La deuxième partie est très dérangeante, Batuk a quinze ans, elle a été acheté par un homme d'affaire et offerte à son fils comme « esclave sexuelle » et le récit devient pornographique et l'auteur ne nous épargne aucun détail, tout devient souffrance, violence... C'est souvent insoutenable.

Ce livre qui dénonce la prostitution des enfants en Inde est très fort. J'ai beaucoup aimé la première partie toute en poésie et en délicatesse pour dénoncer l'horreur de la prostitution enfantine, le sordide de la deuxième partie m'a un peu gâché l'ensemble. Je vous encourage cependant à découvrir ce livre.

Il faut noter que l'ensemble des droits d'auteur que James A. Levine tire des ventes du "Cahier bleu" sont reversés au Centre International des enfants disparus et exploités (www.icmec.org)

 

Extraits : (page 57)

Une fois coiffée, j'ai été enveloppée dans un sari pour la première fois de ma vie. Il était orange et rouge, rebrodé de fils blancs et argent, léger comme une plume, et sentait comme l'huile de mon bain de la veille. J'étais parfaite ; j'avais l'impression d'être emballée comme un cadeau précieux. La vieille m'a laissée et a fermé la porte à clé. Je me suis dévisagée dans le miroir. Il m'a fallu un moment pour comprendre que c'était moi. J'ai penché la tête, levé le poignet, et agité les doigts comme un éventail ; je me suis composé un sourire subtil. L'image a changé. J'ai parlé tout haut et entendu une voix familière provenir d'un visage qui m'était étranger. Je me suis mise à faire des imitations d'animaux, que le rouge à lèvres rendait plus comiques. J'en étais à la moitié de mon répertoire quand la vieille bique est revenue. Elle n'a fait qu'entrouvrir la porte avant de se pencher à l'intérieur.
« Viens. »
Cet ordre donné sur un ton inhabituel ressemblait plus à une invitation qu'à un commandement. Je me suis levée, j'ai dit au revoir à la grenouille dans le miroir, et je l'ai suivie.

[…] (page 61)

« Princesse, viens là, ma chérie, à côté de moi », a ordonné le maître.
J'ai obéis, quelque chose dans sa voix forçait à obéir. Il a passé son bras autour de ma taille avant de poursuivre.
« Messieurs, il est manifeste que nous sommes en présence d'un joyau. Cela fait de très nombreuses années que je n'avais pas vu un oisillon aussi charmant. »
Gros oncle puant l'a interrompu pour lui poser une question.
« Est-ce qu'elle est propre ? Le docteur l'a auscultée ? »
C'est la vieille qui a répondu depuis l'ombre du fond de la pièce.
« Le docteur Dasdaheer a procédé à un examen complet tout à l'heure. J'ai apporté son rapport. Il dit qu'elle est parfaite santé et – elle a toussé – pure. »
Gros oncle et Jeune oncle à grandes mains se sont mis à grogner tous les deux comme des porcs affamés. « Messieurs, a repris maître Gahil, me tenant toujours par la taille, il est temps de parler affaires. Qui va se délecter de notre petite princesse fraîchement arrivée de la campagne ? »
Regard circulaire, s'arrêtant sur chacun des oncles.
« Commençons, disons, à cinquante mille roupies. »
Le coussin de silence a vite été rompu par l'approbation simultanée de Gros oncle et Jeune oncle à grandes mains.
« D'accord, parfait.
— Soixante-quinze mille ? »
Hochements de tête et grognements de Grand oncle, oncle Nir-Sourire et Gros oncle.
« Cent mille, un lakh. »
J'avais accompagné papa et mes frères à des ventes de bétail aux enchères et j'ai compris que c'en était une.

16 juin 2010

L'Oiseau de mauvais augure – Camilla Läckberg

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traduit du suédois par Lena Grumbach et Catherine Marcus

Présentation de l'éditeur :
L'inspecteur Patrik Hedström est sur les dents. Il voudrait participer davantage aux préparatifs de son mariage avec Erica Falck, mais il n'a pas une minute à lui. La ville de Tanumshecle s'apprête en effet à accueillir une émission de téléréalité et ses participants avides de célébrité, aussi tout le commissariat est mobilisé pour éviter les débordements de ces jeunes incontrôlables. Hanna Kruse, la nouvelle recrue, ne sera pas de trop. D'autant qu'une femme vient d'être retrouvée morte au volant de sa voiture, avec une alcoolémie hors du commun. La scène du carnage rappelle à Patrik un accident similaire intervenu des années auparavant. Tragique redite d'un fait divers banal ou macabre mise en scène ? Un sombre pressentiment s'empare de l'inspecteur. Très vite, alors que tout le pays a les yeux braqués sur la petite ville, la situation s'emballe. L'émission de téléréalité dérape. Les cadavres se multiplient. Un sinistre schéma émerge... Dans ce quatrième volet des aventures d'Erica Falck, Camilla Làckberg tisse avec brio l'écheveau d'une intrigue palpitante. Cueilli par un dénouement saisissant, le lecteur en redemande.

Auteur : Née en 1974, Camilla Läckberg-Eriksson est l'auteur de plusieurs romans policiers mettant en scène le personnage d Erica Falck. Ses ouvrages caracolent tous en tête des ventes en Suède comme à l'étranger. Ont déjà paru La Princesse des glaces (2008), Le Prédicateur (2009) et Le Tailleur de pierre (2009).

Mon avis : (lu en juin 2010)
J’ai lu avec beaucoup de plaisir le nouveau livre de Camilla Läckberg avec Erika Falck et Patrik Hedström. Patrik est très occupé au commissariat. La télé-réalité s’est installée dans le district de Tanumshede et la police est prête à intervenir en cas de besoin. Il enquête également sur un accident de voiture suspect. L'intrigue est bien menée et j’ai pris beaucoup d’intérêt à suivre l'enquête de Patrik assisté de Martin, Annika, Gösta et Hanna la nouvelle inspecteur. En parallèle, nous suivons les préparatifs du mariage d’Erika et Patrick. C'est Erika qui s'en occupe avec la précieuse aide de sa sœur Anna qui vit maintenant avec eux avec ses enfants Emma et Adrian.

L'histoire est riche en rebondissements et l'auteur sait nous tenir en haleine... Les dernières pages de ce livre nous annonce même le prochain volume et j'attends déjà avec impatience sa parution en France (en Suède, 7 aventures d'Erica Falck sont déjà édités !)

Extrait : (page 11)
Le soleil printanier inondait les fenêtres du commissariat de Tanumshede et révélait impitoyablement la crasse des carreaux. La grisaille de l’hiver avait déposé une fine pellicule sur le verre et Patrik avait l’impression que la même morosité le recouvrait. L’hiver avait été rude. La vie de père de famille avait beau être infiniment plus amusante que ce qu’il avait imaginé, elle était aussi beaucoup plus prenante. Et même si tout se passait mieux maintenant avec Maja, Erica ne se faisait toujours pas à la vie de femme au foyer. Patrik le savait et ça le tourmentait en permanence quand il était au boulot. De plus, ce qui était arrivé à Anna avait posé un fardeau supplémentaire sur leurs épaules.
Un coup frappé sur le montant de la porte vint interrompre ses réflexions.
— Patrik ? On nous signale un accident de voiture. La route de Sannäs, une seule voiture impliquée.
Ok, dit-il en se levant. Dis-moi, c’était bien aujourd’hui que la remplaçante d’Ernst devait arriver ?
— Oui, dit Annika. Mais il n’est pas encore huit heures.
— Alors je prends Martin avec moi. Si elle avait été là, je l’aurais mise dans le bain tout de suite, histoire de lui mettre le pied à l’étrier.
— Eh bien, je la plains, la pauvre.
— De faire équipe avec moi ? demanda Patrik qui, pour plaisanter, lança un regard offusqué à Annika.
— Parfaitement, je sais très bien comment tu conduis… Non, mais, sérieusement, elle va déguster avec Mellberg.
— J’ai lu son cv, et je pense que si quelqu’un est capable de gérer Mellberg, c’est bien Hanna Kruse. Si j’en juge par ses notes de service, c’est une nana qui ne se laisse pas marcher sur les pieds.
— La seule chose qui n’est pas claire, c’est pourquoi elle a choisi Tanumshede…
— Tu as raison, dit Patrik en enfilant son blouson. Je lui demanderai pourquoi elle s’abaisse à venir bosser avec des amateurs comme nous ? C’est une véritable impasse pour sa carrière…
Il fit un clin d’oeil à Annika, qui lui donna une tape sur l’épaule.
— Arrête, tu sais très bien que ce n’est pas ce que je voulais dire.
— Oui, je sais, je te taquine. Au fait, cet accident. Il y a des blessés ? Des morts ?
— D’après celui qui a appelé, il n’y aurait qu’une personne dans la voiture. Et elle est morte.
— Merde. Je passe prendre Martin et on y va. Je pense qu’on sera de retour rapidement. Tu n’as qu’à montrer le poste à Hanna en attendant.
Au même moment, une voix se fit entendre à l’accueil.
— Il y a quelqu’un ?
— Ça doit être elle, dit Annika en se ruant sur la porte. Patrik, qui était lui aussi très curieux de rencontrer la nouvelle recrue, la suivit.
En voyant celle qui patientait à l’accueil, il fut surpris. Il ne savait pas trop à quoi il s’était attendu… à une femme plus grande, peut-être. Et pas aussi mignonne… ni aussi blonde. Elle tendit une main à Patrik, puis à Annika.
— Enchantée, je suis Hanna Kruse. Je commence aujourd’hui.
La voix cadrait davantage avec les attentes de Patrik. Assez grave et déterminée.
Sa poignée de main trahissait de nombreuses heures passées en salle de gym, et Patrik révisa son premier jugement.
— Patrik Hedström. Et voici Annika Jansson, la colonne vertébrale du poste.
Hanna sourit.
— L’élément féminin dans un monde de mâles, si je comprends bien. Eh bien, vous ne serez plus seule.
— Oui, je suis contente du renfort. Il faut bien ça pour contrebalancer toute la testostérone qui circule ici, rigola Annika. Patrik interrompit leur bavardage.
— Les filles, vous ferez plus ample connaissance plus tard. Hanna, on vient de nous signaler un accident de voiture mortel.
Je me suis dit que tu pourrais venir avec moi tout de suite, si tu veux bien. Un peu d’adrénaline pour démarrer ta première journée.
— Entendu, dit Hanna. J’aimerais juste poser mon sac quelque part.
— Je peux le mettre dans ton bureau, proposa Annika. On fera le tour des locaux à ton retour.
— Merci.
Hanna se hâta de rattraper Patrik qui était déjà sur le pas de la porte.
— Alors, ça fait comment ? demanda Patrik quand ils furent installés dans la voiture.
— Ça va, je crois, merci, même si c’est toujours un peu stressant de commencer un nouveau boulot.
— Tu as bougé pas mal, d’après ton cv ?
— Oui, j’ai voulu acquérir le plus d’expérience possible, répondit Hanna tout en jetant un regard curieux sur le paysage qui défilait. Différentes régions de la Suède, des districts
plus ou moins grands, tu vois le topo. Tout ce qui peut enrichir mon parcours de flic.
— Mais pourquoi ? Tu vises quoi, au juste ?
Hanna sourit. Un sourire amical mais aussi extrêmement ferme.
— Une position de chef, évidemment. Dans un district plutôt important. Et pour ça, je suis toutes sortes de stages, j’élargis le plus possible mon champ d’action et je bosse comme
une forcenée.
— Ça ressemble à la formule de la réussite, dit gentiment Patrik, légèrement mal à l’aise devant le torrent d’ambition qui se déversait sur lui ; l’ambition, il n’y était pas vraiment habitué.
— Je l’espère, dit Hanna avant de se remettre à observer le paysage. Et toi, ça fait combien de temps que tu travailles ici ?
Patrik perçut avec contrariété un soupçon d’embarras dans sa voix lorsqu’il répondit.
— Euh… depuis l’école de police, en fait.
— Oh là là, je ne sais pas comment j’aurais fait, moi. Autrement dit, tu te plais bien à Tanumshede ?
Elle sourit et tourna les yeux vers lui.
— Je suppose qu’on peut dire ça comme ça. Mais c’est surtout une question d’habitude et de commodité. J’ai grandi ici et je connais la région comme ma poche. En fait je n’habite plus à Tanumshede, je vis à Fjällbacka, aujourd’hui.
— Oui, j’ai entendu dire que tu étais marié avec Erica Falck ! J’adore ses livres ! En tout cas ceux qui parlent de meurtres. Les biographies, je dois avouer que je ne les ai pas lues.
— Il n’y a pas de quoi avoir honte. A en juger par les chiffres de vente, la moitié du pays a lu son dernier roman, mais la plupart ne savent pas qu’elle a publié les biographies de cinq grandes écrivaines suédoises. C’est celle de Karin Boye qui s’est le plus vendue, je crois qu’elle a atteint le chiffre record de deux mille exemplaires, tu te rends compte… D’ailleurs, nous ne sommes pas encore mariés. Mais c’est pour bientôt. Le mariage est prévu à la Pentecôte.

Lu du même auteur :

la_princesse_des_glaces La Princesse des glaces  le_pr_dicateur Le Prédicateur

le_tailleur_de_pierre Le Tailleur de pierre

14 juin 2010

Étranger à Berlin – Paul Dowswell

Livre lu dans le cadre du Partenariat spécial Jeunesse
avec
Blog-O-Book et les Éditions Naïve

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Etranger___Berlin___Paul_Dowswell Naïve – août 2009 - 429 pages

traduit de l’anglais par Nathalie Peronny

Présentation de l'éditeur :
Le garçon sortit une boîte d'allumettes pour en craquer une. A la lueur vacillante de la flamme, une porte fermée apparut. La clé était suspendue à côté à un clou, au bout d'un ruban rouge. Il trifouilla quelques secondes dans la serrure, et la porte s'ouvrit. Un courant d'air glacé envahit la contre-allée. Les jeunes franchirent l'ouverture pour se retrouver dans ce qui se révéla être une petite cour sordide baignée par le clair de lune. Des herbes folles poussaient entre les pavés fendus et dans les craquelures des murs en brique. Il y avait des latrines en plein air, plusieurs caisses, trois poubelles remplies à ras bord et une minuscule porte en bois. Quelqu'un actionna la poignée frénétiquement - fermé à clé. Dans leur dos explosaient des cris, des bruits de tables et de chaises fracassées. Les jeunes qui s'étaient laissé piéger au moment de la ruée vers la sortie résistaient en se battant. Des filles hurlaient. " C'est le mur ou rien ", déclara Peter.

Quand ses parents meurent, en 1941, Piotr, jeune garçon polonais, est placé dans un orphelinat à Varsovie. Il est rapidement repéré : sa grande taille, ses cheveux blonds et ses yeux bleus font de lui un modèle accompli du type aryen prôné par Hitler...
Un haut dignitaire nazi souhaite l'adopter : Piotr, rebaptisé Peter, est accueilli dans sa nouvelle famille à Berlin. Mais Peter sent bien que pour les autres, il reste un étranger. Tous ses efforts tendent à convaincre son entourage du contraire, quitte à faire parfois quelques compromis ... C'est alors qu'il rencontre Lena... et qu'il découvre grâce à elle le vrai visage du nazisme. Il est temps pour lui de choisir son camp. Et de prendre des risques...

Un roman d'aventures qui pose la délicate question de l'engagement.

Auteur : D’abord chercheur, puis éditeur, Paul Dowswell est l’auteur d’une cinquantaine de livres, dont certains sont traduits dans le monde entier. Deux de ses livres ont figuré sur les listes finales des sélections du Blue Peter Book Award, célèbre prix consacré à la littérature jeunesse.

Mon avis : (lu en mai 2010)
Ce livre est un superbe roman destiné aussi bien aux adolescents (à partir de 14 ans) qu'aux adultes. Il a été construit autour de faits historiques, l'auteur nous plonge au cœur du Reich de 1941 à 1943.
En 1941, Piotr est un jeune orphelin polonais de 13 ans. Il est de type aryen « On dirait le gamin de l'affiche de la Hitlerjugend ». Rebaptisé Peter, il va être adopté par un couple de Berlin, les Kaltenbach, qui ont également trois filles. Au début, il est content d'avoir une belle chambre et d'être bien nourri, il va tout faire pour oublier lui-même et aux autres ses origines polonaises. Il entre chez les Hitlerjugend mais il garde cependant son esprit critique et peu à peu il réalise l'absurdité et la cruauté du national-socialisme. Il découvre également la réalité du travail du professeur Kaltenbach à l'Institut scientifique.
Peter va rencontrer Lena et tomber amoureux, sa famille est appréciée et respectée par le Parti, mais ce n'est qu'une apparence car ce sont des opposants qui viennent en aide à des familles juives qui se cachent. Peter va choisir son camp et sa guerre.

Piotr ou Peter est un personnage très attachant, son parcours est original et malgré son jeune âge il ne va pas subir les évènements mais il aura une vrai prise de conscience sur la réalité du régime hitlérien.

L'histoire est passionnante et captivante, nous découvrons l'Allemagne de l'intérieur, l'endoctrinement des jeunes, les menaces d'être dénoncé à la Gestapo pour des faits anodins, mais aussi la résistance interne : l'existence de caves secrètes où l'on écoute du jazz mais aussi ceux qui prennent le risque d'aider des familles juives à se cacher...

Ce livre est un superbe roman historique à lire et à faire lire.

Avis du Fiston (15 ans) : Même si le sujet du livre n'est pas facile, il se lit assez facilement. Dès le début, j'ai été pris par l'histoire de Peter. J'ai beaucoup apprécié de suivre la vie de tous les jours et les activités d'un garçon de mon âge dans le contexte historique de la Seconde Guerre Mondiale côté allemand. Ce livre m'a appris beaucoup de choses sur la guerre de 1939-1945 que je n'avais jamais vu en cours d'Histoire.

Merci à Blog-O-Book et aux Éditions Naïve pour nous avoir permis de découvrir ce remarquable roman dans le cadre de ce Partenariat spécial Jeunesse.

Extrait : (début du livre)
Varsovie
2 août 1941
Piotr Bruck grelottait en attendant son tour avec une vingtaine d'autres garçons dénudés dans le long couloir exposé aux courants d'air. Il avait maladroitement roulé ses vêtements en boule et les pressait contre sa poitrine pour se tenir chaud. Le ciel était couvert, en cette journée d'été, et la pluie tombait sans discontinuer depuis le petit matin. Le jeune garçon maigre qui se tenait juste devant lui avait la chair de poule jusqu'aux épaules. Lui aussi tremblait, de froid ou de peur. A l'extrémité de la file d'attente se trouvaient deux hommes en blouse blanche assis à une table. Ils examinaient brièvement chacun des garçons à l'aide d'instruments étranges. Certains étaient ensuite envoyés vers une pièce située à gauche de la table. D'autres, sans plus d'explications, étaient dirigés vers la porte de droite.
Piotr, comme le reste du groupe, avait reçu l'ordre de se taire et de ne pas regarder autour de lui. Il s'efforçait donc de garder les yeux rivés droit devant. La peur qui l'habitait était si forte qu'il se sentait presque détaché de son propre corps. Le moindre mouvement lui semblait foncé, artificiel. Le seul détail qui le ramenait à la réalité était sa vessie douloureuse. Piotr savait qu'il était inutile de demander la permission d'aller aux toilettes. Quand les soldats avaient débarqué à l'orphelinat pour arracher les garçons de leurs lits et les entasser dans une camionnette, il leur avait déjà demandé. Mais cela lui avait uniquement valu une gifle au-dessus de l'oreille pour avoir osé parler sans autorisation.

Ces hommes étaient déjà passés une première fois à l'orphelinat deux semaines auparavant. Depuis, ils étaient revenus souvent. Ils emmenaient parfois des garçons, parfois des filles. Dans le dortoir surpeuplé de Piotr, certains se réjouissaient de ces départs à répétition. « Ça nous laisse plus à manger, plus de place pour dormir, où est le problème ? » avait déclaré l'un de ses voisins de lit. Seuls quelques-uns en revenaient chaque fois. Les rares qui acceptaient de parler révélaient du bout des lèvres qu'on les avait mesurés et pris en photo.

Un peu plus loin, au fond du couloir, se tenait un petit groupe de soldats en uniforme noir – celui orné d'insignes en forme d'éclairs au niveau du col. Certains avaient des chiens, de féroces bergers allemands tirant avec nervosité sur les chaînes qui leur servaient de laisses. Piotr avait déjà vu des hommes de ce genre. Ils étaient venus dans son village pendant les combats. Lui-même avait vu de ses yeux de quoi ils étaient capables.

Un autre homme les observait. Il portait le même insigne en forme d'éclair que les soldats, mais épinglé à la poche-poitrine de sa blouse blanche. Il se tenait juste devant Piotr, grand, impressionnant, les mains derrière le dos, à superviser l'étrange procédure. Au bout d'un moment, il se retourna et Piotr vit qu'il était équipé d'un petit fouet d'équitation. Ses cheveux sombres et raides lui retombaient mollement sur le sommet du crâne, mais il était rasé sur les côtés, à l'allemande, sept ou huit bons centimètres au-dessus des oreilles.

A mesure que les garçons défilaient, il les observait derrière ses lunettes cerclées de noir et marquait son refus ou son approbation d'un simple signe de tête. La plupart des candidats étaient blonds, comme Piotr, mais certains avaient les cheveux légèrement plus foncés.

13 juin 2010

Long week-end – Joyce Maynard

Lu dans le cadre du challenge_100_ans_article_300x225

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Philippe Rey – janvier 2010 – 285 pages

10x18 - janvier 2011 - 251 pages

traduit de l’anglais (États-Unis) par Françoise Adelstain

Titre original : Labor Day, 2009

Présentation de l'éditeur :
Cette année 1987, une chaleur caniculaire s'abat sur la côte Est pendant le long week-end de Labor Day. Henry a treize ans, vit avec sa mère, ne supporte pas la nouvelle épouse de son père, aimerait s'améliorer au base-ball et commence à être obsédé par les filles. Jusque-là, rien que de très ordinaire, sauf que sa mère, elle, ne l'est pas. Encore jeune et jolie, Adele vit pratiquement retirée du monde et ne sort qu'en de rares circonstances. La rentrée des classes qui approche la contraint à conduire son fils acheter vêtements et fournitures au centre commercial. Et là, planté devant le présentoir des magazines où il essaye de feuilleter Playboy, Henry se heurte à Frank, ou plutôt Frank s'impose à Henry : Frank, un taulard évadé, condamné pour meurtre... Pendant quatre jours, le trio va vivre un surprenant huis-clos, chacun se dévoilant un peu plus au fil des heures. Et, vingt ans plus tard, avec émotion et humour, Henry révélera les secrets de ce long week-end qui lui a appris à grandir...

Auteur : Née en 1953, auteur de plusieurs romans et essais, surnommée lors de ses débuts fracassants en 1972 la Françoise Sagan américaine, Joyce Maynard vit désormais entre la Californie et le Guatemala. Plébiscité par une critique américaine unanime, ce Long week-end marque aussi la redécouverte d'un écrivain.

Mon avis : (lu en juin 2010)
Cette histoire est un huit clos entre Henry, treize ans, Adele, sa mère et Frank un fugitif qui vient de s'évader de prison, un criminel recherché par la police.

Un peu dépressive, Adele, vit recluse depuis son divorce et sort rarement de sa maison, Henry n’a pas de copain, il est s’efforce de faire de son mieux pour ne pas compliquer la vie de sa mère. Il se doit tous les samedis soir de dîner avec son père, sa nouvelle compagne et leurs enfants. Quelques jours avant la rentrée scolaire, lors d'un long week-end de canicule, ils sont partis faire quelques courses au supermarché lorsqu'Henry est abordé par Frank qui est blessé et qui lui demande de l'aider. Sans savoir qui il est, Adele accepte de l'accueillir chez elle.
L’arrivée de Frank va changer l’atmosphère de la maison, il va donner à ce foyer une vraie vie de famille. Il range la maison, fait de la cuisine, il s’occupe de distraire Henry et il redonne le sourire et l’envie de vivre à Adele.

L'histoire commence comme un fait divers, petit à petit le lecteur découvre trois personnages attachants, le ton est souvent grave, parfois drôle, le récit lent entretient un certain suspens et les évènements ne vont pas se passer comme on pourrait le prévoir. Ce long week-end va bouleverser le présent de chacun, mais aussi leur futur de tous les trois. A découvrir.

Extrait : (début du livre)
Il n'est plus resté que nous deux, ma mère et moi, après le départ de mon père. Et il avait beau dire que je devais aussi considérer comme membres de ma famille le bébé qu'il venait d'avoir avec sa nouvelle femme Marjorie, plus Richard, le fils de Marjorie, qui avait six mois de moins que moi et qui pourtant me dominait dans tous les sports, ma famille, c'était ma mère, Adele, et moi, point barre. Plutôt y admettre le hamster Joe que ce bébé, Chloe.

Quand mon père venait me chercher le samedi soir pour m'emmener dîner avec eux chez Friendly, il voulait toujours que je m'asseye à l'arrière de la voiture à côté d'elle. Ensuite, dans le box où nous mangions, il sortait un paquet de cartes de baseball de sa poche et et les posait sur la table pour les partager entre Richard et moi. Je donnais toujours les miennes à Richard. Pourquoi pas ? Le baseball, c'était ma plaie. Chaque fois que le prof de gym disait, OK Henry, tu joues avec les Bleus, tous les autres garçons de l'équipe râlaient.

En général, ma mère ne parlait jamais de mon père, ni de la femme à laquelle il était marié maintenant, ni du fils de cette femme, et non plus du bébé, mais un jour que, par erreur, j'avais laissé sur la table une photo qu'il m'avait donnée, où nous figurions tous les cinq – c'était l'année d'avant, quand j'étais allé à Disney World avec eux -, elle l'a étudiée pendant au moins une minute. Là, dans la cuisine, tenant la photo dans sa petite main pâle, son long cou élégant légèrement penché sur le côté, comme si l'image qu'elle regardait contenait un grand et troublant mystère, pourtant il y avait juste nous cinq, serrés comme des sardines dans une de ces tasses à thé tournantes. A la place de ton père, je m'inquiéterais de ce que le bébé n'a pas les deux yeux pareils, dit-elle. Ce n'est peut-être qu'un retard de croissance et pas une véritable arriération, mais si j'étais lui je lui ferais passer des tests. Est-ce qu'elle te paraît retardée, Henry ?
Peut-être un peu.
Je le savais. Elle ne te ressemble d'ailleurs absolument pas.
Je connaissais parfaitement mon rôle. Je savais qui était ma vraie famille. Elle.

 

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