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A propos de livres...

26 septembre 2010

Hello monsieur Hulot – David Merveille

Lu dans le cadre du partenariat  Masse Critique de Babelio et Éditions du Rouergue

hello_monsieur_hulot Éditions du Rouergue - octobre 2010 – 56 pages

D’après le personnage de Jacques Tati.

Présentation de l'éditeur :
Après les tribulations amoureuses de M Hulot dans "Le Jacquot de M Hulot", David Merveille met à nouveau en scène le personnage de Jacques Tati dans une série de 22 strips où l'on retrouve toute la poésie, l'humour et le caractère subversif de M Hulot. Encore une fois, David Merveille nous montre combien Hulot est à la fois décalé et toujours d'actualité, par les jeux graphiques, les références cinématographiques ou littéraires et les clins d'œil à l'actualité, qu'il glisse dans ces mini-BD menées avec brio.

Auteur : David Merveille vit à Bruxelles. Il travaille pour la presse, la publicité et l'édition jeunesse et est enseignant à l'Institut Saint-Luc de Bruxelles, en graphisme et illustration.
Il a illustré de nombreuses campagnes publicitaires en France et en Belgique, réalise des affiches et des illustrations hebdomadaires de nouvelles qui paraissent dans le quotidien belge " La Libre Belgique". Il est l'auteur de plusieurs albums édités chez différents éditeurs ( Mijade, Rouergue, Nathan, Hachette, etc)

Mon avis : (lu en septembre 2010)
Quelle bonne surprise de trouver dans ma boîte aux lettres le livre « Hello monsieur Hulot » de David Merveille. J'avais sélectionné ce livre parmi mes choix lors de Critique en Masse de Babelio.
Or, un autre livre m'ayant été attribué, je ne m'attendais pas du tout à recevoir celui-ci.
A peine l'enveloppe ouverte que j'étais déjà en train de le lire... ou plutôt de le regarder, car il n'y a comme seul texte les titres de chacune des petites histoires.
Chaque histoire tient en deux pages : sur le recto il y a le début de l'histoire en plusieurs cases et au recto (il faut donc tourner la page) il y a la chute en pleine page. On retrouve le personnage de Monsieur Hulot créé par Jacques Tati, sa fantaisie, son étourderie, sa poésie, son humour, son côté enfantin.
Les dessins sont simples et colorés mais avec beaucoup de petits détails à découvrir, des clins d'œil à l'actualité, au personnage de Monsieur Hulot...
Le livre en lui-même est un belle objet avec un dos toilé.

Dès que j'ai terminé de le regarder, tour à tour mes fils et mon mari ont voulu le découvrir également. Cela s'est terminé par une lecture commune... chacun ayant vu des petits détails que les autres n'avaient pas vu !
L'avis de la famille est unanime : un très beau livre qu'on prend beaucoup de plaisir à lire et qui nous révèle beaucoup de surprise !

Un GRAND MERCI  aux éditions du Rouergue pour ce jolie cadeau.

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Extraits :

hello_monsieur_hulot_extrait

hello_monsieur_hulot_extrait_2

hello_monsieur_hulot_extrait_3

hello_monsieur_hulot_extrait_4

Pour découvrir un peu plus l'auteur : Blog de David Merveille

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25 septembre 2010

La maison d'à côté - Lisa Gardner

Livre lu dans le cadre du partenariat Livraddict et Albin Michel

la_maison_d_a_cote la_maison_d_a_cote_

Albin Michel – septembre 2010 – 432 pages

traduit de l’américain par Cécile Déniard

Quatrième de couverture :
Un fait divers dans une banlieue résidentielle de Boston passionne les médias. Sandra Jones, jeune maîtresse d'école et mère modèle a disparu. Seul témoin : sa petite fille de 4 ans. Suspect N°1 : un mari Jason. Dès qu'elle pénètre dans la villa douillette des Jones, l'inspectrice D.D. Warren sent que quelque chose cloche. Aux yeux de tous, Sandra et Jason Jones avaient tout du jeune couple amoureux. Mais de toute évidence, cette apparente normalité dissimulait des zones d'ombre redoutables. Au fil des jours, la disparition de la jeune femme devient de plus en plus inquiétante. Pourtant Jason Jones semble plus intéressé à faire disparaître les preuves et isoler sa fille que par rechercher sa femme « chérie ». Le parfait époux essaierait-il de brouiller les pistes ou cherche-t-il simplement à se cacher ? Mais de qui ?

Auteur : Les suspenses de Lisa Gardner sont des best-sellers aux États-Unis et en Grande Bretagne. Sauver sa peau (2009) a connu un vrai succès en France.
Lisa vit aux États-Unis, dans un petit hameau des montagnes du New Hampshire.

Mon avis : (lu en septembre 2010)
« Autopsie d'une famille au-dessus de tout soupçon : un couple de rêve, une maison de rêve, et quelques secret... inavouables. » Voilà ce qui est fort bien résumé sur la première page de la jaquette du livre. Cela commence par la disparition d'une jeune et jolie femme de sa maison de Boston sans laisser de traces. Le seul témoin de sa disparition est Ree, sa petite fille âgée de 4 ans. Le premier suspect est son mari Jason Jones. C'est l'inspectrice D.D Warren qui mène l'enquête et dès le début elle trouve bizarre le comportement de Jason... Il cache quelque chose. D'autres personnages vont entrer dans l'histoire, chacun a des secrets et chacun pourrait être le coupable idéal...
Voilà un livre dont l'intrigue est très bien construite, le suspens se met en place peu à peu, des indices apparaissent, des fausses pistes également. Le lecteur suit l'histoire à travers plusieurs voix celle du narrateur, celle de Sarah et celle d'Aidan Brewster. Et j'avoue avoir été surprise par le dénouement du livre, que je n'avais pas vu venir.
A travers cette histoire, l'auteur aborde les sujets des enfants maltraités et du fichage des délinquants sexuels. J'ai passé un très bon moment avec ce livre dont l'histoire m'a captivée.

Merci à Livraddict et aux éditions Albin Michel pour m'avoir permis de découvrir ce livre et cette auteure.

Extrait : (début du livre)
JE ME SUIS TOUJOURS DEMANDÉ ce que ressentaient les gens pendant les toutes dernières heures de leur existence. Savent-ils qu’un drame est sur le point de se produire ? Pressentent-ils la tragédie imminente, étreignent-ils leurs proches ? Ou bien est-ce que ce sont juste des choses qui arrivent ? La mère de famille qui couche ses quatre enfants en s’inquiétant des covoiturages du matin, du linge dont elle ne s’est pas encore occupée et du bruit bizarre que fait à nouveau la chaudière, quand elle entend soudain un craquement sinistre au bout du couloir. Ou l’adolescente qui rêve de son shopping du samedi avec sa Meilleure Amie pour la Vie et qui découvre en ouvrant les yeux qu’elle n’est plus seule dans sa chambre. Ou le père qui se réveille en sursaut et se demande Mais qu’est-ce que ? juste avant de recevoir un coup de marteau entre les deux yeux.
Pendant les six dernières heures du monde tel que je le connais, je donne son dîner à Ree. Des macaronis au fromage de chez Kraft avec des morceaux de saucisse de dinde. Je coupe une pomme en tranches. Ree mange la chair blanche croquante et laisse des demi sourires de pelure rouge. Toutes les vitamines sont dans la peau, lui dis-je. Elle lève les yeux au ciel – elle a quatre ans, mais là on dirait quatorze. C’est déjà la bagarre pour les vêtements : elle aime les jupes courtes, son père et moi préférons les robes longues ; elle veut un bikini, nous tenons à ce qu’elle porte un maillot de bain
une pièce. J’imagine que c’est l’affaire de quelques semaines avant qu’elle ne demande les clés de la voiture.
Ensuite elle veut partir à la «chasse au trésor» dans le grenier. Je lui réponds que c’est l’heure du bain. De la douche, en fait. Depuis qu’elle est bébé, nous nous lavons ensemble dans la vieille
baignoire à pattes de lion dans la salle de bains de l’étage. Ree savonne deux Barbie et un canard princesse en caoutchouc. Je la savonne, elle. Lorsque nous avons fini, nous sentons toutes les deux la lavande et la salle de bains carrelée de noir et blanc est une étuve.
J’aime le rituel qui suit la douche. Nous nous enveloppons dans d’immenses serviettes, puis nous filons tout droit par le couloir froid jusqu’au Grand Lit de la chambre que je partage avec Jason ; nous nous y allongeons, côte à côte, les bras emmaillotés, mais les doigts de pied qui dépassent et se frôlent. Notre chat tigré orange, M. Smith, saute sur le lit et nous dévisage de ses grands yeux dorés en remuant sa longue queue.
«Quel moment tu as préféré aujourd’hui ?» demandé-je à ma fille.
Ree plisse le nez. «Je ne me souviens plus.»
M. Smith s’éloigne de nous, se trouve un coin bien douillet près de la tête de lit et commence sa toilette. Il sait ce qui vient ensuite.
«Mon moment préféré, c’est quand j’ai eu droit à un gros câlin en rentrant du collège.» Je suis enseignante. Nous sommes mercredi.
Le mercredi, je rentre vers quatre heures. Jason part à cinq. Ree a l’habitude de cette organisation à présent. Papa s’occupe d’elle la journée, maman le soir. Nous ne voulions pas que notre enfant soit élevée par d’autres et nous avons ce que nous voulions.
«Je peux regarder un film?» demande Ree. Sempiternelle question. Elle passerait sa vie enchaînée au lecteur de DVD si on la laissait faire.
«Pas de film, réponds-je avec légèreté. Raconte-moi l’école.»
Elle revient à la charge :
«Un petit film, dit-elle avant de proposer d’un air triomphant : Nos amis les légumes !
– Pas de film», répété-je en dégageant un peu mon bras pour la chatouiller sous le menton. Il est près de huit heures du soir et je sais qu’elle est fatiguée et têtue. J’aimerais éviter un beau caprice
aussi près de l’heure du coucher. «Alors, raconte-moi l’école. Qu’est-ce que vous avez eu comme collation ?»
Elle libère ses bras et me chatouille sous le menton. «Des carottes !
– Ah oui ?» Encore des chatouilles, derrière son oreille. «Qui les a apportées ?
– Heidi ! »
Elle essaie d’atteindre mes aisselles. Je bloque adroitement sa manœuvre. «Arts plastiques ou musique ?
– musique !
– Chant ou instrument ?
– Guitare ! »
Elle enlève sa serviette et me saute dessus pour me chatouiller partout où elle le peut de ses petits doigts vifs, dernier débordement d’énergie avant l’effondrement de la fin de journée. J’arrive à la
repousser, mais roule en riant jusqu’à tomber du lit. J’atterris lourdement sur le parquet, ce qui ne fait que redoubler l’hilarité de Ree tandis que M. Smith émet un miaulement de protestation. Il sort de la chambre en trottinant, impatient désormais que notre rituel du soir s’achève.
Je sors un long tee-shirt pour moi et une chemise de nuit Petite Sirène pour elle. Nous nous brossons les dents ensemble, côte à côte devant le miroir ovale. Ree aime que nous crachions en même temps. Deux histoires, une chanson et une demi-comédie musicale plus tard, elle est enfin couchée, Doudou Lapine entre les bras et M. Smith roulé en boule à ses pieds.
Vingt heures trente. Notre petite maison est officiellement à moi. Je m’installe au bar de la cuisine. Je prends un thé en corrigeant des copies, le dos tourné à l’ordinateur pour ne pas être tentée.
L’horloge en forme de chat que Jason a offerte à Ree pour Noël miaule pour sonner l’heure. Le bruit résonne dans les deux étages de notre pavillon des années 1950, qui paraît ainsi plus vide qu’il
ne l’est réellement.
J’ai froid aux pieds. C’est le mois de mars en Nouvelle-Angleterre, les journées sont encore fraîches. Je devrais mettre des chaussettes, mais j’ai la flemme de me lever.
Vingt et une heures quinze, je fais ma ronde. Je pousse le verrou de la porte de derrière, vérifie les coins en bois enfoncés dans tous les châssis de fenêtre. Pour finir, je ferme le double verrou de la porte d’entrée métallique. Nous vivons à South Boston, dans un quartier résidentiel sans prétention, avec des rues bordées d’arbres et des parcs pour les enfants. Beaucoup de familles, beaucoup de clôtures de piquets blancs.
Je vérifie quand même les verrous et je renforce les fenêtres. Jason et moi avons chacun nos raisons.

Livre lu dans le cadre du partenariat et Albin Michel

Livre 9/14 pour le Challenge du 1% littéraire 1pourcent2010

23 septembre 2010

Le cœur régulier - Olivier Adam

le_coeur_r_gulier Editions de l’Olivier – août 2010 – 231 pages

Quatrième de couverture :
" Vu de loin on ne voit rien ", disait souvent Nathan. Depuis la mort de ce frère tant aimé, Sarah se sent de plus en plus étrangère à sa vie, jusque-là " si parfaite ". Le cœur en cavale, elle s'enfuit au Japon et se réfugie dans un petit village au pied des falaises. Nathan prétendait avoir trouvé la paix là-bas, auprès d'un certain Natsume. En revisitant les lieux d'élection de ce frère disparu, Sarah a l'espoir de se rapprocher, une dernière fois, de lui. Mais c'est sa propre histoire qu'elle va redécouvrir, à ses risques et périls. Grâce à une écriture qui fait toute la place à la sensation, à l'impression, au paysage aussi bien intérieur qu'extérieur, Olivier Adam décrit les plus infimes mouvements du cœur et pose les grandes questions qui dérangent.

Auteur : Olivier Adam est né en 1974. Après avoir grandi en banlieue et vécu à Paris, il s’est installé à Saint-Malo. Il est l’auteur de nombreux livres dont Passer l’hiver (Goncourt de la nouvelle 2004), Falaises, À l’abri de rien (prix France Télévisons 2007 et prix Jean-Amila-Meckert 2008), Des vents contraires (Prix RTL/Lire 2009).

Mon avis : (lu en septembre 2010)
Voilà un livre que j’avais hâte de découvrir. Dans ce livre on retrouve la grande sensibilité d’Olivier Adam. Il nous raconte la fuite de Sarah au Japon. Sarah est la mère de deux adolescents, elle a un mari parfait, une belle maison et un travail, une vie bien réglée. Mais Nathan, son frère, s’est tué dans un accident de voiture. Lorsque sa sœur Clara lui apprend la mauvaise nouvelle, Sarah répond «il l’a fait exprès». En effet, Nathan est un jeune homme instable, qui n'a jamais vraiment trouvé sa place dans la société. Il avait déjà fait plusieurs tentatives de suicides. Sarah et Nathan étaient très proches et complices pendant leur enfance et adolescence. Après la mort de Nathan, Sarah va chercher à comprendre qui était vraiment son frère. Elle va retourner sur les lieux que son frère aimait, en particulier dans ce petit village japonais au pied de falaises. Nathan y avait rencontré Natsume, un ancien policier qui sauve des vies.

J'aime beaucoup les livres d'Olivier Adam et celui-ci m'a également conquise. Ces personnages sont attachants, les descriptions sont superbes, j'ai l'impression de voir les paysages décrits devant mes yeux. Une bien belle histoire !

Extrait : (début du livre)
C'est une nuit sans lune et c'est à peine si l'on distingue l'eau du ciel, les arbres des falaises, le sable des roches. Seules scintillent quelques lumières, de rares fenêtres allumées, une dizaine de lampadaires le long de la plage, deux autres aux abords du sanctuaire, le néon d'un bar, un distributeur de boissons, myriade de canettes multicolores sous l'éclairage cru. Plus grand monde ne s'attarde à cette heure. La fin de l'été a ravalé les touristes, les dernières cigales crissent dans les jardins de l'hôtel, nous sommes fin septembre mais il fait encore tiède. Par la baie entrouverte monte la rumeur du ressac. S'y mêlent le froissement des feuilles, le balancement des bambous, les craquements des cèdres. Les singes se sont tus peu après la tombée du jour, tout à l'heure ils hurlaient de panique, puis l'obscurité a tout recouvert et ils ont renoncé. Je suis rentrée des falaises par ce chemin sinueux que j'emprunte depuis déjà six jours. Sous la voûte des grands arbres où se croisaient les premières chauves-souris et les dernières buses, au milieu des fougères et des tapis de mousse, j'ai longé des lanternes devenues familières, des rosa rugosa encore fleuris, des camélias aux feuilles luisantes, des érables encore verts, des maisons de bois par les fenêtres desquelles se devinaient des mobiliers à ras du sol, des cloisons de papier, l'écru blond des tatamis. Il n'était pas sept heures, mais déjà des repas s'y préparaient, répandaient leurs parfums moites de bouillon et d'algues, de thé vert et de soja. Trois gamins en tenue de base-ball me suivaient en bavardant, la batte sur l'épaule. Ils ont bifurqué dans mon dos sans que je m'en aperçoive, quand je me suis retournée il n'y avait plus personne, j'aurais aussi bien pu avoir été filée par des fantômes. Arrivée à l'hôtel, je me suis installée près des fenêtres, accroupis autour d'une table en bois laqué nous n'étions que cinq à dîner, Katherine, moi-même et trois Japonais : un couple élégant et silencieux, tous deux vêtus de kimonos sobres et parfaitement coupés, visages aux traits si fins qu'on les aurait dits échappés d'un film, d'une photo. Et, légèrement en retrait, un homme d'une cinquantaine d'années, costume anthracite sur chemise claire, dont la bouche arborait en permanence une cigarette entièrement blanche. Il les sortait d'un paquet souple et bleu ciel et ne s'interrompait que pour avaler quelques bouchées ou boire une gorgée de bière d'une longueur inhabituelle, comme s'il tentait de vider son verre en un seul trait. Nous nous sommes salués en hochant la tête, bustes inclinés et sourires de convenance, puis chacun s'est de nouveau penché sur son assiette. La patronne m'a servi un bol de riz et d'anguille avant de s'installer à l'écart pour prendre son repas elle aussi, en compagnie de sa fille Hiromi, une gamine d'une quinzaine d'années que j'avais croisée plus tôt dans la journée, sitôt quitté l'école elle avait remonté sa jupe de plusieurs centimètres, défait trois boutons de son chemisier, maquillé ses yeux et sorti son téléphone portable de son sac, d'où pendaient une dizaine de breloques : porte-bonheur shinto, figurines de manga, créatures issues de films de Miyazaki et la galerie complète des Aristochats. J'ai pensé à ma propre fille en la voyant, elle ne me manquait pas encore, est-ce que les enfants nous manquent une fois entrés dans l'adolescence, je n'en étais pas certaine. Romain non plus ne me manquait pas, Anaïs avait bientôt seize ans et lui quatorze à peine, depuis pas mal de temps déjà nous ne faisions plus que nous croiser, nous ne vivions plus ensemble mais les uns à côté des autres, sous un même toit, en colocation en quelque sorte, j'avais mis du temps à m'en rendre compte mais vu d'ici, vu de si loin, oui, c'est ainsi que m'apparaissaient les choses. "Vu de loin on ne voit rien", disait souvent Nathan à tout propos, et cette phrase semblait recouvrir à ses yeux une vérité essentielle. Je n'ai jamais compris ce que mon frère entendait par là mais aujourd'hui je sais qu'il avait tort, que c'est exactement le contraire : vu de près, pris dans le cours ordinaire, on ne voit rien de sa propre vie. Pour la saisir il faut s'en extraire, exécuter un léger pas de côté. La plupart des gens ne le font jamais et ils n'ont pas tort. Personne n'a envie d'entrevoir l'avancée des glaces. Personne n'a envie de se retrouver suspendu dans le vide. Nos vies tiennent dans un dé à coudre. Je ne sais plus qui disait ça l'autre jour, c'était à la radio je crois. Ou bien l'ai-je lu dans un livre. Je ne sais plus. Mais cette phrase m'a saisie, Nathan aurait pu la prononcer, ai-je pensé, l'ajouter aux dizaines d'autres, tout aussi définitives et désenchantées, qui lui servaient de viatique, dessinaient une ligne de conduite qui ne l'a jamais mené nulle part. J'avais pris le premier avion pour Tokyo, le cœur en cavale, dans un état de confusion totale, fuyant une menace indéfinissable dont je sentais qu'elle n'allait pas tarder à m'engloutir. Quand j'ai appelé les enfants, une fois arrivée ici, pour leur annoncer que voilà, j'étais partie au bout du monde pour quelque temps, que j'avais besoin d'une pause, de me retrouver, qu'un élan m'avait tirée vers l'est, vers ce pays, ces rues, ces paysages, ils se sont contentés d'acquiescer. Au fond je crois qu'ils s'en foutaient, pour eux ça ne devait pas signifier grand-chose. Pas beaucoup plus qu'une de ces lubies d'adulte névrosé dont ils avaient été plutôt protégés jusqu'alors, bien au chaud derrière les murs épais de notre maison confortable, la réserve feutrée et la pondération de leurs parents solides et raisonnables, mais dont regorgeaient les allées bien peignées de notre si jolie résidence : crises de nerfs, pétages de plombs, perversions, dépressions alcool adultère, vide et ressentiment en tout genre, il n'y avait qu'à se baisser, les rues et les maisons voisines en étaient pleines, comme partout ailleurs. Et il leur suffisait d'allumer la télé pour contempler des galeries entières de parents en tout point identiques aux leurs et à ceux de leurs camarades, rentrant chaque soir de leur travail valorisant et rémunérateur, dotés de voitures propres aux marques prestigieuses, suédoises ou allemandes, de résidences secondaires en Normandie en Bretagne ou dans le Pays basque, pratiquant le tennis, le golf et le jogging du dimanche matin, toujours impeccablement vêtus, goûtant le repos dans des pavillons rangés et entretenus, à la décoration choisie, et dont le vernis s'écaillait à la première occasion, laissant à nu des secrets putrides, les viscères du mensonge et de la dissimulation. Ils avaient raccroché en lâchant un "bon, ben... à bientôt maman" dubitatif et vaguement inquiet. Alain, leur père, avait dû prendre son air compréhensif et désolé, mon si parfait mari, votre mère est fragile en ce moment, avait-il dû leur confier, le front barré d'une ride soucieuse, après ce qui s'est passé il faut la comprendre, nous allons respecter son choix et attendre patiemment son retour, que pourrions-nous faire d'autre ? Ils avaient dû l'écouter sans réagir, impuissants et dépassés, ne sachant trop si cet événement en était vraiment un, ni ce qu'on attendait d'eux en pareilles circonstances.

Déjà lu du même auteur :

a_l_abri_de_rien A l’abri de rien  falaises Falaises

Des_vents_contraires Des vents contraires je_vais_bien_ne_t_en_fait_pas_p Je vais bien, ne t'en fais pas

Livre 8/14 pour le Challenge du 1% littéraire 1pourcent2010

22 septembre 2010

Swap Scandinavia : ouverture du colis !

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A la fin du mois de juillet dernier, je me suis incrite au Swap Scandinavia organisé par Isleene.
Ce Swap nous invitait à découvrir la Scandinavie à travers des livres, un objet, deux gourmandises, une surprise...
La Scandinavie regroupe 5 pays : le Danemark, la Finlande, l'Islande, la Norvège et la Suède.

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J'ai déjà eu l'occasion de lire des œuvres de chacun de ses pays mais ce swap a été l'occasion de découvrir un peu mieux la Scandinavie, dans un premier temps virtuellement !

Après une attente longue et impatiente et les ratés de La Poste... (cf.billet du 20/09)
J'ai enfin réussi à récupérer mon colis ce matin au bureau de poste :

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Un très gros paquet qui ne rentrait pas dans ma boîte aux lettres !

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avec pleins de paquets et de petits mots et une carte que je garde pour la fin...

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Voilà tous les paquets déballés !

Et voilà le détail :

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Les livres : 
Le livre de Dina tome 1 Herbjørg Wassmo,
le premier tome d'une trilogie que ma swappeuse veut me faire connaître.

Un safari arctique – Jørn Riel,
et autres racontars, un livre que ma swappeuse aime beaucoup,

L'Héritage impossible – Anne B. Ragde,
c'est le troisième tome de la "Trilogie des Neshov" dont j'ai déjà lu les premiers livres

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Un cœur, objet de déco scandinave
et des bâtonnets d'encens pour me plonger dans l'ambiance scandinave
"Veillée et contes d'hiver"

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le DVD Le Lièvre de Vatanen, tiré du roman d'Arto Paasilinna, j'ai bien aimé le livre et
je n'avais pas encore eu l'occasion de voir le film.

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Enfin les gourmandises...
Ma swappeuse a évité le hareng, elle a préféré le Pain d'Epices (moi aussi !)
pour évoquer la neige, elle a choisit Mousse au Chocolat blanc (très bon !)
Enfin, un énorme clin d'œil à la Suède avec les Krisprolls !
 

Et c'est la carte à l'esprit scandinave qui a dévoilé
le nom de ma swappeuse :
Pickwick

Un très grand MERCI à Pickwick pour tous ses paquets et
ses surprises nombreuses et variées.
Le plaisir que j'ai eu en découvrant ce colis a été proportionnel

à l'attente de la réception mouvementée de ce Swap

Et merci à Isleene pour l'organisation de ce Swap Scandinavia !

 

Pour ma part, j'avais préparé et envoyé un colis à Isleene

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21 septembre 2010

Maigret et le clochard – George Simenon

Lu dans le cadre du Challenge Maigret organisé par Ferocias

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Presses de la Cité – 1963 – 189 pages
Presses de la Cité – 1978 – 189 pages
Livre de Poche – octobre 2000 – 191 pages
Livre de Poche – octobre 2002 – 190 pages
Le Livre Qui Parle – novembre 2003 - CD

Quatrième de couverture :
Une nuit de mars, à Paris, deux bateliers tirent de la Seine un clochard grièvement blessé. Il s'agit de François Keller, un ancien médecin. Depuis plus de vingt ans, il a rompu tout lien avec son épouse et un milieu bourgeois qu'il ne supportait pas. Mais qui a pu vouloir sa mort ? C'est en bavardant avec les autres clochards que Maigret va reconstituer l'existence marginale de Keller, tout en s'intéressant à une Peugeot 403 rouge et à Van Houtte, un des sauveteurs de la victime, marié et père d'un jeune enfant. Les quais et les brumes de la Seine, le petit monde mystérieux des clochards et des mariniers fournissent au romancier un de ces décors en demi-teintes comme il les affectionne, pour y faire vivre une humanité apparemment ordinaire, mais lourde, pour qui sait voir, de secrets et de passions.

Auteur : Né à Liège le 13 février 1903, après des études chez les jésuites, et amené de bonne heure à gagner sa vie, Georges Simenon est contraint d'exercer divers métiers. Un temps reporter à La Gazette de Liège, il circule volontiers de par le monde, séjournant notamment à Paris. 'Le Roman d'une dactylo', publié sous un pseudonyme en 1924, est un véritable succès populaire. Dès lors, cet auteur prolifique rédige roman sur roman, à un rythme impressionnant, et donne naissance au fameux commissaire Maigret. L'univers de Simenon est marqué par un réalisme cru - ses personnages sont des êtres veules et médiocres - auquel se mêle toutefois une poésie particulière, liée à la restitution de l'atmosphère des lieux, ou à l'angoissante solitude qui enserre les hommes. En vertu de leurs qualités dramatiques intrinsèques, nombre de ses œuvres ont été adaptées au petit et au grand écran. Simenon gravit les marches de l'Académie royale de Belgique en 1952, rendant au genre policier toutes ses lettres de noblesse. Décédé à Lausanne le 04 septembre 1989.

Mon avis : (lu en septembre 2010)

Après ma première lecture de Simenon qui ne m'avait pas convaincu, j'ai choisi un Maigret écrit plus tardivement : Maigret et le Clochard est un roman de Georges Simenon publié en 1963.
Lors d’une nuit, à Paris, deux bateliers repêchent dans la Seine un clochard grièvement blessé. L’un des bateliers dit avoir vu sur le quai une voiture rouge. Maigret retrouve les occupants de cette voiture et découvre qu’ils sont innocents. Le clochard a un passé surprenant : c’est un ancien médecin, il a rompu avec sa femme car il ne supportait plus l’esprit bourgeois de celle-ci. On découvre un commissaire Maigret qui s’imprègne petit à petit de la vie des gens qui tournent autour de l’enquête et peu à peu il va comprendre pourquoi ce clochard a été jeté à l’eau… Mais je n’en dévoilerai pas plus !
Voilà une enquête de Maigret que j’ai suivie avec beaucoup de plaisir.

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Il existe deux téléfilms adaptés de ce livre, le premier a été réalisé en 1982 par Louis Grospierre, avec Jean Richard, le second a été réalisé en 2004 par Laurent Heynemann  avec Bruno Cremer.


Extrait : (début du livre)

Il y eut un moment, entre le quai des Orfèvres et le pont Marie, où Maigret marqua un temps d'arrêt, si court que Lapointe, qui marchait à son côté, n'y fit pas attention. Et pourtant, pendant quelques secondes, peut-être moins d'une seconde, le commissaire venait de se retrouver à l'âge de son compagnon.
Cela tenait sans doute à la qualité de l'air, à sa luminosité, à son odeur, à son goût. Il y avait eu un matin tout pareil, des matins pareils, au temps où, jeune inspecteur fraîchement nommé à la Police Judiciaire que les Parisiens appelaient encore la Sûreté, Maigret appartenait au service de la voie publique et déambulait du matin au soir dans les rues de Paris.

Bien qu'on fût déjà le 25 mars, c'était la première vraie journée de printemps, d'autant plus limpide qu'il y avait eu, pendant la nuit, une dernière averse accompagnée de lointains roulements de tonnerre.
Pour la première fois de l'année aussi, Maigret venait de laisser son pardessus dans le placard de son bureau et, de temps en temps, la brise gonflait son veston déboutonné.
A cause de cette bouffée du passé, il avait adopté sans s'en rendre compte son pas d'autrefois, ni lent ni rapide, pas tout à fait le pas d'un badaud qui s'arrête aux menus spectacles de la rue, pas non plus celui de quelqu'un qui se dirige vers un but déterminé.
Les mains jointes derrière le dos, il regardait autour de lui, à droite, à gauche, en l'air, enregistrant des images auxquelles, depuis longtemps, il ne prêtait plus attention.
Pour un aussi court trajet, il n'était pas question de prendre une des voitures noires rangées dans la cour de la PJ et les deux hommes longeaient les quais. Leur passage, sur le parvis de Notre-Dame, avait fait s'envoler des pigeons et il y avait déjà un car de touristes, un gros car jaune, qui venait de Cologne.

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20 septembre 2010

Swap Scandinavia

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A la fin du mois de juillet dernier, je me suis incrite au Swap Scandinavia organisé par Isleene.
Ce Swap nous invitait à découvrir la Scandinavie à travers des livres, un objet, deux gourmandises, une surprise...
La Scandinavie regroupe 5 pays : le Danemark, la Finlande, l'Islande, la Norvège et la Suède.

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J'ai déjà eu l'occasion de lire des œuvres de chacun de ses pays mais ce swap a été l'occasion de découvrir un peu mieux la Scandinavie, dans un premier temps virtuellement !

C'est pour moi mon troisième Swap et je découvre que chaque Swap est différent, et qu'un Swap est source de nombreuses surprises...

Et, aujourd'hui étant le jour de publication pour toutes du résultat du Swap :
la grosse surprise pour moi... est que, à ce jour, je n'ai pas encore reçu mon colis !

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J'espère le trouver ce soir dans ma boîte aux lettres...

Edit du 20/09/2010, 18h30 : J'ai trouvé ce soir un avis de la poste pour le colis, la Poste serait passée samedi (or j'étais présente à l'heure du passage...) et je suis sûre que l'avis de passage a été mis ce matin car Samedi j'ai ouvert au moins 3 fois la BAL dans la journée...

Les horaires de la poste n'étant pas compatible avec les miens...
Je suis obligée d'attendre Mercredi matin pour aller retirer mon colis...

Voilà un swap qui m'aura fait patienter...

Merci d'avance à ma gentille Swappeuse et suite de l'aventure Mercredi prochain !

Pour ma part, j'avais préparé et envoyé un colis à Isleene

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20 septembre 2010

En attendant la montée des eaux – Maryse Condé

Livre lu dans le cadre du partenariat Blog-o-Book et  JC Lattès

en_attendant_la_mont__des_eaux Jean-Claude Lattès – août 2010 – 364 pages

Présentation de l'éditeur :
Babakar est médecin. Il vit seul avec ses souvenirs d’une enfance africaine, d’une mère aux yeux bleus qui vient le visiter en songe, d’un ancien amour, Azelia, disparue elle aussi, et autres rêves de jeunesse d’avant son exil en Guadeloupe, berceau de sa famille. Mais le hasard ou la providence place une enfant sur sa route et l’oblige à renoncer à sa solitude, à ses fantômes.

La petite Anaïs n’a que lui. Sa mère, une réfugiée haïtienne, est morte en la mettant au monde, lui léguant sa fuite et sa misère. Babakar veut lui offrir un autre avenir. Ils s’envolent pour Haïti, cette île martyrisée par la violence, les gouvernements corrompus, les bandes rebelles, mais si belle, si envoûtante. Babakar recherche la famille d’Anaïs, une tante, un oncle, des grands-parents peut-être, qui pourraient lui raconter son histoire. Mais Babakar ne rencontre personne et ne peut compter que sur lui et sur ses deux amis Movar et Fouad. Des hommes qui lui ressemblent, exilés, solitaires, à la recherche d’eux-mêmes et qui trouvent à Haïti des réponses à leur quête, un lieu de paix au milieu des décombres.

Auteur :  Née en 1934 à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), Maryse Condé est l’auteur d’une œuvre considérable : la trilogie Ségou, La Migration des cœurs, La Traversée de la mangrove, Désirada, La Belle Créole, Histoire de la femme cannibale, Les Belles Ténébreuses, publiée aux Editions Robert Laffont et au Mercure de France. Elle a reçu le prix Tropiques, le prix de l’Académie Française et le prix Marguerite Yourcenar. Après avoir longtemps enseigné à l’Université de Columbia, elle se partage aujourd’hui entre Paris et New York.
On retrouve dans
En attendant la montée des eaux ses thèmes et ses paysages de prédilection, l’empire de Ségou, les sociétés antillaises, la terrible Haïti.

Mon avis : (lu en septembre 2010)
C'est l'histoire de trois hommes et d'une petite fille en quête de ses origines. Babakar est médecin obstétricien en Guadeloupe, il recueille une petite fille, Anaïs, dont la mère vient de mourir en la mettant au monde. Cette femme est une clandestine haïtienne.
Avec l'aide de Movar, lui-même clandestin haïtien qui habitait avec Reinette la mère d'Anaïs, il va partir pour Haïti à la recherche de la famille de la petite fille. Il va rencontrer Fouad, un cuisinier libanais.
L'écriture est fluide et imagée rendant facile la lecture de ce livre. Mais l'histoire est un peu compliquée. En effet, la trame principale du livre est entrecoupée par les histoires des différents personnages, chacun ayant eu une histoire chaotique.
Les descriptions de Haïti, nous montre un pays ravagé par les guerres civiles, les désordres politiques et également par les cyclones…
Entre Afrique et Antilles, dans un environnement sombre et hostile, on ressent beaucoup d’humanité dans cette histoire.

Merci à Blog-o-Book et JC Lattès pour m'avoir permis de découvrir ce livre.

Extrait : (début du livre)

Babakar fut précipité de la tiédeur du sommeil à la clameur d'une nuit d'orage et atterrit, étourdi, saisi dans un vacarme. Le tonnerre grondait. Les tôles du toit grinçaient. Les branches des pié bwas craquaient avant de se fracasser à terre tandis que les mangots tombaient drus comme roches. Pendant son sommeil, il avait vu sa mère, souriante, radieuse, ses yeux de bleuet lumineux et rafraîchis comme si, au milieu du désordre des éléments, elle apportait un rameau d'olivier. Elle venait lui signifier que les pages noires de deuil étaient tournées et que se dessinait enfin la promesse du bonheur.

La pendule marquait 23 h 15. Il songea aux hommes qui en ce moment buvaient du rhum agricole, jouaient aux dés ou aux dominos et caressaient les seins durcis des femmes qu'ils s'apprêtaient à baiser. Lui, dormait déjà dans un pyjama de coton rayé.

Personne ne comprenait rien de rien à cet hivernage-là. Des semaines qu'on aurait dû en voir le bout. Mais la pluie n'arrêtait pas de flageller la Nature avec violence et de faire déborder les ravines les plus secrètes. Frissonnant dans l'humidité, Babakar enfila un peignoir et glissa sur ses pieds nus à travers l'enfilade de pièces de sa villa meublée sans goût, à la va-vite. Les maisons s'expriment à leur manière. Celle-là parlait de solitude et d'exclusion. Dans la cuisine, il se versa un verre de lait qu'il but trop hâtivement, en se salissant le menton. Il ne touchait jamais à l'alcool, non par souci de religion, mais parce que cela lui donnait des aigreurs qui ajoutaient au goût déjà si mauvais de sa vie.

Il emplissait à nouveau son verre quand la sonnerie de l'entrée retentit avec violence, pressée par une main fiévreuse.

Babakar sortit sur la galerie et, malgré la pluie, traversa en courant la pelouse, ses pieds nus s'enfonçant dans la gadoue puis s'en arrachant avec un bruit de succion. Un homme se tenait derrière la grille, s'abritant d'une feuille de bananier. Il était jeune. Beau. L'air craintif. Noir. Très noir. Habillé de hardes, curieusement chaussé de conver- ses rouges qui prenaient l'eau de toutes parts. Il s'agissait visiblement d'un Haïtien, innombrables dans la région malgré les arrestations et les reconduites aux frontières de plus en plus féroces de la police. Il balbutia :

- Fô li vini kounye-a. Li pral mouri !

Babakar ne s'était pas trompé : il reconnut le créole haïtien qu'il ne comprenait pas plus que le guadeloupéen et interrogea en français :

- De qui s'agit-il ? D'une de mes patientes ?

L'homme se borna à répéter avec plus de force :

- Li pral mouri !

Babakar retourna à l'intérieur de la maison pour s'habiller et prendre sa trousse. Puis, il rejoignit l'Haïtien qui, la tête entre les mains, s'était accroupi dans un coin du garage. Ils prirent place dans la vieille Mercedes, achetée pour une bouchée de pain à un VAT qui retournait à Angoulême, son contrat terminé. C'était une de ces nuits où ne peuvent germer que l'étrange ou l'insolite. Par une nuit semblable, Dieu avait dû créer l'homme avec tous les déboires que cela avait entraînés.

Après un virage, ils entrèrent dans un hameau enfoui sous un amoncellement de verdure.

- Nou rivé, fit l'Haïtien.

Il désigna une case abritée d'un bouquet de beaux ébéniers droits comme des I. Un homme âgé, les cheveux grisonnants et une femme rondouillarde en pleurs se tenaient devant la porte d'entrée. A leur approche, l'homme dit en se signant :

- I pati, Movar. I pa atan ou...

Il se signa à nouveau tandis que les sanglots de la femme redoublaient et que le jeune Haïtien fondait en larmes à son tour.

- Elle ne souffre plus, conclut l'homme en fixant Babakar d'un air théâtral...

Babakar crut reconnaître ce nègre solennel, dignement engoncé dans un costume élimé à la coupe d'avant-guerre. L'autre lui tendit la main :

- Docteur, je suis Cyprien Aristophane, le directeur de l'école communale Pierpont III.

Il présenta ses compagnons :

- Elle, c'est Yvelise Dentu et lui, c'est Movar Pompilius, un Haïtien comme la défunte, Reinette Ovide.

Brusquement, il reprit en créole :

- Pran kouwaj, Movar.

En effet, le malheureux semblait sur le point de tomber en léthargie, affalé à terre. Babakar sympathisa avec ce chagrin. D'expérience, il savait ce que cela signifiait de perdre un être qui vous est cher.

Il entra à l'intérieur de la maison.

Livre 7/7 pour le Challenge du 1% littéraire 1pourcent2010

18 septembre 2010

Un été prodigue – Barbara Kingsolver

Livre lu dans le cadre du logo_challenge_ABC- (24/26)

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Rivages – mars 2002 – 496 pages

Rivages poche – avril 2004 – 558 pages

traduit de l'anglais (États-Unis) par Guillemette Belleteste

Présentation de l'éditeur :
Dans le décor sauvage et grandiose des Appalaches, Un été prodigue tisse trois histoires de femmes. Celle de Deanna, employée par l'office des forêts, dont la solitude va être bouleversée par l'arrivée d'un jeune chasseur. Celle de Lusa, une intellectuelle qui, devenue veuve, décide de rester dans la vallée et de gagner le cœur d'une famille hostile. Celle de Nannie, enfin, dont les opinions en matière de religion ou de pesticides suscitent des querelles de voisinage. Dans ce roman foisonnant et généreux, Barbara Kingsolver traite du thème qui lui est le plus cher - le respect de la nature - avec un charme et une grâce qui suscitent l'enthousiasme.

Auteur : Barbara Kingsolver, née le 8 avril 1955 à Annapolis (Maryland), avant de rejoindre Carliste (Kentucky) dès 1956, est une écrivaine américaine. Elle a poursuivi ses études en écologie et en biologie à l'université de l'Arizona. Ses romans décrivent souvent son Kentucky natal et l'Arizona (état dans lequel elle vit actuellement, à Tucson) avec toujours une forte empreinte d'écologie. Ses romans sont essentiellement inspirés par la nature et les grands espaces de sa région natale. L'Arbre aux haricots, Les Cochons au paradis, Les Yeux dans les arbres, Un été prodigue, Une rivière sur la lune, Une île sous le vent, Un jardin dans les Appalaches.

Mon avis : (lu en décembre 2004 et relu en septembre 2010)
Trois histoires de femmes, trois histoires parallèles dans le superbe décor des forêts dans les montagnes des Appalaches. Leur point commun c’est la nature.
Deanne travaille pour l'office des forêts, elle a quarante-sept ans, elle vit seule dans un refuge aménagé dans la montagne, elle piste les coyotes pour les observer et les protéger des chasseurs. Elle va croiser Eddie, un jeune chasseur, qui va libérer sa sensualité.
Lusa, jeune mariée, puis jeune veuve, ancienne scientifique et citadine, elle va prendre en main ferme dont elle a hérité malgré elle. Elle aime et connaît les insectes en particulier les papillons. Elle va se battre pour faire mentir les préjugés de sa belle-famille. Enfin, Nannie, une femme âgée, propriétaire d'un superbe verger biologique, elle est attentive à l'écologie et se dispute avec son voisin Garrett qui ne partage pas ses idées et qui n'hésite pas utiliser de puissant désherbant à proximité du verger bio.
Un livre qui est un vrai hymne à la nature avec des personnages parfaitement décrits et attachants.
Il y a beaucoup de poésie dans les nombreuses descriptions de la nature «Le brouillard gris de l'aurore qui régnait au fond de cette combe humide s'élevait avec la lenteur impérieuse d'une jupe de vieille dame enjambant une flaque d'eau.» Je gardais un très beau souvenir de ma première lecture, je n’ai pas été déçu en relisant ce livre, j’ai beaucoup aimé cette grande plongée dans une nature superbe et préservée.

Extrait : (début du livre)
Tous les mouvements de son corps dénotaient une franchise que donnent des habitudes de vie solitaire. Mais la solitude n'est vécue comme telle que par l'être humain. Chaque pas silencieux résonne comme le tonnerre dans la vie souterraine de l'insecte ; tout choix renouvelle l'univers de l'élu. Il n'existe pas de secret sans témoins.
L'aurait-on épiée dans cette forêt – un homme armé d'un fusil, par exemple, dissimulé dans un épais taillis de fayards -, qu'on aurait remarqué sa rapidité à remonter le sentier et son sérieux lorsque, le sourcil froncé, elle examinait le sol devant elle. Une femme en colère, sur les traces d'une créature haïssable.
On se serait trompé. Frustrée, elle l'était certainement de suivre dans la boue des empreintes qu'elle ne parvenait pas à identifier. Cette femme était sûre d'elle, d'habitude. Pourtant, si elle avait pris la peine de se poser la question en cette matinée détrempée et ensoleillée, elle aurait dit être heureuse. Elle aimait l'atmosphère qui succède à une pluie violente et la percussion sifflante dont se remplit une forêt de feuilles qui dégouttent à vous en retirer les mots de la tête. Son corps était libre d'obéir à ses propres lois : de marcher à longues enjambées trop difficiles à suivre, de s'asseoir sans façon sur ses talons, au milieu du sentier, là où il fallait palper les feuillages écrasés, une grosse natte de cheveux presque aussi épaisse que l'avant-bras balayant le sol depuis son épaule lorsqu'elle se baissait. De tous ses membres,elle se réjouissait d'être de nouveau à l'air libre, hors du refuge exigu dont les murs en rondins s'étaient couverts d'une barbe envahissante durant les longues pluies printanières. Le sourcil froncé n'était que de pure concentration, rien d'autre. Les deux années passées seule l'avaient rendue aussi indifférente qu'une aveugle à l'apparence de son propre visage.
Toute la matinée, la piste de l'animal l'avait menée vers les hauteurs, le long d'une touffe de rhododendrons, dans la montagne qu'elle gravissait maintenant à travers une forêt de très vieux arbres, tellement escarpée qu'elle avait toujours échappé à la coupe. Pourtant, même ici, où une solide voûte de chênes et de noyers d'Amérique protégeait le sommet de la crête, la pluie de la nuit précédente était tombé suffisamment fort pour brouiller les traces. La taille de la bête, elle avait pu la déterminer à la trouée faite dans la broussaille vernissée des podophylles, ce qui suffit à accélérer les battements de son cœur. Sans doute était-ce ce qu'elle cherchait depuis ces deux dernières années ou plus. Une éternité. Mais pour en être absolument sûre, certaines précisions lui étaient nécessaires, en particulier la marque ténue d'une griffe, au-delà du coussinet, celle qui distingue le doigt du canidé de celui du félin.

15 septembre 2010

Mauvaise fille – Justine Lévy

mauvaise_fille Stock – septembre 2009 – 197 pages

Quatrième de couverture :
"Maman est morte, je suis maman, voilà, c'est simple, c'est aussi simple que ça, c'est notre histoire à toutes les trois. Tu en mets du temps à raconter les histoires, je me disais quand elle me racontait une histoire dans mon lit. Là c'est allé vite, si vite, le regard de maman dans le regard de ma fille, c'est là qu'elle est, c'est là que je la retrouve, et dans ses gestes aussi, dans les gestes impatients, un peu brusques, de ma petite fille doublement aimée. Maman vit en Angèle qui court sur une pelouse interdite. Maman me parle et me sourit quand Angèle lance son regard de défi aux adultes qui la rattrapent et la grondent. Maman est là quand Angèle tombe et se relève aussitôt, les dents serrées, pour ne pas pleurer. Elle est dans le cri qu'elle ne pousse pas, dans sa petite grimace d'enfant crâne qui ne compose pas. Partout, dans mon enfant, ma mère a laissé son empreinte."

Auteur : Justine Lévy est l'auteur du Rendez-vous et de Rien de grave.

Mon avis : (lu en septembre 2010)
C’est le premier livre que je lis de Justine Lévy. C’est une histoire de mères et de filles.
Louise attend son premier enfant et sa mère Alice est en train de mourir dans une chambre d’hôpital. Louise se sent coupable d'attendre cette enfant au moment où la vie de sa mère s'achève. Elle doute de sa capacité à devenir elle-même une mère. En effet, Alice n'a pas été un modèle de mère idéale. Mauvaise fille est en fait une auto-fiction. En effet, Justine Lévy avait des relations difficiles avec sa mère Isabelle Doutreluigne.

Ce livre se lit plutôt facilement, des passages graves côtoient des passages plus insouciants et parfois drôles. Ce livre est touchant et plein de sensibilité. J'ai été intéressée par ces rapports mère-fille.

 

Extrait : (début du livre)
Elle croit que je suis sa mère. Ça me fait peur, cette confiance qu'elle met en moi. C'est pas normal, je me dis. Elle le croit vraiment, que je suis sa mère. Elle ne sait pas que je suis cinglée, mauvaise, une catastrophe ambulante, un bloc de culpabilité, une punition. Je peux faire ce qui me chante, la mal aimer, la mal élever, la maltraiter même si je veux, je peux jeter ses doudous, la gifler, la gronder sans raison, faire la sourde oreille quand elle pleure, oublier l'heure du biberon, la changer ou ne pas la changer, elle m'aimera pareil, elle n'a pas le choix, elle m'aimera. Non, mon petit amour, mon petit ange, pardon mon bébé, pardon, mais c'est fou cette foi que tu as en moi, il ne faut pas, c'est dangereux, c'est comme ça que je l'ai aimée moi aussi, j'ai cru comme toi que maman était ma maman, qu'il suffisait d'être mère pour être une maman, j'aimerais tant que tu comprennes, je voudrais tant pouvoir te dire.
D'ailleurs, comment sait-elle ? Je ne suis même pas si souvent avec elle. Il y a la nounou, son papa, la mère de son papa, et moi bien sûr, mais maladroite, précautionneuse, presque timide, ma fille m'impressionne, elle me fixe, j'ai envie de mettre des lunettes noires quand je m'en occupe, elle a l'air si sérieux, elle me juge, je dois suinter la peur, la peur et la mère en même temps, c'est sûrement une question d'odeur, je change pourtant de parfum tous les jours, aucun ne me plaît, aucun ne me va, je transpire, ça doit être hormonal, un sale mélange d'hormones et de peur, je cocotte à mort, et elle sent pourtant que je suis sa mère, elle l'enfant, moi la mère, elle ne sourit pas quand elle me voit mais elle pleure quand je m'en vais, n'est-ce pas un peu notre histoire maman et moi ?
Après deux semaines de papa papa, j'étais découragée, jalouse, j'en voulais à la terre entière, je n'en pouvais plus – et puis un matin c'est venu, ma fille m'a dit maman, et c'était comme une caresse, un miracle, Maman n'est pas morte pour rien je me suis dit. Maman gagne toujours à la fin.

14 septembre 2010

Baby Challenge Contemporain - Livr@ddict

Je n’ai pas encore terminé mes nombreux Challenges de 2010
et je m’inscris déjà à de nouveaux Challenges !
Je ne résiste pas...

Le but du "baby-challenge" est de lire le plus possible de livres de chacune des listes :

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Baby Challenge - Contemporain Livraddict : 13/20 déjà lus

1 - Une prière pour Owen de John Irving
2 - La Saga Malaussène, tome 1 : Au bonheur des ogres de Daniel Pennac
3 - Le Clan des Otori, tome 1 : Le Silence du Rossignol de Lian Hearn
4 - Entre chiens et loups, tome 1 de Malorie Blackman
5 - Kafka sur le rivage de Haruki Murakami
6 - La porte des enfers de Laurent Gaudé
7 - Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates de Mary Ann Shaffer
8 - Les Thanatonautes de Bernard Werber
9 - Oscar et la dame rose de Eric-Emmanuel Schmitt
10 - L'évangile selon Pilate, suivi de Journal d'un roman volé de Eric-Emmanuel Schmitt
11 - Seul le silence de R.J. Ellory
12 - La vie devant soi de Emile Ajar (en cours)
13 - Le monde de Sophie de Jostein Gaarder
14 - L'ombre du vent de Carlos Ruiz Zafon
15 - La ferme des animaux de George Orwell
16 - L'enfant de Noé de Eric-Emmanuel Schmitt
17 - Ensemble, c'est tout de Anna Gavalda
18 - Les enfants de la liberté – Marc Levy
19 -
Cosmétique de l'ennemi de Amélie Nothomb
20 - Le soleil des Scorta de Laurent Gaudé

Médaille en chocolat à 8/20
Médaille de bronze à 12/20

Médaille d'argent à 16/20
Médaille d'Or à 20/20

 

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