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A propos de livres...

31 janvier 2012

Les souvenirs – David Foenkinos

les_souvenirs Gallimard – août 2011 – 272 pages

Quatrième de couverture :
« Je voulais dire à mon grand-père que je l'aimais, mais je n'y suis pas parvenu. J'ai si souvent été en retard sur les mots que j'aurais voulu dire. Je ne pourrai jamais faire marche arrière vers cette tendresse. Sauf peut-être avec l'écrit, maintenant. Je peux le lui dire, là. » 
David Foenkinos nous offre ici une méditation sensible sur la vieillesse et les maisons de retraite, la difficulté de comprendre ses parents, l'amour conjugal, le désir de créer et la beauté du hasard, au fil d'une histoire simple racontée avec délicatesse, humour, et un art maîtrisé des formules singulières ou poétiques.

Auteur : Romancier, scénariste et musicien, David Foenkinos est né en 1974. Il a publié Entre les oreilles (2002), Inversion de l’idiotie (2002), Le potentiel érotique de ma femme (2004) et Qui se souvient de David Foenkinos ? (2007), Nos séparations (2008), La délicatesse (2009).

 

Mon avis : (lu en janvier 2012)
Je découvre enfin David Foenkinos avec ce livre qui évoque les souvenirs et le temps qui passe.
Le narrateur travaille comme veilleur de nuit dans un hôtel. Tout commence avec la mort de son grand-père. Le narrateur se souvient alors des moments partagés ensemble et regrette de ne pas avoir su lui dire qu'il l'aimait. Il va donc se rapprocher de sa grand-mère qui est maintenant seule et qui va bientôt être obligé d'aller en maison de retraite. Régulièrement, il vient la voir, la distrait, l'emmène se promener. A la même époque son père et sa mère se retrouvent à la retraite, cette nouvelle situation les déstabilise l'un et l'autre.
Avec beaucoup de sensibilité et de justesse, David Foenkinos nous entraîne sur le chemin des souvenirs, ceux de ses personnages mais aussi nos propres souvenirs avec nos grand-parents, nos parents... J'ai été touchée par ce livre nostalgique mais également plein de tendresse sans oublier les petites touches d'humour, c'est comme si on feuilletait un vieil album de photos en noir et blanc ou en couleurs.
Ce livre se lit très facilement, il est constitué de chapitres très courts où alternent les réflexions du narrateur, ses souvenirs mais également les souvenirs des personnages du livre.

Et maintenant, je compte bien très prochainement découvrir le titre le plus populaire de David Foenkinos « La délicatesse » !

D'autres avis : avec Stephie, AlphieSD49Valérie

Extrait :(début du livre)

Il pleuvait tellement le jour de la mort de mon grand-père que je ne voyais presque rien. Perdu dans la foule des parapluies, j'ai tenté de trouver un taxi. Je ne savais pas pourquoi je voulais à tout prix me dépêcher, c'était absurde, à quoi cela servait de courir, il était là, il était mort, il allait à coup sûr m'attendre sans bouger. 

Deux jours auparavant, il était encore vivant. J'étais allé le voir à l'hôpital du Kremlin-Bicêtre, avec l'espoir gênant que ce serait la dernière fois. L'espoir que le long calvaire prendrait fin. Je l'ai aidé à boire avec une paille. La moitié de l'eau a coulé le long de son cou et mouillé davantage encore sa blouse, mais à ce moment-là il était bien au-delà de l'inconfort. Il m'a regardé d'un air désemparé, avec sa lucidité des jours valides. C'était sûrement ça le plus violent, de le sentir conscient de son état. Chaque souffle s'annonçait à lui comme une décision insoutenable. Je voulais lui dire que je l'aimais, mais je n'y suis pas parvenu. J'y pense encore à ces mots, et à la pudeur qui m'a retenu dans l'inachèvement sentimental. Une pudeur ridicule en de telles circonstances. Une pudeur impardonnable et irrémédiable. J'ai si souvent été en retard sur les mots que j'aurais voulu dire. Je ne pourrai jamais faire marche arrière vers cette tendresse. Sauf peut-être avec l'écrit, maintenant. Je peux lui dire, là. 

Assis sur une chaise à côté de lui, j'avais l'impression que le temps ne passait pas. Les minutes prétentieuses se prenaient pour des heures. C'était lent à mourir. Mon téléphone a alors affiché un nouveau message. Je suis resté en suspens, plongé dans une fausse hésitation, car au fond de moi j'étais heureux de ce message, heureux d'être extirpé de la torpeur, ne serait-ce qu'une seconde, même pour la plus superficielle des raisons. Je ne sais plus vraiment quelle était la teneur du message, mais je me rappelle avoir répondu aussitôt. Ainsi, et pour toujours, ces quelques secondes insignifiantes parasitent la mémoire de cette scène si importante. Je m'en veux terriblement de ces dix mots envoyés à cette personne qui n'est rien pour moi. J'accompagnais mon grand-père vers la mort, et je cherchais partout des moyens de ne pas être là. Peu importe ce que je pourrai raconter de ma douleur, la vérité est la suivante : la routine m'avait asséché. Est-ce qu'on s'habitue aux souffrances ? Il y a de quoi souffrir réellement, et répondre à un message en même temps. 

Ces dernières années n'avaient été pour lui qu'une longue déchéance physique. Il avait voyagé d'hôpital en hôpital, de scanner en scanner, dans la valse lente et ridicule des tentatives de prolonger notre vie moderne. A quoi ont rimé tous ces derniers trajets en forme de sursis ? Il aimait être un homme ; il aimait la vie ; il ne voulait pas boire avec une paille. Et moi, j'aimais être son petit-fils. Mon enfance est une boîte pleine de nos souvenirs. Je pourrais en raconter tellement, mais ça n'est pas le sujet du livre. Disons que le livre peut commencer ainsi, en tout cas. Par une scène au jardin du Luxembourg où nous allions régulièrement voir Guignol. On prenait le bus, on traversait tout Paris, ou peut-être ne s'agissait-il que de quelques quartiers, mais ça me paraissait démesurément long. C'était une expédition, j'étais un aventurier. Comme tous les enfants, je demandais à chaque minute : 
« On arrive bientôt ? 
- Oh, que non ! Guignol est au bout de la ligne », répondait-il systématiquement. 
Et pour moi, le bout de cette ligne avait le goût du bout du monde. Il regardait sa montre pendant le trajet, avec cette inquiétude calme des gens qui sont toujours en retard. On courait pour ne pas rater le début. Il était excité, tout autant que moi. Il aimait forcément la compagnie des mères de famille. Je devais dire que j'étais son fils, et non son petit-fils. Au-delà de la limite, le ticket pour Guignol était toujours valable. 

Il venait me chercher à l'école, et ça me rendait heureux. Il était capable de m'emmener au café, et j'avais beau sentir la cigarette le soir, face à ma mère il niait l'évidence. Personne ne le croyait, et pourtant il avait ce charme énervant de ceux à qui l'on ne reproche jamais rien. Toute mon enfance, j'ai été émerveillé par ce personnage joyeux et facétieux. On ne savait pas très bien ce qu'il faisait, il changeait de métier tout le temps, et ressemblait plus à un acteur qu'à un homme ordinaire. Il avait été tour à tour boulanger, mécanicien, fleuriste, peut-être même psychothérapeute. Après l'enterrement, ceux de ses amis qui avaient fait le déplacement m'ont raconté de nombreuses anecdotes, et j'ai compris qu'on ne connaît jamais vraiment la vie d'un homme. 


 Challenge 5% 
Rentrée Littéraire 2011

RL2011b
34/35


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30 janvier 2012

C'est lundi ! Que lisez-vous ? [62]

BANNIR
(c) Galleane

C'est le jour du rendez-vous initié par Mallou proposé par Galleane 

Qu'est-ce que j'ai lu la semaine dernière ?

 5468 le_cercle_des_po_tes_ soudain_dans_la_for_t_profonde le_po_te_de_Gaza 

Pico Bogue, Tome 4 : Pico love – Alexis Dormal et Nathalie Roques (BD)
Le Cercle des poètes disparus – N.H. Kleinbaum (États-Unis)
Soudain dans la forêt profonde – Amos Oz (Israël) 
Le Poète de Gaza - Yishaï Sarid (Israël) 

Qu'est-ce que je lis en ce moment ?

Les souvenirs - David Foenkinos
Le troisième pôle - Guillaume Lebeau (Partenariat Livraddict / Marabout)

Que lirai-je cette semaine ?

Un avenir - Véronique Bizot
L'Art de pleurer en chœur - Erling Jepsen (Danemark)
Sœur chocolat - Catherine Velle
Tout ce que j'aimais - Siri Hustvedt (États-Unis) 

Bonne semaine et bonne lecture.

28 janvier 2012

Le Poète de Gaza - Yishaï Sarid

Challenge Destination Israël :
proposé par evertkhorus

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le_po_te_de_Gaza Actes Sud – janvier 2011 – 250 pages

traduit de l'hébreu par Laurence Sendrowicz

Titre original : Limassol, 2009

Grand Prix de Littérature Policière 2011

Quatrième de couverture :
Un agent important des services secrets israéliens spécialisé dans la mise en échec des attentats suicide se voit confier une mission particulière. Il doit entrer en contact avec Dafna, une romancière israélienne, en se faisant passer pour un jeune auteur en quête de conseils. Il nouera progressivement des liens d’amitié avec elle et lui proposera d’exfiltrer de Gaza son ami Hani, un poète palestinien atteint d’un cancer en phase terminale, afin de le faire soigner en Israël. Sa cible : le fils de Hani, chef d’un dangereux réseau terroriste.
Mais à mesure qu’il pénètre les vies de Dafna et de Hani, le mur de ses certitudes s’effrite. Les deux écrivains rallument en lui des sentiments étouffés par des années d’interrogatoires musclés, de tortures et d’assassinats. Il poursuit néanmoins sa mission, tenu par un sens du devoir et des réflexes de soldat profondément enracinés. Mais pour combien de temps encore ?
Thriller captivant, Le Poète de Gaza est une véritable opération à cœur ouvert sur la société israélienne. Sans anesthésie et sans concession.

Auteur : Yishaï Sarid est né en 1965 à Tel-Aviv. Il est le fils du député de gauche et infatigable militant pour la paix, Yossi Sarid. Après avoir étudié le droit à Jérusalem et à Harvard. il devient procureur. Le Poète de Gaza, son deuxième roman, a été largement salué par la presse de son pays.

Mon avis : (lu en janvier 2012)
C'est trop réducteur de définir ce livre comme un thriller, un polar ou un livre d'espionnage. C'est surtout une réflexion sur la société israélienne.
Le narrateur (il n'a pas de nom ou de prénom) est agent des services secrets israéliens spécialisé dans la prévention des attentats. A la suite de dérapages lors d’interrogatoires trop musclés, sa hiérarchie lui donne une mission qui l’éloignera des sous-sols des services secrets de Tel-Aviv.
Il doit rencontrer Dafna, auteur Israélienne pour ensuite entrer en contact avec le poète Palestinien Hani. Ce dernier est très malade, il vit à Gaza mais ce n’est pas lui directement qui intéressent les services secrets...
Le narrateur prend donc comme couverture, celle d'un futur auteur qui cherche des conseils pour apprendre à écrire un livre. Il prend donc rendez-vous avec Dafna. Et petit à petit, il entre dans sa vie, il sait l'écouter puis il va lui proposer un marché...

Les différents personnages de ce livre sont d'origine diverses, de milieux différents et leurs interactions entre confrontation et manipulation sont vraiment bien trouvées. Dafna, Hani, le fils de Dafna et le narrateur sont vraiment très attachants.
Le lecteur assiste aux hésitations et aux doutes que cet agent peut avoir autour de ce métier si prenant. Car en parallèle, le narrateur a également une vie privée avec une femme et un enfant...
Ce livre se lit vraiment facilement et il m'a permis de mieux découvrir Israël aujourd'hui et certains aspects du conflit entre Israël et la Palestine.

Extrait : (début du livre)
Je suis resté encore un instant dans la voiture. Non seulement pour bien m’imprégner de sa photo, mais aussi pour écouter jusqu’au bout Here Comes the Sun. George Harrison ne passe pas souvent à la radio et en plus on entend rarement d’aussi bonnes chansons le matin. Me familiariser avec le visage de la personne avant de la rencontrer pour la première fois m’a toujours semblé important. Ne pas être surpris. Elle était très belle sur ce vieux cliché : cheveux attachés, front intelligent, elle me souriait au milieu d’un groupe d’intellectuels dont la notoriété n’était plus à faire.
Une matinée de fin juillet. La rue baignait dans ce calme qui gagne les villes pendant les grandes vacances, les chats escaladaient les bennes à ordures pour en tirer leur pitance, deux jeunes garçons marchaient sur l’avenue bordée de tamaris en direction de la plage avec aux lèvres des rires légers et sous le bras des planches de surf.
Au téléphone, elle m’avait dit qu’elle habitait au troisième étage. Certaines boîtes aux lettres disparaissaient sous plusieurs couches d’autocollants, souvenirs de jeunes locataires venus puis repartis, d’autres affichaient encore le nom en lettres latines de gens qui n’étaient plus de ce monde. L’immeuble était mal entretenu, sur les murs l’enduit s’écaillait et les longues fenêtres étroites de la cage d’escalier étaient, comme dans un couvent abandonné, opacifiées par la saleté.
Dafna ouvrit la porte pieds nus, les cheveux attachés, le regard particulièrement pénétrant. Voilà ce que j’ai capté au premier abord.
Elle m’a accueilli par un : “Je suis au téléphone, entrez.” J’ai saisi quelques bribes de sa conversation, un rire bref, des propos concrets. “Bon, je dois raccrocher maintenant, on m’attend.”
J’en ai profité pour examiner son salon : deux canapés confortables style années 1970, une grande fenêtre qui donnait sur la cime d’un ficus, une petite télévision, sur les murs quelques œuvres d’art intéressantes mais que je n’ai pas eu le temps de voir de près. L’appartement, inondé de lumière, donnait sur une cour intérieure, alors que, moi, étrangement, je m’attendais à me retrouver dans un endroit sombre… Son appel, “Venez par ici, on va s’asseoir dans la cuisine”, a coupé court àtoutes mes conjectures.
Sur la table ronde recouverte d’une nappe multicolore de fabrication artisanale, il y avait une pile de feuillets et un grand plat contenant des pêches en train de mûrir. Une radio diffusait discrètement de la musique, peut-être du Chopin, peut-être un compositeur que je ne connaissais pas.
“Pourquoi venez-vous me voir ? commença-t-elle d’une voix étonnamment jeune.
— On vous a recommandée à moi comme étant la personne qui pourrait m’aider. Je veux apprendre à écrire.
— A quel point est-ce important pour vous ? Êtes-vous prêt à y consacrer du temps ?” Elle parlait d’un ton calme, une esquisse de sourire sur les lèvres, et elle s’est assise sur la chaise en repliant une jambe sous ses fesses. C’est à ce moment-là que j’ai remarqué qu’elle portait un pantalon souple et très ample.

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 Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC 2012
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"Métier" et "Géographie" 

28 janvier 2012

Soudain dans la forêt profonde – Amos Oz

Challenge Destination Israël :
proposé par evertkhorus

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Gallimard – septembre 2006 – 117 pages

Folio – février 2008 – 126 pages

Gallimard-Jeunesse - mars 2008 – 95 pages

Folio Plus – septembre 2010 – 177 pages

traduit de l'hébreu par Sylvie Cohen

Titre original : פתאום בעומק היער, 2005

Quatrième de couverture : 
Un village au bout du monde, triste et gris, encerclé par des forêts épaisses et sombres. Un village maudit : toutes les bêtes, tous les oiseaux et même les poissons de la rivière l'ont déserté. Depuis, ses habitants se barricadent chez eux dès la nuit tombée, terrorisés par la créature mystérieuse nommée Nehi, et interdisent aux enfants de pénétrer dans la forêt. Mais surtout, ils gardent le silence. Personne ne veut se souvenir des animaux ni évoquer la vie d'avant. Seule Emanuela, l'institutrice du village, tente d'enseigner aux élèves à quoi ressemblaient ces animaux disparus. Deux enfants de sa classe, Matti et Maya, décident alors d'élucider le mystère et s'aventurent dans la forêt en dépit de l'interdit... Soudain dans la forêt profonde est un conte pour enfants et adultes. Au carrefour de la tradition biblique, du folklore yiddish et du conte européen, il nous offre une magnifique parabole sur la tolérance.

Auteur : Amos Oz, (hébreu : עמוס עוז), né Amos Klausner (Jérusalem, 4 mai 1939), est un écrivain,romancier et journaliste israélien. Il est également professeur de littérature à l'Université Ben Gourion de Beer-Sheva. Amos Oz est le cofondateur du mouvement La paix maintenant et l'un des partisans les plus fervents de la solution d'un double État au conflit israélo-palestinien.  

Mon avis : (lu en décembre 2006 et relu en janvier 2012)
J'ai relu ce livre en partie en Audio livre et en livre papier... En effet, j'ai du mal même pour un livre court à profiter des Audio livres car je m'endors rapidement ou alors je perds le fil de l'histoire car si mon esprit s'évade ma lecture ne s'interrompt pas... Donc après avoir commencé à relire ce livre en audio, j'ai été obligé de reprendre le livre papier pour le terminer.
Quelque part dans une vallée profonde il y a un village plein de tristesse. Un village qui a été abandonné par tous les animaux. Plus d’oiseaux, plus de poissons, plus de vaches, plus de chiens… C'est la faute du mystérieux monstre Nehi. On raconte, que dès la nuit tombée, il vient prendre rôder autour du village pour enlever ceux qui sont dehors. Dès que la nuit tombe, tous se barricadent chez eux. Les enfants ont été mis en garde mais seule leur institutrice Emmanuela leur parle des animaux, leurs montre des photos... Le mystère étant si grand, un jour deux enfants Matti et Maya décident d'aller voir par eux-même ce qu'ils se passent dans la forêt...

Ce livre est un conte pour adultes et grands enfants qui nous amène à réfléchir sur les thèmes de la différence et de la tolérance. Il faut le lire plusieurs fois pour en explorer tout son contenu.

Extrait : (début du livre)
Emanuela l'institutrice leur parla de l'ours, de la respiration des poissons et du cri de la hyène, la nuit. Elle accrocha aussi des photos d'animaux et d'oiseaux aux murs de la classe. La plupart des enfants se moquèrent d'elle parce qu'ils n'en avaient jamais vu de leur vie. Ils ne croyaient pas vraiment à l'existence d'autres créatures vivantes. En tout cas, il n'y en avait pas dans les parages. Et comme, en plus, la maîtresse n'avait pas réussi à se trouver un mari, on pensait qu'elle avait une araignée au plafond et des idées farfelues plein la tête, comme tous les solitaires.
Le petit Nimi fut le seul qui se prit à rêver d'animaux à cause des histoires de l'institutrice. Toute la classe se gaussa quand, le lendemain matin, il raconta que ses chaussures marron, posées comme d'habitude au pied de son lit, s'étaient métamorphosées en hérissons et avaient passé la nuit à gambader dans sa chambre pour redevenir de simples souliers, retrouvés sous son lit à son réveil. Une autre fois, c'étaient des chauves-souris noires qui étaient venues le chercher au milieu de la nuit et l'avaient transporté sur leurs ailes dans le ciel, au-dessus du village, des montagnes et des forêts, jusqu'à un château enchanté.
Nimi était dans la lune et perpétuellement enrhumé. En plus, il avait les dents d'en haut écartées et proéminentes. Les autres appelaient cet interstice «bouche d'égout».
En arrivant en classe, le matin, Nimi s'empressait de raconter son nouveau rêve et, chaque fois, on lui disait : «Arrête, il y en a marre, ferme un peu ta bouche d'égout.» Et, comme il persévérait, on s'ingéniait à le ridiculiser. Mais, au lieu de se vexer, il en rajoutait. Il reniflait, avalait sa morve et, débordant de joie, il s'affublait des sobriquets humiliants qu'on lui donnait : «bouche d'égout», «cauchemar ambulant», «godasse-hérisson».
Assise derrière lui en classe, Maya, la fille de Lilia la boulangère, ne manquait pas de lui chuchoter à l'oreille : «Écoute, Nimi, tu peux rêver de ce que tu veux, d'animaux, de filles ou de je ne sais quoi, mais tu ferais bien de te taire. Ça vaudrait mieux pour toi.»
Matti lui avait dit : «Tu ne comprends pas. Nimi ne rêve que pour en parler. Et il rêve encore quand il se réveille, le matin.»
Un rien l'amusait, Nimi, il s'enthousiasmait pour n'importe quoi : une tasse fêlée dans la cuisine, la pleine lune, le collier de la maîtresse, Emanuela, ses dents saillantes, les boutons qu'il oubliait d'attacher, le mugissement du vent dans la forêt, il riait pour un oui ou pour un non. Tout prétexte était bon pour faire le fou.
Jusqu'au jour où il quitta l'école et le village pour se sauver dans la forêt. On se lança à sa recherche durant deux ou trois jours. Les veilleurs de nuit battirent la campagne pendant une semaine, voire une dizaine de jours. Enfin, seuls ses parents et sa sœur s'acharnèrent à le retrouver.
Il reparut au bout de trois semaines, amaigri, sale, égratigné et contusionné de partout, mais hennissant d'allégresse. Dès lors, le petit Nimi ne cessa de hennir et ne parla plus jamais : depuis son retour de la forêt, il ne disait plus un mot et errait dans les rues du village, pieds nus, en loques, la goutte au nez, exhibant ses dents écartées, galopant dans les cours, grimpant aux arbres et aux poteaux sans s'arrêter de hennir, l'oeil droit larmoyant à cause d'une allergie.
Il lui était impossible de retourner à l'école à cause de sa hennite, sa nouvelle maladie. À la fin de la classe, les enfants le singeaient pour l'entendre hennir. Ils le surnommèrent «Nimi le poulain». Le médecin espérait que cela passerait avec le temps : là-bas, dans la forêt, il avait dû voir quelque chose qui l'avait effrayé ou choqué et, depuis, il avait la maladie du hennissement.
«On devrait peut-être faire quelque chose pour l'aider, suggéra Maya à Matti.
- Laisse tomber. Ils finiront bien par se fatiguer et lui ficher la paix. On l'oubliera.»

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Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC 2012
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"Végétal"


27 janvier 2012

Le Cercle des poètes disparus – N.H. Kleinbaum

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Édition n°1 – 1990 – 178 pages

Livre de Poche – 1991 – 191 pages

France Loisirs – 1991 -

Livre de Poche -1991 -

traduit par Olivier de Brocca

Titre original : Dead Poets Society, 1990

Quatrième de couverture :
Il fut leur inspiration. Il a transformé leur vie à jamais. A Welton, un austère collège du Vermont, dans les années 60, la vie studieuse des pensionnaires est bouleversée par l'arrivée d'un nouveau professeur de lettres, M. Keating. Ce pédagogue peu orthodoxe va leur communiquer sa passion de la poésie, de la liberté, de l'anticonformisme, secouant la poussière des autorités parentales, académiques et sociales. Même si le drame - le suicide d'un adolescent - déchire finalement ... cette expérience unique, même si Keating doit quitter le collège, il restera pour tous celui qui leur a fait découvrir le sens de la vie. Le roman du film-événement de Peter Weir, Oscar 1990 du meilleur scénario, qui a bouleversé des centaines de milliers de spectateurs.

Auteur : Née en 1948, Nancy Horowitz Kleinbaum a étudié à l'université de Northwestern d'Evanston aux États-Unis de 1966 à 1970. Elle a écrit de nombreux livres à partir de films ( "Daryl" 1985, "Le cercle des poètes disparus" 1990, "The magnificent seven : the authorized story of american gold" 1996...).
Nancy H. Kleinbaum vit à New York avec son mari et ses trois enfants et est journaliste auprès du magazine "Lifestyles" pour lequel elle réalise diverses interviews.

Mon avis : (lu en janvier 2012)
Contrairement à beaucoup de livre, le film n'est pas une adaptation du livre mais le livre a été fait après le film, il est donc une parfaite image du film. 
Comme beaucoup, j'ai adoré ce film que j'ai vu au cinéma à sa sortie et revu plusieurs fois à la télévision ou en DVD. J'ai passé un très bon moment en lisant ce livre même si je connaissais très bien cette l'histoire. On ne peut pas oublier le professeur Mr Keating et sa philosophie de vie « Carpe Diem », un professeur qui encourage ses élèves à penser par eux-même, à avoir des rêves, à profiter de la vie. Les élèves sont à l'image des jeunes de leurs âges, ils ont des caractères bien différents. Une histoire qui fait passer le lecteur par beaucoup d'émotions, avec Mr Keating et ses élèves nous rions, nous rêvons, et enfin nous versons quelques larmes...

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Film américain de Peter Weir, de 1989, sortie en 1990 en France.
Avec Robin Williams, Robert Sean Leonard, Ethan Hawke, Josh Charles, Gale Hansen, Dylan Kussman, Allelon Ruggiero, James Waterston, Norman Lloyd, Kurtwood Smith, Leon Pownall, Colin Irving, Jane Moore, Lara Flynn Boyle, Joe Aufiery 

Extrait :
Le lundi matin, la classe trouva Mr Keating en train de se balancer sur une chaise derrière son bureau. Il semblait plongé dans ses pensées.

- Messieurs, dit-il lorsque la cloche eut sonné le début du cours, ouvrez votre recueil de textes à la page vingt et un de l'introduction. Mr Perry, veuillez lire à voix haute et intelligible le premier paragraphe de la préface intitulée « Comprendre la poésie ».

- « Comprendre la poésie », par le professeur J. Evans Pritchard, docteur ès lettres. « Pour bien comprendre la poésie, il faut d'abord se familiariser avec la métrique, le rythme et les figures de style. Il faut ensuite se poser deux questions. Premièrement, le thème du poème a-t-il été traité avec art ? Deuxièmement : quelle est l'importance et l'intérêt de ce thème ? La première question évalue la perfection formelle du poème ; la seconde son intérêt. Quand on aura répondu à ces deux questions, il deviendra relativement aisé de déterminer la qualité globale du poème. Si on note la perfection du poème sur la ligne horizontale d'un graphique et son importance sur la verticale, l'aire ainsi obtenue par le poème nous donne la mesure de sa valeur. Ainsi, un sonnet de Byron pourra obtenir une note élevée sur la verticale, mais une note médiocre sur l'horizontale. Un sonnet de Shakespeare, en revanche, se verra décerner une note très haute aussi bien sur la verticale que sur l'horizontale, couvrant alors une large surface qui démontrera la haute qualité de l'œuvre en question... "  

Pendant que Neil lisait, Mr Keating, une craie à la main, s'était approché sans bruit du tableau noir où, illustrant le propos de Mr Pritchard, il s'était mis à tracer un graphique en joignant abscisses et ordonnées pour montrer comment le poème de Shakespeare recouvrait largement le sonnet de Byron. Dans la classe, plusieurs élèves recopiaient avec soin dans leur cahier le diagramme. Neil termina sa lecture :

« … En lisant les poèmes de ce recueil, mettez en pratique cette méthode. Mieux vous saurez l'évaluer de la sorte, et mieux vous saurez comprendre et donc apprécier la poésie. »

Neil s'arrêta à la fin du paragraphe. Keating resta un moment silencieux, comme pour attendre que les élèves aient bien assimilé la leçon. Puis il s'approcha du premier rang pour faire face à la classe.

- De l'ex-cré-ment! déclara-t-il soudain en détachant les syllabes.

Les garçons sursautèrent et le regardèrent sans comprendre.

- De l'excrément ! répéta Keating avec plus d'énergie. De l'ordure ! De la foutaise ! De la chienlit ! Voilà ce que je pense de l'essai de monsieur Pritchard ! Messieurs, je vous demande d'arracher cette page de vos livres !

Dans la classe, on échangea des regards incrédules, ne sachant quelle mouche venait de piquer leur professeur.

- Allons, messieurs ! Arrachez-la, vous m'entendez ?

Les garçons restaient interdits, horrifiés à l'idée de cet acte blasphématoire. Plus hardi, Charlie finit par arracher la page de son recueil.

- Merci, monsieur Dalton, fit Keating. Allons, vous autres, un peu de courage. Vous ne rôtirez pas en enfer pour si peu !    Et pendant que vous y êtes, déchirez-moi toute l'introduction ! A la poubelle, le professeur J.E. Pritchard !

Enfin libérés par l'exemple de Charlie, les élèves s'en donnèrent à cœur joie, arrachant à qui mieux mieux les premières pages de leur manuel et les faisant voler au-dessus de leur tête. Keating alla chercher une corbeille dans un coin pour effectuer la collecte.  

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14/50 : Vermont

Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC 2012
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"Métier"

Challenge le nez dans les livres
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La reine des lectrices : 6/6

littraturecontemporaines

Baby Challenge - Contemporain Livraddict : 14/20

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25 janvier 2012

Louise Wimmer (film)

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Film français réalisé par Cyril Mennegun, sortie en France le 4 janvier 2012

Synopsis :
Après une séparation douloureuse, Louise Wimmer a laissé sa vie d’avant loin derrière elle. A la veille de ses cinquante ans, elle vit dans sa voiture et a pour seul but de trouver un appartement et de repartir de zéro. Armée de sa voiture et de la voix de Nina Simone, elle veut tout faire pour reconquérir sa vie.

Acteurs : Corinne Masiero, Jérôme Kircher, Anne Benoit

Mon avis : (vu au cinéma en janvier 2012)
Je ne vais pas très souvent au cinéma mais il y a quelques jours, je suis allée voir ce film qui m'a beaucoup touché.
C'est l'histoire d'une femme qui a la cinquantaine, femme de ménage à temps partiel en attente d'un logement depuis des mois et qui en attendant vit dans sa voiture une Volvo break . Elle vit de débrouille pour se nourrir, se laver, pour aller travailler tout en restant digne, elle refuse la pitié et elle a la rage de s'en sortir. Nous sommes spectateurs de cette vie ordinaire d'une anonyme et tour à tour Louise Wimmer nous fait sourire, nous donne de l'émotion, de la rage et de l'admiration. Il y a beaucoup de silence, pas de parole inutile... Il y a la musique avec la voix de Nina Simone qui accompagne Louise Wimmer dans sa voiture.

L'actrice Corinne Masiero est vraiment formidable dans ce rôle. J'avais déjà repéré cette actrice dans des seconds rôles en particulier dans Sous les vents de Neptune réalisé par José Dayan et dernièrement dans la série Fait pas ci, fais pas ça où elle apparaissait dans l'épisode 7 de la saison 4.
Je connaissais son visage, sa stature mais après Louise Wimmer, je n'oublierai pas son nom. Bravo !

Je vous encourage vraiment à découvrir ce film coup de poing plein d'humanité !

Merci à mon fiston qui offert à ses parents l'opportunité d'aller voir ce film !


Bande Annonce de Louise Wimmer

 

24 janvier 2012

Pico Bogue, Tome 4 : Pico love – Alexis Dormal et Nathalie Roques

5468 Dargaud – novembre 2010 – 48 pages

Présentation éditeur :
Pico Bogue et tous ses copains sans oublier sa petite soeur Ana Ana et ses parents reviennent enfin ! Dans cet album, Pico va découvrir un sentiment nouveau. Quelque chose qui ressemble à s'y méprendre à... l'amour !
Mais on trouvera aussi quarante-huit pages de gags, de tendresse, d'amitié, de gentils coups de gueule et de réflexions hautement enfantines.
Pico Bogue est bel et bien le nouvel enfant terrible de la bande dessinée !

Auteurs : Dominique Roques, mère d'Alexis Dormal, est née en 1948 à Casablanca. Elle a eu deux fils, dont l'un s'est mis à dessiner. Ainsi en 2005, après s'être intéressée aux dessins de son fils, elle écrit des scénarios.

Alexis Dormal, fils de Dominique Roques, né en 1977 à Bruxelles. Plus tard, diplômé d'une école belge de réalisation cinéma/télévision, il part étudier le dessin à l'école Émile Cohl, à Lyon. Maintenant, il dessine et sa maman écrit les bulles...

Mon avis : (lu en décembre 2011)
J'ai retrouvé avec plaisir Pico Bogue, sa petite sœur Ana Ana, leurs copains, leurs copines et leurs parents...
Dans ce quatrième tome Pico est amoureux. On retrouve la spontanéité, la naïveté des enfants, leurs réflexions logiques. C'est à la fois tendre et plein d'humour et on y reconnaît les petits travers de nos propres enfants. C'est attendrissant !
Les personnages sont mignons tout plein... surtout en dessin !
A lire par toute la famille ! 


Extrait : 

Pico_Bogue_Tome_4_Pico_Love_1

Pico_Bogue_tome_4_Pico_Love2

pico_love_p3

Déjà lu des même auteurs : 

picobogue  Pico Bogue tome 1 : La vie et moi

pico_bogue_T2  Pico Bogue tome 2 : Situations critiques

pico_bogue_T3 Pico Bogue tome 3 : Question d'équilibre

 

Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC 2012
logo_Petit_BAC_2012
"Prénom"


23 janvier 2012

C'est lundi ! Que lisez-vous ? [61]

BANNIR
(c) Galleane

C'est le jour du rendez-vous initié par Mallou proposé par Galleane 

Qu'est-ce que j'ai lu la semaine dernière ?

le_convoi_de_l_eau_babel cadavre exquis terezin le_silence_ne_sera_qu_un_souvenir 

Le convoi de l’eau – Akira Yoshimura (Japon)
Cadavre exquis – Pénélope Bagieu (BD)
Terezin plage – Morten Brask (Danemark)
Le silence ne sera qu’un souvenir – Laurence Vilaine

Qu'est-ce que je lis en ce moment ?

Un livre pour le Challenge Destination proposé par evertkhorus (Israël)

Que lirai-je cette semaine ?

Les souvenirs - David Foenkinos
Le Cercle des poètes disparus - N.H Kleinbaum
Un avenir - Véronique Bizot

Bonne semaine et bonne lecture.

Rappel : Aujourd'hui c'est Critique en Masse chez Babelio

mc14

22 janvier 2012

Le silence ne sera qu’un souvenir – Laurence Vilaine

le_silence_ne_sera_qu_un_souvenir Gaïa – août 2011 – 172 pages

Quatrième de couverture :
Le vieux Mikluš se déciderait-il à parler? Rongé par le remords d’avoir gardé le silence, il s’en remet à un journaliste venu à l’occasion des vingt ans de la chute du Mur de Berlin, et raconte les siens, cette communauté rom installée sur une rive slovaque du Danube.
Dilino est le souffre-douleur de la bande, parce qu’il est différent avec son air de gadjo. Il ignore qui est cette femme qui s’occupe parfois de lui. «La Vieille» s’appelait Chnepki et avait une voix d’ange. Elle fut brisée en plein vol un matin de 1942 et réduite au silence des années durant. Jusqu’au jour où apparut Lubko, le sculpteur de marionnettes qui jouait du violon comme un Tsigane.
À l’heure où de plus en plus de crânes rasés tapissent la ville de croix gammées, Mikluš éclaire ces existences opprimées, révèle les non-dits. Et balaie les étiquettes pour laisser surgir les visages.

Auteur : Laurence Vilaine est née en 1965. Après des études d’anglais et plusieurs séjours à l’étranger, elle se consacre à des travaux journalistiques. Rédactrice pour différents supports de communication, elle est aussi l’auteur de guides de voyage et de documentaires. Laurence Vilaine vit à Nantes. Le silence ne sera qu’un souvenir est son premier roman.

Mon avis : (lu en janvier 2012)
Une histoire très belle mais triste sur un sujet d'actualité.
Sur les bords du Danube, dans le camp Supava en Slovaquie, le vieux Miklus raconte l'histoire de son peuple, les Tziganes ou les roms. Une histoire de douleurs et de mort.
Il nous parle du petit Dilino qui jouait du violon et qui était le souffre-douleur des autres enfants roms. Dilino est différent des autres enfants, il a des cheveux blonds. Dilino n'est pas son vrai nom, « dilino » cela veut dire « idiot » en tzigane. Dilino ne sait pas d’où il vient, ni qui est la Vieille qui s’occupe parfois de lui. Avant d’être la Vieille, elle était Chnepki. Elle avait une très jolie voix, et enchantait toute la communauté. Mais Chnepki ne chante plus depuis qu’on lui a volé son enfance, alors que non loin résonnait la Seconde Guerre Mondiale. Puis est apparu Lubko, joueur de violon et sculpteur de marionnettes...
A travers l’histoire racontée par Mikluš, le lecteur découvre l’histoire des Roms durant le siècle dernier, une communauté persécutée ou discriminée depuis toujours... « Le Rom, il tient comme il peut, ballotté d'un courant d'air à un autre, le vent s'engouffre partout où il pointe son nez. Il n'est attendu nulle part, vous le savez bien, on le refile à son voisin ; à peine a-t-il posé sa famille qu'on le fait déguerpir, et on l'accuse de ne pas tenir en place. »
Il y a beaucoup de poésie, de pudeur et de douleur dans cette histoire, des instants bouleversants. J'ai été émue jusqu'aux larmes par l'histoire de Dilino, Chnepki, Lubko et Maruška... Les personnages sont vraiment très attachants et l'auteur veut nous fait réfléchir sans pour autant nous donner de leçon. Un livre à découvrir sans tarder !

Extrait : (page 11)
C’est sur cette berge que j’ai rendu mon dernier soupir, derrière vous, au pied de cette barre d’immeubles la plus haute. C’était un soir d’automne, à une semaine près j’aurais pu être de la fête des Morts, le 9 novembre, quatre ans jour pour jour après la chute du Mur. C’est d’ailleurs à Berlin que vous auriez dû aller, les festivités du vingtième anniversaire vous auraient donné du grain à moudre, des jolis discours, des poignées de main et des tapis rouges, sans compter la belle cérémonie probablement arrosée des meilleurs vins des deux Allemagne réunies. Avec quelques photos de deux ou trois vedettes bras dessus bras dessous à la porte de Brandebourg et un titre clinquant, votre article était vendu d’avance. En ces jours de grandes célébrations, l’exercice ne doit pas être bien difficile. Pourvu que l’effet soit grisant, les gens ouvrent grand le gosier et avalent tout ce qu’on veut bien leur servir ; schnaps, champagne ou vodka, on avale tout dans un verre à pied. Réunification, liberté gagnée, égalité, fraternité, vous auriez pu faire comme chez vous finalement et sans même être accusé de poncifs. Enfin, vous auriez sûrement fait ça très bien, après tout c’est votre métier, et ce n’est pas moi qui vais vous en apprendre, je connais bien peu de choses, des bribes attrapées ici et là, et de l’approximatif évidemment, moi, vous savez, c’est un miracle si je sais lire.

Mais, ici, que venez-vous chercher ?
Le Mur est tombé, et ça fait maintenant plus de vingt ans, vous n’allez pas non plus en faire un livre. Vous seriez d’ailleurs surpris de constater que les gens d’ici ignoraient même son existence. À partir de là évidemment, c’est pisser dans un violon que de leur demander en quoi sa chute a changé leur vie, car c’est ça qui vous intéresse si j’ai bien compris ? Ils vous regarderont avec les mêmes yeux ronds que si vous leur demandiez le nom de la rue où ils habitent. Non croyez-moi, votre enquête est vouée à l’échec, vous ne trouverez rien ici qui fera la une de votre journal. De ce côté du fleuve vous perdrez votre temps.
Mais je vois bien que vous n’êtes pas du genre à faire demi-tour et à rentrer bredouille, ce que je peux comprendre, tout ce voyage pour rien, trois gribouillis en haut d’une page et pas une photo qui vaille la peine, ça vous met le moral d’un journaliste par terre. Dans ce cas, allez sur l’autre rive. Là-bas, les gens auront sûrement à raconter, et très certainement des souvenirs de cette fameuse nuit de novembre – rabattez-vous sur le volet nostalgique de l’affaire –, leur programme télévisé interrompu par les images ahurissantes d’un mur assiégé, les Škoda en file indienne vers la frontière, la chair de poule, les yeux mouillés devant l’inconcevable et j’en passe, vous ne savez plus si ce flash télévisé est une farce, vous regardez par la fenêtre, vous vous pincez, personne dans la rue, et si vous étiez victime d’une hallucination ? Les radios mobilisaient toute la population ce soir-là, interdite, inquiète, méfiante, et si demain le régime changeait d’avis ? Ils vous raconteront tout cela, l’inimaginable occupant l’écran de leur télévision, sous les yeux ahuris des militaires qui laissaient faire. À part certains qui ont entrepris de partir à pied la nuit même, en petits groupes épars qui n’en faisaient plus qu’un à l’approche de la frontière autrichienne, en silence puis haussant la voix jusqu’à crier pour s’assurer qu’ils ne traversaient pas un rêve, la plupart n’ont finalement pas bougé de chez eux. Jusqu’aux premiers rassemblements, la Révolution de Velours, vous savez, quelques jours plus tard, tout juste vingt ans après le Printemps de Prague, j’aime le goût de ce pays pour la poésie qu’il glisse dans son histoire. Mais vous avez déjà eu vent de tout ça, c’est de l’histoire ancienne. De ce côté du fleuve, on était à peine au courant de ce qui se tramait en ville. Et de toute façon, sachez qu’ici on ne fait pas du passé une béquille, on avance coûte que coûte, et on laisse l’imparfait à ceux qui ont appris à conjuguer les verbes. Moi ? Vous plaisantez. Passer à l’Ouest n’était plus de mon âge et il me restait finalement peu de temps à vivre. J’étais trop vieux et trop las, sans compter que cette nuit même de novembre, pendant que des milliers de bras abattaient le Mur à coups de pioche, les miens pesaient plus lourd que le plomb. Il pleuvait comme vache qui pisse et j’avais d’autres chats à fouetter, de l’eau jusqu’aux chevilles et la tête vide comme une cruche percée ; et dans les bras, un nouveau-né. Pourriez-vous poser votre main sur mon épaule, vous sentiriez mes vieux os trembler.

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 Challenge 5% 
Rentrée Littéraire 2011
RL2011b
33/35

Lu dans le cadre du Challenge Défi Premier roman
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20 janvier 2012

Terezin plage – Morten Brask

terezin Presses de la Cité – août 2011 – 330 pages

traduit du danois par Caroline Berg

Titre original : Havet i Theresienstadt, 2007

Quatrième de couverture :
« Je suis là, les yeux fermés, et autour de moi je sens l'océan et le soleil et l'écume des brisants et les vagues qui me font osciller d'avant en arrière, d'arrière en avant. Quand je m'éveille, l'océan n'est plus là. Le fracas que j'entends est celui des roues du train à bestiaux, le flux et le reflux du wagon qui grince et tangue. »

Dès son arrivée en 1943 à Terezin, Daniel Faigel, jeune médecin danois hanté par un lourd passé, se retrouve plongé en enfer. Présentée par les nazis comme une "colonie juive modèle", la ville sert en réalité de zone de transit vers des camps d'extermination. Affecté à l'hôpital du ghetto, Daniel passe ses journées à essayer d'arracher à la mort et aux déportations quelques-uns de ses patients. Parmi eux se trouve Ludmilla. L'amour qui naît entre eux leur donne la force de supporter un quotidien ponctué par la peur de faire partie du prochain convoi, dont on sait intuitivement qu'on ne reviendra pas. Comme tous les habitants du ghetto, les deux amants vont bientôt devoir prendre part à une gigantesque mascarade orchestrée par les nazis : l'embellissement du camp en vue d'une inspection de la Croix-Rouge. Saisissant tableau de la vie dans un camp qui servit de vitrine à la propagande nazie, ce roman, écrit dans une langue limpide, met en scène le destin de deux êtres happés par l'histoire, qui s'accrochent à l'espoir, coûte que coûte.

Auteur : Né en 1970, le Danois Morte Brask est directeur artistique d'une agence de publicité. Auteur de plusieurs documents, il signe avec Terezin Plage son premier livre de fiction.

Mon avis : (lu en janvier 2012)
Voilà un livre beau et émouvant évoquant un sujet difficile.
Lors de la commémoration du 50e anniversaire de la déportation, le jeune Morten Brask rencontre l'écrivain Ralph Oppenheimer, rescapé du camp de Terezin au nord de Prague. Cette rencontre l'ayant fortement marqué, Brask décide de faire de cette histoire vraie un roman.
Dans ce lieu historique mais terrible, Morten Brask nous raconte l’histoire d’amour de Daniel Faigel un jeune médecin Danois avec Ludmilla une jeune femme tchèque. Tous deux sont juifs, ils ont été déportés dans un camp de concentration un peu particulier : Theresienstadt ou Terezin.
Ce camp a été organisé par la Gestapo en novembre 1941 dans la forteresse et ville de garnison de Terezín, aujourd'hui en République tchèque. Ce camp est présenté par les nazis au monde extérieur comme une colonie juive modèle. En 1943, cinq cents juifs sont déportés depuis le Danemark et la Croix-Rouge du pays va insister pour aller voir sur place les conditions de vie de ses ressortissants. Les nazis vont alors utiliser ses visites pour faire bonne impression. Ils vont faire construire de faux magasins et cafés pour donner l'impression d'un semblant de confort, ils y réaliseront même un film de propagande.
Dans la réalité, comme dans les autres camps la vie est difficile, il faut lutter contre le froid, la faim, la maladie… Il y a aussi les listes qui annoncent les noms de ceux devront partir par  le prochain convoi vers Auschwitz ou Treblinka.

Daniel travail à l'hôpital "Hohen Elbe" du ghetto. Sa situation de médecin lui donne quelques privilèges pour supporter plus facilement le quotidien. Lors d'une visite dans le baraquement des femmes pour donner des soins à une vieille dame, Daniel fait la rencontre de Ludmilla et son cœur se met à vibrer, et ensemble ils vont peu à peu s'apprivoiser, une belle histoire d'amour va naître...
En parallèle à sa vie au camp, Daniel revient sur ses souvenirs d'enfance entre un père juge assez autoritaire et une mère fragile et malade, il évoque souvent le bord de la mer proche de sa maison natale dans la région de Copenhague. C'est pour lui une manière de s'évader et de pouvoir tenir.

Un livre qui se lit facilement, et qui est très documenté sur le camp de Terezin. Tout y est décrit avec précision la vie du camp en particulier les différentes odeurs toutes plus repoussantes les unes les autres…
Un premier roman réussi !

Extrait : (début du livre)
Je suis de nouveau au bord de la mer. Tout est exactement comme je me le rappelle. L’océan et la plage, le soleil et la grande maison en rondins noircis au goudron avec sa longue véranda ; je me souviens de tout dans les moindres détails. L’escalier qui mène à la galerie, et sa rampe étroite. La troisième marche qui grince quand on descend vers la grève. La digue de pierres polies par les marées sur lesquelles je me suis blessé en tombant à la fin de l’été 1924. Les rochers sont comme dans mon souvenir. Le sable, le sable chauffé par le soleil et qui va de la digue jusqu’au rivage. Les oiseaux de mer aux pattes raides et aux becs allongés, qui picorent dans les congères d’algues échouées. Les vagues qui lèchent le rivage, s’étirent, essayant en vain d’atteindre les oiseaux, puis refluent, déçues, et meurent sous la lame suivante. Je n’ai rien oublié. Je suis revenu sur cette plage d’hier, et je cours, heureux bondissant au-dessus des goémons. Je me jette à l’eau, les embruns me giflent de leurs gouttelettes glacées. Je nage, je nage, le plus loin possible, au-delà de la troisième lagune où mon père m’interdit d’aller, et me laisse tomber dans l’océan froid et salé. Il m’embrasse, m’immerge dans son astringente verdure. Je nage, je plonge dans sa froidure, frotte mon ventre contre son fond sablonneux, traverse les rais de lumière oblique, brasse jusqu’à ce que mes poumons crient grâce et m’obligent à remonter. J’explose le miroir de la surface où se reflète le soleil. Le sel me brûle les yeux, je les ferme et jouis de la chaleur de l’air sur ma poitrine. Je suis là, les yeux fermés, et autour de moi je sens l’océan et le soleil et l’écume des brisants et  les vagues qui me font osciller d’avant en arrière, d’arrière en avant.

Quand je m’éveille, l’océan n’est plus là. Le fracas que j’entends est celui des roues du train à bestiaux, le flux et le reflux du wagon qui grince et tangue. Chaque embranchement des rails se répercute à travers les lattes du plancher et martèle ma colonne vertébrale.

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 Challenge 5% 
Rentrée Littéraire 2011
RL2011b
32/35

Challenge Voisins, voisines
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Danemark

Lu dans le cadre du  Défi Scandinavie blanche
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Danemark

 Challenge Viking Lit' 
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Lu dans le cadre du Challenge Défi Premier roman
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Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC 2012
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"Géographie"

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