Lu en partenariat avec les éditions Denoël

B26714 Denoël - juin 2016 - 240 pages

Auteur : Olivier Maulin vit et travaille à Paris. Il a écrit plusieurs romans, dont En attendant le roi du monde, prix Ouest-France/Etonnants Voyageurs 2006. La fête est finie est son neuvième roman.

Mon avis : (lu en juillet 2016)
Mon avis sur ce livre est mitigé. J'ai bien aimé le début, puis au milieu du livre, j'ai eu une certaine lassitude et ensuite j'ai mis plusieurs jours à terminer cette lecture et j'ai eu beaucoup de mal à écrire ce billet.
Victor et Picot sont deux amis qui s'improvisent vigiles de nuit pour un besoin alimentaire. Ils vont chercher à la SPA les deux chiens nécessaires pour ce travail de vigile. Ils doivent surveiller un parc de camping-car à Lagny-sur-Marne. Le début de la nuit se passe plutôt bien, puis la fatigue étant là, ils décident d'être éveillés à tour de rôle, l'autre utilisant un des camping-car de luxe pour y faire une petite sieste... Finalement, ils s'endorment tous les deux, le véhicule est volé par une famille de roms et à au réveil de nos deux amis, ils se retrouvent vers Strasbourg. Les deux vigiles reprennent possession du véhicule mais ayant peur d'être accusé de vol, ils préfèrent se réfugier dans un petit camping discret où ils vont faire de nombreuses rencontres...
Une galerie de personnages hauts en couleur, un hymne à la nature, à l'écologie, de l'humour, des situations improbables...
Mais pour ma part, à mi-lecture, je me suis lassée : la cocasserie et les délires de l'auteur ont pris trop de place dans l'histoire et ont occulté le message écologique du livre. 

Merci Laïla et les éditions Denoël pour ce partenariat.

Extrait : (début du livre)
Bach, je n’avais rien contre. Je veux dire : Bach, de temps en temps, je n’avais rien contre. Mais toute la sainte journée à fond les ballons, ça commençait franchement à me taper sur les nerfs ! Le Victor, il était capable de rester douze heures allongé sur le sofa sans bouger, à enquiller les disques. Seul un bras se dépliait parfois pour changer de CD ou écraser une cigarette dans le cendrier posé par terre. Et puis ça se repliait lentement et ça ne bougeait plus pendant une heure et demie. Deux ou trois fois, j’en étais arrivé à le pincer dans le gras du bide pour vérifier qu’il n’était pas claboté. Tout en gardant les yeux fermés, il soulevait alors lourdement son poing droit et me le montrait de l’index de sa main gauche. Dans le langage élaboré de la grosse outre, ça signifiait : attention, risque de pain dans la gueule ! C’était strictement interdit de le déranger quand il écoutait Bach, c’est-à-dire tout le temps.
À vrai dire, je n’avais jamais vu pareille loque humaine. Au physique, il ressemblait à Georges le solitaire, la dernière tortue des Galápagos. Au moral, il était à mi-chemin entre le flan et le potiron. En un sens, il était fascinant ; à lui tout seul, il donnait tort à la science. La grande activité de sa journée, pour ne pas dire la seule, c’était la préparation de son petit déjeuner. Allumer la machine à café, changer le filtre, beurrer les tartines... c’est là qu’il dépensait ses calories. Ensuite, la journée était pour ainsi dire finie ; il se collait sur son sofa et en avant pour le marathon : cantates, motets, oratorios, fugues, concertos, suites, partitas, préludes, sonates, tout y passait ! Et même les messes et les passions ! Et il chialait, le veau, fallait voir comment ! Des grosses larmes qui roulaient sur ses joues et son cou. Parfois, il secouait la tête, il s’agitait, faisait mine de se relever ; et puis il se laissait retomber en soupirant, comme terrassé. « Putain, c’est trop beau, Bach », disait-il.
C’était sa contribution à la critique musicale. C’est en piquant un disque au hasard qu’il l’avait découvert. Ça avait immédiatement collé entre Bach et lui. Il était tombé en extase sur les Motets et avait décidé de monter sa petite collection. C’est un autre avantage de Bach : très facile à voler ! Les rayons rap, électro, heavy metal, étaient bourrés de vigiles suspicieux. Chez Bach, on vous foutait la paix. Il allait donc faire son marché une fois par semaine, nourrissant sa passion. À présent, il comparait les versions, trouvait celle-ci plus émouvante, celle-là un peu forcée, telle autre un poil lyrique. Il n’avait jamais eu l’idée de taper « Bach » sur Internet, n’avait aucune idée de l’époque à laquelle le bonhomme avait vécu, mais sur la musique, pardon ! Un spécialiste ! Du genre à repérer une fausse note ! Tiens, le troisième violon, il n’aurait pas fait un la au lieu d’un si ? Bref, il avait pris le melon par-dessus le marché.
Évidemment, c’était difficile pour moi de me plaindre vu que cela faisait trois semaines que je m’étais incrusté chez lui. Je n’avais pas d’autre choix que de la fermer ou de prendre la porte. Du coup, pour me venger, je l’appelais Totor la grosse outre, Totor la grosse légume, Totor l’esthète de con ! Enfin je l’appelais comme ça dans ma tête, rapport au gros poing poilu.
— Si t’aimes pas Bach, t’as qu’à te casser ! me disait Totor. 
— Je dis pas que j’aime pas Bach, Totor, il faut me comprendre, je dis que douze heures de suite ça fait un peu longuet, tu piges la différence ? 
— Quand on aime Bach, on l’aime pendant douze heures. Sinon, c’est qu’on l’aime pas et on a qu’à dégager. La logique du gros Totor !

les_lumi_res_du_ciel Les lumières du ciel