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5 décembre 2015

Trafiquants d'hommes - Andrea Di Nicola et Giampaolo Musumeci

trafiquants_d_hommes Liana Levi - avril 2015 - 185 pages

traduit de l’italien par Samuel Sfez

Titre original : Confessioni di un trafficante di uomini, 2014

Quatrième de couverture : 
« Chaque année des milliers de clandestins jouent leur vie pour rejoindre l’espace Schengen. Via Lampedusa, la Grèce, la Tunisie, la Turquie ou la Slovénie. À pied ou en camion, dans la cale d’un bateau ou en avion avec un billet de première classe. Pour chaque migrant parvenu à bon port, quelqu’un a empoché entre 1000 et 10000 euros. Le chiffre d’affaires global de ce business est estimé entre 3 et 10 milliards de dollars par an, juste après celui du trafic de drogue. Au sommet de la pyramide, d’insaisissables et puissants criminels orchestrent de vastes réseaux d’intermédiaires. Qui sont ces trafiquants d’hommes, comment travaillent-ils, comment échappent-ils aux contrôles? Depuis 2012, nous avons parcouru des milliers de kilomètres, interrogé des dizaines de magistrats et de policiers, rencontré des passeurs et des trafiquants en prison ou dans les bistrots des ports de transit. Nous avons recueilli leurs confidences, analysé leurs méthodes et leurs livres de comptes. Notre enquête décrit la plus grande et la plus impitoyable “agence de voyages” du monde. »

Auteurs : Andrea Di Nicola enseigne la criminologie à l’université de Trente. Depuis plus de quinze ans, ses recherches portent sur l’organisation illégale de l’immigration et l’exploitation humaine. 
Giampaolo Musumeci est reporter. Il traite l’actualité internationale, l’immigration et les conflits armés, notamment en Afrique, pour plusieurs radios, télés et journaux européens. Quand il ne sillonne pas la planète, il vit à Milan.

Mon avis : (lu en décembre 2015)
Les auteurs de ce livre auraient pu lui donner le titre suivant : "La plus grande agence de voyage du monde". En effet, ils ont mené une vraie enquête sur l'organisation du trafic humain. C'est devenu un commerce comme celui de la drogue ou des armes qui rapportent aux organisateurs beaucoup d'argent. Ceux-ci sont sans état d'âme, le réfugié ou migrant est une "marchandise" comme une autre...
Les auteurs décrivent en détail l'organisation si bien structurée des différentes filières, les différents rôles de passeurs, de coordonnateurs, de guetteurs, de rabatteurs avec au sommet de cette pyramide des chefs qui ne prennent aucun risque et gagnent beaucoup beaucoup d'argent. Il y a également de nombreux témoignages de ceux qui participent à ce travail de l'ombre et de réfugiés qui racontent leur périple souvent long et dangereux.
C'est assez effrayant de comprendre que nos frontières sont si perméables... En effet, les trafiquants utilisent toutes les failles qu'il existe dans le système de frontière, de passeports, de visa, de zone de guerre...
Une lecture instructive et d'actualité.

Extrait : (début du livre)
Marina de Turgutreis, région de Bodrum, au sud de la Turquie. 9 h 30, un matin de mai 2010. Au numéro 26 du Gazi Mustafa Kemal Bulvarı se trouve le siège d’Argo lis Yacht Ltd., une société de location de bateaux à voiles et à moteur. Les papiers d’un Bavaria 42 Cruiser – un voilier à un mât de 13 mètres battant pavillon grec amarré non loin – attendent sur le bureau.
Un homme d’une quarantaine d’années, le visage bronzé et un peu marqué, les bras épais et la poigne vigoureuse, se présente à l’agence avec son passeport et son permis bateau pour signer le contrat. C’est un skipper. Il s’appelle Giorgi Dvali, de nationalité géorgienne. Né à Poti, il travaille depuis des années dans le tourisme. Il organise des croisières en Méditerranée. Une longue tradition maritime fait des Géorgiens, comme des Ukrainiens, des navigateurs très appréciés.
Dvali annonce à l’employée que ses prochains clients sont une famille américaine de Seattle : un couple avec deux adolescents qui veulent passer deux semaines entre les côtes turques et les îles grecques et profiter de la mavi yolculuk, la « croisière bleue », comme l’appellent les pêcheurs locaux. Cette route d’une rare beauté, très appréciée des touristes, est ordinaire pour un homme tel que lui. Dvali paie en liquide la location et l’assurance. Quelques instants plus tard, il est déjà sur le quai. À côté du Bavaria 42, les traditionnels caïques turcs, construits dans les marinas de Bodrum ou de Marmaris, et des yachts de 15 à 20 mètres. Des marins vont et viennent, des touristes anglais et allemands, quelques Grecs : le quai est une véritable tour de Babel. Dvali regarde autour de lui puis inspecte le cruiser : il monte à bord, va sous le pont, vérifie que tout est en ordre. Trois cabines équipées, six couchettes en tout, une grande cuisine et deux salles de bains. L’intérieur est élégant, décoré de riches boiseries. Le bateau n’a pas plus de cinq ans, il est presque neuf. Sur le marché de l’occasion, il coûterait entre 120000 et 130000 euros. Demain, aux premières lueurs de l’aube, on lève l’ancre.
Dvali décide de fixer immédiatement le cap sur le navigateur GPS pour vérifier qu’il fonctionne : 40.1479 degrés de latitude, 17.972 de longitude. D’avril à septembre, entre la Turquie et les îles grecques, jusqu’au littoral italien, entre Corfou et Vieste, la Crète et la Calabre, Antalya et Santa Maria di Leuca, il y a des centaines de yachts comme celui-ci. Longues croisières, loin des plages bondées. Le tourisme pour une poignée de privilégiés. Six jours plus tard, aux premières heures du matin, le bateau se trouve au large de Porto Selvaggio, dans la province de Lecce. Il navigue au moteur et fend les vagues à une vitesse de 7 nœuds. La terre n’est qu’à 10 milles. Une vedette de la guardia di fi nanza accoste le voilier : simple contrôle de routine, un parmi tant d’autres. Le carnet de navigation est en règle, Dvali semble être un vrai professionnel. Les policiers montent à bord. L’homme trahit alors une certaine nervosité. Lorsqu’on lui demande des informations sur les passagers, il explique qu’il accompagne une famille américaine en vacances. Ils dorment, il ne veut pas les déranger. Son anglais n’est pas hésitant, pourtant il bégaye. Mais c’est surtout son regard, courant à plusieurs reprises vers la porte de la cabine, qui éveille les soupçons des garde-côtes. Ils décident de mener un contrôle approfondi.
Sous le pont, pas de famille américaine passionnée de voile, pas de couple avec des adolescents. Quand ils plongent le nez à l’intérieur, les policiers sont assaillis par une bouffée acide et une violente odeur de sueur. Ils trouvent là quarante Afghans, âgés de seize à trente-deux ans. Tous originaires de la province de Herat. Ils ont le regard perdu, beaucoup souffrent du mal de mer. Ils sont passés par la Turquie : d’abord Istanbul, le centre de triage du trafi c humain mondial, puis Smirne, et enfi n Bodrum, où ils ont rencontré Dvali. Une fois les amarres larguées, cap sur l’Italie et les côtes des Pouilles.

 

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