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A propos de livres...
27 décembre 2014

Un homme effacé - Alexandre Postel

Lu en partenariat avec les éditions Folio

un homme effacé

Gallimard - janvier 2013 - 256 pages

Folio - octobre 2014 - 274 pages

Prix Goncourt du premier roman 2013

Quatrième de couverture :
« Quoi qu’il arrive, il faut vous faire à l’idée que vous ne ressortirez pas blanchi du tribunal. C’est une illusion de croire ça. On ne ressort pas blanchi d’un procès comme celui-ci. Soit on en ressort sali, soit on n’en ressort pas du tout. » Damien North est un professeur de philosophie dans une université cossue. Sa vie bascule le jour où il est accusé de détention d’images illicites, mettant en scène des enfants. L’inculpé a beau se savoir innocent, un terrible engrenage commence tout juste à se mettre en marche… Alexandre Postel décrit avec acuité la farce des conventions sociales, les masques affables sous lesquels se cachent le pouvoir, la jalousie ou le désir de nuire - et les dérives inquiétantes d’une société fascinée par les images.
Auteur : Alexandre Postel est né en 1982. Il enseigne la littérature française à Paris. Un homme effacé a reçu le prix Goncourt du premier roman 2013 et le prix Landerneau découverte 2013.

Mon avis : (lu en décembre 2014)
Damien North est un jeune enseignant de philosophie à l'université, veuf et célibataire, il est plutôt solitaire et discret. Un jour, il est accusé d'avoir téléchargé des fichiers pédopornographiques. C'est impossible, il n'a rien fait et voilà la machine judiciaire qui se met en route implacablement. Devenu un coupable malgré lui, Damien North est lâché par ses proches, son avocat lui conseille de plaider coupable pour obtenir la clémence du juge. Mais toutes les preuves sont vraiment contre et lui et le cauchemar continue pour lui. L'histoire est construite comme un suspens avec ses rebondissements, et l'angoisse de l'innocent accusé à tort. Quand et comment cela va-t-il s'arrêter ?

Merci Anna et les éditions Folio pour la découverte de cette histoire qui fait froid dans le dos.

Extrait : (début du livre)
Quelques heures avant que l’épouvante et la honte ne s’abattent sur sa vie, Damien North téléphonait au service informatique de la faculté, ce qui le mettait toujours mal à l’aise. Sa gêne ne résultait ni de ses relations avec tel ou tel informaticien, ni du dédain que professaient à l’encontre de la technologie la plupart de ses collègues, mais d’une impression troublante : l’impression d’être confronté aux émissaires d’une entité immatérielle et omnipotente, en d’autres termes à des anges, mais des anges d’un genre nouveau, ni radieux ni virevoltants, des anges qui au contraire se terraient, moroses et tout de noir vêtus, dans des sous-sols sentant la pizza froide et le renfermé — les anges d’un Dieu d’échec et de refus.
Son incompétence le poussant à solliciter plus souvent qu’un autre le service informatique, North avait en outre acquis, d’appel en appel, la certitude d’être toujours un peu plus connu de ces anges équivoques, repéré, montré du doigt, au point de devenir un de ces habitués dont on raconte en s’esclaffant la dernière gaffe, un importun qu’on écoute, le sourire aux lèvres, en clignant de l’œil pour attirer l’attention des collègues. Cette intuition n’était étayée d’aucune preuve, mais North était enclin à percevoir les choses ainsi car il était timide et par conséquent susceptible : d’imaginer que chacun de ses appels faisait les choux gras du service informatique le mortifiait. De là son inconfort lorsqu’il se résolut enfin, aux alentours de dix heures du matin, à s’emparer du téléphone.
Il s’était aperçu du problème dès le réveil. Espérant que la situation s’arrangerait d’elle-même, il avait repoussé aussi longtemps que possible le coup de fil et s’était plongé dans la lecture d’un recueil d’articles sur Descartes et l’Optique. Mais maintenant il était temps de partir pour le campus et rien n’avait changé. Assis dans un angle du salon, son ordinateur portable sur les genoux, North composa le numéro du service.
Il y eut plusieurs sonneries. Ils le faisaient exprès, North en était persuadé, pour dissuader les plaisantins ; pour le dissuader ? Il tourna la tête vers la baie vitrée. Le jardin sortait de sa nuit. La gelée qui blanchissait la pelouse aux premières heures du jour avait disparu. La lumière de février, éblouissante et pâle, frappait le mur d’enceinte. Tout au fond, les rameaux dénudés du mûrier-platane se détachaient avec une netteté hérissée sur le ciel bleu. Il faudrait les tailler, bientôt.
— Oui ?
Les anges ne s’encombrent pas de formalités.
— Bonjour, je suis bien au service informatique ?
— Je vous écoute.
Une voix distante, en désaccord avec les mots qu’elle articulait, la voix d’un homme en train de faire autre chose. North distinguait à l’arrière-plan un cliquetis continu de clavier. Il prononça les quelques mots qu’il avait préparés :
— Je vous appelle parce que j’ai un petit problème. Mon ordinateur est sur le réseau de la faculté et... je n’arrive pas à me connecter. Quand je tape mon mot de passe, il y a un écran qui me dit : accès refusé.
— Accès refusé ?
Le cliquetis du clavier s’était interrompu. North, enhardi, risqua une hypothèse :
— Je me demandais si par hasard vous étiez en train d’effectuer une opération de maintenance.
L’ange répondit par une autre question :  — Vous avez essayé de booter votre BIOS ?
— Pardon... vous dites ?
Un soupir.
— La séquence boot du BIOS, vous savez l’activer ?
— Rappelez-moi comment faire...
Le combiné du téléphone coincé entre l’épaule et l’oreille, il suivit les instructions de l’ange jusqu’au point où, la manœuvre accomplie, il ne restait plus qu’à attendre le redémarrage du système. Il y en aurait pour une petite minute, assurait l’ange : pas assez longtemps pour justifier une interruption de la communication (« je vous rappelle quand ça y est »), trop pour que le silence ne devînt pas gênant. De l’autre côté, le clavier cliquetait de nouveau, par intermittence. North crut aussi entendre un bruit répété de déglutition. L’ange devait boire son café matinal — un café au lait, supposait North, agrémenté de cannelle ou de caramel, de ceux qu’on vous sert dans des gobelets gros comme le duodénum. L’ange avait une voix à aimer ce genre de choses : une voix fade et crémeuse.
Enfin il put entrer son mot de passe.
— Toujours pareil. Accès refusé.

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Commentaires
N
Je me le suis offert récemment !
Répondre
L
un livre qui reste en mémoire
Répondre
U
Il me tente. Ce n'est pas trop oppressant ? J'espère que ça se termine bien.
Répondre
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