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A propos de livres...
31 juillet 2014

Et je prendrai tout ce qu'il y a à prendre - Céline Lapertot

et je Viviane Hamy - janvier 2014 - 187 pages

Quatrième de couverture : 
Quand la souffrance dépasse l'entendement, ne reste qu'une solution : tuer pour exister. Charlotte a tenu le choc. Elle a gardé le silence, jusqu'au jour... Voici l'histoire d'une inhumanité honteuse, intime, impossible à dire. Dans une lettre adressée au juge devant lequel elle répondra de ses actes, Charlotte, Antigone moderne et fragile, pousse le cri qui la libérera... peut-être.

Auteur : Céline Lapertot est professeur de français. Elle a 27 ans et n'a pas cessé d'écrire depuis l'âge de neuf ans. Et je prendrai... bouleverse son lecteur par la tension dramatique qui en émane et par la justesse des émotions qu'il exprime.

Mon avis : (lu en juillet 2014)
Un livre coup de poing... Je le savais, ayant entendu parler du livre à la Grande Librairie (rubrique : Choix des libraires), mais malgré cela, j'ai été cueillie...
« Je suis ce que j’ai fait. J’ai dix-sept ans, et j’ai tué. », voici ce qu'écrit Charlotte au début de la longue lettre qu'elle destine au juge et où elle raconte son parcours.
Cette adolescente vit un cauchemar depuis 10 ans. A l'âge de 7 ans, elle a osé défier du regard son père qui s'en prenait comme toujours à sa mère devenue résignée et soumise. La sanction tombe : elle ne dormira plus jamais dans sa jolie chambre mais dans la cave humide et froide en compagnie des sacs de pommes de terre, des souris. 
Lorsque ses grands-parents viennent à la maison, ils ne voient rien. Ni la souffrance de la mère qui laisse le père s'en prendre à elle-même et à Charlotte... Ni le regard plein de peur de Charlotte qui espère pourtant pouvoir être sauvé. 
Ce que Charlotte vit est indicible, aux questions d'un professeur, de la CPE ou de l'assistante sociale, elle n'a qu'une réponse : le silence. Elle n'arrive pas à mettre des mots sur ce qu'elle vit au fond de sa cave.
C'est donc sa confession manuscrite que le lecteur découvre, elle raconte années par années son martyre et l'auteur dans un style fluide et efficace arririve à donner une certaine tension à ce récit bouleversant. Sans pathos, elle évoque la maltraitance, le lecteur est pris d'empathie pour Charlotte qui pourtant se décrit sans concession. Surprenant et bouleversant.

 

Extrait : (début du livre)
J’ai dix-sept ans.
Je m’appelle Charlotte.
Je suis ce qu’on appelle communément une adolescente, mais il y a un contraste saisissant entre la juvénilité de mes traits et l’absence de candeur qu’exprime ma perception de la vie. Je connais le néant, l’obscurité, j’ai vu ce que la vie a de plus sombre. Pourtant, mes jambes me portent encore, solides sur cette terre dont j’ai été trop longtemps maintenue éloignée. Les gens
ont évolué sans moi pendant dix ans ; il faudra dorénavant compter avec moi.
J’écris parce que d’ici quelques jours tout le monde s’intéressera à moi. À mon histoire. À mes failles. À mes silences. J’écris parce que nul n’échappe aux mots. Ils sont aussi puissants que ma main armée lorsqu’elle a frappé. Mes mots sont tout ce qu’il me reste après ma bataille. Ils sont mon atout, ma passerelle vers la lumière.
J’écris ce que je suis.
Je mesure exactement un mètre soixante-quatre et je me targue d’être plus grande que ma mère – une petite femme éternellement confinée dans son obscurité. Mon physique est banal, sans particularité, et je ne crois pas avoir un jour allumé la moindre flamme dans le regard des garçons que je côtoyais. Je n’ai jamais eu le droit de les fréquenter, ces jeunes mâles attirés par un pulpeux que je ne possède pas. Un seul. Un seul d’entre eux et ce fut ma condamnation.
Ou ma libération.
Ma poitrine est plate. Elle n’inspire pas la confiance qu’inspirent les rondeurs. J’ai la maigreur des jeunes filles qui ignorent encore que la nourriture n’est pas uniquement constituée d’idées et de littérature. Il ne m’appartient pas d’épiloguer sur ma beauté, mais je devine la pâleur de mes poignets sous mon pull trop large, ma peau ternie par le manque de lumière qui baigne mon intérieur. J’étais noiraude et insignifi ante, jusque dans ma façon de déambuler. J’étais une ombre qui se mouvait le long des couloirs du lycée. Une ombre parmi  d’autres ombres qu’on ne remarquera jamais. Je suis une carpe qui a conscience d’être une carpe. Et je désire pardessus tout m’échapper du bassin où je surnage.
J’écoute mes camarades parler de leurs petits problèmes existentiels mais tout le mépris qu’ils m’inspirent ne franchit jamais les portes de mon âme. Ils sont trop occupés, mes camarades lycéens de dix-sept ans, à s’observer le nombril. Trop occupés à s’extasier devant la vigueur de leurs muscles et à toucher le grain si doux de leur peau pour percevoir, que dis-je, entrapercevoir, immobiles dans leur petite bulle au confort étriqué, ce qu’a été l’enfer de mon existence.
Ils vivent leur vie d’adolescents, voilà tout. Cette vie qui n’est pas la mienne. Ce paradoxe d’un âge où nous sommes à la fois puérils et lucides. Ces dix-sept ans qui font de nous des êtres capables de sentir le monde – ses failles et ses grandeurs – mais qui nous offrent encore la possibilité de garder un pied dans l’enfance.
Sauf que je ne suis pas ainsi.
J’ai dix-sept ans, et j’ai tué.

 Challenge Petit Bac 2014
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"Verbe" (10)

 

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Challenge Rentrée Hiver 2014

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30 juillet 2014

Voyage aux îles de la Désolation - Emmanuel Lepage

790085 Futuropolis - mars 2011 - 160 pages

Présentation éditeur :
Pour la mer — afin de la comprendre et de savoir la dessiner —, pour les Terres australes — qui sont comme la promesse d’un temps qui n’est plus —, en mars et avril 2010, pendant plusieurs semaines, Emmanuel Lepage a embarqué sur le Marion Dufresne, au départ de Saint-Denis de La Réunion, pour faire le voyage dans les T. A. A. F., les Terres Australes et Antarctiques Françaises. 

Les Terres australes : îles de Crozet, d’Amsterdam, de Saint-Paul et, la plus connue, de Kerguelen, jadis surnommées les îles de la Désolation. Des confettis d’empire, égarés dans l’immensité bleue à des milliers de kilomètres de toute terre habitée. Îles inconnues, sauvages, inhospitalières, mystérieuses. Battues par des vents violents, elles ne comptent d’humains que les scientifiques, de toutes disciplines, venus le temps de missions pouvant durer plusieurs mois, et les quelques militaires et contractuels chargés de faire fonctionner leurs bases d’habitation et de travail. 
Emmanuel Lepage, le Breton, en toute contradiction, n’avait jamais pris la mer. Il a été servi ! Cap au Sud !

Auteur : Emmanuel Lepage est un dessinateur, scénariste et coloriste de bande dessinée, né en 1966 à Saint-Brieuc.

Mon avis : (lu en juillet 2014)
Cette bande dessinée est un vrai carnet de voyage, Emmanuel Lepage nous entraîne à bord du Marion Dufresne, le navire océanographe qui fait les liaisons entre les Terres Australes Françaises. 
Il nous fait découvrir des îles que peu de personnes ont la chance d'aborder, l'île Tromelin, l'île de Crozet, les îles Kerguelen, l'île Saint Paul, l'île Amsterdam... Les paysages, les oiseaux marins, les éclairages, la mer... et les hommes, les marins, les scientifiques, coupés du monde et vivant dans des conditions extrêmes. Les dessins sont magnifiques, avec différents styles, du noir et blanc, des aquarelles, du pastel... Dépaysement et émerveillement assuré !

En bonus : le site du voyage en terres australes

Note : ♥♥♥♥♥

Extrait : (début du livre)

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   Challenge Petit Bac 2014
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"Géographie" (9)

Déjà lu du même auteur : 

1151_couv  Un Printemps à Tchernobyl 

29 juillet 2014

Daytripper, au jour le jour - Gabriel Ba, Fábio Moon

 daytripper Urban Comics - avril 2012 - 256 pages

Présentation éditeur :
Les mille et une vies d’un aspirant écrivain… et ses mille et une morts. Brás de Oliva Domingos, fils du célèbre écrivain brésilien, passe ses journées à chroniquer les morts de ses contemporains pour le grand quotidien de Sao Paulo… et ses nuits à rêver que sa vie commence enfin. Mais remarque-t-on seulement le jour où notre vie commence vraiment ? Cela commence-t-il à 21 ans, lorsque l’on rencontre la fille de ses rêves ? À 11 ans, au moment du premier baiser ? À la naissance de son premier enfant peut-être ? Ou au crépuscule de sa vie…

Auteurs : Fábio Moon (né le 5 juin 1976 à São Paulo) est un auteur de bande dessinée brésilien. C'est le frère jumeau de Gabriel Bá avec lequel il a créé Daytripper.

Gabriel Bá (né le 5 juin 1976 à São Paulo) est un auteur de bande dessinée brésilien. C'est le frère jumeau de Fábio Moon. Créateur d’Umbrella Academy et Daytripper, il a remporté plusieurs prix de bande dessinée américains.

Mon avis : (lu en juillet 2014)
J'ai découvert cette BD grâce à la blogosphère. Il s'agit d'une histoire complète et indépendante, initialement parue en 2010 sous la forme d'une mini série en 10 épisodes. Brás de Oliva Domingos est le fils d'un célèbre écrivain brésilien, il écrit des nécrologies dans un journal de Sao Paulo, il rêve de devenir écrivain comme son père. Nous allons le suivre lors de différents moments de sa vie, dans le désordre à 32 ans, 21 ans, 28 ans, 41 ans, 11 ans, 33 ans... Chaque épisode est construit de la même façon, un âge pour chaque chapitre et une conclusion surprenante... 
C'est une bande dessinée très originale que j'ai lu avec plaisir, curieuse de découvrir l'histoire de la vie de Brás et de comprendre où les auteurs voulaient en venir. Le désordre chronologique ne m'a pas gêné, les différents chapitres se lisent facilement, Brás est un personnage sympathique. Une découverte unique.

Autres avis : SandrineEnna et Valérie

Extrait : (début du livre)

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   Challenge Petit Bac 2014
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"Moment/Temps" (11)

 

28 juillet 2014

C'est lundi, que lisez-vous ? [184]

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 (c) Galleane

C'est le jour du rendez-vous initié par Mallou proposé par Galleane  

Qu'est-ce que j'ai lu cette semaine ? 

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La ville heureuse - Elvira Navarro 
Rue du Bonheur - Anna Fredriksson

Qu'est-ce que je lis en ce moment ?

Le monde de Charlie - Stephen Chbosky

Que lirai-je les prochaines semaines ?

Le Planqués des huttes - Léo Lapointe (partenariat Pôle Nord Editions) 
Et je prendrai tout ce qu'il y a à prendre - Céline Lapertot 

Bonne semaine, bonnes lectures !

25 juillet 2014

Comme une petite ressemblance juillet

 

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 Nouveau rendez-vous  avec Canel

Que c'est beau la mer !

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Maman les p'tits bateaux...

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Un petit tour à la piscine

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pour nager,

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plonger sous l'eau

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Et les bouées...

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   Le billet de Canel

  Mes autres billets Comme Une Petite Ressemblance : 

billet n°1billet n°2billet n°3billet n°4billet n°5billet n°6
billet n°7billet n°8billet n°9billet n°10, billet n°11

 

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24 juillet 2014

Rue du Bonheur - Anna Fredriksson

Lu en partenariat avec les éditions Denoël

rue du bonheur Denoël - mai 2014 - 432 pages

traduit du suédois par Carine Bruy

Titre original : Lyckostigen, 2012

Quatrième de couverture :
Mère célibataire, Johanna lutte pour joindre les deux bouts, tandis que son ex-mari, Calle, a refait sa vie loin d'elle. Il a quitté la ville pour s'installer à Stockholm avec sa nouvelle petite amie la très sophistiquée et cultivée Fanny et commencer une carrière couronnée de succès. De son côté, Johanna s'inquiète pour ses filles, dont la plus jeune est le souffre-douleur du collège. Pour ne rien arranger, un patient se suicide dans le centre pour toxicomanes dans lequel elle travaille comme aide-soignante, et Calle refuse désormais de lui verser sa pension alimentaire. Un beau jour, Johanna gagne vingt millions de couronnes au loto. Sa vie va alors prendre un tout autre chemin. Anna Fredriksson nous invite Rue du Bonheur et on s'y sent immédiatement comme chez soi. A la manière de Cédric Klapish ou de Katherine Pancol, elle brosse des personnages si réels, si attachants, à notre image tout compte fait, qu'on ressort euphorique et revigoré de ce séjour chez Johanna, Calle et leurs filles.

Auteur : Anna Fredriksson a publié son premier roman en 2011. Scénariste de longue date pour plusieurs productions, elle travaille aussi bien sur des longs métrages que sur des adaptations TV telles que Les Enquêtes de l’inspecteur Wallander, tiré des romans de Henning Mankell (Arte).

Mon avis : (lu en juillet 2014)
Rue du Bonheur, c'est l'adresse de Johanna, mère célibataire, elle élève seule ses deux filles Agnes et Sara adolescentes. elle travaille comme aide-soignante dans un centre pour toxicomanes. Kalle ou Calle (c'est surprenant, mais l'orthographe de son prénom change à partir de la deuxième partie...) est l'ex-mari de Johanna. Après son divorce, il est parti vivre à Stockholm, il est dentiste, il est beaucoup dans le paraître et très attaché à l'argent. Tous les trois week-ends, il vient chercher ses filles et les conduit à Stockholm où il vit avec Fanny, sa nouvelle petite amie.

Lorsque l'histoire commence, Johanna est soucieuse, sa fille Sara est victime de harcèlement à l'école, Kalle a diminué la pension alimentaire, un patient du centre se suicide quelques jours après sa sortie... C'est alors que Johanna gagne vingt millions de couronnes au loto. Elle n'en parle à personne même pas à ses amies et presque sur un coup tête elle achète un appartement dans le même immeuble que Kalle pour permettre à ses filles d'être proches de leur père...
Cette histoire est très agréable à lire, les personnages sont attachants en particulier Johanna et Fanny. A l'inverse, Calle est plutôt désagréable mais on comprendra en fin du livre pourquoi... 
J'ai aimé cette histoire qui aurait pu se passer ailleurs qu'en Suède, qui traite de la famille recomposée avec les relations enfants parents, du couple... Un livre idéal à découvrir pour cet été !

Merci Dana et les éditions Denoël pour cette jolie découverte.

Extrait : (début du livre)
Elles dorment encore toutes les deux, paquets informes sous leur couette.
— Coucou, les filles, lance Johanna. Il est l’heure de se réveiller. Papa ne va pas tarder à arriver.
Elles commencent à gigoter, lentement et à contrecoeur.
Johanna parcourt la pièce des yeux. Des vêtements sont éparpillés sur le sol, les chaises et les montants des lits. Des brosses à cheveux, du maquillage et des manuels scolaires. Les valises sont béantes, à moitié prêtes. Une bande dessinée gît, ouverte, à côté du lit de Sara.
— Ne vous rendormez pas. Il faut que vous ayez le temps de finir vos valises. Allez, debout.
Elle leur passe la main dans les cheveux.
— Mhm. Deux minutes.
Comme d’habitude, seule Agnes répond. Sara reste muette. Pourvu qu’elle n’ait pas en tête de refuser d’y aller. Ça lui arrive parfois, et il faut alors une sérieuse séance de négociations pour la faire changer d’avis.
Johanna attrape quelques habits sur un tas et essaie de déterminer s’ils sont propres ou sales. Elle aperçoit un jean, un t-shirt et un chemisier qu’elle a repassés l’autre jour, à nouveau froissés. 
Elle continue à sélectionner des affaires dans la pile de vêtements, sans vraiment savoir ce qu’elle cherche à faire. Mettre de l’ordre dans ce chaos semble mission impossible. Puis elle attrape un sweat-shirt en coton roulé en boule. Il est humide et dégage une odeur désagréable.
— Sara ?
Pas de réponse.
— Sara.
— Mhm ?
Sara ouvre les yeux. Johanna tend le sweat sous son nez.
— Qu’est-ce que c’est que ça ?
— Quoi ?
— Le sweat. Il est humide et il sent mauvais. Qu’est-ce que tu as fait ?
Sara se tourne vers le mur et referme les yeux.
— Tu as renversé quelque chose ? Pourquoi ne l’as-tu pas mis à la lessive ?
— C’est rien.
— Vraiment ? Tu ne peux pas me regarder ?
Sara se contorsionne. Johanna lui montre le vêtement.
— Qu’est-ce qui sent comme ça ?
— Du lait.
Une brève pause.
— Comment ça se fait ?
Sara garde le silence, puis elle se redresse dans son lit et se frotte les yeux.
— C’est des copains de classe, mais c’était juste pour rigoler.
— Ils ont versé du lait sur ton sweat ? s’étonne Johanna. Pour rigoler ?
Agnes relève la tête de son oreiller et les observe.
Elle a cette expression déterminée dans les yeux, ce regard mûr, qui n’exprime pas seulement la révolte, mais impose le respect. À quinze ans, elle est sensiblement plus adulte et raisonnable que Sara, âgée de treize ans. Il se passe beaucoup de choses en deux ans.
— Bon, d’accord, abdique Johanna. Levez-vous et habillez-vous maintenant.
Elle emporte le sweat et le jette dans la corbeille à linge en passant devant sa chambre. Elle consulte l’heure : dix heures et demie. Elle entend ses filles se lever et commencer à se préparer. Bien. Pas de mutinerie cette fois-ci.

  Challenge Petit Bac 2014
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"Géographie" (8)

Challenge Voisins Voisines 2014
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Suède

22 juillet 2014

La ville heureuse - Elvira Navarro

Lu en partenariat avec les Editions Orbis Tertius

la-ville-heureuse Editions Orbis Tertius - juillet 2014 - 224 pages

traduit de l’espagnol par Alice Ingold

Titre original : 2009

Quatrième de couverture :
Un jeune garçon arrive de Chine pour rejoindre sa famille qui a émigré en Espagne. Une fillette fuit à la recherche d'un vagabond qui l'effraye et la fascine. La Ville heureuse est ce roman en forme de diptyque construit autour de deux histoires imbriquées, deux récits d'apprentissage et de découverte d'un monde fait de mensonges, de laideur et de conventions hypocrites. Chi-Huei a quitté la Chine, son village de province où il vivait heureux en compagnie de sa vieille tante. Contraint à l'âge de six ans de rejoindre sa famille qui survit dans la grande ville jamais nommée, à la tête d'un commerce rudimentaire pompeusement baptisé Restaurant chinois, il se heurte à sa propre nostalgie, à la honte et la déception que lui inspire sa famille aux chimériques ambitions de réussite, à une langue étrangère, aux difficultés d'intégration, de découverte et d'apprentissage d'un monde nouveau. Il partage le même quartier que Sara avec qui il noue une amitié complice. Celle-ci est la protagoniste du deuxième récit, mené depuis la troublante et subtile intériorité de la fillette. À la découverte de l'univers qui l'entoure, transgressant les règles de jeu fixées par son père et les tabous sociaux qu'impose leur vie bourgeoise, elle franchit les limites interdites du quartier. Effrayée et fascinée à la fois par un vagabond qui hante ces lieux, elle nouera avec lui une relation singulière et finira par découvrir ce monde des adultes, à la fois cruel et incom­préhensible. Car elle ignore tout : une ignorance qui est sans doute le plus précieux des privilèges et le constat le plus cruel de l'enfance.

Auteur : Elvira Navarro est née à Huelva en 1978. Elle a passé son enfance entre Valence et Cordoue et elle vit désormais à Madrid où elle a obtenu son diplôme de Lettres. En 2004, elle a remporté le Prix des Jeunes Créateurs de la Ville de Madrid. Son premier livre, La ville en hiver, paru en 2007, est chaleureusement accueilli par la critique et récompensé par le prix Fnac du Jeune Talent. En 2009, elle publie La ville heureuse et obtient simultanément deux prix pour ce livre, le prix Jaen et le Prix Tormenta, ainsi que le titre de meilleur roman de l'année décerné par le journal Publico. Son troisième roman, La travailleuse, est récemment paru en Espagne. Choisie par la revue Granta parmi les 22 meilleurs auteurs de langue espagnole de la jeune génération, Elvira Navarro est, comme le souligne Enrique Vila-Matas, « l'avant-garde subtile et presque cachée de sa génération ».

Mon avis : (lu en juillet 2014)
J'ai accepté cette proposition de partenariat sans savoir ce que j'allais découvrir, je ne connais ni la maison d'édition, ni l'auteur...
Ce livre est surprenant car constitué de deux histoires distinctes même si les deux personnages principaux sont présents dans les deux... La première raconte la vie de Chi-Huei un jeune chinois qui a quitté la Chine à l'âge de six ans pour rejoindre sa famille émigrée en Espagne et qui s'occupe d'une affaire de restauration. Il est question de son intégration dans un nouveau pays, dans une famille qu'il découvre, dans un quartier, une école... Il se liera d'amitié avec Sara une camarade de son âge qui est la narratrice de la deuxième partie... Petite fille, un jour où elle est allée faire une course seule, elle croise un jeune vagabond, elle est troublée, oublie ses achats et s'enfuit laissant tomber son argent... Depuis, elle est revenue sur les même lieux cherchant à revoir ce vagabond qui lui fait à la fois peur et qui la fascine. Partout dans la ville, elle le cherche malgré elle, jusqu'au jour où elle osera lui parler.
J'ai sciemment censuré la quatrième de couverture qui dévoile tout des deux histoires, ne laissant aucune surprise au lecteur...
Une lecture agréable mais sans plus, j'ai trouvé l'histoire de Chi-Huei un peu brouillonne et factuel, dans de nombreux chapitres l'auteur s'intéresse plus aux différents membres de sa famille ou aux projets des siens qu'au jeune garçon. Du côté de Sara, l'histoire se termine bizarrement et m'a laissé sur ma faim.

Merci K.Dona et les éditions Orbis Tertius pour ce partenariat.

Extrait : (début du livre)
Après le dîner, son père parla à la vieille dans la cuisine pendant que Chi-Huei les épiait depuis le jardin. Il lui remit une enveloppe et Chi-Huei sentit un frisson pareil à celui du cauchemar qu'il faisait souvent, un mélange de typhons, de feuilles de comptes et de longs ongles rugueux qui se plantaient dans la peau de celle qui semblait être sa mère. Chaque fois qu'il se réveillait de ce rêve, il regardait vers la porte : une ombre blottie dans la pénombre du couloir, dont les murs tapissés sentaient la friture, était sur le point d'entrer. La tante Li compta les billets et les mit dans un pot, et son père sortit de la cuisine. Le choeur des grillons montait des fourrés, monotone et précis, couvrant le ronronnement du trafic et le bruit de fond des voix du voisinage sortant des fenêtres ouvertes. La chaleur de l'atmosphère estivale diffusait l'odeur douce et acide d'un néflier. Chi-Huei aimait s'arrêter sous cet arbre pour aspirer l'étrangeté de la nuit, même si à cet instant il ne faisait guère attention à sa vibration silencieuse. Il était resté suspendu à l'argent que la tante venait de compter, à la vieille et à son père réunis dans la cuisine comme s'ils tenaient un conciliabule. 

Challenge Voisins Voisines 2014
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Espagne

 Challenge Petit Bac 2014
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"Lieu" (7)

21 juillet 2014

C'est lundi, que lisez-vous ? [183]

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(c) Galleane

C'est le jour du rendez-vous initié par Mallou proposé par Galleane  

Qu'est-ce que j'ai lu cette semaine ? 

le coeur régulier_audio la faiseuse d'ange 97618506

Le cœur régulier - Olivier Adam 
La faiseuse d'anges - Camilla Läckberg 
Le Viking qui voulait épouser la fille de soie - Katarina Mazetti

Qu'est-ce que je lis en ce moment ?

La ville heureuse - Elvira Navarro (partenariat Orbis Tertius) 
Rue du Bonheur - Anna Fredriksson (partenariat Denoël)

Que lirai-je cette semaine ?

Le Planqués des huttes - Léo Lapointe (partenariat Pôle Nord Editions)
Le monde de Charlie - Stephen Chbosky
Et je prendrai tout ce qu'il y a à prendre - Céline Lapertot 

Bonne semaine, bonnes lectures !

 

20 juillet 2014

Le Viking qui voulait épouser la fille de soie - Katarina Mazetti

le viking Gaïa - mars 2014 - 256 pages

traduit du suédois par Lena Grumbach

Titre original : Blandat blod, 2008

Quatrième de couverture :
Sur une île du sud de la Suède au Xe siècle, un homme vit seul à la ferme avec ses deux fils. Le chemin de ceux-ci est tout tracé : naviguer au loin, pour guerroyer au-delà des mers à l'Ouest, ou pour faire commerce sur les voies fluviales de l'Est. De l'autre côté de la Baltique, à Kiev, vivent un marchand de soie et sa famille. Radoslav rêve de devenir soldat, sa soeur Milka est une jeune fille raffinée qui joue avec ses deux esclaves : Petite Marmite et Poisson d'Or. Mais la belle ville d'Orient est sur le point de tomber aux mains des pillards. Milka et Radoslav trouveront refuge auprès de rustres navigateurs venus du Nord. Dès lors le destin des deux familles sera à jamais mêlé.

Du suspense, de l'amour, du sang, des combats, et même de la poésie - eh oui, les Vikings étaient aussi de formidables poètes !

Auteur : Née en 1944, Katarina Mazetti est journaliste, productrice radio et auteur de livres pour la jeunesse et de romans pour adultes. La France caracole largement en tête des pays où elle connaît un immense succès. 

Mon avis : (lu en juillet 2014)
Voilà une histoire très différente des autres livres de Katarina Mazetti. Ce livre est une fresque épique autour des Vikings au Xème siècle. C'est passionnant de suivre les aventures de deux familles. La première vit sur une île du sud de la Suède avec Säbjörn et ses deux fils Svarte et Kare dont la mère Alfdis a disparu juste après la naissance du benjamin. Säbjörn est constructeur de bateaux et vit dans une ferme. Les deux frères très différents se déchirent. L'autre famille vit à Kiev, Chernek est marchand de soie, son fils Radoslav rêve de devenir soldat, sa fille Milka est une jeune fille a qui il a offert pour ses dix ans deux esclaves : Petite Marmite et Poisson d'Or. Le destin de ces deux familles va être lié lorsque Kiev va être sur le point de tomber entre de mauvaises mains et que Milka et Radoslav fuiront en trouvant refuge auprès de navigateurs venus du Nord.
Le lecteur découvre le quotidien des Vikings de l'époque, leurs traditions, leurs croyances, les esclaves... C'est passionnant !

Au début du livre, il y a deux cartes très utiles pour situer d'une part quelques îles du sud de la Suède et les voyages des Vikings du Danemark à l'Empire Byzantin en passant par la Suède, Novgorod (Russie), Kiev et Constantinople... 
A la fin du livre, l'auteur fait un point sur ce qui est vrai et ce qui est romancé dans cette histoire cela complète vraiment bien le roman.

Extrait : (début du livre)

Säbjörn, constructeur de bateaux dans le Blecinga, 
sa maisonnée et son foyer, 
son épouse disparue 
et la soeur de celle-ci, 
la völva qui parle aux oiseaux.

Säbjörn était un homme qui vivait avec ses domestiques et ses esclaves dans une ferme délabrée sur Möckelö, une île de la côte est du pays qu'on nommait le Blecinga. Ce nom lui venait peut-être du calme plat, le bleke, qui règne souvent sur l'eau, encore aujourd'hui, entre les nombreuses îles le long du littoral. Mais à l'époque qui vous sera narrée, ces régions n'avaient rien de calme. Beaucoup de navires passaient ici ou cherchaient refuge dans les baies de l'archipel. Certains navigateurs se présentaient sans mauvaises intentions, les bateaux chargés de marchandises. D'autres surgissaient la nuit pour piller et voler, et souvent on n'avait pas le temps d'apprendre d'où ils venaient que leurs haches avaient déjà parlé.
Säbjörn était grand et laid ; il avait des cheveux grisonnants et une bouche charnue. Ses petits yeux d'un bleu délavé étaient profondément nichés sous ses sourcils broussailleux dont les poils étaient raides comme de l'herbe givrée. Une grosse cicatrice fendait sa lèvre inférieure en deux lobes pendants, mal dissimulés par une barbe touffue. On l'appelait parfois Lèvre-Fendue quand il avait le dos tourné. Cette entaille lui avait été infligée dans ses jeunes années, quand il s'opposait à une bande de brigands surgie subitement du brouillard des eaux de Möckelö, une nuit d'automne. Elle n'était certainement pas jolie à voir, cette cicatrice, mais Säbjörn avait pu protéger les siens et ses biens et ça en avait valu la peine. Secrètement, il en était fier, car elle lui rappelait le combat victorieux. Il n'hésitait pas à attirer l'attention dessus en se plaignant des difficultés que cela représentait de boire dans un gobelet avec une bouche comme la sienne. La boisson s'écoulait à flots par la lèvre fendue et ruisselait sur son menton.
Pendant le semestre d'été, Säbjörn passait de longues périodes sur les îles tout au bout de l'archipel, Inlängan et Utlängan, juste à l'endroit où la route maritime venant de l'ouest changeait de cap et bifurquait vers le nord en direction de la ville de Birka et plus loin encore. Là, avec ses hommes, il avait entreposé le meilleur bois pour construire les embarcations légères et rapides à faible tirant d'eau qui étaient sa spécialité, des knörrs larges pour des expéditions commerciales et de petites barques pour toutes sortes d'usages. Ils disposaient d'une forge pour fabriquer des chaînes et des rivets, et ils avaient aménagé de solides jetées en pierre entre lesquelles les bateaux achevés pouvaient être amarrés. Des voyageurs du nord comme du sud venaient chez Säbjörn et ses hommes pour faire remettre en état leurs navires, réparer des mâts brisés ou des voiles déchirées et aveugler des voies d'eau. Säbjörn construisait uniquement des bateaux de taille modeste, pas les navires de guerre capables de naviguer en haute mer avec un important équipage de rameurs armés, bien qu'on lui eût souvent offert de l'or et de l'argent pour le faire. La guerre ne l'intéressait pas, il était un homme de paix, même si on avait du mal à le croire quand les crins de ses sourcils se mettaient à trembler et que les narines de son nez rougi se dilataient. Dans ces moments, l'explosion de colère n'était pas loin et ses hommes et ses esclaves savaient se mettre à l'abri lorsque bols et plats, outils et louchées de gruau volaient, lancés avec une grande précision sur la personne qui avait éveillé sa rage. On l'entendait souvent pester contre ses gens, et celui qui énervait sciemment Säbjörn le constructeur de bateaux devait se tenir prêt à quitter précipitamment la maison, alors qu'une hache au manche vibrant et résonnant se plantait dans le chambranle de la porte derrière lui.

 

Déjà lu du même auteur :

le_mec_de_la_tombe_d___cot_ Le mec de la tombe d'à côté   les_larmes_de_Tarzan Les larmes de Tarzan 

entre_dieu_et_moi_c_est_fini  Entre Dieu et moi, c’est fini  le_caveau_de_famille Le caveau de famille 

mon_doudou_divin Mon doudou divin 

 

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17 juillet 2014

La faiseuse d'anges - Camilla Läckberg

la faiseuse d'ange Actes Sud - juin 2014 - 448 pages

traduit du suédois par Lena Grumbach

Titre original : Änglamakerskan, 2011

Quatrième de couverture :
Pâques 1974. Sur l’île de Valö, aux abords de Fjällbacka, une famille disparaît sans laisser de trace. La table est soigneusement dressée pour le repas de fête, mais tout le monde s’est volatilisé. Seule la petite Ebba, âgée d’un an, erre, en pleurs, dans la maison abandonnée. L’énigme de cette disparition ne sera jamais résolue.

Trente ans plus tard, Ebba revient sur l’île et s’installe dans la maison familiale avec son mari. Accablés par le deuil et la culpabilité après le décès de leur fils, ils nourrissent l’espoir de pouvoir y reconstruire leur vie, loin du lieu du drame. Mais à peine se sont-ils installés qu’ils sont victimes d’une ten tative d’incendie criminel. Et lorsqu’ils commencent à ôter le plan - cher de la salle à manger, ils découvrent du sang coagulé. C’est le début d’une série d’événements troublants qui semblent vouloir leur rappeler qu’on n’enterre pas le passé.
De son côté, Erica s’était depuis longtemps intéressée à l’affaire de la mystérieuse disparition sur l’île. Apprenant le retour de la seule survivante, elle se replonge aussitôt dans le dossier. Elle n’imaginait pas que l’affaire était si complexe. Elle n’imaginait pas que tout avait commencé il y a plus d’un siècle avec une faiseuse d’anges. Elle n’imaginait pas que les secrets familiaux allaient mettre en péril l’une des personnes les plus importantes de sa vie.

Auteur : Née en 1974, Camilla Läckberg est l’auteur d’une série de romans policiers mettant en scène le personnage d’Erica Falck et de son compagnon le commissaire Patrik Hedström. L’intrigue se situe toujours à Fjällbacka, ancien port de pêche de la côte ouest en Suède, reconverti en station balnéaire, qui sous des apparences tranquilles cache de sordides relations humaines.
Après La Princesse des glaces (2008), Le Prédicateur (2009), Le Tailleur de pierre (2009), L’Oiseau de mauvais augure (2010), L’Enfant allemand (2011) et La Sirène (2012), Le Gardien de phare (2013), La Faiseuse d'anges est le huitième volet de la série. 

Mon avis : (lu en juillet 2014)
Comme chaque fois, j'ai toujours beaucoup de plaisir à retrouver Erica, Patrick et leur petite famille à Fjällbacka. Je n'ai donc pas une totale objectivité en lisant cette nouvelle aventure suédoise...
Depuis trente ans, un mystère plane sur l'île de Valö : toute une famille a disparu laissant le repas de Pâques entamé et la petite Ebba bébé seule. Cette dernière, devenue adulte, revient sur l'île avec son mari pour rénover la maison pour en faire une maison d'hôtes. Or pendant une nuit, un incendie se déclare dans la maison...
Y a-t-il un lien avec le passé ?
Cette histoire intrigue bien sûr Erica qui va mener son enquête en parallèle avec celle de la police et de son mari... 

Une intrigue très bien construite qui mêle le passé et le présent, la grande Histoire de la Suède et un fait divers de Fjällbacka. La mécanique est peut-être toujours la même mais c'est réussi et après quelques rebondissements, le dénouement est surprenant !
Pour cette fois, tous les épisodes de cette série déjà écrits en suédois ont été traduits... Est-ce que Camilla Läckberg compte prolonger la série... je n'ai aucune indice pour répondre à cette question.

Extrait : (début du livre)
Ils s’étaient imaginé pouvoir surmonter le deuil en se lançant dans les travaux de rénovation. Ni l’un ni l’autre n’était sûr que ce soit une très bonne idée, mais ils n’avaient pas beaucoup d’autres options. À part abandonner et se laisser lentement dépérir.
Ebba fit danser le racloir sur la façade de la maison. La peinture s’enlevait facilement. Déjà sérieusement écaillée, il suffisait d’un petit coup de pouce pour qu’elle s’en aille. Le soleil brûlant de juillet la faisait transpirer, la sueur collait sa frange sur son front et son bras la faisait souffrir à force de répéter le même va-et-vient pour le troisième jour consécutif. Mais la douleur physique l’aidait à oublier la douleur dans son coeur, et elle l’accueillait avec gratitude.
Elle se retourna et observa Melker qui sciait des planches sur le gazon devant la maison. Il dut sentir son regard, car il s’arrêta un instant, leva la tête et lui fit un petit signe de la main, comme à une connaissance qu’on salue en passant. Ebba sentit sa propre main faire le même geste maladroit.
Plus de six mois s’étaient écoulés depuis le drame, et ils ne savaient toujours pas comment se comporter l’un avec l’autre. Tous les soirs, ils se tournaient le dos quand ils se couchaient dans le lit conjugal, redoutant un contact involontaire qui aurait pu déclencher une situation ingérable. Comme si le chagrin les remplissait à tel point qu’il n’y avait de place pour aucun autre sentiment. Pas d’amour, pas de chaleur, pas de compassion.
La faute restait suspendue entre eux, lourde et inexprimée.
Tout aurait été plus simple s’ils avaient pu la définir et déterminer à qui elle incombait. Mais elle passait de l’un à l’autre, changeait de taille et de forme et modifiait sans cesse son angle d’attaque.
Ebba se remit au travail. Sous ses mains, des plaques entières de peinture blanche se détachaient de la façade, et le bois apparaissait. Elle caressa les planches avec sa main libre. De toute évidence, cette maison possédait une âme. Leur pavillon mitoyen à Göteborg était pratiquement neuf quand ils l’avaient acheté. À l’époque elle avait adoré son aspect brillant et rutilant, sans la moindre éraflure. Aujourd’hui, le neuf n’était qu’un rappel de ce qui avait été, et cette vieille maison avec tous ses défauts semblait plus en accord avec son état d’esprit.
Elle se reconnaissait dans le toit et ses fuites d’eau, dans la chaudière qu’il fallait régulièrement redémarrer à grands coups de pied et dans les fenêtres à courants d’air qui interdisaient de poser une bougie sur leur bord sans qu’elle soit soufflée.
Dans son coeur aussi il y avait des courants d’air et des fuites d’eau. Et les bougies qu’elle essayait d’allumer étaient implacablement éteintes.
Peut-être son âme pourrait-elle guérir ici, sur Valö. Elle ne conservait pas de souvenir de l’endroit, pourtant c’était comme si l’île et elle se retrouvaient. Valö était située juste en face de Fjällbacka. En descendant vers l’embarcadère, elle pouvait voir la petite localité s’étendre de l’autre côté du bras de mer.
Devant la paroi rocheuse escarpée, les petites maisons blanches et les cabanes rouges de pêcheur formaient comme un collier de perles. C’était tellement beau que ça lui faisait presque mal.
La sueur coulait dans ses yeux et les irritait. Elle s’essuya le visage avec le bas de son tee-shirt, plissa les paupières vers le soleil. Dans le ciel, les mouettes tournoyaient et s’interpellaient bruyamment, leurs cris se mêlaient au vrombissement des bateaux à moteur qui sillonnaient l’archipel. Elle ferma les paupières et se laissa emporter par les bruits. Loin d’elle-même, loin de…
— Ça te dit, une petite trempette ? On a besoin de faire une pause.
La voix de Melker perça l’écran sonore et la fit tressaillir. Confuse, elle secoua la tête, puis acquiesça.

 

Déjà lu du même auteur :

la_princesse_des_glaces La Princesse des glaces  le_pr_dicateur Le Prédicateur

le_tailleur_de_pierre Le Tailleur de pierre l_oiseau_de_mauvais_augure L'Oiseau de mauvais augure

l_enfant_allemand L'Enfant allemand cyanure Cyanure la_sir_ne La Sirène 

9782330018962  Le gardien de phare

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