30 juin 2014

C'est lundi, que lisez-vous ? [180]

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(c) Galleane

C'est le jour du rendez-vous initié par Mallou proposé par Galleane  

Qu'est-ce que j'ai lu cette semaine ? 

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Un long moment de silence - Paul Colize 
Le monde d’Hannah - Ariane Bois

Qu'est-ce que je lis en ce moment ?

Mémé - Philippe Torreton

Que lirai-je cette semaine ?

Platine - Vincent Brunner (partenariat Flammarion)
Le bonheur n'est pas un sport de jeune fille - Elise Teilrooy (partenariat Belfond)
La faiseuse d'anges - Camilla Läckberg

Bonne semaine, bonnes lectures !

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29 juin 2014

Le monde d’Hannah - Ariane Bois

Lu en partenaria avec J'ai Lu

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Robert Laffont - octobre 2011 - 288 pages

J'ai Lu - mars 2014 - 285 pages

Quatrième de couverture :
Paris, hiver 1939. Dans le "petit Istanbul", le quartier de la diaspora judéo-turque, vivent Hannah et Suzon, deux petites filles inséparables. Quand la guerre éclate, elles découvrent le marché noir, les sirènes qui hurlent et les rafles. Pour Hannah, c'est la peur, l'expropriation et l'exil en Turquie, le pays natal de ses parents ; pour Suzon, c'est encore la protection du douillet appartement familial. La guerre terminée, elles se reverront. Mais leur monde a disparu. Tant bien que mal, les deux jeunes filles tentent de retrouver la complicité des après-midi sucrés de leur enfance, avant l'horreur. Jusqu'au jour où Hannah découvre un terrible secret. Leur amitié résistera-t-elle à ce que la guerre a ruiné ?

Auteur : Ariane Bois est grand reporter au sein du groupe Marie Claire, spécialisée en sujets de société et critique littéraire pour le magazine Avantages. Son premier roman, Et le jour pour eux sera comme la nuit, a reçu les éloges de la critique. Traduit et récompensé par de nombreux prix, il est en cours d'adaptation pour la télévision. Elle est l'auteur de Dernières nouvelles du front sexuel et de Sans oublier.

Mon avis : (lu en juin 2014)
Le début de cette histoire m'a fait penser à deux livres, tout d'abord Les allumettes suédoises avec l'insouciance de l'enfance, l'amitié entre Hannah et Suzon dans un quartier de Paris celui du "petit Istanbul" mais également au livre Un sac de billes car nous sommes en octobre 1939, c'est l'Occupation et Hannah et sa famille sont des juifs venus de Turquie. Mais ce n'est que le début... A travers les regards d'Hannah et Suzon de 1939 à 1968, le lecteur va découvrir la grande amitié entre ses deux fillettes puis jeunes femmes, une amitié qui aura ses hauts et ses bas. L'auteur s'est bien documenté sur les faits historiques et j'ai découvert ce surprenant retour en train durant l'hiver 1944, de juifs turcs, de Paris à Istanbul à travers l'Europe nazie. Une histoire passionnante et captivante.

Merci Silvana et les éditions J'ai Lu pour cette belle découverte.

Extrait : (début du livre)
« Je crois que ceci t'appartient », osa Hannah, à bout de souffle, à la traîne d'une chevelure rousse qui filait dans la rue de la Roquette. Dans sa main, elle tenait une écharpe, écarlate, comme son visage. La fille, qui portait un tablier gris identique au sien, ne se retourna même pas. Hannah avait dû courir derrière ces jambes montées sur ressort, ce cartable marron qui brinquebalait, ces boucles fauves telle une myriade de feuilles mortes dans la lumière de l'automne parisien. Interloquée, elle insista :
« Dis... Elle est à toi, cette écharpe ? » Cette fois, la grande s'arrêta net et lui fit face. Une nuée de taches de rousseur, un nez long, trop long dans un visage tout rond. Ses yeux d'un vert irréel, couleur de salade mouillée, transpercèrent Hannah, qui bredouilla :
« Je l'ai trouvée par terre, là-bas... »
Silence. Hannah chercha quelque chose à répondre quand l'étrange créature lui arracha l'écharpe des mains en sifflant :
« Très bien... Et maintenant, laisse-moi tranquille. Sinon je t'étrangle avec ! »
Puis elle relança sa course infernale, ses cheveux de feu au vent, prêts à rompre l'élastique qui les retenait.
Hannah connaissait cette fille. Depuis deux semaines, elles fréquentaient la même classe de huitième, à l'école de la rue Keller. Suzanne Dupuis, elle s'appelait. Mais tout le monde disait « Suzon », avec une nuance de respect et de crainte dans la voix, à cause de ses mains de catcheuse et de sa voix de stentor. Suzon n'hésitait pas à donner du poing quand une élève faisait son intéressante ou se moquait de sa prétendue odeur de rousse. À dix ans, elle avait déjà redoublé. La maîtresse la traitait de tête brûlée, de bonne à rien. Ce dont elle se fichait éperdument.
Hannah reprit sa marche en sautant à cloche-pied, malgré le poids de son cartable. « Bizarre quand même de me répondre comme ça... », se dit-elle. Mais pourquoi une fille telle que Suzon s'intéresserait-elle à une gamine de neuf ans incroyablement timide ?
Hannah tourna au coin de la rue Popincourt, sa rue. À la vue de ses cheveux d'un blond presque blanc, Odette, la crémière à la poitrine imposante, la salua d'un ton jovial derrière son étal :
« Mademoiselle Behar, comment vas-tu aujourd'hui ? »
Odette avait un fils, René, à la bouille joufflue et aux cheveux dressés en épis sur la tête. Il regarda passer Hannah et devint écarlate. Sa maman, alors, éclata de rire, l'invitant à goûter des morceaux de fromage aux textures inconnues ou une cuillère de crème fraîche moulée à la louche. Tous les matins, de gros percherons apportaient le lait dans d'énormes bidons qui s'entrechoquaient et réveillaient Hannah. Elle aimait ce bruit et les crottins semés comme les cailloux du Petit Poucet par les chevaux en remontant la rue. Ce quartier, c'était sa vie. Quatre petites artères où son cœur battait en paix : la rue Popincourt, la rue Basfroi, la rue de la Roquette, la rue Sedaine. Un quadrilatère blotti près de la place Voltaire. Ce « Petit Istanbul », comme aimaient à répéter ses parents, ne dormait jamais vraiment avec ses airs d'accordéon, ses crieurs de journaux, ses apostrophes incessantes d'une maison à l'autre. Tout un petit peuple vivait là, composé de chaisiers, de tapissiers, d'ouvriers ébénistes, de polisseurs de glace. On se bousculait sur les trottoirs étroits, on se claquait la bise. Pendant la semaine, on travaillait dur. Le dimanche, les filles bien mises se promenaient par bancs de quatre ou cinq, les garçons les sifflaient, tentaient de leur parler, et les quelques cafés ne désemplissaient pas. L'orgue de Barbarie semblait accompagner les habitants dans leurs allées et venues, nimber leurs pas de gaieté et de douceur. Là, ils étaient chez eux, entre eux, protégés des regards un peu condescendants des autres Parisiens.
Au 4 de la rue s'élevait un immeuble étroit, haut de cinq étages. Hannah s'engouffra sous la porte cochère par laquelle passaient encore des chevaux au siècle dernier et traversa une cour intérieure où poussaient des brins d'herbe entre les pavés. Un volailler y élevait des poules rousses et blanches, leur tordant parfois le cou, au grand effroi d'Hannah. À côté, un serrurier affûtait ses outils dans son atelier. Lui aussi la salua, du menton. Pas causant, le gars. On racontait qu'il était hongrois mais personne ne connaissait son nom. On le sifflait devant chez lui et il venait dépanner les gens du quartier, sans sourire ni moufter. Hannah habitait la partie sur cour.
Elle monta l'escalier où flottait une odeur d'oignons, de viande et d'épices. Sa mère avait dû aller chez Abramoff, aux Cinq Continents, l'épicerie orientale qui sentait si bon la Turquie, au 66 rue de la Roquette : la menthe, les épices, le kashkaval, ce fromage sec comme un coup de trique, et même le raki dégusté parfois sans façon, près de la caisse, entre habitués. Une fois par semaine (pas plus, l'argent manquait), les familles se rendaient en procession chez le bakal, l'épicier en turc. Dès la porte franchie, la fête pouvait commencer. Les femmes goûtaient aux olives conservées dans les tonneaux, les hommes découvraient les épices présentées dans les bassines en émail. Quand le vendeur était de bonne humeur, il offrait aux enfants de la halva aux pistaches ou au chocolat, qu'ils dévoraient sur le trottoir.
Hannah poussa la porte de la maison, la referma doucement, et s'immobilisa en percevant des éclats de voix. Celle de son père, sèche. Celle de sa mère, pincée. Ses parents ne s'entendaient pas. Un mariage arrangé, à la fin des années vingt, à Istanbul, comme il y en avait tant. Il avait fallu marier Haïm, ce doux solitaire qui ne vivait que dans les livres et la poésie, incapable d'exprimer ses émotions, surtout avec les filles. Cécile Levinescu avait souhaité pour sa part échapper à sa Roumanie natale, à un milieu modeste, à l'antisémitisme forcené. Passant facilement de l'euphorie à l'abattement, cette jolie blonde un rien fragile rêvait de changer son fiancé, de s'installer à Istanbul, de mener la vie confortable d'une femme de fonctionnaire. Mais Haïm avait d'autres projets : il avait appris le français à l'Alliance israélite universelle, admirait les Lumières, Hugo, Baudelaire et Verlaine. À la fin de l'Empire ottoman, après la confiscation des biens des minorités par Mustafa Kemal sous couvert de nationalisme, il avait quitté la Turquie pour s'installer à Paris. Pas pour des raisons politiques. Par amour de la France. Un amour presque mystique. Pour lui les bals du 14 Juillet, les Grands Boulevards en été, le Tour de France incarnaient le bonheur sur terre. Cécile s'était inclinée, mais le lui faisait payer tous les jours, toutes les nuits aussi.
Depuis l'entrée en guerre contre l'Allemagne, le mois dernier, les Behar se disputaient souvent pour des peccadilles. Mais là, cela paraissait plus grave.
« Tu n'as pas pu faire cela, Haïm, ce n'est pas possible !
— Tu ne comprends pas... Je suis obligé !
— Obligé ? Obligé à quoi ? Tu es citoyen turc ! Cette guerre, tu n'as pas à t'en mêler... »
Son père continuait, un ton plus haut.
« Tu te trompes, Cécile. La France m'a tout donné. Quand je suis arrivé seul en 1925, je ne possédais rien. Je lavais mes chaussettes dans l'évier d'une chambre crasseuse, louée au mois à l'hôtel de l'Europe. J'ai dû travailler, m'accrocher, porter les "bogos" les ballots, vendre à la postiche, sur les marchés, des tricots de corps et du linge de maison, tout cela pour quelques francs. Aujourd'hui, nous avons une belle boutique, tu gagnes ta vie comme couturière, notre fille est française. Fini l'exil, nous ne sommes plus de passage. Je dois servir ce pays, me montrer digne de lui, me battre avec les autres. »
Cécile aussi se battait, à sa manière.
« Mais ils ne veulent pas de toi ! Un étranger, juif en plus...
— C'est vrai, concéda Haïm. À la Légion, ils n'aiment ni les Juifs ni les étrangers. Un sous-off rigolait même en parlant d'un régiment Royal Youpin... Mais depuis septembre, j'ai tellement insisté qu'ils ont fini par me prendre. Dix fois, j'y suis retourné ! Tu aurais dû voir la foule à la caserne de Reuilly ! Tout le monde voulait se battre : des pères de famille, des étudiants, des commerçants. Ces gars ont compris le danger que représente Hitler. Pour nous tous, les étrangers, les Français, les Juifs.
— Exactement, c'est trop dangereux. Comment va-t-on vivre ? Qui va s'occuper de la botika ? »
 Challenge Petit Bac 2014
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"Géographie" (6)

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27 juin 2014

Comme une petite ressemblance juin : Spécial sport

 

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Nouveau rendez-vous  avec Canel

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   Le billet de Canel

  Mes autres billets Comme Une Petite Ressemblance : 

billet n°1billet n°2billet n°3billet n°4billet n°5billet n°6
billet n°7billet n°8billet n°9, billet n°10

 

 

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26 juin 2014

Un long moment de silence - Paul Colize

Lu en partenariat avec Folio

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Manufacture de Livres - mars 2013 - 480 pages

Folio - mai 2014 - 512 pages

Quatrième de couverture : 
2012. À la fin de l’émission où il est invité pour son livre sur la «Tuerie du Caire», un attentat qui a fait quarante victimes dont son père en 1954, Stanislas Kervyn reçoit un coup de téléphone qui bouleverse tout ce qu’il croyait savoir. 1948. Nathan Katz, un jeune Juif rescapé des camps, arrive à New York pour essayer de reconstruire sa vie. Il est rapidement repéré par le Chat, une organisation prête à exploiter sa colère et sa haine. Quel secret unit les destins de ces deux hommes que tout semble séparer ?

Auteur : Paul Colize est un écrivain belge de polars né en 1953 à Bruxelles. Paul Colize est consultant en management et organisation. Il vit actuellement à Waterloo, dans le Brabant wallon. Grand passionné de romans policiers depuis son plus jeune âge, ses romans se caractérisent par une documentation fouillée, une intrigue sophistiquée et un grand sens de l’humour.

Mon avis : (lu en juin 2014)
Le père de Stanislas Kervyn est l'une des victimes de la « Tuerie du Caire » qui a eu lieu en 1954. A cette époque Stanislas avait 1 an. Nous le retrouvons en 2012, invité à la télévision pour présenter son livre écrit autour de l'attentat qui a tué son père. A la suite de l'émission, il reçoit un coup de téléphone qui va remettre en cause la thèse que son livre défendait...
Le lecteur va suivre en parallèle la nouvelle enquête de Stanislas et découvrir le parcours de Nathan Katz, un jeune Juif rescapé des camps depuis 1948 jusqu'à nos jours. Un thriller historique autour de la vengeance et du pardon qui tient le lecteur en haleine.
Un petit bémol sur le comportement sexuel de Stanislas et les descriptions qui en découlent... Cela n'ajoute rien à l'histoire...
En fin du livre, une note de l'auteur (à surtout ne pas lire avant la fin du livre) donne une autre dimension à cette histoire passionnante et fort bien construite.

Merci Anna et les éditions Folio pour cette très belle découverte.

Extrait : (début du livre)
La sonnerie du téléphone retentit. Ses pas résonnent dans le couloir. Elle entre dans la pièce, me sourit, décroche.
Un homme lui parle. Je perçois quelques syllabes dont je ne saisis pas le sens. La voix est grave. Elle écoute. Le silence s’installe. Je lève les yeux. Elle me dévisage avec une expression que je ne lui connais pas. Elle prononce un mot. Non. Un mot qu’elle répétera comme un écho mourant.
Elle s’adosse contre le mur, me fixe avec des yeux qui me font peur.
L’homme a raccroché. Elle s’effondre lentement. Le combiné quitte ses mains, entame un mouvement de balancier dans le vide.
Elle est assise par terre, figée. Je ne sais que faire. Un sentiment étrange m’envahit. J’ai envie de pleurer, de me soustraire à l’émotion indéfinissable qui me submerge.
Impuissant, je détourne les yeux et continue à empiler mes cubes de bois.

La tuerie du Caire

Le 21 août 1954, le Douglas DC-6 de la compagnie KLM qui assurait la liaison entre Amsterdam et Le Caire atterrit à 14 h 18 dans la capitale égyptienne avec à son bord quarante-six passagers et cinq membres d’équipage.
À leur arrivée, les voyageurs furent dirigés vers l’aérogare où ils présentèrent leur passeport et remplirent les formalités d’entrée. Ils se rendirent ensuite dans le hall de débarquement pour y récupérer leurs bagages.
La plupart d’entre eux étaient regroupés devant le comptoir de livraison lorsqu’une Peugeot 203 noire força l’entrée de service de l’aéroport, traversa la piste à vive allure et s’arrêta à hauteur de l’aérogare.
Trois hommes cagoulés, armés de pistolets mitrailleurs, en descendirent et abattirent de sang-froid les policiers en faction. Ils pénétrèrent dans le hall, se déployèrent dans la salle et ouvrirent le feu sur les passagers. À plusieurs reprises, ils rechargèrent leur arme et poursuivirent leurs tirs meurtriers.
Ils lancèrent ensuite des grenades fumigènes dans plusieurs directions et rejoignirent le véhicule dans lequel un quatrième homme les attendait.
L’attaque avait duré moins de cinq minutes.

Les véhicules de police et les ambulances arrivèrent rapidement sur les lieux. Le bilan humain se révéla très lourd. Dix-sept personnes avaient trouvé la mort durant le raid, vingt-trois autres avaient été blessées, dont plusieurs grièvement. Quatre d’entre elles décédèrent dans les jours qui suivirent. Les rescapés durent leur salut à l’initiative qu’ils prirent de se jeter au sol dès les premiers tirs.
Les tueurs se volatilisèrent et ne furent jamais interceptés. Leur véhicule fut retrouvé quelques jours plus tard, calciné dans un terrain vague, à la périphérie du Caire. Le signalement que les témoins firent des assaillants ne permit pas de les identifier.

Challenge Voisins Voisines 2014
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Belgique

Challenge Trillers et Polars
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catégorie "Même pas peur" :  33/25

 Challenge Petit Bac 2014
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"Temps/Moment" (10)

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23 juin 2014

C'est lundi, que lisez-vous ? [179]

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(c) Galleane

C'est le jour du rendez-vous initié par Mallou proposé par Galleane  

Qu'est-ce que j'ai lu cette semaine ? 

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Les anonymes - R. J. Ellory 
Platon La gaffe, Survivre au travail avec les philosophes - Jul et Charles Pépin

Qu'est-ce que je lis en ce moment ?

Un long moment de silence - Paul Colize (partenariat Folio)
Le monde d'Hannah - Ariane Bois (partenariat J'ai Lu)

Que lirai-je cette semaine ?

Le sourire des femmes - Nicolas Barreau 
Platine - Vincent Brunner (partenariat Flammarion)
Mémé - Philippe Torreton

Bonne semaine, bonnes lectures !

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21 juin 2014

C'est l'été...

 

et c'est la  Fête de la Musique !

Je suis moins présente ses jours-ci...

Je lis des livres pour le Prix Fnac 2014, vous en serez plus fin août,
car pour le moment les titres doivent rester secrets...

 

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19 juin 2014

Platon La gaffe, Survivre au travail avec les philosophes - Jul et Charles Pépin

 

platon-gaffe-survivre-travail-philosophes-1458325-616x0 Dargaud - novembre 2013 - 96 pages

Quatrième de couverture :
Kevin Platon va faire son stage d'observation de 3è dans une entreprise de Communication : la COGITOP...

La devise de la boîte c'est « Un service, des cerveaux »... et pour cause : tous les employés sont des philosophes célèbres !
De Nietzsche le DRH à Foucault responsable de la vidéosurveillance, de Thérèse d'Avila secrétaire de Direction à Montaigne en période d'Essais, notre stagiaire va découvrir le monde du travail version philo. Après la Planète des Sages, retrouvez les plus grands penseurs de l'Humanité en pleine vie de bureau. Jul et Charles Pépin s'associent pour rendre accessible
le patrimoine philosophique, en alliant le sérieux des analyses au burlesque
des situations. Le dessinateur et le philosophe nous offre avec Platon La
Gaffe un véritable manuel pratique de la vie de bureau. Avec cet album,
vous n'irez plus jamais travailler de la même façon !

Auteurs : Jul (de son vrai nom Julien Berjeaut) est né en 1974. Après Normale sup et une agrégation, il devient professeur d'histoire chinoise à l'université avant de s'orienter vers le dessin de presse. Il entre au Nouvel Observateur en 1998, puis dessine à la Dépêche du midi, à Marianne et à partir de 2000 pour Charlie Hebdo. Depuis, il collabore également à Lire, à Philosophie Magazine, à l'Huma, aux Echos ou encore à Fluide Glacial. En 2005, il publie son premier album Il faut tuer José Bové, une plongée délirante dans la jungle altermondialiste. L'ouvrage est plébiscité par les lecteurs. En 2006, son deuxième album La croisade s'amuse parodie le choc des civilisations.En 2007, le Guide du Moutard pour survivre à 9 mois de grossesse reçoit le Prix Goscinny. La planète des sages, encyclopédie mondiale des philosophes et des philosophies écrite avec Charles Pépin, a marqué l'année BD 2011. En 2009, il publie chez Dargaud sa première série Silex and the City. 4 tomes et une première saison animée plus tard, plus de 300 000 exemplaires ont été vendus et la série vue par des millions de téléspectateurs.
Charles Pépin est un philosophe, écrivain et journaliste français.

Mon avis : (lu en juin 2014)
Voilà un BD qui nous fait réfléchir sur le monde du travail et de l'entreprise tout en bonne humeur. 
Kevin Platon vient faire son stage d'observation de 3ème à la COGITOP, une entreprise de Communication. Il va passer de services en services et découvrir que tous les employés sont des philosophes célèbres comme Foucault, Bourdieu, Rousseau, Machiavel, Kierkegaard, Diogène, BHL, Épicure, Pascal, Nietzsche...
Je suis plutôt hermétique à la philosophie, je n'ai donc que survolé les pages écrites par Charles Pépin, mais les pages BD m'ont bien amusées d'autant qu'au travail nous sommes en plein dans une réorganisation dont nous comprenons pas toujours les tenants et aboutissants... Parfois, il vaut mieux en rire qu'en pleurer !
Réunions, machine à café, photocopieuse, open space, RTT ou pots de départ éclairés par les théories ou concepts philosophiques prennent un sens nouveau... 

Autre avis : Canel

Extrait :
Savez-vous que le mot «travail» vient d'un terme latin «tripalium», qui désigne un instrument de torture à trois pieux capable d'infliger aux esclaves rebelles le plus atroce et le plus lent des supplices ?
Savez-vous que, chez les Grecs aussi, le travail était loin d'avoir bonne presse ? Ils y voyaient une agitation assez vaine, comparée à la noble activité du sage contemplatif. Il y avait tellement mieux à faire que de travailler : discuter entre amis, boire du vin entre amants, admirer des vérités éternelles, débattre du bien commun sur l'agora...
Aristote en vint même - ce n'est certes pas ce qu'il fit de mieux - à justifier l'esclavage : il fallait bien que certains hommes travaillent aux champs pour que d'autres, ainsi libérés de ces basses tâches, puissent se consacrer à la délibération démocratique ou au dialogue philosophique. L'homme libre, pour un Grec, c'était d'abord l'homme libéré du travail ! La valeur était alors intimement liée à la notion d'immobilité. Parménide définit ainsi l'Absolu comme «l'Un immobile». Platon conçoit les vérités comme des idées qui brillent fixement, pour l'éternité, dans le «monde intelligible». Le mouvement de l'homme au travail est alors pensé comme éloignement par rapport à cette Vérité, soumission au besoin et négation de la liberté. S'il y a bien, chez Platon ou Aristote, quelques pages splendides sur l'habileté de l'artisan, elles font figure d'exceptions, de gouttes d'eau dans l'océan de la pensée grecque.
Le travailleur s'y apparente, grosso modo, à un lapin Duracell sur un vélo d'appartement. Même combat chez les chrétiens : le travail n'est rien de plus qu'une punition. C'est un contresens que de lui attribuer une fonction rédemptrice : le travail ne répare rien ; il ne sauve de rien. Tout cela est très clair dans la Genèse. Adam et Ève ont péché : ils vont devoir payer.
C'est même parce que ce qu'ils ont fait est «irréparable» qu'ils auront à trimer pour les siècles et les siècles. Adam sera condamné à cultiver une terre aride. Il se cassera le dos et brisera ses outils contre des cailloux pour expier sa faute originelle. Eve enfantera dans la douleur : c'est le travail de l'accouchement qui sera son enfer. Vous vous êtes pris pour Dieu ? Eh bien, travaillez maintenant !
Il faudra attendre la Réforme protestante pour que s'esquisse une revalorisation du travail. Il sera alors présenté comme l'activité humaine ayant le pouvoir de faire fructifier l'oeuvre de Dieu, ainsi que l'explique Max Weber dans L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme.
Mais la route est longue, et c'est sur cette route que nous marchons encore, déchirés entre le souci de notre emploi et le rêve plus ou moins avouable de vivre sans travailler. C'est que nous sommes enfants de l'Occident. Nous avons un pied grec et un autre chrétien : deux raisons, donc, de nous méfier de cette occupation souvent répétitive qui nous éloigne de l'essentiel. Pensez-y le matin quand le réveil est difficile, après le déjeuner quand il faut reprendre votre tâche au lieu de céder au délice de la sieste : vous êtes enfant de l'Occident, c'est plus fort que vous. Chaque fois que vous partez travailler, 2500 ans d'histoire vous regardent.
Et si c'était contre la force de ce destin-là que Platon luttait, courageux, pas «poltron» pour un sou, en poussant tel un jeune stagiaire la lourde porte vitrée de la Cogitop ?

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17 juin 2014

Les anonymes - R. J. Ellory

Lu dans le cadre du Challenge
 
"Ecoutons un livre"
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JMLA(2014)-BookdO-300x80

9782356413475-G 5158 les anonymes

Audiolib - janvier 2011 - 21h - Lu par Charles Borg

Sonatine – octobre 2010 – 688 pages

Livre de Poche - février 2012 - 736 pages

traduit de l'anglais par Clément Baude

Titre original : A simple act of violence, 2008

Quatrième de couverture :
Washington. Quatre meurtres aux modes opératoires identiques. Il semblerait qu’un serial killer soit à l’œuvre. Pour l’inspecteur Miller, une investigation classique. Jusqu’au moment où il découvre qu’une des victimes vivait sous une fausse identité. Et ce qui semblait être une banale enquête prend une ampleur toute différente, et va conduire Miller dans les arcanes de la CIA et le confronter aux secrets les mieux gardés du gouvernement américain. Alliant la polémique à un suspense digne des plus grands polars, R. J. Ellory invente le thriller du siècle nouveau.

Charles Borg joue avec talent de l’écriture à « double fond » d’Ellory - mi dénonciation virulente, mi suspense haletant. Aussi fascinant que dérangeant…

Auteur : Écrivain anglais, R-J Ellory est né en 1965. Après l'orphelinat et la prison, il devient guitariste dans un groupe de rythm'n'blues, avant de se tourner vers la photographie. Après Seul le silence et Vendetta, Les Anonymes est son troisième roman publié en France.

Lecteur : Comédien, Charles Borg touche aussi à la chanson : il défend particulièrement le répertoire d'Herbert Pagani. Au cinéma, il a travaillé avec Eric Rohmer et Myriam Boyer. Il a réalisé un court métrage, "Performant".

Mon avis : (écouté en juin 2014)
Je gardais un très bonne impression de ce thriller lu fin 2010 mais en commençant son audition je ne me rappelais pas grand chose de l'intrigue... J'ai vraiment eu l'impression de lire un nouveau livre. L'auteur est anglais mais le livre ressemble à un policier américain.
En prologue, le lecteur assiste au meurtre de Catherine Sheridan, celle-ci semble attendre son exécution... L'inspecteur Miller va traquer le "Tueur au ruban", à qui l'on attribue déjà le meurtre de trois femmes. Les victimes ont toutes de fausses identités... L'enquête ne va pas être simple ! En parallèle à cette enquête de police, le lecteur découvre les mémoires d'un homme mystérieux qui dit appartenir aux anonymes...
J'ai eu un peu de mal à me plonger dans ce livre audio et en particulier de suivre à la fois l'enquête et la confession de l'homme mystérieux. N'écoutant pas très régulièrement mon livre audio, je perdais vite le fil de l'histoire...
Pour être presque à l'heure du rendez-vous "Ecoutons un livre", j'ai abandonné mon écoute à la moitié du livre pour le poursuivre sous forme papier...

Un bon thriller que j'ai finalement relu avec plaisir.

Extrait : (Chapitre 1)
Washington DC n'était pas le centre du monde, même si une grande partie de ses habitants pouvaient vous le faire croire.
L'inspecteur Robert Miller n'était pas de ceux-là.
Capitale des États-Unis d'Amérique, siège du gouvernement fédéral, une histoire vieille de plusieurs siècles, et pourtant, malgré ce long passé, malgré l'art et l'architecture, malgré les rues bordées d'arbres, les musées, les galeries, malgré un des métros les plus performants d'Amérique, Washington possédait encore ses parts d'ombre, ses angles morts, ses ventres mous. Dans cette ville, tous les jours des gens se faisaient encore assassiner.
Le 11 novembre fut une journée froide et désagréable, un jour de deuil et de souvenir pour mille raisons. L'obscurité tomba comme une pierre à 17 heures, la température avoisinait les -6 degrés, et les lampadaires qui s'étendaient à perte de vue en lignes parallèles semblaient vous inviter à les suivre et à prendre la fuite. Justement, l'inspecteur Robert Miller avait très récemment songé à prendre la fuite et à trouver un autre boulot dans une autre ville. Il avait ses raisons. Des raisons nombreuses – et douloureuses – qu'il avait cherché à oublier depuis de longues semaines. Mais pour l'instant il se trouvait à l'arrière de la maison de Catherine Sheridan, sur Columbia Street NW. Les bandes rouges et bleues des véhicules de patrouille garés autour de lui se reflétaient sur les fenêtres, au milieu d'une cohue bruyante et agitée, trop de gens qui avaient trop de choses à faire – les agents en uniforme, les experts médico-légaux, les photographes, les voisins avec leurs gamins, leurs chiens et leurs questions vouées à rester sans réponse, les sifflements et les grésillements des talkies-walkies, des radios de la police...
Le bout de la rue n'était qu'un carnaval de bruit et de confusion qui n'éveillait chez Miller rien d'autre que le changement de cadence qu'il avait parfaitement prévu : le pouls qui accélérait, le cœur qui cognait contre la poitrine, les nerfs qui palpitaient dans le bas du ventre. Trois mois de mise à pied – le premier passé chez lui, les deux autres derrière un bureau – et il se retrouvait là. A peine une semaine de service actif, et le monde avait déjà retrouvé sa trace. Il avait quitté la lumière du jour et plongé tête baissée dans le cœur sombre de Washington, qui l'accueillait maintenant comme un parent depuis longtemps disparu. Et pour dire sa joie, le cœur sombre lui avait laissé un cadavre tabassé dans une chambre du premier étage qui donnait sur Columbia Street NW.

Déjà lu du même auteur : 

seul_le_silence Seul le silence 5158 Les Anonymes

   Challenge Voisins Voisines 2014
logo_voisins_voisines_2014_h300
Grande-Bretagne

 Challenge Trillers et Polars
 88054471_o
catégorie "Même pas peur" :  32/25

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16 juin 2014

C'est lundi, que lisez-vous ? [178]

91950711

(c) Galleane

C'est le jour du rendez-vous initié par Mallou proposé par Galleane  

Qu'est-ce que j'ai lu cette semaine ? 

et la colère 96785889 9782356417268-T

Et la colère monta dans un ciel rouge et noir - Haddid Aggoune 
Une dernière danse - Victoria Hislop 
En finir avec Eddy Bellegueule - Edouard Louis 

Qu'est-ce que je lis en ce moment ?

Le monde d'Hannah - Ariane Bois (partenariat J'ai Lu)

Que lirai-je cette semaine ?

Le sourire des femmes - Nicolas Barreau
Un long moment de silence - Paul Colize (partenariat Folio)

Bonne semaine, bonnes lectures !

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15 juin 2014

En finir avec Eddy Bellegueule - Edouard Louis

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Audiolib - mai 2014 - 4h42 - lu par Philippe Calvario

Seuil - janvier 2014 - 220 pages

Quatrième de couverture :
« Je suis parti en courant, tout à coup. Juste le temps d'entendre ma mère dire Qu'est-ce qui fait le débile là ? Je ne voulais pas rester à leur côté, je refusais de partager ce moment avec eux. J'étais déjà loin, je n'appartenais plus à leur monde désormais, la lettre le disait. Je suis allé dans les champs et j'ai marché une bonne partie de la nuit, la fraîcheur du Nord, les chemins de terre, l'odeur de colza, très forte à ce moment de l'année. Toute la nuit fut consacrée à l'élaboration de ma nouvelle vie loin d'ici. »
En vérité, l'insurrection contre mes parents, contre la pauvreté, contre ma classe sociale, son racisme, sa violence, ses habitudes, n'a été que seconde. Car avant de m'insurger contre le monde de mon enfance, c'est le monde de mon enfance qui s'est insurgé contre moi. Très vite j'ai été pour ma famille et les autres une source de honte, et même de dégoût. Je n'ai pas eu d'autre choix que de prendre la fuite. Ce livre est une tentative pour comprendre.
L’interprétation de Philippe Calvario, d’une impeccable justesse, rend dramatiquement présent le douloureux cheminement, entre violences et humiliations, d’un jeune garçon confronté à sa « différence ».

Auteur : Édouard Louis a 22 ans. Il est étudiant en philosophie et en sociologie à l’École Normale Supérieure. En finir avec Eddy Bellegueule est son premier roman. Il a déjà publié aux PUF les actes d’un colloque sur Bourdieu et participé à la réalisation d’un documentaire sur Foucault pour Arte.

Lecteur : Philippe Calvario, né en 1973, est un comédien et metteur en scène français.

Mon avis : (écouté en juin 2014)
Cette écoute est une relecture, voilà comment je présentais ce livre en février dernier :
Ce n'est pas facile de s'appeler Eddy Bellegueule et d'avoir une attitude efféminée lorsque l'on vient d'un milieu ouvrier et pauvre de Picardie. Eddy ne comprend pas pourquoi il est le vilain petit canard, il est l'aîné d'une famille de quatre enfants, son père est depuis longtemps au chômage après s'être abîmé le dos en travaillant à l'usine, sa mère est aide à domicile. Dès sa petite enfance sa différence est suspecte, dans son village et son milieu, on n'aime pas les "pédés"... Il fera tout pour se faire accepter par les siens et devenir un "vrai homme", c'est à dire jouer au football, sortir avec les filles... En vain, c'est au lycée en quittant les siens qu'il va pouvoir commencer à devenir lui-même et pas celui que les siens voulaient qu'il soit. 
Dans la version imprimée, les passages en langage "familier" sont mis en italique par rapport au passage plus littéraire. Dans la version audio, le lecteur ne peut pas rendre cette différentiation, c'est à l'auditeur de faire la part des choses en fonction du vocabulaire employé.
La force des mots est décuplée dans la version audio et même si je découvrais ce texte pour la seconde fois, la violence des mots m'a frappée tout autant que la première fois. Certains passages deviennent dérangeants car la souffrance d'Eddy est si forte que j'en avais les larmes aux yeux.
En bonus avec ce livre audio, un entretien avec l'auteur très intéressante.

Merci Babelio et les éditions Audiolib pour ce partenariat.

Extrait : (début du livre)
De mon enfance je n’ai aucun souvenir heureux. Je ne veux pas dire que jamais, durant ces années, je n’ai éprouvé de sentiment de bonheur ou de joie. Simplement la souffrance est totalitaire : tout ce qui n’entre pas dans son système, elle le fait disparaître. Dans le couloir sont apparus deux garçons, le premier, grand, aux cheveux roux, et l’autre, petit, au dos voûté. Le grand aux cheveux roux a craché Prends ça dans ta gueule. Le crachat s’est écoulé lentement sur mon visage, jaune et épais, comme ces glaires sonores qui obstruent la gorge des personnes âgées ou des gens malades, à l’odeur forte et nauséabonde. Les rires aigus, stridents, des deux garçons Regarde il en a plein la gueule ce fils de pute. Il s’écoule de mon œil jusqu’à mes lèvres, jusqu’à entrer dans ma bouche. Je n’ose pas l’essuyer. Je pourrais le faire, il suffirait d’un revers de manche. Il suffirait d’une fraction de seconde, d’un geste minuscule pour que le crachat n’entre pas en contact avec mes lèvres,mais je ne le fais pas, de peur qu’ils se sentent offensés, de peur qu’ils s’énervent encore un peu plus.

Je n’imaginais pas qu’ils le feraient. La violence ne m’était pourtant pas étrangère, loin delà. J’avais depuis toujours, aussi loin que remontent mes souvenirs, vu mon père ivre se battre à la sortie du café contre d’autres hommes ivres, leur casser le nez ou les dents. Des hommes qui avaient regardé ma mère avec trop d’insistance et mon père, sous l’emprise de l’alcool, qui fulminait Tu te prends pour qui à regarder ma femme comme ça sale bâtard. Ma mère qui essayait de le calmer Calme-toi chéri, calme-toi mais dont les protestations étaient ignorées. Les copains de mon père, qui à un moment finissaient forcément par intervenir, c’était la règle, c’était ça aussi être un vrai ami, un bon copain, se jeter dans la bataille pour séparer mon père et l’autre, la victime de sa saoulerie au visage désormais couvert de plaies. Je voyais mon père, lorsqu’un de nos chats mettait au monde des petits, glisser les chatons tout juste nés dans un sac plastique de supermarché et claquer le sac contre une bordure de béton jusqu’à ce que le sac se remplisse de sang et que les miaulements cessent. Je l’avais vu égorger des cochons dans le jardin, boire le sang encore chaud qu’il extrayait pour en faire du boudin (le sang sur ses lèvres, son menton, son tee shirt) C’est ça qu’est le meilleur, c’est le sang quand ilvient juste de sortir de la bête qui crève. Les cris du cochon agonisant quand mon père sectionnait sa trachée artère étaient audibles dans tout le village.

J’avais dix ans. J’étais nouveau au collège. Quand ils sont apparus dans le couloir je ne les connaissais pas. J’ignorais jusqu’à leur prénom, ce qui n’était pas fréquent dans ce petit établissement scolaire d’à peine deux cents élèves où tout le monde apprenait vite à se connaître. Leur démarche était lente, ils étaient souriants, ils ne dégageaient aucune agressivité, si bien que j’ai d’abord pensé qu’ils venaient faire connaissance. Mais pourquoi les grands venaient ils me parler à moi qui étais nouveau ? La cour de récréation fonctionnait de la même manière que le reste du monde : les grands ne côtoyaient pas les petits. Ma mère le disait en parlant des ouvriers Nous les petits on intéresse personne, surtout pas les grands bourges.

Dans le couloir ils m’ont demandé qui j’étais, si c’était bien moi Bellegueule, celui dont tout le monde parlait. Ils m’ont posé cette question que je me suis répétée ensuite, inlassablement,des mois, des années, C’est toi le pédé ? En la prononçant ils l’avaient inscrite en moi pour toujours tel un stigmate, ces marques que les Grecs gravaient au fer rouge ou au couteau sur le corps des individus déviants,dangereux pour la communauté. L’impossibilité de m’en défaire. C’est la surprise qui m’a traversé, quand bien même ce n’était pas la première fois que l’on me disait une chose pareille. On ne s’habitue jamais à l’injure.

en finir avec eddy En finir avec Eddy Bellegueule 

 

 

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