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A propos de livres...
30 avril 2014

Psycho investigateur - Erwan Courbier et Benoît Dahan

psycho Physalis - juin 2013 - 144 pages

Quatrième de couverture :
Quand il manque des pièces au puzzle d'une enquête policière, il existe un étrange analyste qui possède la mystérieuse capacité de les retrouver. Examinant les témoins les plus improbables, Simon Radius pénètre la nébuleuse de leurs souvenirs enfouis...
Mais le Psycho-Investigateur auto-proclamé pourra-t-il compléter son propre puzzle, le plus impensable de tous ?

Auteurs : Erwan Courbier, scénariste, vit à Lyon. Il a commencé à raconter des histoires en inventant des jeux de rôle avant de se lancer dans le scénario de Simon Radius qu'il écrit en collaboration avec Benoît Dahan.

Benoît Dahan, scénariste, dessinateur et coloriste, vit à Paris. Après des études d'Arts Graphiques à l’ESAG, il se lance dans l’illustration de presse (Le Monde, Libération, Le Point, Science et vie junior...) et de livres jeunesse. Simon Radius est son premier album de bande dessinée qu'il réalise avec son ami Erwan Courbier.

Mon avis : (lu en avril 2014)
Cet album regroupe une trilogie, en 2005 le premier tome était paru sous le titre "Simon Radius" mais l'éditeur n'avait pas voulu poursuivre la série. Grâce à la persévérance des auteurs et les éditions Physalis, l’intégralité des trois tomes imaginés a pu enfin être édité. 
Une bande dessinée très originale que j'ai découvert lors d'un Café Lecture de la Bibliothèque. Simon Radius est psycho-investigateur, sous hypnose, il arrive à pénétrer dans l'esprit des témoins, il traque les souvenirs oubliés, les traumatismes anciens... Ce sont des méthodes qui lui attirent moquerie et conflits avec ses confrères psychiatres et les enquêteurs de la police. A travers trois enquêtes le lecteur découvre les méthodes plutôt inattendues et surprenantes de notre psycho-investigateur. Simon est lui-même pleins de mystères et de secrets, il tente d'appliquer à lui-même ses méthodes d'investigation pour retrouver sa femme disparue...
Voilà une bande dessinée très réussie que l'on ne peut pas lâcher. Elle mêle intelligement enquête policière et étude psychologique. Le scénario est très réussi, tout comme la mise en page. La qualité du papier, de la couverture de l'album et son petit prix est également à signaler.
Une très belle découverte !

Note : ♥♥♥♥♥

Extrait : 

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29 avril 2014

La muraille invisible - Henning Mankell

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Sixtrid - mars 2014 - 15h25 - Lu par Marc-Henri Boisse

Seuil - mars 2002 - 426 pages

Points - mars 2003 - 528 pages

traduit du suédois par Anne Gibson

Titre original : Brandvägg, 1998

Quatrième de couverture :
L'automne est revenu à Ystad. Tynnes Falk, consultant en informatique, s'écroule mort devant un distributeur bancaire. Au même moment, deux adolescentes tuent sauvagement un chauffeur de taxi. La plus âgée s'enfuit du commissariat. Son corps est retrouvé à l'intérieur d'un transformateur à haute tension. C'est alors que Wallander découvre le sanctuaire clandestin de Falk. L'univers qui se dévoile peu à peu aux enquêteurs - grâce à la complicité d'un jeune hacker surdoué - est vertigineux. L'ennemi se révèle à la fois omniprésent, omnipotent et invisible. A ceci près qu'il menace les centres financiers de la planète. Confronté à l'enquête la plus difficile de sa carrière, Wallander est plus seul que jamais. Peut-il encore se fier à ses collègues ? Qu'en est-il de la Suède où des adolescentes passent à l'acte à coups de marteau ? Et où ceux qui le peuvent cherchent à quitter le pays. Wallander, lui, n'a pas le choix. Il reste. Contre toute attente, une femme va croiser sa route...

Auteur : Henning Mankell, né en 1948, partage sa vie entre la Suède et le Mozambique. Lauréat de nombreux prix littéraires. Outre la célèbre « série Wallander », il est l'auteur de romans sur l'Afrique ou sur des questions de société, de pièces de théâtre et d’ouvrages pour la jeunesse.

Lecteur : Marc-Henri Boisse acteur et réalisateur.

Mon avis : (écouté en avril 2014)
Tynnes Falk, consultant en informatique, est retrouvé mort devant un distributeur bancaire. Au même moment, deux adolescentes tuent sauvagement un chauffeur de taxi. Toutes deux sont arrêtées et interrogées. Un peu plus tard dans la soirée, l'une des deux s'enfuit du commissariat...
Dans cet huitième enquête de Wallander, ce dernier n'est pas à la fête... Il souffre de la solitude et hésite à rencontrer quelqu'un grâce aux petites annonces. Il est l'objet d'une plainte à cause d'une gifle qu'il a donné à la plus jeune des deux ados qui allait frapper sa mère. Mais personne ne veut croire sa version des faits, en particulier sa hiérarchie, Wallander est dégoûté, prêt à démissionner. Mais sa conscience professionnelle lui fera poursuivre son travail.
Ecrite en 1998, l'intrigue nous entraîne sur la piste de piratage informatique autour de la finance mondiale. C'est donc très contemporain et très réaliste. 
Je suis une inconditionnelle de Kurt Wallander, j'ai donc passé un très bon moment en écoutant ce livre audio. Malheureusement, il ne me reste plus qu'une seule aventure à découvrir... Mais je compte bien relire un jour les premières enquêtes.

En 2008, ce livre a été adapté par la BBC dans la série télévisée Wallander (saison 1 – épisode 2) réalisé par Andy Wilson avec Kenneth Branagh, Benedict Taylor, David Sibley, Roland Hedlund, Rupert Graves. Cette adaptation très réussie est assez proche du livre et nous permet de découvrir de très beaux paysages de Suède. Je compte regarder prochainement cet épisode.

Extrait : (page 28)
Wallander soupira et se força à redevenir policier. Il ouvrit le dossier et le parcourut en constatant comme d’habitude que Martinsson avait rédigé un rapport clair et succinct. Il s’enfonça dans son fauteuil et réfléchit à ce qu’il venait de lire.
Deux filles, âgées de dix-neuf et quatorze ans, avaient téléphoné d’un restaurant à vingt-deux heures le mardi soir pour commander un taxi. Elles avaient ensuite demandé à être conduites à Rydsgard. L’une des deux était montée à l’avant ; à la sortie de la ville, elle avait demandé au chauffeur de s’arrêter, disant qu’elle préférait tout compte fait voyager à l’arrière. Le taxi s’était arrêté au bord de la route. La fille assise à l’arrière avait alors brandi un marteau et frappé le chauffeur à la tête pendant que l’autre lui enfonçait un couteau dans la poitrine. Elles l’avaient dépouillé de son portefeuille et de son portable avant de prendre la fuite. Malgré ses blessures, le chauffeur – Johann Lundberg, soixante ans, dont quarante au volant de son taxi – avait réussi à donner l’alerte et à fournir un bon signalement des deux filles. Martinsson, qui s'était chargé de l'affaire ce soir-là, les avait identifiées sans trop de mal en interrogeant les clients du restaurant. Elles avaient été arrêtées à leur domicile. Celle de dix-neuf ans était restée en garde à vue. En raison de la gravité du crime, on avait décidé de retenir aussi la plus jeune. Johan Lundberg était conscient à son arrivée à l'hôpital ; puis son état s'était brusquement aggravé. Les médecins hésitaient à se prononcer. Selon Martinsson, les deux filles avaient justifié l'agression par un « besoin d'argent ». 
Wallander fit la grimace. Il n’avait jamais de sa vie été confronté à une chose pareille : deux jeunes filles passant à l’acte avec une violence incontrôlée. D'après les notes de Martinsson, la plus jeune allait à l'école, c'était même une excellente élève. La plus âgée avait déjà travaillé comme réceptionniste dans un hôtel et comme jeune fille au pair à Londres, et s'apprêtait à entamer des études de langues. L'une et l'autre n'étaient connues ni de la police ni des services sociaux.

Déjà lu du même auteur : 
tea_bag  Tea-Bag  les_chaussures_italiennes  Les chaussures italiennes

meurtriers_sans_visage_p Meurtriers sans visage Les_chiens_de_Riga_2 Les chiens de Riga

l_homme_inquiet L'homme inquiet le_retour_du_professeur_points Le Retour du professeur de danse

la_lionne_blanche_p La lionne blanche  profondeurs_p Profondeurs le_chinois Le Chinois

l_homme_qui_souriait_p L’homme qui souriait le_guerrier_solitaire_p Le guerrier solitaire 

la_faille_souterraine La faille souterraine et autres enquêtes la_cinqui_me_femme La cinquième femme

les_morts_de_la_st_jean_point Les morts de la Saint-Jean 2013-12-30_081744 Les chaussures italiennes

 Challenge Voisins Voisines 2014
logo_voisins_voisines_2014_h300
Suède

Challenge Petit Bac 2014
91121022
"Bâtiment" (3)

Challenge Trillers et Polars
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catégorie "Même pas peur" :  27/25

28 avril 2014

C'est lundi, que lisez-vous ? [171]

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(c) Galleane

C'est le jour du rendez-vous initié par Mallou proposé par Galleane  

Qu'est-ce que j'ai lu cette semaine ? 

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Pour quelques milliards et une roupie - Vikas Swarup 
Blast, tome 4 : Pourvu que les Bouddhistes se trompent - Manu Larcenet 
Au revoir là-haut - Pierre Lemaitre

Qu'est-ce que je lis en ce moment ?

Réparer les vivants - Maylis de Kerangal 
Il pleuvait des oiseaux - Jocelyne Saucier

Que lirai-je cette semaine ?

Le collier rouge - Jean-Christophe Rufin
La ronde des désirs impossibles - Paola Calvetti (partenariat Albin Michel)
Joyland - Stephen King (partenariat Albin Michel)

Bonne semaine, bonnes lectures !

27 avril 2014

Film : Last Days of summer - Jason Reitman

Date de sortie : 30 avril 2014

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 Labor_Day_Poster Labor-Day-Film

Réalisé par : Jason Reitman

Acteurs : Kate Winslet, Josh Brolin, Gattlin Griffith, Tobey Maguire

Titre original : Labor Day2013

Durée : 1h51 

Adaptation du roman de Joyce Maynard, Long Week end

Synopsis : Lors du dernier week-end de l’été, Frank, un détenu évadé, condamné pour meurtre, oblige Adèle et son fils Henry à le cacher chez eux. Très vite, la relation entre le ravisseur et la jeune femme prend une tournure inattendue. Pendant ces quatre jours, ils vont révéler de lourds secrets et réapprendre à aimer...

Mon avis : (vu en avril 2014)
J'ai eu la chance de pouvoir découvrir en avant première ce film adapté du roman Long Week end de Joyce Maynard. J'ai lu ce livre en 2010 et je me rappelle avoir été touchée par cette histoire. L'adaptation cinématographique est très proche du livre, je ne me souvenais pas de certains détails mais le lendemain de la séance de cinéma, je me suis empressée de relire quelques passages du livre pour me rafraîchir la mémoire...
Frank est un détenu en fuite, il force Adèle et son fils Henry à le cacher dans leur maison durant le dernier week-end de l'été. Il compte attendre quelques jours pour se faire oublier par la police avant de poursuivre sa route. Ils vont passer tous les trois un week-end inoubliable... 
En effet, cela commence par une prise d'otage, mais rapidement Frank devient protecteur, il a compris le mal-être d'Adele et le dévouement d'Henry pour sa mère. La scène de la confection de la tarte aux pêches est emblématique :  beaucoup de douceur, de sensualité, un vrai moment de complicité entre Henry, Adele et Frank. 
Durant ces 4 jours, chacun des personnages évoluent, Henry passe de l'enfance à l'adolescence. Adele sort de sa dépression, elle prend confiance en elle et sa rencontre avec Frank lui redonne goût à la vie. Frank, dur et brutal dans les premiers instants, devient vite protecteur et "père de famille" pour Adele et Henry.
J'ai beaucoup aimé les différentes atmosphères du film. Les décors et paysages sont superbes.
Les trois acteurs sont formidables : ils arrivent à exprimer leurs sentiments, leurs états d'âme sans utiliser les mots. On ressent la grande connexion entre les personnages qui se comprennent à travers de simples regards.
Seule petite réserve sur les flash back, je n'ai compris que vers la fin du film qu'ils concernaient le passé de Frank...

Un grand merci à Marie-Clémentine et Way to Blue pour l'invitation à la projection de ce film avec en bonus avant le film la dégustation d'une part de tarte à la pêche et un verre de cidre.

long_week_end Long week-end – Joyce Maynard

25 avril 2014

Comme une petite ressemblance n°9

Avec Canel nous avons pris rendez-vous pour un billet

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Le billet de Canel

 Mes autres billets Comme Une Petite Ressemblance : 
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24 avril 2014

Au revoir là-haut - Pierre Lemaitre

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Albin Michel - août 2013 - 576 pages

Audiolib - mars 2014 - 16h57 - Lu par l'auteur

Prix Goncourt 2013

Prix du roman France Télévision 2013

Quatrième de couverture : 
Sur les ruines du plus grand carnage du XXe siècle, deux rescapés des tranchées, passablement abîmés, prennent leur revanche en réalisant une escroquerie aussi spectaculaire qu’amorale. Des sentiers de la gloire à la subversion de la patrie victorieuse, ils vont découvrir que la France ne plaisante pas avec ses morts…
Fresque d’une rare cruauté, remarquable par son architecture et sa puissance d’évocation, Au revoir là-haut est le grand roman de l’après-guerre de 14, de l’illusion de l’armistice, de l’État qui glorifie ses disparus et se débarrasse de vivants trop encombrants, de l’abomination érigée en vertu.
Dans l’atmosphère crépusculaire des lendemains qui déchantent, peuplée de misérables pantins et de lâches reçus en héros, Pierre Lemaitre compose la grande tragédie de cette génération perdue avec un talent et une maîtrise impressionnants.

Auteur :  Né à Paris, Pierre Lemaitre a longtemps enseigné la littérature avant d’embrasser la carrière littéraire. Ses trois premiers romans, Travail soigné (prix du Premier roman de Cognac 2006), Robe de marié (prix du Meilleur polar francophone 2009) et Cadres Noirs (prix du Polar européen du Point 2010), lui ont valu un succès critique et public exceptionnel et l’ont révélé comme un maître du roman noir et du thriller. Ses romans sont traduits dans une quinzaine de langues et plusieurs sont en cours d’adaptation cinématographique.

Mon avis : (lu en avril 2014)
Depuis la Rentrée littéraire de l'automne 2013, je voulais absolument lire ce livre de Pierre Lemaitre et c'est enfin fait ! J'en attendais beaucoup, et je n'ai pas été déçue. J'ai beaucoup aimé cette fresque de la France d'après la Première Guerre Mondiale.
Albert et Edouard sont deux rescapés de la Grande Guerre, Albert était un petit employé assez peureux, qui n'a plus rien, Edouard est un artiste devenu une « gueule cassée », il refuse de retourner dans sa famille et préfère se faire passer comme mort. Ayant échappé à la mort grâce à Edouard, Albert n'hésite pas à prendre en charge son compagnon. Le retour à la vie civile est difficile, rien n'a été prévu pour accueillir les survivants encore traumatisés.

Le troisième personnage de cette histoire est le lieutenant Henri d'Aulnay-Pradelle, faux héros de la guerre, opportuniste, sans scrupule.
Dans la construction de l'intrigue et l'imagination, on retrouve bien l'auteur de roman policier qui nous plonge dans cette après-guerre dure et impitoyable où se mêlent arnaques, impostures et vengeances... 
J'ai lu ce livre en partie en audio, lu par l'auteur, en partie en livre papier. Les différents personnages sont décrits avec finesse et justesse. Edouard et Albert sont attachants malgré les petites combines dont ils sont coupables... A l'inverse Aulnay-Pradelle est un véritable "pourri" que le lecteur ne peut que détester !
En bonus de la version audio, l'entretien avec l'auteur est très intéressant, il nous révèle quelques détails du livre fort intéressants, ainsi l'auteur nous dévoile la partie historique et la partie imaginée de cette histoire incroyable.
Un très bon roman, qui mérite tout à fait son prix Goncourt !

Autre avis : ArgaliCaroKathelKeishaMissAlfieSandrine

Note :  ♥♥♥♥♥

Extrait : (début du livre)
Ceux qui pensaient que cette guerre finirait bientôt étaient tous morts depuis longtemps. De la guerre, justement. Aussi, en octobre, Albert reçut-il avec pas mal de scepticisme les rumeurs annonçant un armistice. Il ne leur prêta pas plus de crédit qu'à la propagande du début qui soutenait, par exemple, que les balles boches étaient tellement molles qu'elles s'écrasaient comme des poires blettes sur les uniformes, faisant hurler de rire les régiments français. En quatre ans, Albert en avait vu un paquet, des types morts de rire en recevant une balle allemande.
Il s'en rendait bien compte, son refus de croire à l'approche d'un armistice tenait surtout de la magie : plus on espère la paix, moins on donne de crédit aux nouvelles qui l'annoncent, manière de conjurer le mauvais sort. Sauf que, jour après jour, ces informations arrivèrent par vagues de plus en plus serrées et que, de partout, on se mit à répéter que la guerre allait vraiment prendre fin. On lut même des discours, c'était à peine croyable, sur la nécessité de démobiliser les soldats les plus vieux qui se traînaient sur le front depuis des années. Quand l'armistice devint enfin une perspective raisonnable, l'espoir d'en sortir vivant commença à tarauder les plus pessimistes. En conséquence de quoi, question offensive, plus personne ne fut très chaud. On disait que la 163 e DI allait tenter de passer en force de l'autre côté de la Meuse. Quelques-uns parlaient encore d'en découdre avec l'ennemi, mais globalement, vu
d'en bas, du côté d'Albert et de ses camarades, depuis la victoire des Alliés dans les Flandres, la libération de Lille, la déroute autrichienne et la capitulation des Turcs, on se sentait beaucoup moins frénétique que les officiers. La réussite de l'offensive italienne, les Anglais à Tournai, les Américains à Châtillon... on voyait qu'on tenait le bon bout. Le gros de l'unité se mit à jouer la montre et on discerna une ligne de partage très nette entre ceux qui, comme Albert, auraient volontiers attendu la fin de la guerre, assis là tranquillement avec lebarda, à fumer et à écrire des lettres, et ceux qui grillaient de profiter des derniers jours pour s'étriper encore un peu avec les Boches.

Cette ligne de démarcation correspondait exactement à celle qui séparait les officiers de tous les autres hommes. Rien de nouveau, se disait Albert. Les chefs veulent gagner le plus de terrain possible, histoire de se présenter en position de force à la table des négociations.
Pour un peu, ils vous soutiendraient que conquérir trente mètres peut réellement changer l'issue du conflit et que mourir aujourd'hui est encore plus utile que mourir la veille.
C'est à cette catégorie qu'appartenait le lieutenant d'Aulnay-Pradelle. Tout le monde, en parlant de lui, laissait tomber le prénom, la particule, le « Aulnay », le tiret et disait simplement « Pradelle », on savait que ça le foutait en pétard. On jouait sur du velours parce qu'il mettait un point d'honneur à ne jamais le montrer. Réflexe de classe. Albert ne l'aimait pas. Peut-être parce qu'il était beau. Un type grand, mince, élégant, avec beaucoup de cheveux ondulés d'un brun profond, un nez droit, des lèvres fines admirablement dessinées. Et des yeux d'un bleu foncé. Pour Albert, une vraie gueule d'empeigne. Avec ça, l'air toujours en colère. Un gars du genre impatient, qui n'avait pas de vitesse de croisière : il accélérait ou il freinait ; entre les deux, rien. Il avançait avec une épaule en avant comme s'il voulait pousser les meubles, il arrivait sur vous à toute vitesse et il s'asseyait brusquement, c'était son rythme ordinaire. C'était même curieux, ce mélange : avec son allure aristocratique, il semblait à la fois terriblement civilisé et foncièrement brutal. Un peu à l'image de cette guerre. C'est peut-être pour cela qu'il s'y trouvait aussi bien. Avec ça, une de ces carrures, l'aviron, sans doute, le tennis.

Déjà lu du même auteur : 

 robe_de_mari__ Robe de marié Alex_cd Alex

 Challenge Petit Bac 2014
91121022
"Verbe" (7)

Challenge 6% Rentrée Littéraire 2013
logorl2013
36/36

23 avril 2014

Blast, tome 4 : Pourvu que les Bouddhistes se trompent - Manu Larcenet

Couv_209638 Dargaud - mars 2014 - 200 pages

Quatrième de couverture :
Dernier tome du chef-d'oeuvre de Manu Larcenet, réussite artistique 
exemplaire, Blast ne peut laisser indifférent. De par sa forme d'abord, 4 albums denses, sombres, tragiques, bourrés jusqu'à la gueule d'une
humanité débordante et d'une sauvagerie fascinante. Mais aussi par ses qualités graphiques et narratives hors du commun qui en font un ovni éditorial. Ce 4e tome clôt avec une maestria scénaristique rare, le parcours d'un homme captivant. Une conclusion coup de poing qui vous laissera KO.

Auteur : Né le 6 mai 1969 à Issy-les-Moulineaux, après s'être lancé dans la BD à l'âge de dix ans, Manu Larcenet étudie le graphisme au lycée de Sèvres et obtient un BTS d'expression visuelle option 'images de communication' à l'Ecole des arts appliqués. Parallèlement, il multiplie les concerts avec un groupe punk fondé avec des amis de collège. Il fait son service militaire en 1991 et connaît alors le bataillon disciplinaire. A son retour, il emménage avec des amis musiciens et poursuit la scène et le graphisme : ses premiers dessins sont publiés dans des fanzines de rock et de bande dessinée. Il commence en 1994 une collaboration d'abord discrète avec le magazine Fluide glacial ; son premier récit, 'L' Expert-comptable de la jungle', est bientôt suivi de 'Soyons fous', 'La Loi des séries' et 'Bill Baroud espion'. Spirou, Dupuis, Glénat et Les Rêveurs de runes, une maison d'édition qu'il a fondée avec Nicolas Lebedel, publient depuis ses albums. Les improbables créatures ou les petits bonhommes ordinaires qui peuplent ses dessins font son succès. Il reçoit en 2003 le prix Jacques Lob, puis le prix du meilleur album à Angoulême en 2004 pour 'Le Combat ordinaire'. Mêlant autobiographie et réflexion, à l'instar de son 'Retour à la terre', cette série apparaît comme celle de la maturité. Changement de ton qui ne l'empêche pas, à l'occasion, de revenir, en 2006, à ses premières amours avec l'album 'Chez Francisque', scénarisé par Yan Lindingre. Artiste protéiforme, alternant séries potaches et récits plus profonds, Manu Larcenet compte désormais parmi les auteurs incontournables de la bande dessinée.

Mon avis : (lu en avril 2014)
Voilà l'album qui conclut la série Blast. C'est la fin de la garde à vue de Polza Mancini, il continue à raconter son histoire. A la fin de l'épisode précédent il avait déclaré que ce n'était pas lui mais Carole qui avait tué son père. Recherché par la police, Polza s'était réfugié chez Roland Oudinot qu'il avait rencontré dans un hôpital psychiatrique. Ce dernier vit avec sa fille Carole. C'est l'hiver et Polza préfère attendre le printemps avant de reprendre sa route. Pendant que Carole part travailler la journée, il reste toute la journée en compagnie de Roland qui occupe son temps à faire des dessins et des collages enfantins mais terribles. Il doit surveiller Roland, schizophrène, pour qu'il prenne bien ses médicaments...
Tous les morceaux du puzzle des différents épisodes se mettent en place et cette conclusion est aussi remarquable que toute la quadrilogie. Les dessins sont magnifiques en noir et blanc et par moment des dessins couleurs, un mélange des styles.
Une série étonnante, originale, cruelle, violente, noire et poétique qui ne laissera pas le lecteur indifférent.
Ce quatrième tome terminé, je n'ai qu'une seule envie : relire les premiers tomes...

Extrait : 

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Déjà lu du même auteur :

RetourALaTerreLe1a_21012005 le_retour___la_terre_2 RetourALaTerreLe3_11012005 RetourALaTerreLe4_31082006 le_retour___la_terre_5 
Le retour à la terre

blast Blast : 1 - Grasse carcasse 

blast2  Blast : 2 - L'Apocalypse selon saint Jacky 

89516661_p Blast : 3 - La tête la première

22 avril 2014

Pour quelques milliards et une roupie - Vikas Swarup

 Lu en partenariat avec Babelio et Belfond

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traduit de l'anglais (Inde) par Roxane Azimi

Titre original : The accidental apprentice, 2013

Quatrième de couverture :
Vendeuse d’électroménager pour entretenir sa famille, harcelée chaque jour par sa sœur, starlette en devenir, son propriétaire pressé et son patron incompétent, Sapna Sinha voit s’éloigner toujours un peu plus ses rêves d’avenir. Mais voilà qu’un jour, le plus grand patron d’Inde lui offre sa fortune et son entreprise, à condition qu’elle passe sept mystérieuses épreuves. S’agit-il d’un jeu cruel ou se pourrait-il que ses prières soient enfin exaucées ? Embarquée malgré elle dans d’incroyables aventures auprès de stars désespérées, de jeunes fiancées suicidaires et d’enfants exploités, Sapna devra prouver sa vaillance, son empathie et son honnêteté afin de construire un avenir meilleur pour elle et sa famille.

Auteur : Né en 1963 à Allahabad, en Inde, Vikas Swarup est diplomate. Après avoir été en poste en Turquie, aux États-Unis, en Éthiopie, en Grande-Bretagne et en Afrique du Sud, il est actuellement consul général de l’Inde à Osaka, au Japon. Prix Grand Public du Salon du livre 2007, traduit dans quarante-deux langues, son premier roman, Les Fabuleuses Aventures d’un Indien malchanceux qui devint milliardaire (2006), a connu un immense succès international, avant d’être adapté au cinéma par Danny Boyle sous le titre Slumdog millionaire et de rafler huit oscars. Après Meurtre dans un jardin indien (2010), Pour quelques milliard et une roupie est son troisième livre traduit en français.

Mon avis : (lu en avril 2014)
Sapna Sinha est vendeuse d'électroménager, elle fait vivre sa mère malade et sa soeur étudiante qui rêve de devenir une star. Pas facile de gérer ce quotidien sans grande perspective... Et voilà qu'un jour, un inconnu lui propose un étonnant marché, devenir le PDG d'un empire financier d'une valeur de dix milliards de dollars. Où est le piège ? Pourquoi choisir une pauvre petite vendeuse d'électroménager pour lui faire une telle proposition ? Sapna ne croit pas au sérieux de cette proposition et la refuse. Mais finalement, poussée par des soucis d'argent et pour pouvoir garder leur logement elle finit par accepter ce marché incroyable. Pour réussir à devenir le PDG du groupe ABC, elle va devoir passer 7 épreuves pour prouver son aptitude à être chef d'entreprise...
La construction de l'intrigue a quelques ressemblances avec le premier succès de l'auteur "Les Fabuleuses Aventures d’un Indien malchanceux qui devint milliardaire" avec le principe des épreuves. L'histoire est rythmée, haletante. A travers les différentes épreuves, l'auteur a voulu traiter des sujets comme les mariages arrangés, le travail des enfants, la téléréalité... Le lecteur découvre une Inde où traditions et modernité se mêlent. Un livre qui se lit facilement et qui est dépaysant. Une belle découverte.

Merci  Babelio et Belfond pour ce partenariat.

Extrait : (début du livre)
DANS LA VIE
, on n'obtient jamais ce qu'on mérite ; on obtient ce qu'on a négocié.
C'est la première chose qu'il )m'a enseignée.
Voici trois jours que je tente de mettre ce conseil en pratique, négociant fébrilement avec mes accusateurs et persécuteurs pour essayer désespérément d'échapper à la peine de mort qu'ils me réservent d'un commun accord.
Dehors, les médias guettent comme des vautours. Les chaînes d'information font leurs choux gras de mon histoire, exemple édifiant de ce qui arrive quand une collision entre cupidité et crédulité débouche sur une catastrophe sanglante dite homicide volontaire avec préméditation. Elles diffusent en boucle le cliché pris par la police après mon arrestation. Sunlight TV a même exhumé la photo de classe granuleuse de mon école à Nainital ; je suis assise, raide comme un piquet, au premier rang à côté de Mme Saunders, notre prof de quatrième. Mais Nainital me semble loin maintenant, pays de cocagne aux vertes montagnes et aux lacs argentés où mon optimisme juvénile m'avait jadis amenée à croire que l'horizon était infini et l'esprit humain indomptable.
J'ai envie d'espérer, de rêver, de recouvrer la foi, mais la réalité impitoyable m'écrase comme une chape de plomb. J'ai l'impression de vivre un cauchemar, d'être piégée dans le puits sombre et profond d'un désespoir sans nom, dont personne ne sort.
Confinée dans ma cellule aveugle et étouffante, je repense au jour fatidique où tout a commencé. Bien que cela remonte à plus de six mois déjà, je me souviens de chaque détail aussi clairement que si c'était hier. Je me revois me dirigeant vers le temple d'Hanuman dans Connaught Place par cet après-midi gris et froid...
Nous sommes le vendredi 10 décembre, et dans Baba Kharak Singh Marg c'est le tohu-bohu habituel, mélange chaotique de bruit et de chaleur. S'y croisent des bus bringuebalants, des voitures qui klaxonnent, des scooters pétaradants et des auto-rickshaws hoquetants. Pas un nuage dans le ciel, mais le soleil est masqué par le cocktail toxique de la pollution qui s'abat l'hiver sur la ville.
Prudente, j'ai troqué ma tenue de travail contre un modeste salvar kameez bleu ciel, sur lequel j'ai enfilé un cardigan gris. C'est un rituel que j'observe tous les vendredis : je quitte en douce le magasin à l'heure du déjeuner et traverse la place pour me rendre au vieux temple du dieu singe Hanuman.
La plupart des gens vont au temple pour prier ; moi j'y vais pour expier. Je ne me pardonne toujours pas la mort d'Alka. Quelque part, je reste persuadée que c'est arrivé par ma faute. Depuis ce drame affreux, Dieu est mon seul refuge. Et j'entretiens un rapport privilégié avec la déesse Durga qui a son propre sanctuaire à l'intérieur du mandir d'Hanuman.
Lauren Lockwood, mon amie américaine, n'en revient toujours pas que nous ayons trois cent trente millions de dieux. « Bon sang, vous autres hindous, vous savez vous entourer. » D'accord, elle exagère, mais il est vrai que tout temple digne de ce nom abrite les autels d'au moins cinq ou six autres divinités.
Chacune d'elles possède des pouvoirs particuliers. La déesse Durga est l'Invincible qui rattrape les situations les plus désespérées. Après la mort d'Alka, alors que ma vie était un tunnel obscur de tristesse, de chagrin et de regret, elle m'a donné la force. Elle est toujours là quand j'ai besoin d'elle.
Le temple est bondé, ce qui est plutôt rare pour un vendredi après-midi, et je me trouve prise dans le flot incessant des fidèles jouant des coudes pour accéder au saint des saints. Le sol de marbre est frais sous mes pieds nus, et l'air embaume le mélange capiteux de sueur, de santal, de fleurs et d'encens.
Je me joins à la file d'attente réservée aux dames, qui est nettement plus courte, et j'arrive à communier avec Durga Ma en moins de dix minutes.
Mon darshan – le tête-à-tête avec Dieu – achevé, je m'apprête à descendre les marches quand une main s'abat sur mon épaule. Je pivote et me retrouve face à un homme qui me dévisage intensément.
Lorsqu'un inconnu aborde une jeune femme à Delhi, le premier réflexe de celle-ci est d'attraper la bouteille de spray au poivre qu'elle garde toujours à portée de main. Mais celui qui me fait face n'a rien d'un traîne-savates désœuvré. C'est un monsieur âgé, vêtu d'un pyjama kurta en soie blanc cassé, un pashmina blanc drapé négligemment sur les épaules. Grand, la peau claire, il a un nez aquilin, une bouche dure et déterminée, et son visage est encadré d'une crinière blanche comme la neige, coiffée en arrière. Un tika vermillon lui orne le front. Ses doigts sont chargés de bagues serties de diamants et d'émeraudes. Mais c'est son regard pénétrant qui me trouble le plus. Il me fixe si franchement que c'en est intimidant. Voici un homme qui a manifestement l'habitude de commander.
— Puis-je vous dire deux mots ? demande-t-il d'une voix saccadée.
— Qu'est-ce que vous voulez ?
Je prends un ton sec, mais moins acerbe que d'ordinaire, eu égard à son âge.
— Je m'appelle Vinay Mohan Acharya, dit-il posément, et je dirige Acharya Business Consortium. Avez-vous entendu parler du groupe ABC ?
Je hausse les sourcils en guise d'assentiment. Il s'agit d'un des plus gros groupes industriels en Inde, qui produit de tout, depuis le dentifrice jusqu'aux turbines.
— J'ai une proposition à vous faire, qui va changer radicalement le cours de votre vie. Donnez-moi dix minutes, et je vous expliquerai.
Ces paroles, je les ai déjà entendues maintes fois. Dans la bouche de courtiers en assurances qui viennent vous relancer chez vous et de représentants de commerce qui font du porte-à-porte pour vendre des produits d'entretien.
— Je n'ai pas dix minutes, dis-je. Il faut que je retourne travailler.
— Écoutez-moi au moins, insiste-t-il.
— Eh bien, allez-y.
— J'aimerais vous offrir la chance de devenir P-DG du groupe ABC. C'est-à-dire la direction d'un empire financier d'une valeur de dix milliards de dollars.
Je sais maintenant qu'il faut se méfier de lui. Il parle comme un escroc, comme ces vendeurs à la sauvette dans Janpath qui cherchent à vous fourguer des ceintures en faux cuir et des paquets de mouchoirs bon marché. Je guette le demi-sourire qui me prouverait qu'il plaisante, mais son visage demeure impassible.
— Ça ne m'intéresse pas, lui dis-je fermement en commençant à descendre.
Il m'emboîte le pas.
— Vous êtes en train de me dire que vous refusez l'offre du siècle, plus d'argent que vous n'en gagneriez en l'espace de sept vies ?
Sa voix est cinglante comme un coup de fouet.
— Écoutez, monsieur Acharya ou qui que vous soyez. J'ignore à quoi vous jouez, mais je vous l'ai dit, ça ne m'intéresse pas. Alors soyez gentil, cessez de me harceler.
Je récupère mes mules Bata auprès de la vieille dame à l'entrée du temple qui garde les chaussures moyennant un petit pourboire.
— Vous devez croire qu'il s'agit d'une blague, déclare-t-il en enfilant une paire de sandales marron.
— Pourquoi, ce n'en est pas une ?
— Je n'ai jamais été aussi sérieux.
— Dans ce cas, vous devez faire partie d'une émission style Caméra cachée. Et au moment où je dirai oui, vous me montrerez toutes ces caméras qui vous suivent partout.
— Vous voyez un homme de mon rang participer à des émissions débiles ?
— Ma foi, ce n'est pas plus débile que d'offrir votre empire financier à de parfaits inconnus. Je me demande même si vous êtes bien celui que vous prétendez être.
— Bien vu.
Il hoche la tête.
— Un fond de scepticisme, c'est toujours sain.
Il sort un portefeuille en cuir noir de sa kurta et me tend une carte de visite.
— Peut-être que ceci finira de vous convaincre.
J'y jette un rapide coup d'œil. C'est impressionnant, une sorte de plastique translucide avec le logo du groupe ABC en relief et VINAY MOHAN ACHARYA, PRÉSIDENT gravé en gras.
— N'importe qui peut faire imprimer ça pour quelques centaines de roupies, dis-je en lui rendant sa carte.
Il en tire une autre de son portefeuille.
— Et celle-ci ?
C'est une carte Centurion d'American Express, toute noire, au nom de Vinay Mohan Acharya. J'ai rencontré cette espèce rare une seule fois, quand un entrepreneur bling-bling de Noida l'a sortie pour payer un téléviseur Sony LX-900 de 60 pouces qui valait presque quatre cent mille roupies.
— Ça ne change pas grand-chose.
Je hausse les épaules.
— Comment puis-je savoir que ce n'est pas une fausse ?
Nous avons déjà traversé le parvis du temple et nous approchons de la route.
— Voici ma voiture, dit-il en désignant une auto rutilante garée le long du trottoir.
Un chauffeur en casquette et uniforme blancs est assis au volant. Un homme armé en treillis émerge du siège avant et se fige au garde-à-vous. Acharya fait claquer ses doigts, et l'homme se précipite pour ouvrir la portière arrière. Son zèle servile n'a rien de feint : il est le fruit de longues années d'obéissance inconditionnelle. Je note, admirative, que la voiture est une Mercedes CLS-500 gris argenté, dont le prix va chercher dans les neuf millions de roupies.
— Une seconde, dit Acharya en se baissant.
Il attrape un magazine sur le siège arrière et me le tend.
— Je l'avais gardé en dernier recours. Si avec ça vous n'êtes pas convaincue, alors il n'y a plus rien à faire.
C'est un exemplaire du Business Times daté de décembre 2008. Avec un portrait en couverture, et le gros titre : « L'homme d'affaires de l'année ». Je regarde son visage, puis l'homme qui se tient en face de moi. Pas de doute : c'est la même crinière blanche rejetée en arrière, le même nez busqué, les mêmes yeux perçants. Je suis bien devant l'industriel Vinay Mohan Acharya.
— OK, je concède. Vous êtes donc M. Acharya. Qu'est-ce que vous me voulez ?
— Je viens de vous le dire. Vous nommer à la tête de mon groupe.
— Et vous imaginez que je vais vous croire ?
— Donnez-moi dix minutes, et vous serez obligée de me croire. Est-ce qu'on peut s'asseoir quelque part pour parler ?
Je consulte ma montre. Il me reste encore vingt minutes de pause déjeuner.
— On n'a qu'à aller au café, là-bas.
Je montre du doigt le bâtiment délabré de l'autre côté de la route qui sert de QG aux amateurs des derniers potins.
— J'aurais préféré le Lobby Lounge au Shangri La, dit-il à contrecœur, comme quelqu'un qui consentirait un sacrifice. Cela ne vous ennuie pas qu'un de mes collaborateurs se joigne à nous ?
Il n'a pas fini sa phrase qu'un homme se matérialise devant nous, tel un fantôme émergeant de la foule de passants. Bien plus jeune, la trentaine vraisemblablement, il porte avec décontraction un survêtement Reebok bleu roi sous lequel se dessine un corps musculeux d'athlète. J'effleure du regard ses cheveux coupés en brosse, ses petits yeux de furet et sa bouche mince et cruelle. Son nez légèrement de travers, comme à la suite d'une fracture, est la seule chose qu'on remarque dans un visage par ailleurs ordinaire. J'imagine qu'il devait suivre discrètement Acharya depuis le début. Ses yeux perçants ne cessent de pivoter à droite et à gauche, scrutant les environs avec le professionnalisme d'un garde du corps, avant de se poser sur moi.
— Je vous présente Rana, mon bras droit.
Je hoche poliment la tête, me ratatinant sous son regard glacé.
— On y va ? demande Rana.
Il a une voix rauque, grinçante, comme des feuilles mortes qui crissent sous les pas. Sans attendre ma réponse, il nous précède vers le passage souterrain.
L'odeur envahissante de dosas, galettes de riz et lentilles, en train de frire et de café grillé assaille mes narines dès que je franchis la porte battante du troquet. Je vois Acharya qui fronce le nez, regrettant déjà sa décision de venir ici. C'est l'heure du déjeuner, et la salle est bondée.
— Il faut compter vingt minutes d'attente minimum, nous informe le gérant.
Rana lui glisse un billet plié de cent roupies, et aussitôt on nous dresse une table dans un coin. Acharya et son acolyte s'installent d'un côté, et je prends place sur l'unique chaise en face d'eux. Rana commande d'un ton bref trois cafés filtre, puis Acharya prend le relais. Son regard plonge dans le mien.
— Je vais être franc avec vous. Ceci est un pari hasardeux pour moi. Alors, avant de vous exposer mon projet, j'aimerais que vous me parliez un peu de vous.
— En fait, il n'y a pas grand-chose à dire.
— Commencez par votre nom, déjà.
— Je m'appelle Sapna. Sapna Sinha.
— Sapna.
Il fait rouler le mot sur sa langue avant d'acquiescer, satisfait.
— C'est bien comme nom. Quel âge avez-vous, Sapna, si je puis me permettre ?
— Vingt-trois ans.
— Et que faites-vous dans la vie ? Vous étudiez ?
— J'ai fait mes études à l'université Kumaun à Nainital. Maintenant je travaille comme vendeuse chez Gulati & Fils. Ils ont un magasin d'électronique et d'électroménager dans Connaught Place.

Challenge Petit Bac 2014
91121022
"Objet" (7)

21 avril 2014

C'est lundi, que lisez-vous ? [170]

91950711

(c) Galleane

C'est le jour du rendez-vous initié par Mallou proposé par Galleane  

Qu'est-ce que j'ai lu cette semaine ? 

95011454 95082944 une histoire d'hommes 95359847

Là où naissent les nuages - Annelise Heurtier 
Le quatrième mur - Sorj Chalandon 
Une histoire d'hommes - Zep (BD) 
Le Duel - Arnaldur Indridason

Qu'est-ce que je lis en ce moment ?

Pour quelques milliards et une roupie - Vikas Swarup (Masse Critique Babelio / Belfond)
Réparer les vivants - Maylis de Kerangal

Que lirai-je cette semaine ?

Premier appel du paradis - Mitch Albom (partenariat Kero)
La ronde des désirs impossibles - Paola Calvetti (partenariat Albin Michel)


Bonne semaine, bonnes lectures !

19 avril 2014

Le Duel - Arnaldur Indridason

le duel Métailié - février 2014 - 308 pages

traduit de l'islandais par Eric Boury

Titre original : Einvígið, 2011

Quatrième de couverture : 
Pendant l'été 1972, Reykjavík est envahi par les touristes venus assister au championnat du monde d'échecs qui oppose l'Américain Fischer et le Russe Spassky. L'Américain se conduit comme un enfant capricieux et a de multiples exigences, le Russe est accueilli en triomphe par le parti communiste islandais, le tout sur fond de guerre froide. Au même moment un jeune homme sans histoire est poignardé dans une salle de cinéma, le magnétophone dont il ne se séparait jamais a disparu. L'atmosphère de la ville est tendue, électrique. Le commissaire Marion Briem est chargé de l'enquête au cours de laquelle certains éléments vont faire ressurgir son enfance marquée par la tuberculose, les séjours en sanatorium et la violence de certains traitements de cette maladie, endémique à l'époque dans tout le pays. L'affaire tourne au roman d'espionnage et Marion, personnage complexe et ambigu, futur mentor d'Erlendur, est bien décidé à trouver le sens du duel entre la vie et la mort qui se joue là. Un nouveau roman d'Indridason qu'il est difficile de lâcher tant l'ambiance, l'épaisseur des personnages, la qualité d'écriture et l'intrigue sont prenantes.

Auteur : Arnaldur Indridason est né à Reykjavik en 1961. Diplômé en histoire, il est journaliste et critique de cinéma. Il est l'auteur de romans noirs couronnés de nombreux prix prestigieux, publiés dans 37 pays.

Mon avis : (lu en avril 2014)
Voilà un nouveau roman d'Indridason qui se déroule en 1972, en pleine guerre froide lors d'un évènement historique et important qui s'est passé en Islande, la confrontation entre deux grands joueurs d’échecs l'Américain Fischer et le Russe Spassky.
Cela commence avec la mort mystérieuse d'un adolescent dans un cinéma, c'est Marion Briem, futur mentor d'Erlendur, qui va mener l'enquête. Une enquête palpitante qui va mêler politique et espionnage et en parallèle le lecteur est plongé dans l'enfance et à la jeunesse de Marion Briem, personnage mystérieux et ambigu.
Même si Erlendur est absent du livre (il n'apparaît que dans les toutes dernières lignes du livre), ce roman est passionnant à plusieurs niveaux, l'enquête intelligente et très bien construite, le contexte historique de cet été 1972 et le personnage de Marion Briem dont l'enfance a été marquée par la tuberculose, maladie qui a touchée à l'époque beaucoup d'Islandais. 

Extrait : (début du livre)
À la fin du film, lorsque la lumière fut rallumée et que les spectateurs eurent quitté la salle, l'ouvreur découvrit le cadavre.
C'était une séance de cinq heures, en milieu de semaine. Comme d'habitude, la caisse avait ouvert soixante minutes avant la projection et le jeune homme avait été le premier à acheter son ticket. La caissière l'avait à peine remarqué. Âgée d'une trentaine d'années, ses cheveux permanentes ornés d'un ruban de soie bleue, sa cigarette posée dans le cendrier, elle était plongée dans un Modes et Travaux danois et avait tout juste levé les yeux lorsqu'il s'était présenté.
- Une entrée ? avait-elle demandé. Il s'était contenté de hocher la tête.
Elle lui avait tendu son billet, rendu sa monnaie et remis le programme avant de reprendre sa lecture. Il avait rangé l'argent dans l'une de ses poches et le ticket dans une autre avant de quitter les lieux.
Il préférait aller au cinéma seul et avait un faible pour la séance de fin d'après-midi. Il achetait toujours un sac de pop-corn et un soda. Il avait également un fauteuil de prédilection dans cette salle, comme dans toutes celles que comptait la ville. Ses places préférées étaient aussi diverses que les cinémas étaient nombreux. S'il allait, par exemple, au Haskolabio, il s'arrangeait pour être assis en haut à gauche. Le Haskolabio, le plus important de la ville, offrait l'écran le plus large. Il tenait à avoir assez de recul, ainsi aucun détail ne lui échappait. Cette distance le mettait également à l'abri d'images parfois choquantes ou trop envahissantes. Quand il optait pour le Nyja Bio, il montait au balcon et s'installait sur l'un des sièges qui longeaient l'allée. Les meilleurs fauteuils au Gamla Bio se trouvaient également au balcon, dans les rangées centrales. Lorsqu'il se rendait au Austurbaejarbio, dans le quartier est, il s'asseyait toujours sur la droite, trois rangs en contrebas de l'entrée. Au Tonabio, il préférait la rangée proche de l'entrée afin de pouvoir étendre ses jambes, à cet endroit l'écran était également à distance respectable. Il en allait de même pour le Laugarasbio. 
Le Hafnarbio différait de tous les autres. Il lui avait fallu longtemps pour trouver son fauteuil de prédilection, le plus petit cinéma de la ville étant des plus Spartiates. On y entrait par un petit hall qui tenait plutôt d'un vestibule, et abritait un stand de confiseries placé entre les deux portes menant à la longue salle étroite au plafond voûté : le Hafnarbio était installé dans l'un de ces baraquements militaires datant de la guerre. Deux allées longeaient les rangées de sièges et on quittait la salle par les deux portes situées à l'autre extrémité du bâtiment, tout près de l'écran. Il s'était parfois assis dans les rangées du haut, parfois à gauche, sur le siège bordant l'allée. Puis, il avait fini par trouver sa place : en haut à droite, au plus près du bord.
Il restait encore un bon moment avant le début du film. Il descendit donc la rue Skulagata jusqu'au rivage et s'installa sur un gros bloc de pierre, au soleil de l'été. Vêtu d'un blouson vert et d'un pull-over blanc, il tenait à la main son cartable dans lequel il transportait un magnétophone presque neuf qu'il sortit pour le poser sur ses genoux. Il plaça dans le compartiment l'une des deux cassettes qu'il avait emportées dans ses poches, appuya sur le bouton rouge qui déclenchait l'enregistrement et orienta l'appareil vers la mer. Puis il l'éteignit, rembobina, enfonça la touche lecture et écouta le ressac sur la bande. Il rembobina une seconde fois, l'essai était terminé. Tout était prêt.
Il avait déjà inscrit le titre du film sur les cassettes.

Challenge Trillers et Polars
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catégorie "Même pas peur" :  26/25

Challenge Voisins Voisines 2014
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Islande

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Challenge Rentrée Hiver 2014

Déjà lu du même auteur :

la_cit__des_jarres La Cité des jarres  la_femme_en_vert La Femme en vert 

la_voix La Voix l_homme_du_lac L'Homme du lac hiver_arctique Hiver Arctique 

 hypothermie Hypothermie la_rivi_re_noire La rivière noire betty Bettý 

la_muraille_de_lave La muraille de lave etranges_rivages Etranges rivages 

91768788 La cité des jarres

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