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A propos de livres...
22 avril 2014

Pour quelques milliards et une roupie - Vikas Swarup

 Lu en partenariat avec Babelio et Belfond

95343032 Belfond - avril 2014 - 425 pages 

traduit de l'anglais (Inde) par Roxane Azimi

Titre original : The accidental apprentice, 2013

Quatrième de couverture :
Vendeuse d’électroménager pour entretenir sa famille, harcelée chaque jour par sa sœur, starlette en devenir, son propriétaire pressé et son patron incompétent, Sapna Sinha voit s’éloigner toujours un peu plus ses rêves d’avenir. Mais voilà qu’un jour, le plus grand patron d’Inde lui offre sa fortune et son entreprise, à condition qu’elle passe sept mystérieuses épreuves. S’agit-il d’un jeu cruel ou se pourrait-il que ses prières soient enfin exaucées ? Embarquée malgré elle dans d’incroyables aventures auprès de stars désespérées, de jeunes fiancées suicidaires et d’enfants exploités, Sapna devra prouver sa vaillance, son empathie et son honnêteté afin de construire un avenir meilleur pour elle et sa famille.

Auteur : Né en 1963 à Allahabad, en Inde, Vikas Swarup est diplomate. Après avoir été en poste en Turquie, aux États-Unis, en Éthiopie, en Grande-Bretagne et en Afrique du Sud, il est actuellement consul général de l’Inde à Osaka, au Japon. Prix Grand Public du Salon du livre 2007, traduit dans quarante-deux langues, son premier roman, Les Fabuleuses Aventures d’un Indien malchanceux qui devint milliardaire (2006), a connu un immense succès international, avant d’être adapté au cinéma par Danny Boyle sous le titre Slumdog millionaire et de rafler huit oscars. Après Meurtre dans un jardin indien (2010), Pour quelques milliard et une roupie est son troisième livre traduit en français.

Mon avis : (lu en avril 2014)
Sapna Sinha est vendeuse d'électroménager, elle fait vivre sa mère malade et sa soeur étudiante qui rêve de devenir une star. Pas facile de gérer ce quotidien sans grande perspective... Et voilà qu'un jour, un inconnu lui propose un étonnant marché, devenir le PDG d'un empire financier d'une valeur de dix milliards de dollars. Où est le piège ? Pourquoi choisir une pauvre petite vendeuse d'électroménager pour lui faire une telle proposition ? Sapna ne croit pas au sérieux de cette proposition et la refuse. Mais finalement, poussée par des soucis d'argent et pour pouvoir garder leur logement elle finit par accepter ce marché incroyable. Pour réussir à devenir le PDG du groupe ABC, elle va devoir passer 7 épreuves pour prouver son aptitude à être chef d'entreprise...
La construction de l'intrigue a quelques ressemblances avec le premier succès de l'auteur "Les Fabuleuses Aventures d’un Indien malchanceux qui devint milliardaire" avec le principe des épreuves. L'histoire est rythmée, haletante. A travers les différentes épreuves, l'auteur a voulu traiter des sujets comme les mariages arrangés, le travail des enfants, la téléréalité... Le lecteur découvre une Inde où traditions et modernité se mêlent. Un livre qui se lit facilement et qui est dépaysant. Une belle découverte.

Merci  Babelio et Belfond pour ce partenariat.

Extrait : (début du livre)
DANS LA VIE
, on n'obtient jamais ce qu'on mérite ; on obtient ce qu'on a négocié.
C'est la première chose qu'il )m'a enseignée.
Voici trois jours que je tente de mettre ce conseil en pratique, négociant fébrilement avec mes accusateurs et persécuteurs pour essayer désespérément d'échapper à la peine de mort qu'ils me réservent d'un commun accord.
Dehors, les médias guettent comme des vautours. Les chaînes d'information font leurs choux gras de mon histoire, exemple édifiant de ce qui arrive quand une collision entre cupidité et crédulité débouche sur une catastrophe sanglante dite homicide volontaire avec préméditation. Elles diffusent en boucle le cliché pris par la police après mon arrestation. Sunlight TV a même exhumé la photo de classe granuleuse de mon école à Nainital ; je suis assise, raide comme un piquet, au premier rang à côté de Mme Saunders, notre prof de quatrième. Mais Nainital me semble loin maintenant, pays de cocagne aux vertes montagnes et aux lacs argentés où mon optimisme juvénile m'avait jadis amenée à croire que l'horizon était infini et l'esprit humain indomptable.
J'ai envie d'espérer, de rêver, de recouvrer la foi, mais la réalité impitoyable m'écrase comme une chape de plomb. J'ai l'impression de vivre un cauchemar, d'être piégée dans le puits sombre et profond d'un désespoir sans nom, dont personne ne sort.
Confinée dans ma cellule aveugle et étouffante, je repense au jour fatidique où tout a commencé. Bien que cela remonte à plus de six mois déjà, je me souviens de chaque détail aussi clairement que si c'était hier. Je me revois me dirigeant vers le temple d'Hanuman dans Connaught Place par cet après-midi gris et froid...
Nous sommes le vendredi 10 décembre, et dans Baba Kharak Singh Marg c'est le tohu-bohu habituel, mélange chaotique de bruit et de chaleur. S'y croisent des bus bringuebalants, des voitures qui klaxonnent, des scooters pétaradants et des auto-rickshaws hoquetants. Pas un nuage dans le ciel, mais le soleil est masqué par le cocktail toxique de la pollution qui s'abat l'hiver sur la ville.
Prudente, j'ai troqué ma tenue de travail contre un modeste salvar kameez bleu ciel, sur lequel j'ai enfilé un cardigan gris. C'est un rituel que j'observe tous les vendredis : je quitte en douce le magasin à l'heure du déjeuner et traverse la place pour me rendre au vieux temple du dieu singe Hanuman.
La plupart des gens vont au temple pour prier ; moi j'y vais pour expier. Je ne me pardonne toujours pas la mort d'Alka. Quelque part, je reste persuadée que c'est arrivé par ma faute. Depuis ce drame affreux, Dieu est mon seul refuge. Et j'entretiens un rapport privilégié avec la déesse Durga qui a son propre sanctuaire à l'intérieur du mandir d'Hanuman.
Lauren Lockwood, mon amie américaine, n'en revient toujours pas que nous ayons trois cent trente millions de dieux. « Bon sang, vous autres hindous, vous savez vous entourer. » D'accord, elle exagère, mais il est vrai que tout temple digne de ce nom abrite les autels d'au moins cinq ou six autres divinités.
Chacune d'elles possède des pouvoirs particuliers. La déesse Durga est l'Invincible qui rattrape les situations les plus désespérées. Après la mort d'Alka, alors que ma vie était un tunnel obscur de tristesse, de chagrin et de regret, elle m'a donné la force. Elle est toujours là quand j'ai besoin d'elle.
Le temple est bondé, ce qui est plutôt rare pour un vendredi après-midi, et je me trouve prise dans le flot incessant des fidèles jouant des coudes pour accéder au saint des saints. Le sol de marbre est frais sous mes pieds nus, et l'air embaume le mélange capiteux de sueur, de santal, de fleurs et d'encens.
Je me joins à la file d'attente réservée aux dames, qui est nettement plus courte, et j'arrive à communier avec Durga Ma en moins de dix minutes.
Mon darshan – le tête-à-tête avec Dieu – achevé, je m'apprête à descendre les marches quand une main s'abat sur mon épaule. Je pivote et me retrouve face à un homme qui me dévisage intensément.
Lorsqu'un inconnu aborde une jeune femme à Delhi, le premier réflexe de celle-ci est d'attraper la bouteille de spray au poivre qu'elle garde toujours à portée de main. Mais celui qui me fait face n'a rien d'un traîne-savates désœuvré. C'est un monsieur âgé, vêtu d'un pyjama kurta en soie blanc cassé, un pashmina blanc drapé négligemment sur les épaules. Grand, la peau claire, il a un nez aquilin, une bouche dure et déterminée, et son visage est encadré d'une crinière blanche comme la neige, coiffée en arrière. Un tika vermillon lui orne le front. Ses doigts sont chargés de bagues serties de diamants et d'émeraudes. Mais c'est son regard pénétrant qui me trouble le plus. Il me fixe si franchement que c'en est intimidant. Voici un homme qui a manifestement l'habitude de commander.
— Puis-je vous dire deux mots ? demande-t-il d'une voix saccadée.
— Qu'est-ce que vous voulez ?
Je prends un ton sec, mais moins acerbe que d'ordinaire, eu égard à son âge.
— Je m'appelle Vinay Mohan Acharya, dit-il posément, et je dirige Acharya Business Consortium. Avez-vous entendu parler du groupe ABC ?
Je hausse les sourcils en guise d'assentiment. Il s'agit d'un des plus gros groupes industriels en Inde, qui produit de tout, depuis le dentifrice jusqu'aux turbines.
— J'ai une proposition à vous faire, qui va changer radicalement le cours de votre vie. Donnez-moi dix minutes, et je vous expliquerai.
Ces paroles, je les ai déjà entendues maintes fois. Dans la bouche de courtiers en assurances qui viennent vous relancer chez vous et de représentants de commerce qui font du porte-à-porte pour vendre des produits d'entretien.
— Je n'ai pas dix minutes, dis-je. Il faut que je retourne travailler.
— Écoutez-moi au moins, insiste-t-il.
— Eh bien, allez-y.
— J'aimerais vous offrir la chance de devenir P-DG du groupe ABC. C'est-à-dire la direction d'un empire financier d'une valeur de dix milliards de dollars.
Je sais maintenant qu'il faut se méfier de lui. Il parle comme un escroc, comme ces vendeurs à la sauvette dans Janpath qui cherchent à vous fourguer des ceintures en faux cuir et des paquets de mouchoirs bon marché. Je guette le demi-sourire qui me prouverait qu'il plaisante, mais son visage demeure impassible.
— Ça ne m'intéresse pas, lui dis-je fermement en commençant à descendre.
Il m'emboîte le pas.
— Vous êtes en train de me dire que vous refusez l'offre du siècle, plus d'argent que vous n'en gagneriez en l'espace de sept vies ?
Sa voix est cinglante comme un coup de fouet.
— Écoutez, monsieur Acharya ou qui que vous soyez. J'ignore à quoi vous jouez, mais je vous l'ai dit, ça ne m'intéresse pas. Alors soyez gentil, cessez de me harceler.
Je récupère mes mules Bata auprès de la vieille dame à l'entrée du temple qui garde les chaussures moyennant un petit pourboire.
— Vous devez croire qu'il s'agit d'une blague, déclare-t-il en enfilant une paire de sandales marron.
— Pourquoi, ce n'en est pas une ?
— Je n'ai jamais été aussi sérieux.
— Dans ce cas, vous devez faire partie d'une émission style Caméra cachée. Et au moment où je dirai oui, vous me montrerez toutes ces caméras qui vous suivent partout.
— Vous voyez un homme de mon rang participer à des émissions débiles ?
— Ma foi, ce n'est pas plus débile que d'offrir votre empire financier à de parfaits inconnus. Je me demande même si vous êtes bien celui que vous prétendez être.
— Bien vu.
Il hoche la tête.
— Un fond de scepticisme, c'est toujours sain.
Il sort un portefeuille en cuir noir de sa kurta et me tend une carte de visite.
— Peut-être que ceci finira de vous convaincre.
J'y jette un rapide coup d'œil. C'est impressionnant, une sorte de plastique translucide avec le logo du groupe ABC en relief et VINAY MOHAN ACHARYA, PRÉSIDENT gravé en gras.
— N'importe qui peut faire imprimer ça pour quelques centaines de roupies, dis-je en lui rendant sa carte.
Il en tire une autre de son portefeuille.
— Et celle-ci ?
C'est une carte Centurion d'American Express, toute noire, au nom de Vinay Mohan Acharya. J'ai rencontré cette espèce rare une seule fois, quand un entrepreneur bling-bling de Noida l'a sortie pour payer un téléviseur Sony LX-900 de 60 pouces qui valait presque quatre cent mille roupies.
— Ça ne change pas grand-chose.
Je hausse les épaules.
— Comment puis-je savoir que ce n'est pas une fausse ?
Nous avons déjà traversé le parvis du temple et nous approchons de la route.
— Voici ma voiture, dit-il en désignant une auto rutilante garée le long du trottoir.
Un chauffeur en casquette et uniforme blancs est assis au volant. Un homme armé en treillis émerge du siège avant et se fige au garde-à-vous. Acharya fait claquer ses doigts, et l'homme se précipite pour ouvrir la portière arrière. Son zèle servile n'a rien de feint : il est le fruit de longues années d'obéissance inconditionnelle. Je note, admirative, que la voiture est une Mercedes CLS-500 gris argenté, dont le prix va chercher dans les neuf millions de roupies.
— Une seconde, dit Acharya en se baissant.
Il attrape un magazine sur le siège arrière et me le tend.
— Je l'avais gardé en dernier recours. Si avec ça vous n'êtes pas convaincue, alors il n'y a plus rien à faire.
C'est un exemplaire du Business Times daté de décembre 2008. Avec un portrait en couverture, et le gros titre : « L'homme d'affaires de l'année ». Je regarde son visage, puis l'homme qui se tient en face de moi. Pas de doute : c'est la même crinière blanche rejetée en arrière, le même nez busqué, les mêmes yeux perçants. Je suis bien devant l'industriel Vinay Mohan Acharya.
— OK, je concède. Vous êtes donc M. Acharya. Qu'est-ce que vous me voulez ?
— Je viens de vous le dire. Vous nommer à la tête de mon groupe.
— Et vous imaginez que je vais vous croire ?
— Donnez-moi dix minutes, et vous serez obligée de me croire. Est-ce qu'on peut s'asseoir quelque part pour parler ?
Je consulte ma montre. Il me reste encore vingt minutes de pause déjeuner.
— On n'a qu'à aller au café, là-bas.
Je montre du doigt le bâtiment délabré de l'autre côté de la route qui sert de QG aux amateurs des derniers potins.
— J'aurais préféré le Lobby Lounge au Shangri La, dit-il à contrecœur, comme quelqu'un qui consentirait un sacrifice. Cela ne vous ennuie pas qu'un de mes collaborateurs se joigne à nous ?
Il n'a pas fini sa phrase qu'un homme se matérialise devant nous, tel un fantôme émergeant de la foule de passants. Bien plus jeune, la trentaine vraisemblablement, il porte avec décontraction un survêtement Reebok bleu roi sous lequel se dessine un corps musculeux d'athlète. J'effleure du regard ses cheveux coupés en brosse, ses petits yeux de furet et sa bouche mince et cruelle. Son nez légèrement de travers, comme à la suite d'une fracture, est la seule chose qu'on remarque dans un visage par ailleurs ordinaire. J'imagine qu'il devait suivre discrètement Acharya depuis le début. Ses yeux perçants ne cessent de pivoter à droite et à gauche, scrutant les environs avec le professionnalisme d'un garde du corps, avant de se poser sur moi.
— Je vous présente Rana, mon bras droit.
Je hoche poliment la tête, me ratatinant sous son regard glacé.
— On y va ? demande Rana.
Il a une voix rauque, grinçante, comme des feuilles mortes qui crissent sous les pas. Sans attendre ma réponse, il nous précède vers le passage souterrain.
L'odeur envahissante de dosas, galettes de riz et lentilles, en train de frire et de café grillé assaille mes narines dès que je franchis la porte battante du troquet. Je vois Acharya qui fronce le nez, regrettant déjà sa décision de venir ici. C'est l'heure du déjeuner, et la salle est bondée.
— Il faut compter vingt minutes d'attente minimum, nous informe le gérant.
Rana lui glisse un billet plié de cent roupies, et aussitôt on nous dresse une table dans un coin. Acharya et son acolyte s'installent d'un côté, et je prends place sur l'unique chaise en face d'eux. Rana commande d'un ton bref trois cafés filtre, puis Acharya prend le relais. Son regard plonge dans le mien.
— Je vais être franc avec vous. Ceci est un pari hasardeux pour moi. Alors, avant de vous exposer mon projet, j'aimerais que vous me parliez un peu de vous.
— En fait, il n'y a pas grand-chose à dire.
— Commencez par votre nom, déjà.
— Je m'appelle Sapna. Sapna Sinha.
— Sapna.
Il fait rouler le mot sur sa langue avant d'acquiescer, satisfait.
— C'est bien comme nom. Quel âge avez-vous, Sapna, si je puis me permettre ?
— Vingt-trois ans.
— Et que faites-vous dans la vie ? Vous étudiez ?
— J'ai fait mes études à l'université Kumaun à Nainital. Maintenant je travaille comme vendeuse chez Gulati & Fils. Ils ont un magasin d'électronique et d'électroménager dans Connaught Place.

Challenge Petit Bac 2014
91121022
"Objet" (7)

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Commentaires
N
Je n'ai jamais lu cet auteur mais j'avoue que ce titre me tente moyennement...
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V
Je ne le sens pas ce roman, et pourtant, Meurtre dans un jardin indien fut vraiment un grand plaisir de lecture.
Répondre
V
Je ne le sens pas ce roman, et pourtant, Meurtre dans un jardin indien fut vraiment un grand plaisir de lecture.
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