Du sang sur Abbey Road - William Shaw
Lu en partenariat avec Les Escales
Les Escales Noires - janvier 2014 - 432 pages
traduit de l’anglais par Paul Benita
Titre original : A Song From Dead Lips, 2013
Quatrième de couverture :
Londres, 1968, quartier d'Abbey Road. Le corps nu d'une jeune femme est retrouvé sous un matelas. En charge de l'enquête, le détective Cathal Breen pense à une des fans des Beatles qui campent près du célèbre studio. Après avoir terni sa réputation par un inexplicable acte de lâcheté, Breen sait que cette affaire est son unique chance de sauver sa carrière. Mais ce vieux garçon, encore sous le choc de la mort de son père, va devoir faire face à une société en pleine mutation qui le dépasse. Et personne n'incarne mieux cette nouvelle réalité que la jeune inspectrice chargée de l'assister. Le duo improbable est loin d'imaginer que, dans le swinging London où sexe, drogue et pop music échauffent les esprits, il va se retrouver plongé dans un cocktail explosif de corruption, de tensions raciales et de trafic d'armes...
Auteur : William Shaw a écrit sur la culture populaire et underground pour The Observer et le New York Times. En tant que contributeur pour le magazine Details, il a suivi les New Age Travellers, infiltré la scène musicale néo-nazie américaine et vécu un mois à la façon des hommes de Cro-Magnon dans le désert de l'Utah.
Mon avis : (lu en février 2014)
1968, Londres quartier de Abbey Road évidement le lieu tout comme l'époque font penser aux Beatles... C'est dans cette atmosphère "so british" que se déroule ce roman policier très réussi. Dès le début, le cadavre d'une jeune fille nue est découvert près d'un tas d'ordures au fond d'une ruelle. L'enquête est mené par l'inspecteur Breen et Helen une jeune inspectrice stagiaire.
Ce duo improbable est très attachant. Breen vient de perdre son père qui vivait avec lui, d'origine irlandaise, il n'a jamais été vraiment intégré au poste de police. En plus dernièrement, par lâcheté il a fuit alors qu'un de ses collègues était menacé d'un couteau par un cambrioleur. Il a donc à coeur de résoudre cette difficile enquête. Découvrir l'identité de la victime et comprendre comment, pourquoi et par qui a-t-elle été tuée ?
Helen Tozer, sa nouvelle coéquipière, a du caractère, elle n'hésite pas à se révolter contre le maschisme de ses collègues policiers. Elle cache un drame familiale. Elle est fan de la première heure des Beatles. L'intrigue est vraiment très bien construite, palpitante, il est question de racisme, de guerre au Biafra, de drogue, de fans, de trafics...
Tout au long du livre, des petits détails : disques vinyles, tourne disques, machines à écrire, mini-jupes, nous rappellent que l'intrigue se situe à la fin des années 60. Sans oublier l'absence de téléphone portable qui pourtant aurait été bien utile durant l'enquête...
En fin de livre, une note de l'auteur très intéressante donne des précisions sur quelques faits réels de l'époque évoqués dans le livre.
Merci Anaïs et les éditions Les Escales pour m'avoir permis de découvrir ce roman policier très réussi.
Extrait : (début du livre)
— Pourquoi n’y es-tu pas allé quand je te l’ai dit, avant de quitter la maison ?
La question est adressée à un petit garçon en culotte courte et en colère. Nounou, les cheveux fous dans le vent d’octobre, conduit
l’immense poussette Silver Cross de la main droite et traîne le garçon de la gauche. Bébé a abandonné Ninou, son éléphant en
peluche, et pleurniche sous la couverture jaune. Ils reviennent du parc. Aucune autre nounou n’y était. Il faisait trop froid, mais la
mère des enfants tient à ce qu’ils sortent tous les matins avant la collation de 11 heures. Maman croit aux bienfaits du grand
air et de l’exercice, bien qu’elle- même préfère rester chez elle à fumer ses Park Drive et à parler pendant des heures au téléphone
comme si ça ne coûtait rien, ou à jouer au solitaire.
— Je te l’avais bien dit, non ?
Nounou se débat pour avancer, façon crabe, les deux bras tendus, l’un poussant, l’autre tirant.
— Non ?
Elle porte la cape bleu marine qu’elle déteste. Des mocassins de grand- mère, noirs à pompons. Maquillage interdit. Jupes sous
le genou. Et Papa a les mains baladeuses.
Le garçon possède déjà l’assurance de celui qui sait que Nounou n’est qu’une employée rémunérée – trois livres dix par semaine,
pension comprise – et peut donc être traitée comme telle.
— C’est maintenant que je dois y aller.
Ses consonnes sont nettes et articulées. Il provient d’une lignée qui croit que donner des ordres requiert un langage impeccable.
— Tu ne peux pas te retenir un peu ? demande Nounou.
Les premières feuilles d’automne volent autour d’eux.
— Cinq petites minutes ?
Le garçon réfléchit une seconde puis répond simplement :
— Non.
— Montre- moi comme tu es fort.
— Je suis fort, mais il faut que je fasse pipi, dit- il d’une voix trop grave pour son âge.
Nounou aurait voulu être plus douée à ce jeu. Elle est jeune, sans expérience. Elle a accepté ce boulot pour échapper à la province.
Elle imaginait Carnaby Street, elle a eu St John’s Wood, un enfant gâté en blazer, culotte courte et fixe- chaussettes, dont le père
veut lui tripoter le derrière dès que la mère a les yeux tournés.
À dix-sept ans, seule et sans personne ici, son unique plaisir est d’écouter Radio Luxembourg le soir. La radio lui dit qu’il en existe
d’autres comme elle quelque part en Angleterre et ça l’empêche de devenir folle. Hier, le disc- jockey a joué Fire de The Crazy World of Arthur Brown et elle aurait voulu que son monde soit aussi dément que ça, que le monde entier brûle dans les flammes.
Ils lui donnent ses dimanches, et alors ? Il ne se passe jamais rien le dimanche. La dernière fois, elle est allée à Kensington juste pour voir les vêtements dans les vitrines éteintes des boutiques.
De toute façon, elle n’aurait pas pu s’en offrir un seul. Elle rêve que David Bailey la repère, qu’il l’habille comme un mannequin pour la prendre en photo et qu’il la rende célèbre, mais si elle ressemble à une vieille sorcière, personne ne la remarquera jamais.
Rien de ce qu’il se passe n’est pour elle. C’est ça, Londres.
— Qu’est- ce que tu chantes ? C’est horrible. Arrête de chanter.
Elle chantait ? Peut- être le tube d’Arthur Brown qui tourne en boucle dans sa tête. Elle décide d’essayer d’ignorer le garçon et de continuer à avancer. Elle remarque que, sous sa couverture jaune, Bébé pleure plus fort. C’est presque l’heure du biberon.
— Tu chantais de la pop music. La pop music n’est qu’un bruit ignoble.
Le perroquet de sa mère.
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