Lu en partenariat avec les éditions MaxMilo
MaxMilo - janvier 2014 - 192 pages
Quatrième de couverture :
Mariée depuis quelques mois, Marianne découvre peu à peu que son mari est égocentrique et dominateur. Avenant et charmant en public, il la rabaisse en privé, impose ses habitudes, favorise sa carrière au détriment de celle de sa femme. À la violence psychologique s’ajoute la violence physique.
Marianne apprend à déchiffrer les humeurs de cet homme pervers, met en place des stratégies pour éviter le conflit, protéger ses trois enfants. N’osant en parler et parce qu’elle pense que ses enfants ont besoin de leur père, elle vivra dix ans dans la gueule du loup.
Plusieurs années après son divorce, elle redoutera encore de rentrer chez elle. Il lui faudra du temps pour se reconstruire.
Elle offre aujourd’hui un témoignage réfléchi sur les mécanismes de la perversité narcissique, du repli sur soi et incite les femmes à ne plus se taire.
Auteur : Journaliste, chargée de communication au ministère de la Défense durant trente ans, Marianne Guillemin collabore à La Tribune/le Progrès. Elle est l’auteur d’Officiers de communication : le parcours des combattantes (2013).
Mon avis : (lu en février 2014)
Voilà un témoignage très fort sur un sujet douloureux dont on ne parle pas beaucoup.
A 20 ans, encore étudiante, Marianne rencontre l'homme qui deviendra son mari. Il a 31 ans, il est journaliste, il est attentionné et elle l'admire. Au début de leur relation, ses changements brusques de comportement auraient du l'alerter. « Il pouvait me hurler dessus, tout casser dans l’appartement et partir en claquant la porte puis revenir tout sourire avec un bouquet de fleurs en me couvrant de baisers et en m’appelant "Ma chérie". » Trop amoureuse, elle ne voit pas le danger. Elle se marie et peu à peu son mari dévoile son vrai visage... En privé, il est tyrannique, égocentrique, il impose toujours son avis, il dévalorise en permanence Marianne. En public, au contraire, il est agréable, charmant... L'arrivée des trois enfants ne va pas changer son comportement caractériel et violent. Marianne organise alors sa vie pour éviter les crises et protéger ses enfants.
« La vie avec un pervers c’est une alternance de moments joyeux, de tendresse, de projets et de désirs partagés qui font croire à un bonheur possible et de moments terribles, de phrases méprisantes et de violences physiques. »
Difficile pour cette jeune femme de parler à ses proches de ses soucis, elle a honte de l'échec de son couple, n'a-t-elle pas aussi sa part de responsabilité de la situation ? « Le doute, la culpabilité, me faisait croire que j'étais responsable de cette situation et que j'avais le pouvoir, le devoir d'arranger les choses. » Marianne ne veut pas séparer les enfants de leur père, elle ne dit rien, elle cloisonne sa vie : au travail, elle est épanouie, souriante, à la maison, c'est la peur et la tension. Il lui faudra 10 ans pour comprendre que la seule solution c'est de le quitter...
Dans ce livre, Marianne revient sur sa vie avec un mari pervers narcissique, il lui a fallu du temps pour se reconstruire et c'est pour aider les femmes qui se trouveraient dans une situation identique qu'elle a écrit ce témoignage poignant, très détaillé et précis. En annexes, elle a également récapitulé quelques conseils :
- Comment aider les victimes de pervers ?
- Caractéristiques du pervers narcissique.
- Paroles de femmes, puisque toutes les histoire sont différentes mais entre en résonances les unes les autres.
Une lecture touchante, intéressante et instructive. A découvrir !
Merci à Ornella et aux éditions MaxMilo pour cette découverte poignante.
Extrait : (Prologue)
Ce récit est inspiré d'une histoire vraie. La mienne.
Les dix années que j'ai vécu aux côtés d'une personnalité perverse auraient pu me détruire et ont laissé une empreinte forte sur la femme que je suis devenue. Il m'a fallu du temps, beaucoup de temps, et de l'aide pour pouvoir regarder cette période de ma vie sans honte et sans (trop) de culpabilité. Aujourd'hui je comprends mieux, j'accepte ma part de responsabilité et surtout je suis convaincue que j'ai agi au mieux. Il n'y avait rien d'autre à faire. Fuir, mettre de la distance et rassembler les morceaux de ma vie.
Je crois que la plupart des femmes restent dans ces situations terribles parce qu'elles ne veulent pas admettre qu'elles se sont trompées. Pendant des années je me disais que les choses allaient s'arranger, qu'il n'était pas seulement cet homme violent et caractériel puisque je l'avais aimé, il n'était pas concevable d'avoir pu ressentir de l'amour pour quelqu'un qui me détruisait.
J'avais eu une enfance heureuse et protégée, élevée par une grand-mère aimante à la mort de mon père, puis par ma mère et un beau-père adorable. J'étais l'aînée d'une fratrie de cinq, trois frères et une sœur avec lesquels je m'entendais bien. J'ai été la première à me marier. Je savais ce qu'était l'amour, j'avais eu sous les yeux un couple qui s'aimait, ma mère m'avait enseigné la joie de vivre, je n'ai même pas l'excuse d'une vie tristounette qui m'aurait précipitée dans les bras du premier venu. On m'avait appris la confiance, le respect de l'autre, la sécurité des sentiments partagés.
Alors ? Je m'étais trompée sur la personne et cette erreur initiale m'enfouissait la tête et le cœur dans le sable. Je préférais oublier les moments difficiles et me concentrer sur le positif. Car la vie avec un pervers n'est pas tissée au rouet du malheur. Non, les fils se croisent, alternance de moments joyeux, de tendresse, de projets et de désirs partagés qui me faisaient croire à un bonheur possible, à portée de main et de bonne volonté.
Puis, quand mes yeux se sont finalement dessillés, quand j'ai fait le bilan des moments difficiles et des rares instants heureux, j'ai voulu l'aider à changer. J'avais alors compris la nature pathologique de son caractère, cette inaptitude chronique à être heureux, la recherche du drame permanent. J'ai cherché à le comprendre, à cerner ce qui avait, dans son vécu d'enfance, entraîné cette déviance. Une mère dure et pourtant fusionnelle, un père absent, défaillant, et surtout, une agression sexuelle à l'adolescence que personne ne prit vraiment en compte. Il fut envoyé en Suisse, dans un internat médicalisé, sur ordre de son parrain, médecin, qui devait avoir saisi l'urgence de la situation (il était tout de même resté six mois sur son lit en refusant d'aller à l'école !). Mais aucun mot de réconfort ne sera mis sur son désarroi.
Je pensais naïvement qu'avec de l'amour je le changerais. Mais les pervers n'ont pas accès à l'amour. Ils cherchent la jouissance immédiate, leur plaisir personnel jusque dans leurs souffrances dont ils tirent un certain plaisir. J'ai essayé alors de changer moi-même, d'être une personne plus adaptée à son caractère. J'évitais de le contrarier, je parlais le moins possible, bref je devenais une ombre avec un seul objectif : éviter le conflit.
Devant l'évidence, je finis par admettre qu'il y avait chez mon mari quelque chose qui avait à voir avec le désordre mental. Je réussis à l'emmener consulter un psychiatre qui confirma le diagnostic sans toutefois préciser de quoi il s'agissait. On essaya alors divers traitements, les régulateurs d'humeur, il y eut un mieux, léger. Mais l'acceptation de la maladie n'allait pas sans heurts et, bientôt, il refusa les traitements.
Il n'était pas malade, disait-il, il avait des problèmes de comportement. Il l'admettait parfois, mais en soulignant que ces problèmes étaient fonction de son entourage (c'est-à-dire moi). Et c'est vrai que je catalysais sa colère, j'augmentais son énervement si je tremblais quand il élevait la voix. C'était un cercle vicieux.
J'ai alors compris que j'avais fait le tour de la question. J'ai tenté de le changer avec de l'amour, puis j'ai essayé de changer moi-même, par amour ; ensuite, j'ai demandé de l'aide au corps médical et un jour, je ne sais plus très bien à quel moment, l'amour a disparu.
Pourtant je ne suis pas partie tout de suite. Le devoir, l'orgueil, ont remplacé les sentiments. Je cherchais encore des solutions, mais je commençais à me préserver et surtout à protéger mes enfants. J'ai mis en place des stratégies d'évitement ; j'avais la chance d'avoir un boulot très prenant, des amis : je tirais ma force de ces moments passés en dehors de chez moi pour l'affronter avec détachement.
Sans la violence, la tension nerveuse permanente qu'il instaurait, je serais restée plus longtemps encore. J'imaginais que c'était mieux pour les enfants, que leurs conditions de vie étaient meilleures ainsi (alors que cette période les a abîmés au contraire) et surtout, au fond de moi, j'avais peur. Peur de ne pas arriver à m'en sortir, peur de ne pas réussir à lui échapper et craignant des représailles, démunie, ne sachant pas où aller et surtout par quel bout commencer pour mettre de l'ordre dans ma vie.
Je m'étais jetée dans la gueule du loup, personne ne m'avait obligée à l'épouser, certains de mes amis avaient même cherché à m'en dissuader. Ou, du moins, avaient tenté de me faire réfléchir. J'étais jeune, j'avais le temps. « Pourquoi t'es-tu mariée ? » demanda quelqu'un, un beau jour. « Parce qu'il me l'a demandé. » C'est aussi simple, aussi stupide que cette réponse. Et en y repensant, je m'apercevais que dans ce guêpier, je m'y étais fourrée toute seule...
À ce stade, j'ai eu des moments d'intense découragement où l'idée de disparaître m'effleurait. Où l'idée de le supprimer, de le pousser par la fenêtre quand il se penchait sur la rambarde en criant qu'il allait sauter, dans ses crises de délire, me surprenait et me faisait honte par la suite.
Challenge Petit Bac 2014
"Animal" (1)
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