Les chaussures italiennes - Henning Mankell
Sixtrid - septembre 2011 - lu par Marc-Henri Boisse
Points - février 2011 - 384 pages
Point2 - mars 2013 - 576 pages
Point - novembre 2013 - 384 pages
traduit du suédois par Anna Gibson
Titre original : Italienska skor, 2006
Quatrième de couverture :
A soixante-six ans, Fredrik Welin vit reclus depuis une décennie sur une île de la Baltique avec pour seule compagnie un chat et un chien et pour seules visites celles du facteur de l'archipel. Depuis qu'une tragique erreur a brisé sa carrière de chirurgien, il s'est isolé des hommes. Pour se prouver qu'il est encore en vie, il creuse un trou dans la glace et s'y immerge chaque matin. Au solstice d'hiver, cette routine est interrompue par l'intrusion d'Harriet, la femme qu'il a aimée et abandonnée quarante ans plus tôt. Fredrik ne le sait pas encore, mais sa vie vient juste de recommencer.
Auteur : Henning Mankell, né en 1948, partage sa vie entre la Suède et le Mozambique. Lauréat de nombreux prix littéraires. Outre la célèbre « série Wallander », il est l'auteur de romans sur l'Afrique ou sur des questions de société, de pièces de théâtre et d’ouvrages pour la jeunesse.
Lecteur : Marc-Henri Boisse acteur et réalisateur.
Mon avis : (écouté en décembre 2013)
C'est un relecture de ce livre sous forme audio. Je gardais un très bon souvenir de cette lecture et je confirme mon coup de cœur avec cette relecture.
Depuis douze ans, Fredrik Welin vit seul avec son chien et son chat dans une île de la Baltique. Il a comme seul contact le facteur qui passe le voir tous les jours même s'il ne reçoit pas de courrier. En plein hiver, Fredrik voit apparaître sur la glace, une vieille femme avec un déambulateur. C'est Harriet, la femme qu'il a abandonnée sans explication, il y a trente-sept ans. Elle est très malade et elle est venue lui demander de tenir une promesse faite autrefois : aller voir un lac aux eaux noirs. Ils partent donc tous les deux pour un voyage en voiture dans la forêt suédoise enneigée et silencieuse à la recherche de ce lac. A la fin du voyage, au fond des bois, Fredrik va faire la rencontre de Louise, puis de Giaconelli, un vieux cordonnier de génie qui lui confectionnera ses chaussures italiennes... Fredrik est alors rattrapé par son passé qu'il décide enfin d'affronter...
Ce livre reste pour moi un grand coup de cœur, les personnages sont attachants, les lieux sont dépaysants et apaisants... Beaucoup de douceur, de poésie et de sensibilité se dégage de ce roman magnifique et poignant.
Extrait : (début du livre)
Je me sens toujours plus seul quand il fait froid.
Le froid de l'autre côté de la vitre me rappelle celui qui émane de mon propre corps. Je suis assailli des deux côtés. Mais je lutte, contre le froid et contre la solitude. C'est pourquoi je creuse un trou dans la glace chaque matin. Si quelqu'un, posté sur les eaux gelées avec des jumelles, me voyait faire, il me prendrait pour un fou. Il croirait que je prépare ma mort. Un homme nu dans le froid glacial, une hache à la main, en train de creuser un trou ?!
Au fond je l'espère peut-être, ce quelqu'un, ombre noire dans l'immensité blanche qui me verra un jour et se demandera s'il ne faut pas intervenir avant qu'il soit trop tard. Pour ce qui est de me sauver, en tout cas, c'est inutile. Je n'ai pas de projets de suicide.
Dans un autre temps, juste après la catastrophe, il m'est arrivé, oui, de vouloir en finir. Pourtant, je ne suis jamais passé à l'acte. La lâcheté a toujours été une fidèle compagne de ma vie. Maintenant comme alors, je pense que le seul enjeu, pour un être vivant, est de ne pas lâcher prise. La vie est une branche fragile suspendue au-dessus d'un abîme. Je m'y cramponne tant que j'en ai la force. Puis je tombe, comme les autres, et je ne sais pas ce qui m'attend. Y a-t-il quelqu'un en bas pour me recevoir ? Ou n'est-ce qu'une froide et dure nuit qui se précipite à ma rencontre ?
La glace se maintient.
L'hiver est rude, en cette année des débuts du nouveau millénaire. Quand je me suis réveillé ce matin, dans l'obscurité de décembre, j'ai cru entendre la glace chanter. Je ne sais pas d'où me vient cette idée que la glace chante. Peut-être de mon grand-père, qui est né sur cette île ; peut-être est-ce quelque chose qu'il me racontait quand j'étais petit.
Le bruit qui m'a réveillé ne venait pas de la chatte, ni de la chienne. J'ai deux animaux qui dorment plus profondément que moi. Ma chatte est vieille et pleine de courbatures ; ma chienne est sourde de l'oreille droite et elle entend mal de l'oreille gauche. Je peux passer à côté d'elle sans qu'elle s'en aperçoive.
Mais ce bruit ?
J'ai écouté dans le noir. Vu la provenance du son, ce devait être la glace qui bougeait, malgré tout – bien qu'ici, au fond de la baie, elle ait une épaisseur d'au moins dix centimètres. Un jour de la semaine dernière où j'étais plus inquiet que d'habitude, je suis parti à pied vers l'endroit où la glace rencontre la mer. J'ai vu alors que la glace s'étendait sur plus d'un kilomètre au-delà des derniers îlots. Ici, au fond de la baie, elle ne devrait donc pas être en mesure de bouger. Pourtant, ce matin, elle bougeait. Elle se soulevait, s'abaissait, craquait et chantait.
Déjà lu du même auteur :
Tea-Bag Les chaussures italiennes
Meurtriers sans visage Les chiens de Riga
L'homme inquiet Le Retour du professeur de danse
La lionne blanche Profondeurs Le Chinois
L’homme qui souriait Le guerrier solitaire
La faille souterraine et autres enquêtes La cinquième femme
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