Double jeu - Jean-Philippe Blondel
Actes Sud Junior - août 2013 - 135 pages
Quatrième de couverture :
"Changer. C'est ce qu'ils veulent tous. Il faut que j'arrête de poser des problèmes aux adultes. Que je cesse d'être dans leur ligne de vision, de mire, de tir. Que je bouge de là. C'est ce que je voudrais, oui. A l'intérieur, je bous. J'aimerais être loin. Loin, genre à l'autre bout du monde. Me réinventer une existence avec un début moins pourri".
Quentin, nouveau dans son lycée, est enrôlé dans un cours de théâtre pour jouer dans la pièce de Tennessee Williams La Ménagerie de verre. Comme le personnage qu'il interprète, le garçon est tiraillé entre l'envie de tout plaquer pour voir le monde et celle de se battre. D'affronter, Les parents, Les profs, Les élèves, Les spectateurs, l'avenir.
Auteur : Né en 1964, Jean-Philippe Blondel est professeur d'anglais dans un lycée à côté de Troyes. Après son premier roman, Accès direct à la plage (2003), qui a rencontré un vif succès, il a publié plusieurs romans, This is not a love song (2007), Le baby-sitter (2010), G229 (2011) et récemment Et rester vivant (2011). Il a écrit aussi des romans pour adolescents, comme Blog (2010) et (Re)play !(2011).
Mon avis : (lu en novembre 2013)
Quentin a été renvoyé de son lycée en fin de seconde. Il fait donc sa rentrée dans un nouveau lycée, un établissement dans un quartier plus favorisé. Son ancien proviseur espère que loin des mauvaises fréquentations de son quartier, Quentin va abandonner son comportement insolent et saisir sa chance pour se construire un avenir.
Quentin est un peu perdu dans cette nouvelle classe, il se sent étranger face à ses camarades issus d'un milieu plus aisé qui gardent leurs distances.
Grâce à sa rencontre avec une professeur de français « la Fernandez », Quentin va avancer dans sa vie. Il commencera par la provoquer, elle sera lui répondre et lui fera découvrir le théâtre avec le rôle de Tom dans la pièce "La ménagerie de verre" de Tennessee Williams .
J'ai beaucoup aimé cette professeur exigeante mais également attentive à ses élèves qui va savoir guider Quentin, lui faire prendre confiance en lui. Quentin est également un adolescent attachant, sa relation avec sa petite sœur Anna est touchante.
Le livre n'est pas découpé en chapitres, mais en actes et en scènes comme dans une pièce de théâtre. Un très beau roman que je conseille à tous de découvrir, adultes comme adolescents...
Note : ♥♥♥♥♥
Extrait : (début du livre)
DÉJÀ CINQ JOURS QU'ON EST RENTRÉS. Je raye avec application les pages de mon agenda. Je me demande combien de temps je vais tenir. J'écoute d'une oreille le cours d'histoire-géo. Ce qui est bien, avec cette matière-là, c'est que tu peux t'absenter mentalement sans aucun problème. On ne te demande pas de participer. Tu prends des notes ou tu fais semblant et ça suffit pour faire le bonheur du prof, Largentier.
Je m'évade. Je me demande ce que font les autres, à Saint-Ex, mon ancien bahut. Mais c'est idiot. De toute façon, la classe de seconde de l'an dernier a été éclatée - il y a tous ceux qui, comme Dylan, sont passés en STMG, pour faire dans le commercial ou pour glander ; les quelques têtes de classe qui sont maintenant en scientifique ; ceux qui ont quitté le lycée, les trois ou quatre redoublants et la poignée qui a opté pour ES. Je crois qu'il n'y a qu'Astrid et moi qui ayons choisi la filière littéraire. Enfin, "choisi", c'est un bien grand mot dans mon cas même si, au fond, c'est ce qui m'intéresse le plus. J'aimerais bien savoir ce que devient Astrid. Je l'aimais bien, cette fille. Elle ne faisait pas d'histoires, ne fayotait jamais, ne rentrait pas dans les conflits. Elle suivait son chemin. Je pourrais lui téléphoner. J'ai son numéro de portable. Mais bon, je ne sais pas trop ce que je lui dirais. On n'était pas proches, non plus. Elle riait de temps à autre aux blagues qu'on faisait, avec Dylan, et puis c'est tout. Je me demande qui ils ont en histoire-géo. Je n'ai eu aucune nouvelle de personne, excepté Dylan, depuis que je suis ici.
Tout seul.
Seul à cette table aussi, au fond, à droite. Personne pour s'asseoir à côté de moi. Normal. Ils se connaissent tous, ils étaient déjà à Clemenceau l'an dernier - à part les neuf ou dix énergumènes qui ont voulu faire l'option théâtre ici parce que, paraît-il, c'est la meilleure du département, voire de la région. Eux aussi, ils ont déjà noué des liens. Au début, ils étaient prêts à m'inclure dans leur groupe, mais quand ils ont su que je venais de Saint-Ex, et surtout que je ne suivais pas les cours d'art dramatique, comme ils disent, ils m'ont vite laissé de côté. Je ne m'en plains pas. Je n'ai pas envie d'être aggloméré. Je ne fais pas partie de cette classe. Ni de ce lycée. Ni de ce coin de la ville. Je suis un électron libre. Voilà. J'aime bien me dire ça, "électron libre", ça me rassure.
Ça ne rassure pas tellement les profs.
Avec la tête que je tire et les casseroles que je traîne, ils s'attendent à tout de ma part, je suis sûr. J'imagine aussi que la plupart d'entre eux ont déjà leur idée toute faite, je suis un emmerdeur et ils attendent le premier pas de travers pour me saquer et me virer. Ou alors, ils ont peur. Je suis persuadé que Largentier, par exemple, est terrifié. C'est le genre de gars qui doit trembler dans ses chaussettes quand j'entre dans la classe le matin, et qui doit prier pour que tout se passe normalement.
Il ne devrait pas s'inquiéter comme ça. Je ne ferai pas de vagues - surtout si je ne trouve pas d'autre surfeur pour m'entraîner dans les rouleaux. Je me suis signé un contrat moral. On n'aura rien à me reprocher question attitude. Ce n'est pas pour ça que je me mettrai à travailler non plus, faut pas exagérer.
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