Mãn - Kim Thúy
Challenge Destination Vietnam : 26 octobre 2013
proposé par evertkhorus
Liana Levi - mai 2013 - 143 pages
Quatrième de couverture :
« Maman et moi, nous ne nous ressemblons pas. Elle est petite, et moi je suis grande. Elle a le teint foncé, et moi j’ai la peau des poupées françaises. Elle a un trou dans le mollet, et moi j’ai un trou dans le cœur. »
Auteur : Kim Thúy, née à Saigon pendant l’offensive du Têt, a fui le Vietnam avec d’autres boat people à l’âge de dix ans pour rejoindre Montréal. Tour à tour couturière, interprète, avocate, chroniqueuse culinaire, elle se consacre désormais à l’écriture. Ru, son premier roman, a enthousiasmé les lecteurs de vingt pays. En France, il a obtenu le Grand Prix RTL-Lire 2010.
Mon avis : (lu en juillet 2013)
Le titre, c'est le prénom de sa narratrice, qui signifie en vietnamien « parfaitement comblée » ou « qu'il ne reste rien à désirer », ou « dont tous les vœux ont été exaucés ». Mãn va quitter le Vietnam et émigrer au Canada grâce à son mariage avec un restaurateur vietnamien québécois. Elle s'investit dans son travail et réussit avec sa cuisine à rendre heureux ses clients. Elle rencontre Julie, une occidentale, qui deviendra sa meilleure amie et qui va l’ouvrir au monde. Mãn découvrira que l'on peut dire « je t'aime » à ses proches, embrasser ses enfants… exprimer ses émotions. Grâce à la parution et au succès de son livre de cuisine, Mãn va aller à Paris et rencontrer Luc...
Les chapitres sont très courts, chacun est introduit dans la marge par un mot vietnamien et sa traduction en français. Le récit suit parallèlement le parcours de Màn et celui de sa mère.
J'ai retrouvé dans l'écriture sobre de Kim Thúy toute la poésie, la justesse et la douceur que j'avais apprécié dans Ru.
Extrait : (début du livre)
mẹ
•
mères
Maman et moi, nous ne nous ressemblons pas. Elle est petite, et moi je suis grande. Elle a le teint
foncé, et moi j’ai la peau des poupées françaises. Elle a un trou dans le mollet, et moi j’ai un trou
dans le cœur.
Ma première mère, celle qui m’a conçue et mise au monde, avait un trou dans la tête. Elle était une
jeune adulte, ou peut-être encore une fi llette, car aucune femme vietnamienne n’aurait osé porter
un enfant sans porter un jonc au doigt.
Ma deuxième mère, celle qui m’a cueillie dans un potager au milieu des plants d’okra, avait un trou
dans la foi. Elle ne croyait plus aux gens, surtout quand ils parlaient. Alors, elle s’est retirée dans
une paillote, loin des bras puissants du Mékong, pour réciter des prières en sanskrit.
Ma troisième mère, celle qui m’a vue tenter mes premiers pas, est devenue Maman, ma Maman. Ce
matin-là, elle a voulu ouvrir ses bras de nouveau. Alors, elle a ouvert les volets de sa chambre, qui
jusqu’à ce jour étaient restés fermés. Au loin, dans la lumière chaude, elle m’a vue et je suis devenue
sa fille. Elle m’a donné une seconde naissance en m’élevant dans une grande ville, un ailleurs
anonyme, au fond d’une cour d’école, entourée d’enfants qui m’enviaient d’avoir une mère enseignante et marchande de bananes glacées.
Déjà lu du même auteur :