La Table Ronde - 1946 - 127 pages
Bordas - 1979 - 125 pages
La Table Ronde - juillet 1993 - 122 pages
La Table Ronde - mars 2008 - 128 pages
Quatrième de couverture :
L'Antigone de Sophocle, lue et relue et que je connaissais par cœur depuis toujours, a été un choc soudain pour moi pendant la guerre, le jour des petites affiches rouges. Je l'ai réécrite à ma façon, avec la résonance de la tragédie que nous étions alors en train de vivre.
Jean Anouilh.
Auteur : Jean Anouilh est né à Bordeaux le 23 juin 1910. Très jeune il se passionne pour le théâtre ; en 1930 il quitte son emploi dans la publicité pour devenir secrétaire de Louis Jouvet. Il écrit des pièces et obtient son premier succès en 1937 avec « Le voyageur sans bagage ». Auteur prolifique, il ne cesse d'écrire, en 1944 il crée « Antigone » qui reste encore aujourd'hui une des pièces les plus jouées. Jean Anouilh décède le 3 octobre 1987 en laissant une œuvre considérable.
Mon avis : (lu en octobre 2013)
Je n'aurai sans doute jamais lu cette pièce de théâtre si je n'avais pas lu le dernier livre de Sorj Chalandon, "Le quatrième mur".
Jean Anouilh s'est inspiré du mythe antique d'Antigone, il a voulu que le personnage d’Antigone soit l'allégorie de la Résistance qui s'oppose aux lois dictées par Créon (Pétain), et qu'elle juge iniques. Antigone refuse la facilité et préfère se rebeller, ne voulant pas céder à la fatalité... Créon, lui, revendique de faire un « sale boulot » parce que c'est son rôle et qu'il faut bien que quelqu'un le fasse. Jean Anouilh, en écrivant cette pièce de théâtre, dénonce la passivité de certains face aux lois dictées par les nazis. Antigone symbolise la résistance qui s'obstine malgré les dangers encourus.
Cette pièce a été représentée pour la première fois au théâtre de l'Atelier à Paris le 4 février 1944, durant l'Occupation allemande.
Ce texte est fort, l'écriture est simple, même si le sujet évoque des époques lointaines, le lecteur comprend très bien l'actualité du texte en 1944. Et après cette lecture, je comprends encore mieux le symbole qu'était dans "Le quatrième mur" : « monter l'Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth. Voler deux heures à la guerre, en prélevant dans chaque camp un fils ou une fille pour en faire des acteurs. »
Comme j'avais terminé de lire ce texte, mon plus jeune fils, élève de Seconde, m'a dit : « Au fait, le prof de français nous a demandé de lire cette pièce de théâtre. » Nous aurons donc prochainement l'occasion d'en discuter...
Extrait : (début du livre)
Le Prologue
Voilà. Ces personnages vont vous jouer l'histoire d'Antigone. Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. Elle pense qu'elle va être Antigone tout à l'heure, qu'elle va surgir soudain de la maigre jeune fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux dans la famille et se dresser seule en face du monde, seule en face de Créon, son oncle, qui est le roi. Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout... Et, depuis que ce rideau s'est levé, elle sent qu'elle s'éloigne à une vitesse vertigineuse de sa sœur Ismène, qui bavarde et rit avec un jeune homme, de nous tous, qui sommes là bien tranquilles à la regarder, de nous qui n'avons pas à mourir ce soir.
Le jeune homme avec qui parle la blonde, la belle, l'heureuse Ismène, c'est Hémon, le fils de Créon. Il est le fiancé d'Antigone. Tout le portait vers Ismène : son goût de la danse et des jeux, son goût du bonheur et de la réussite, sa sensualité aussi, car Ismène est bien plus belle qu'Antigone, et puis un soir, un soir de bal où il n'avait dansé qu'avec Ismène, un soir où Ismène avait été éblouissante dans sa nouvelle robe, il a été trouver Antigone qui rêvait dans un coin, comme en ce moment, ses bras entourant ses genoux, et il lui a demandé d'être sa femme. Personne n'a jamais compris pourquoi. Antigone a levé sans étonnement ses yeux graves sur lui et elle lui a dit «oui» avec un petit sourire triste... L'orchestre attaquait une nouvelle danse, Ismène riait aux éclats, là-bas, au milieu des autres garçons, et voilà, maintenant, lui, il allait être le mari d'Antigone. Il ne savait pas qu'il ne devait jamais exister de mari d'Antigone sur cette terre et que ce titre princier lui donnait seulement le droit de mourir.
Cet homme robuste, aux cheveux blancs, qui médite là, près de son page, c'est Créon. C'est le roi. Il a des rides, il est fatigué. Il joue au jeu difficile de conduire les hommes. Avant, du temps d'Œdipe, quand il n'était que le premier personnage de la cour, il aimait la musique, les belles reliures, les longues flâneries chez les petits antiquaires de Thèbes. Mais Œdipe et ses fils sont morts. Il a laissé ses livres, ses objets, il a retroussé ses manches et il a pris leur place.