Lu en partenariat avec Max Milo Editions

un_p_re_en_col_re Max Milo Editions - mars 2013 - 222 pages

Quatrième de couverture : 
Et si c’était au tour des parents de se rebeller ?
« Un père en colère » : la révolte d’un homme dépassé par le comportement de ses enfants. Sa lutte pour reconstruire sa famille et renouer avec sa femme. Son cri pour raviver la tendresse dans le cœur de ses deux adolescents en dérive.
Une fiction à l'intrigue implacable, qui ne triche pas avec la réalité et qui creuse au fond de notre époque pour en extraire la voie de l’espérance.

Auteur : Jean-Sébastien Hongre est l'auteur de Un joueur de poker (Anne Carrière, 2010). Originaire de Picardie, il vit à Paris.

Mon avis : (lu en août 2013)
Une famille à la dérive avec un couple divorcé, des enfants qui ont pris le pouvoir et une mère prisonnière dans son propre logement... Voilà le départ de ce roman, Stéphane et Nathalie se sont rencontrés dans une librairie, ils se sont aimés et se sont installés dans une jolie maison à côté de Paris. Ils ont élevé leurs deux enfants Fred et Léa.
Vingt ans après, Nathalie a été victime d'un accident de voiture et Stéphane crie sa colère vis à vis de ses enfants devenus des monstres, ingrats, qui préfèrent trafiquer ou dealer plutôt que se mettre au travail... Une réflexion sans concession de notre société, de l'éducation que nous donnons ou non à nos enfants et des conséquences. Un roman qui se lit facilement. Stéphane, le père en colère, est touchant et attachant, il ose parler, être lucide sur le comportement de ses enfants qu'il réprouve. Il se sent coupable de ne pas avoir réagi plus tôt laissant ses propres enfants prendre le dessus et faire leur loi... Une belle découverte très instructive.
Merci à Jean-Sébastien Hongre, à Pauline et à Max Milo Editions pour m'avoir permis de découvrir ce livre. 

Autre avis : Canel

Extrait : (début du livre)
Stéphane remonte la rue principale de Saugny au ralenti, pour se donner le temps, se calmer, reconstituer quelques forces après une journée éprouvante. Au coup de fil de Nathalie, il a deviné qu'il aura besoin de sang-froid. Il lui faudra contrôler son agacement et les effets de la fatigue accumulée. De rares piétons, tête baissée, ombres craintives, se hâtent de rentrer chez eux. Stéphane entend presque les verrous des serrures qui claquent derrière eux lorsque, enfin, ils atteignent leur asile pour la nuit. Cela fait plusieurs années que dans cette petite ville de banlieue, la rue est désertée dès la fin du jour.
Il gare sa 106 le long du trottoir, devant la grande maison en briques rouges. À peine le seuil franchi, il soupire : les cendriers pleins, la boîte de pizza par terre, la dizaine de canettes de bière 8-6 vides sur la table, tout ce désordre lui donne la nausée. Il a un haut-le-coeur tandis qu'il progresse lentement dans la pièce. Il slalome en évitant tout contact avec les détritus, s'oriente à la musique et aux rires en grimaçant. « Ils » sont là, cela ne fait pas de doute, songe-t-il. Devant l'entrée de la cuisine, il se fige malgré lui ; ses muscles se rétractent, tout son être se recroqueville, comme pour se prémunir d'avance des coups qu'il risque de prendre. Cela l'humilie d'être à 48 ans dans cet état de fébrilité, lui qui sait gérer son stress au bureau. Mais il doit passer par là pour retrouver Nathalie, répondre à son appel à l'aide, l'extraire du piège. En bruit de fond, un animateur radio s'esclaffe avec de jeunes auditeurs sur les
« fellations profondes », avant d'annoncer la session « Rap Anthologie » et le groupe Lunatic.

En poussant la porte, Stéphane est saisi à la gorge par une épaisse fumée et une odeur de haschisch qui lui brûle les narines. Il découvre quatre jeunes d'une vingtaine d'années dont, face à lui, un beur aux tatouages imposants qu'il connaît de vue, Rachid. À sa gauche, Kamel, un autre jeune beur, un maigrichon à la tête de fouine qu'il se rappelle avoir souvent croisé. L'un roule un joint, l'autre se sert un whisky. Au bout de la table, Léa se tartine un sandwich avec du pain de mie et du jambon sous vide. Fred, de dos, rigole bruyamment, puis cesse lorsque les regards de ses amis se fixent sur Stéphane. Le voilà qui se retourne.
Avec son oreillette branchée à l'iPhone, son survêtement de marque, ses bagues de mauvais goût, Fred ressemble à la version « blanc » d'Anelka ; même apparence « bling-bling », même air suffisant, même allure d'adolescent révolté à deux doigts de sortir de la pièce en claquant la porte, et dans les yeux une lueur provocante et agressive. Il a encore forci, tout en muscles. L'apparente puissance de son corps est sûrement indispensable dans son monde, songe Stéphane. Lui a toujours traîné un physique maladif d'intellectuel. Il n'a jamais vraiment aimé ce corps maigre, instable, souvent atteint de bronchites chroniques durant sa jeunesse, sans cesse en trahison ouverte, le poussant à se réfugier dans les livres, les jeux de l'esprit, et plus tard dans les innombrables mystères des mathématiques. Son corps a comme refusé de prendre de l'assurance, lui léguant avec le temps la taille d'un grand enfant chétif et des bras trop maigres. Avec l'esprit logique par lequel il analyse chaque chose, il a conclu depuis longtemps que son physique, quoi qu'il fasse, le desservirait. Il a décidé de ne pas lui donner d'importance, de l'oublier en quelque sorte, de se développer « ailleurs ».