Le Petit Bonzi – Sorj Chalandon
Grasset – septembre 2005 – 345 pages
Livre de Poche – août 2007 – 252 pages
Quatrième de couverture :
Jacques Rougeron a douze ans. Un soir d'automne, au pied de son immeuble, il croit avoir enfin trouvé le moyen de guérir. Jacques Rougeron est bègue. Il voudrait parler aussi vite, aussi bien que Bonzi et tous les autres. Bonzi, c'est son ami, son frère, c'est lui, presque. Bonzi le soutient. Ils n'ont que quelques jours. C'est leur secret.
Auteur : Sorj Chalandon, 53 ans, est journaliste à Libération depuis 1974. Il a reçu le prix Albert Londres en 1988 pour ses articles sur le procès Barbie et l'Irlande du Nord. Le Petit Bonzi est son premier roman.
Mon avis : (lu en avril 2012)
J'ai découvert Sorj Chalandon en lisant Retour à Killybegs puis Mon traître. C'est un écrivain qui me touche beaucoup et je suis ravie de pouvoir lire son premier roman.
Jacques Rougeron a douze ans et est en CM2. Il est bègue et n’arrive pas à maitriser la parole avec les autres. C’est seulement à son ami Bonzi qu’il arrive à parler normalement. Ce dernier l’accompagne à tout moment et lui souffle ses mots et lui donne des idées pour guérir… Des idées comme manger des herbes pour guérir, imaginer une épidémie de peste… Ces idées ne sont pas toujours de bonnes idées et malgré lui, Jacques va déclencher quelques « catastrophes » dont il ne sait plus comment échapper.
Heureusement, il va trouver un allié de choix qui le comprend et le protège en la personne de Manu, un instituteur à l’écoute et généreux qui va aider Jacques à prendre confiance en lui, à grandir.
Un livre très touchant avec beaucoup de fraîcheur, de sensibilité. Une écriture belle et pleine de délicatesse...
Je suis devenue une vraie fan de Sorj Chalandon et je me réjouie d'avance de pouvoir encore découvrir d’autres de ses livres.
Extrait : (début du livre)
C'est en mars 1964 que Jacques a mangé de l'herbe pour la première fois. Il en avait mangé avant, bien avant, beaucoup et des jours durant, mais la première fois qu'il a mangé de l'herbe et qu'il a guéri c'est en mars 1964, c'était le soir et il avait plu.
- C'était quand déjà, la première fois que tu as mangé de l'herbe et que tu as guéri ? lui a demandé Bonzi.
- C'est en mars, c'était le soir et il avait plu, lui a répondu Jacques.
C'était le soir. Il avait plu. L'herbe avait son goût d'orage, une saveur écœurante faite de terre, de lourd et d'étang. Jacques était à genoux. Il fouillait le sol humide à deux mains. A cause d'un éclair, il a levé la tête pour la première fois. Les façades sont devenues violentes, blêmes comme des oiseaux bouillis. Il a sursauté. Il s'est figé au fracas blanc.
- Regarde les fenêtres pour voir si on te voit, a murmuré Bonzi.
Alors Jacques a cessé de creuser et il a regardé les fenêtres.
Il a regardé mademoiselle Lannoy. Elle était dans l'embrasure, au premier étage de Canari, silhouette légère masquée par un pli de rideau. Il a regardé les frères Fayon. Le grand Lucien, qui est méchant, et Roger qui est dans sa classe. Ils étaient là, épaules contre torse, avec la petite Sophie qui courait bras en l'air. Il a regardé monsieur Le Goff au deuxième étage de Perruche, bien droit, ses mains de marin sur ses hanches et sa fenêtre grande ouverte au temps. Il a regardé Luc Vandemer, dans la lumière éteinte, balayé en spectre par un débris d'éclair. Il a regardé madame Fayolle, toute seule et toute voûtée. Elle avait posé une main contre la vitre, en auvent sur son front, et de l'autre, elle retenait le pan de son habit. Il a aussi regardé la fenêtre obscure de Martine Giboulet, le rideau clair désert sans elle dans le recoin. Il se souvient que tout était tendu, tout était inquiet. Et plus l'orage grondait et plus les ombres étaient nombreuses. En les voyant, Jacques a pensé aux animaux tremblants de la forêt qui brûle. Il a pensé à la peur des cavernes racontée par Richard Vandi, quand les hommes ne savaient pas que le jour se relève. Il a pensé à la peste de son cours d'histoire, à Manu, qui raconte les grelots attachés aux cous des mourants pour que les vivants aient le temps de s'enfuir.
Déjà lu du même auteur :
Retour à Killybegs
Mon traître
Lu dans le cadre du Challenge Défi Premier roman
Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC 2012
"Prénom"