Le Poète de Gaza - Yishaï Sarid
Challenge Destination Israël :
proposé par evertkhorus
Actes Sud – janvier 2011 – 250 pages
traduit de l'hébreu par Laurence Sendrowicz
Titre original : Limassol, 2009
Grand Prix de Littérature Policière 2011
Quatrième de couverture :
Un agent important des services secrets israéliens spécialisé dans la mise en échec des attentats suicide se voit confier une mission particulière. Il doit entrer en contact avec Dafna, une romancière israélienne, en se faisant passer pour un jeune auteur en quête de conseils. Il nouera progressivement des liens d’amitié avec elle et lui proposera d’exfiltrer de Gaza son ami Hani, un poète palestinien atteint d’un cancer en phase terminale, afin de le faire soigner en Israël. Sa cible : le fils de Hani, chef d’un dangereux réseau terroriste.
Mais à mesure qu’il pénètre les vies de Dafna et de Hani, le mur de ses certitudes s’effrite. Les deux écrivains rallument en lui des sentiments étouffés par des années d’interrogatoires musclés, de tortures et d’assassinats. Il poursuit néanmoins sa mission, tenu par un sens du devoir et des réflexes de soldat profondément enracinés. Mais pour combien de temps encore ?
Thriller captivant, Le Poète de Gaza est une véritable opération à cœur ouvert sur la société israélienne. Sans anesthésie et sans concession.
Auteur : Yishaï Sarid est né en 1965 à Tel-Aviv. Il est le fils du député de gauche et infatigable militant pour la paix, Yossi Sarid. Après avoir étudié le droit à Jérusalem et à Harvard. il devient procureur. Le Poète de Gaza, son deuxième roman, a été largement salué par la presse de son pays.
Mon avis : (lu en janvier 2012)
C'est trop réducteur de définir ce livre comme un thriller, un polar ou un livre d'espionnage. C'est surtout une réflexion sur la société israélienne.
Le narrateur (il n'a pas de nom ou de prénom) est agent des services secrets israéliens spécialisé dans la prévention des attentats. A la suite de dérapages lors d’interrogatoires trop musclés, sa hiérarchie lui donne une mission qui l’éloignera des sous-sols des services secrets de Tel-Aviv.
Il doit rencontrer Dafna, auteur Israélienne pour ensuite entrer en contact avec le poète Palestinien Hani. Ce dernier est très malade, il vit à Gaza mais ce n’est pas lui directement qui intéressent les services secrets...
Le narrateur prend donc comme couverture, celle d'un futur auteur qui cherche des conseils pour apprendre à écrire un livre. Il prend donc rendez-vous avec Dafna. Et petit à petit, il entre dans sa vie, il sait l'écouter puis il va lui proposer un marché...
Les différents personnages de ce livre sont d'origine diverses, de milieux différents et leurs interactions entre confrontation et manipulation sont vraiment bien trouvées. Dafna, Hani, le fils de Dafna et le narrateur sont vraiment très attachants.
Le lecteur assiste aux hésitations et aux doutes que cet agent peut avoir autour de ce métier si prenant. Car en parallèle, le narrateur a également une vie privée avec une femme et un enfant...
Ce livre se lit vraiment facilement et il m'a permis de mieux découvrir Israël aujourd'hui et certains aspects du conflit entre Israël et la Palestine.
Extrait : (début du livre)
Je suis resté encore un instant dans la voiture. Non seulement pour bien m’imprégner de sa photo, mais aussi pour écouter jusqu’au bout Here Comes the Sun. George Harrison ne passe pas souvent à la radio et en plus on entend rarement d’aussi bonnes chansons le matin. Me familiariser avec le visage de la personne avant de la rencontrer pour la première fois m’a toujours semblé important. Ne pas être surpris. Elle était très belle sur ce vieux cliché : cheveux attachés, front intelligent, elle me souriait au milieu d’un groupe d’intellectuels dont la notoriété n’était plus à faire.
Une matinée de fin juillet. La rue baignait dans ce calme qui gagne les villes pendant les grandes vacances, les chats escaladaient les bennes à ordures pour en tirer leur pitance, deux jeunes garçons marchaient sur l’avenue bordée de tamaris en direction de la plage avec aux lèvres des rires légers et sous le bras des planches de surf.
Au téléphone, elle m’avait dit qu’elle habitait au troisième étage. Certaines boîtes aux lettres disparaissaient sous plusieurs couches d’autocollants, souvenirs de jeunes locataires venus puis repartis, d’autres affichaient encore le nom en lettres latines de gens qui n’étaient plus de ce monde. L’immeuble était mal entretenu, sur les murs l’enduit s’écaillait et les longues fenêtres étroites de la cage d’escalier étaient, comme dans un couvent abandonné, opacifiées par la saleté.
Dafna ouvrit la porte pieds nus, les cheveux attachés, le regard particulièrement pénétrant. Voilà ce que j’ai capté au premier abord.
Elle m’a accueilli par un : “Je suis au téléphone, entrez.” J’ai saisi quelques bribes de sa conversation, un rire bref, des propos concrets. “Bon, je dois raccrocher maintenant, on m’attend.”
J’en ai profité pour examiner son salon : deux canapés confortables style années 1970, une grande fenêtre qui donnait sur la cime d’un ficus, une petite télévision, sur les murs quelques œuvres d’art intéressantes mais que je n’ai pas eu le temps de voir de près. L’appartement, inondé de lumière, donnait sur une cour intérieure, alors que, moi, étrangement, je m’attendais à me retrouver dans un endroit sombre… Son appel, “Venez par ici, on va s’asseoir dans la cuisine”, a coupé court àtoutes mes conjectures.
Sur la table ronde recouverte d’une nappe multicolore de fabrication artisanale, il y avait une pile de feuillets et un grand plat contenant des pêches en train de mûrir. Une radio diffusait discrètement de la musique, peut-être du Chopin, peut-être un compositeur que je ne connaissais pas.
“Pourquoi venez-vous me voir ? commença-t-elle d’une voix étonnamment jeune.
— On vous a recommandée à moi comme étant la personne qui pourrait m’aider. Je veux apprendre à écrire.
— A quel point est-ce important pour vous ? Êtes-vous prêt à y consacrer du temps ?” Elle parlait d’un ton calme, une esquisse de sourire sur les lèvres, et elle s’est assise sur la chaise en repliant une jambe sous ses fesses. C’est à ce moment-là que j’ai remarqué qu’elle portait un pantalon souple et très ample.
Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC 2012
"Métier" et "Géographie"