Soudain dans la forêt profonde – Amos Oz
Challenge Destination Israël :
proposé par evertkhorus
Gallimard – septembre 2006 – 117 pages
Folio – février 2008 – 126 pages
Gallimard-Jeunesse - mars 2008 – 95 pages
Folio Plus – septembre 2010 – 177 pages
traduit de l'hébreu par Sylvie Cohen
Titre original : פתאום בעומק היער, 2005
Quatrième de couverture :
Un village au bout du monde, triste et gris, encerclé par des forêts épaisses et sombres. Un village maudit : toutes les bêtes, tous les oiseaux et même les poissons de la rivière l'ont déserté. Depuis, ses habitants se barricadent chez eux dès la nuit tombée, terrorisés par la créature mystérieuse nommée Nehi, et interdisent aux enfants de pénétrer dans la forêt. Mais surtout, ils gardent le silence. Personne ne veut se souvenir des animaux ni évoquer la vie d'avant. Seule Emanuela, l'institutrice du village, tente d'enseigner aux élèves à quoi ressemblaient ces animaux disparus. Deux enfants de sa classe, Matti et Maya, décident alors d'élucider le mystère et s'aventurent dans la forêt en dépit de l'interdit... Soudain dans la forêt profonde est un conte pour enfants et adultes. Au carrefour de la tradition biblique, du folklore yiddish et du conte européen, il nous offre une magnifique parabole sur la tolérance.
Auteur : Amos Oz, (hébreu : עמוס עוז), né Amos Klausner (Jérusalem, 4 mai 1939), est un écrivain,romancier et journaliste israélien. Il est également professeur de littérature à l'Université Ben Gourion de Beer-Sheva. Amos Oz est le cofondateur du mouvement La paix maintenant et l'un des partisans les plus fervents de la solution d'un double État au conflit israélo-palestinien.
Mon avis : (lu en décembre 2006 et relu en janvier 2012)
J'ai relu ce livre en partie en Audio livre et en livre papier... En effet, j'ai du mal même pour un livre court à profiter des Audio livres car je m'endors rapidement ou alors je perds le fil de l'histoire car si mon esprit s'évade ma lecture ne s'interrompt pas... Donc après avoir commencé à relire ce livre en audio, j'ai été obligé de reprendre le livre papier pour le terminer.
Quelque part dans une vallée profonde il y a un village plein de tristesse. Un village qui a été abandonné par tous les animaux. Plus d’oiseaux, plus de poissons, plus de vaches, plus de chiens… C'est la faute du mystérieux monstre Nehi. On raconte, que dès la nuit tombée, il vient prendre rôder autour du village pour enlever ceux qui sont dehors. Dès que la nuit tombe, tous se barricadent chez eux. Les enfants ont été mis en garde mais seule leur institutrice Emmanuela leur parle des animaux, leurs montre des photos... Le mystère étant si grand, un jour deux enfants Matti et Maya décident d'aller voir par eux-même ce qu'ils se passent dans la forêt...
Ce livre est un conte pour adultes et grands enfants qui nous amène à réfléchir sur les thèmes de la différence et de la tolérance. Il faut le lire plusieurs fois pour en explorer tout son contenu.
Extrait : (début du livre)
Emanuela l'institutrice leur parla de l'ours, de la respiration des poissons et du cri de la hyène, la nuit. Elle accrocha aussi des photos d'animaux et d'oiseaux aux murs de la classe. La plupart des enfants se moquèrent d'elle parce qu'ils n'en avaient jamais vu de leur vie. Ils ne croyaient pas vraiment à l'existence d'autres créatures vivantes. En tout cas, il n'y en avait pas dans les parages. Et comme, en plus, la maîtresse n'avait pas réussi à se trouver un mari, on pensait qu'elle avait une araignée au plafond et des idées farfelues plein la tête, comme tous les solitaires.
Le petit Nimi fut le seul qui se prit à rêver d'animaux à cause des histoires de l'institutrice. Toute la classe se gaussa quand, le lendemain matin, il raconta que ses chaussures marron, posées comme d'habitude au pied de son lit, s'étaient métamorphosées en hérissons et avaient passé la nuit à gambader dans sa chambre pour redevenir de simples souliers, retrouvés sous son lit à son réveil. Une autre fois, c'étaient des chauves-souris noires qui étaient venues le chercher au milieu de la nuit et l'avaient transporté sur leurs ailes dans le ciel, au-dessus du village, des montagnes et des forêts, jusqu'à un château enchanté.
Nimi était dans la lune et perpétuellement enrhumé. En plus, il avait les dents d'en haut écartées et proéminentes. Les autres appelaient cet interstice «bouche d'égout».
En arrivant en classe, le matin, Nimi s'empressait de raconter son nouveau rêve et, chaque fois, on lui disait : «Arrête, il y en a marre, ferme un peu ta bouche d'égout.» Et, comme il persévérait, on s'ingéniait à le ridiculiser. Mais, au lieu de se vexer, il en rajoutait. Il reniflait, avalait sa morve et, débordant de joie, il s'affublait des sobriquets humiliants qu'on lui donnait : «bouche d'égout», «cauchemar ambulant», «godasse-hérisson».
Assise derrière lui en classe, Maya, la fille de Lilia la boulangère, ne manquait pas de lui chuchoter à l'oreille : «Écoute, Nimi, tu peux rêver de ce que tu veux, d'animaux, de filles ou de je ne sais quoi, mais tu ferais bien de te taire. Ça vaudrait mieux pour toi.»
Matti lui avait dit : «Tu ne comprends pas. Nimi ne rêve que pour en parler. Et il rêve encore quand il se réveille, le matin.»
Un rien l'amusait, Nimi, il s'enthousiasmait pour n'importe quoi : une tasse fêlée dans la cuisine, la pleine lune, le collier de la maîtresse, Emanuela, ses dents saillantes, les boutons qu'il oubliait d'attacher, le mugissement du vent dans la forêt, il riait pour un oui ou pour un non. Tout prétexte était bon pour faire le fou.
Jusqu'au jour où il quitta l'école et le village pour se sauver dans la forêt. On se lança à sa recherche durant deux ou trois jours. Les veilleurs de nuit battirent la campagne pendant une semaine, voire une dizaine de jours. Enfin, seuls ses parents et sa sœur s'acharnèrent à le retrouver.
Il reparut au bout de trois semaines, amaigri, sale, égratigné et contusionné de partout, mais hennissant d'allégresse. Dès lors, le petit Nimi ne cessa de hennir et ne parla plus jamais : depuis son retour de la forêt, il ne disait plus un mot et errait dans les rues du village, pieds nus, en loques, la goutte au nez, exhibant ses dents écartées, galopant dans les cours, grimpant aux arbres et aux poteaux sans s'arrêter de hennir, l'oeil droit larmoyant à cause d'une allergie.
Il lui était impossible de retourner à l'école à cause de sa hennite, sa nouvelle maladie. À la fin de la classe, les enfants le singeaient pour l'entendre hennir. Ils le surnommèrent «Nimi le poulain». Le médecin espérait que cela passerait avec le temps : là-bas, dans la forêt, il avait dû voir quelque chose qui l'avait effrayé ou choqué et, depuis, il avait la maladie du hennissement.
«On devrait peut-être faire quelque chose pour l'aider, suggéra Maya à Matti.
- Laisse tomber. Ils finiront bien par se fatiguer et lui ficher la paix. On l'oubliera.»
Lu dans le cadre du Challenge Petit BAC 2012
"Végétal"