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A propos de livres...
2 septembre 2011

Eleven - Mark Watson

eleven Albin Michel – mai 2011 - 346 pages

traduit de l'anglais par Esther Ménévis

Titre original : Eleven, 2010

Quatrième de couverture :
La nuit, Xavier Ireland anime avec passion une émission de radio pour les Londoniens, à l’écoute de leurs espoirs, leurs peurs, leur doutes. Le jour, c’est un solitaire, un homme volontairement coupé du monde. Jusqu’à sa rencontre avec une femme de ménage peu ordinaire qui va l’obliger à se confronter aux fantômes de son passé. Qu’il le veuille ou non, le destin de Xavier est lié à celui des autres, et le plus infimes de ses actes peut déclencher une série d’événements susceptibles d’affecter inéluctablement la vie de onze de ses concitoyens. Il y a au moins onze bonnes raisons de lire le roman élégant, subtil et désespérément drôle (pour n’en citer que trois) du comédien anglais Mark Watson. Libre à vous de découvrir les autres !

Auteur : Mark Watson, né en 1980 à Bristol, a suivi des études d'anglais à Cambridge avant de se lancer dans le théâtre. A la fois écrivain, metteur en scène et comédien, cet Anglais très facétieux est devenu célèbre pour ses one man shows couronnés de nombreux prix. Se produisant avec succès à la radio comme à la télévision, il cultive un sens de l'humour où l'autodérision le dispute à son engagement écologique, comme en témoigne son essai, Crap at the Environment, paru en 2008. Il est également l'auteur de deux romans non traduits, Bullet Points (2004), et A Light-hearted Look at Murder (2007).

Mon avis : (lu en août 2011)
Voilà un livre pris à la bibliothèque avant de partir en vacances, c’est la couverture « vendeuse » qui m’a encouragé à le choisir.
Xavier Ireland est un australien, grand, les yeux bleus. Il vit à Londres depuis plusieurs années et il co-anime une émission de radio la nuit avec Murray. Il est très apprécié par ces auditeurs pour son écoute et ses conseils rassurants. Dans sa vie personnelle, il est célibataire, solitaire passionné de Scrabble. Son collègue Murray l’entraîne un jour à un speed dating. Xavier n’était pas venu chercher l’amour, mais il y trouve une femme de ménage… Une femme de ménage haute en couleur ! Il s’agit de Pipa, ancienne lanceuse de disque, elle est pleine d’énergie et de joie de vivre.
Une rencontre qui va bouleverser la vie de Xavier.
Un livre plein d’humour, facile à lire et plutôt sympathique. Bonne lecture d’été.

Extrait : (début du livre)
Dans un parking à l'arrière d'un immeuble en béton, à l'ouest de la ville, un renard fluet va et vient furtivement en quête de chaleur, laissant de coquettes traînées d'empreintes dont s'émerveilleront les lève-tôt dans quelques heures. Cinq étages plus haut, à travers le voile neigeux de la fenêtre d'un studio de radio, Xavier Ireland regarde l'animal chercher un recoin dans l'ombre d'un conteneur de tri sélectif. 
"A votre place je resterais à l'abri, bien au chaud, conseille-t-il à son auditoire londonien invisible, et je continuerais à appeler. Dans quelques instants, nous entendrons l'histoire d'un homme marié trois fois... et trois fois divorcé ! 
- Aïe !" s'exclame Murray, coprésentateur et producteur de l'émission, avec la banalité qui le caractérise. Il tape sur un bouton pour lancer la chanson suivante. 
"C'est très joli dehors, déclare Xavier. 
- Ça va être le ca-ca-ca-chaos demain matin", bégaie Murray. 

En 2003, Xavier travaillait comme coursier dans cette station de radio, préparant le café, branchant les câbles, quand il a vu la neige pour la première fois. Immigré d'Australie quelques semaines plus tôt seulement, il avait changé de nom - il s'appelait jusqu'alors Chris Cotswold - et s'était voué corps et âme à refaire sa vie dans cette contrée lointaine, où il avait vécu tout petit mais jamais depuis. Il était impressionné, alors comme aujourd'hui, par la légèreté, la fragilité de chaque flocon, et par les quantités qu'il en fallait pour tapisser la rue. Mais l'étrangeté du spectacle et le froid glacial lui rappelaient aussi que la majeure partie de la surface terrestre s'étendait désormais entre lui et son pays, ses amis. 
Progressivement, il fut promu de coursier à assistant de Murray, puis les rôles finirent par s'inverser, et c'est maintenant lui qui joue le rôle de conseiller auprès de leurs nombreux fidèles insomniaques. 
"Je me demande ce qui cloche chez moi", s'interroge l'auditeur actuellement en ligne, un professeur de cinquante-deux ans qui vit seul en bordure d'un lotissement du Hertfordshire. 
La liaison vacillante avec son mobile coupe la moitié de ses phrases. Murray se passe le doigt sur la gorge pour suggérer de prendre un autre appel - celui-ci a déjà duré trois bonnes minutes -, mais Xavier secoue la tête. 
"C'est vrai quoi ! Je suis quelqu'un de convenable", continue le prof déprimé. Il s'appelle Clive Donald et, après ce coup de téléphone, il tâchera d'arracher quelques fragments de sommeil à ce qu'il reste de la nuit, avant de se réveiller, d'enfiler un costume gris et de monter dans sa voiture, un cartable fatigué contenant trente cahiers d'exercices de maths sur la banquette arrière. "Je... je donne à une association, par exemple. Je m'intéresse à pas mal de choses. Il n'y a rien qui cloche - manifestement - chez moi, disons. Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à faire fonctionner un couple ? Pourquoi est-ce que je commets toujours des erreurs ? 
- C'est trop facile de supposer que tout est de votre faute", lui dit Xavier, ainsi qu'à tous ceux qui l'écoutent chez eux dans toute la capitale. "Croyez-moi, j'ai passé des mois, des années en fait, à revivre mes erreurs. Et puis finalement, je me suis forcé à arrêter d'y penser." 
Suffisamment réconforté pour trouver au moins la volonté d'aller se coucher, Clive remercie enfin Xavier et prend congé. 
Murray tape sur un bouton. 
"Et maintenant les joies des infos et du bulletin trafic ! s'exclame-t-il. A tout de suite !" 
Il sort dans le couloir et entrouvre une porte coupe-feu pour fumer une cigarette dans le froid rigoureux. La neige tombe avec une violence qui n'a rien de british, on dirait de la grêle ou du grésil plutôt que le joli duvet qui passe habituellement pour de la neige. Xavier boit une gorgée de café dans un mug jaune où apparaissent les mots "BIG CHEESE" et le dessin d'un morceau de fromage. Un cadeau de Noël fait par Murray il y a quelques années et qui, avec sa fonctionnalité plutôt criarde et sa taille encombrante, ressemble assez à l'auteur du présent. 
Quelques kilomètres plus loin, une Big Ben grelottante - à peine visible du studio les nuits plus dégagées - sonne deux coups. 
"Voici les titres", dit une femme à des kilomètres de là, dont la voix, presque blanche, est diffusée simultanément sur des stations émettant dans tout le territoire du Royaume-Uni. "Dans quelques heures, le pays se réveillera sous la plus importante chute de neige depuis dix ans." 
Quelle drôle de formule, se dit Xavier : "Le pays se réveillera", comme si le Royaume-Uni était un immense internat silencieux qui se réveille au son de la cloche du matin. Dans la seule capitale, comme en témoigne le succès de la plage de quatre heures occupée par son émission, il existe une immense communauté fantôme de Londoniens passant une nuit blanche pour toutes sortes de raisons : horaires de travail, passe-temps inhabituel, culpabilité, peur, maladie - ou, bien sûr, leur enthousiasme pour l'émission. Xavier regarde à nouveau la vitre obstruée et imagine Londres, immobile et enneigée, qui s'étend sur des kilomètres à la ronde. Il essaie de se représenter Clive Donald, le prof de maths : il raccroche lentement le combiné et met la bouilloire à chauffer, sort instinctivement deux mugs d'un placard, en repose un. Xavier pense à tous ses interlocuteurs réguliers : les routiers qui tripotent le bouton quand le signal s'affaiblit sur la M1 à la sortie de Londres, les vieilles dames qui n'ont personne à qui parler. Puis son esprit s'attarde vaguement sur le demi-million de Londoniens en service de nuit, juste au-delà des limites du parking et de son renard furtif, de ses recoins silencieux et, ce soir, des tranchées formées par l'amoncellement de neige. 

L'un des élèves de Clive, Julius Brown, dix-sept ans, obèse de cent trente kilos, pleure en silence dans sa chambre. Malgré des séances régulières au club de gym, il n'arrive pas à combattre l'obésité. A l'âge de quatorze ans, il a commencé un traitement contre l'épilepsie, qui a entre autres eu pour effet secondaire une prise de poids alarmante, et bien qu'aucun médecin ne puisse réellement l'expliquer, son corps continue de se dilater presque à vue d'oeil chaque fois qu'il mange. Ses journées au lycée sont ponctuées d'insultes : on fait des bruits de pet quand il s'assoit, des bandes de filles éclatent de leur rire impénétrable quand il passe dans la cour. Même s'il a choisi trois matières pour le bac, dont informatique, et veut être concepteur de logiciels, il s'imagine qu'il finira dans un service d'assistance téléphonique pour des clients sveltes dont l'ordinateur refuse de démarrer. Il n'a pas besoin de regarder dehors pour sentir que la neige tombe : il faisait un froid de canard quand il a pris le bus pour rentrer du restaurant où il travaille parfois le soir. Il donnerait tout pour que les cours soient annulés demain. 

D'autres pensent exactement le contraire, telle Jacqueline Carstairs, mère d'un garçon un peu plus jeune que Julius. Journaliste free-lance, elle tape sur le clavier avec la rapidité et l'agressivité d'un pianiste rock. Son mari a accepté d'emmener leur fils Frankie à l'école demain matin, pour qu'elle puisse veiller tard et terminer un article sur le vin chilien. A condition que le collège ne ferme pas, elle aura le temps de travailler tranquille demain aussi. D'une ouïe affinée par les années passées à veiller sur son fils, elle décèle les bruits ultradoux, quasi indétectables de la neige atterrissant sur le conteneur à plastique dehors. Elle tape dans un moteur de recherche le nom d'un acteur chilien basé en Grande-Bretagne qui participe à la campagne de promotion du vin auquel elle consacre son article. Une nuit de février à glacer le sang. La neige s'abat sur Londres. Les flocons dansent dans les faisceaux de néon des lampadaires et se déposent en écharpe aux cols des voitures en stationnement. 

Lu dans le cadre du Challenge Voisins, voisines
voisin_voisine
Grande-Bretagne

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Commentaires
C
Je n'avais pas entendu parler de ce livre.. Mais en mai et juin, j'évitais les rayons brochés pour n'acheter que des poches !
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