le_signal Éditions Gallmeister – janvier 2011 – 222 pages

traduit de l'américain par Sophie Aslanides

Quatrième de couverture :
Pour la dernière fois, Mack et sa femme, Vonnie, partent camper dans les montagnes du Wyoming afin de se dire adieu. Enlisé dans les dettes et l'alcool, Mack a peu à peu contraint Vonnie à renoncer à l'amour profond qui l'avait attirée vers l'Ouest, et la jeune femme a refait sa vie. Cette randonnée est un moment de complicité retrouvée, une ultime chance de se dévoiler l'un à l'autre. Pour Mack, cette expédition est aussi l'occasion d'exécuter une dernière mission pour le compte d'un intermédiaire douteux afin de sauver son ranch de la faillite. Au coeur des vastes étendues sauvages, guidé par un faible signal GPS, il doit retrouver une mystérieuse balise égarée lors d'un survol de la région. Mais cette mission se révélera bien plus périlleuse que prévu. Le Signal est un roman magistral combinant le destin d'un amour qui s'achève avec un suspense qui nous mène au paroxysme de l'angoisse. Un livre palpitant qui se lit d'une traite.

Auteur : Ron Carlson est né en 1947, en Utah. Il est l'auteur de plusieurs romans et recueils de nouvelles qui ont reçu de nombreuses distinctions aux États-Unis. Il enseigne la littérature et vit à Huntington Beach, en Californie. Le Signal est son dernier roman.

Mon avis : (lu en mai 2011)
Voilà un très beau livre de la collection Nature Writing (la littérature de la nature et des grands espaces) des éditions Gallmeister.
Mack et Vonnie viennent de divorcer et ils ont décidé de faire ensemble une dernière randonnée dans les montagnes du Wyoming. Au début de leur rencontre, ils faisaient chaque année ce chemin et c'est l'occasion de ce rappeler les bons souvenirs du passé, le camping sauvage, la pêche à la mouche... Après la mort de son père, Mack a fait des mauvais choix pour essayer de sauver le Ranch dont il a hérité, il a eu des mauvaises fréquentations, il s'est réfugié dans l'alcool, transporté de la drogue, il s'est éloigné de Vonnie. Cette randonnée est l'occasion d'un flash-back sur les vies de Mack et Vonnie et lentement le lecteur découvre qui ils sont vraiment. Mack n'a pas tout à fait changé, ayant toujours des problèmes d'argent, il accepte de profiter de cette randonnée pour rechercher un appareil perdu dans les montagnes par un trafiquant local. C'est dans la dernière partie du récit, que les méchants apparaissent dans l'histoire... et je laisse aux lecteurs découvrir la conclusion par eux-même.

J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman, les descriptions de la nature sont magnifiques et détaillées, j'avais même l'impression de faire moi aussi cette randonnée dans les montagnes du Wyoming en compagnie de Mack et Vonnie !

Extrait : (début du livre)
Il enchaîna les grandes boucles que dessinait la piste à travers la haute forêt de trembles, puis traversa la vaste prairie jusqu’à la lisière des pins, au point de départ du sentier de Cold Creek, et gara le vieux pick-up Chevrolet bleu de son père à côté de la pancarte déglinguée, dans la douce lumière crépusculaire de septembre. Il avait vu juste : il n’y avait aucun autre véhicule. Pas une seule trace de pneus fraîche sur les quinze kilomètres de montée qu’il avait parcourus depuis la grand-route, si ce n’est une paire de pneus doubles qui avaient fait demi-tour à mi-chemin. Ce devait être la remorque à chevaux de Bluebride, venu s’occuper de son bétail la semaine précédente. Mack avait aperçu en montant deux douzaines de bêtes dispersées dans les armoises. Il sortit de son pick-up et attrapa le café qu’il avait acheté en passant à l’épicerie de Crowheart, une heure auparavant ; il était froid. Il contourna le camion, ouvrit le hayon et s’assit, levant enfin les yeux vers l’est, vers les collines du Wyoming qui s’étageaient en larges bandes marron et grises. Il faisait sombre ici, à la lisière de la forêt, mais la lumière se rassemblait de l’autre côté de la planète et il pouvait voir l’horizon doré à deux cent cinquante kilomètres de là. Il voulait voir des phares, mais il n’y en avait pas. Il voulait voir des phares tressauter sur la vieille route et avancer jusqu’à lui à l’heure convenue.
Il voyait bien qu’il avait déjà neigé une fois, la semaine précédente, mais il n’en restait à présent plus la moindre trace, pas de plaques dans l’obscurité profonde, pas de boue dans les ornières. Le paysage était cependant plus blond, la végétation encore debout mais elle avait perdu ses couleurs, elle était plus pâle, comme si elle avait été giflée par la première intempérie de la saison. Mack but une gorgée de son café froid épaissi de crème et scruta la route à la recherche de sa voiture. Elle viendrait ou elle ne viendrait pas, mais il accomplirait quand même sa mission. Il le dit à haute voix :
— Qu’elle vienne ou non, toi, tu y vas quand même. Il se remit debout et prit la veste polaire marron qu’elle lui avait offerte cinq ans auparavant, et il alla jusqu’au coffre de rangement, sortit son réchaud et l’installa sur le plateau du pick-up, remplit sa vieille casserole d’eau et la posa sur l’anneau de flammes bleues. Il prit son sac à dos sur la banquette avant et s’agenouilla dans l’herbe au pied des arbres pour monter sa vieille tente biplace bleue et grise qui le ramenait vingt ans en arrière. Il avait dû remplacer de nombreux montants plus d’une fois, mais les fermetures à glissière fonctionnaient toujours. Il jeta son tapis de sol et son sac de couchage à l’intérieur puis disposa le petit morceau de moquette miteux sur le sol, près de l’entrée. Il s’était tenu cent fois pieds nus sur ce paillasson improvisé, dans la montagne. C’est parce qu’ils signifiaient quelque chose qu’on transportait certains objets. Il faisait sombre à couvert, mais une fois qu’il fut revenu derrière le pick-up, la lumière du monde retomba sur ses épaules. Il pouvait voir une portion de l’autoroute très loin en contrebas, vers le nord, et les voitures avaient maintenant allumé leurs phares. Il fouilla son sac à la recherche du gadget électronique que Yarnell lui avait donné, le Black Berry version militaire. Il l’avait enveloppé dans du papier aluminium et rangé dans une petite boîte en plastique. Il inspecta une nouvelle fois le contenu de toutes ses poches, puis il étala son gilet de pêche et vérifia que les neuf poches contenaient bien son matériel au complet. Il refit son sac et y attacha les brins de sa canne à pêche avant de tout reposer sur le siège avant. Il était prêt. Il sortit sa glacière de rechange – la vieille Coleman métallique verte qui datait de leurs premiers rendez-vous –, s’agenouilla et la poussa sous le camion, derrière la cabine.
Ils faisaient toujours ça – laisser une glacière pleine de friandises pour leur retour de randonnée. Il entendait maintenant l’eau bouillir sur son réchaud, et il retourna à l’arrière et jeta un nid de vermicelles dans la casserole, puis un autre. Si elle ne vient pas, je mangerai double ration et je dormirai comme un ours. Il s’éloigna pour uriner dans la prairie et alluma un de ses cigarillos bon marché à bout en bois avec le briquet de son père, un Zippo qui avait fait deux fois le tour du monde dans la poche de son paternel, à bord de navires de transports de troupes. Mack n’avait pas peur. Il avait déjà été mal à l’aise et soucieux et effrayé et épuisé et presque anéanti, et il connaissait ces sensations, mais il avait main - tenant sa propre manière de faire d’abord une chose, puis une autre, et cela le préservait de la débâcle. Si elle avait quitté Jackson avant 16 heures, elle n’allait pas tarder à arriver. Si elle n’avait pas quitté Jackson… eh bien, tant pis.

Challenge 100 ans de littérature américaine 2011
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