Danbé – Aya Cissoko et Marie Desplechin
Lu en partenariat avec Blog-O-Book et Calmann-Lévy
Lu durant le Read-A-Thon Avril 2011
Calmann-Lévy – février 2011 – 192 pages
Quatrième de couverture :
« J’aimerais que celle ou celui qui lira ce petit livre mesure ce qu’il a de déchirant. Il est mon au revoir à ceux que je laisse sur le quai. (…) Il est mon au revoir à mon enfance de petite fille noire en collants verts, qui dévale en criant les jardins de Ménilmontant. »
Quand Marie Desplechin rencontre Aya Cissoko, elle est touchée par la singularité de son histoire. Née de parents maliens, Aya a connu une petite enfance habitée de souvenirs délicieux, qui prend fin avec la disparition de son père et de sa petite sœur dans un incendie. Élevée par sa mère dans le respect du danbé, la dignité en malinké, Aya apprend à surmonter les épreuves et trouve dans la boxe un refuge.
Auteurs : Aya Cissoko, trente et un ans, championne du monde de boxe anglaise en 2006, est aujourd’hui étudiante à l’Institut d’études politiques de Paris.
Marie Desplechin a écrit une trentaine de livres pour la jeunesse, et une dizaine pour les plus grands. Elle a publié avec Lydie Violet un récit intitulé La Vie sauve, qui a reçu en 2005 le prix Médicis Essai.
Mon avis : (lu en avril 2011)
Ce livre est un récit autobiographique qu'Aya Cissoko a écrit avec Marie Desplechin.
Dès le début du livre Aya nous parle de son père Sagui venu du Mali en France pour travailler puis de sa mère Massiré arrivée en France à l'âge de 20 ans. Le couple aura bientôt quatre enfants : Issa, le fils aîné, puis deux filles Aya et Moussa et un dernier garçon Massou. La vie n'est pas facile, Sagui n'a pas toujours de travail mais la joie règne dans cette famille. Et survient le drame, dans la nuit du 27 au 28 novembre 1986, un incendie ravage l'immeuble, Sagui, le père, et Moussa, la petite sœur, vont mourir. « le feu a été allumé pour tuer ».
Massiré refuse de repartir vivre au pays comme lui demande la communauté malienne de Paris, et elle s’installe avec ses trois enfants au 140 rue de Ménilmontant. C’est là que Massou, le petit dernier, mourra à son tour, d’une méningite soignée au Doliprane par les médecins moins d'un an après son père et sa sœur. Aya a neuf ans, elle écrit « je suis dans une solitude désespérée » .
Aya est une bonne élève et lorsque sa mère l'inscrira dans un club de sport, elle choisira la boxe. Elle va trouver dans la boxe un refuge et malgré quelques mauvaises fréquentations, elle va tracer sa route : elle devient championne du monde de boxe française en 1999 puis en 2003. En 2006, elle gagne le Championnat du monde de boxe anglaise. Une grave blessure la contraint à abandonner sa carrière sportive et Aya se lance un nouveau défi, reprendre des études. Elle obtient alors une bourse pour suivre une formation à l'Institut d'études politiques de Paris.
Le titre du livre danbé signifie « dignité » en malinké. C'est le code de conduite que Massiré apprend à Aya à respecter pour aller de l'avant dans son existence. Cette mère est admirable et Aya est battante et courageuse.
Voilà un livre plein d'espoir, plein d'amour, un témoignage fort et poignant. J'ai lu ce livre facilement et d'une traite, j'ai été émue par ce beau récit, Aya est une très belle personne.
Merci à Marie Desplechin d'avoir accompagnée Aya Cissoko dans l'écriture de ce livre.
Un grand merci à Blog-O-Book et Calmann-Lévy pour ce partenariat.
Extrait : (page 20)
Quand elle suit son mari tout neuf, Massiré Dansira est donc l'une des premières à quitter le village. Elle y acquiert le statut prestigieux d'aînée. Ma mère, l'aînée, ne parlera jamais à ses proches autrement qu'en bambara. Elle ne s'habillera jamais autrement qu'en jupe longue de wax. Et elle ne laissera plus jamais à quiconque le soin de décider de sa vie. Mais pour le moment, officiellement, elle a vingt ans. Elle vient d'arriver en France. On est en 1976. Au calendrier grégorien. Au village, c'est l'an 1354 de l'Hégire.
Je garde la nostalgie des journées qui n'en finissent pas, de leur matière légère, cotonneuse, des jeux de cache-cache dans les terrains vagues. Mon enfance est une période d'une extrême douceur. Un an après son mariage, Massiré a donné naissance à son premier fils, Issa. Je suis née un an après, en 1978. La petite fille qui me suit, en 1981, porte le nom de Massou. Deux ans plus tard naît un petit garçon, Moussa. Nous vivons tous les six dans quinze mètres carrés, peut-être vingt, au 22 de la rue de Tlemcen à Paris, à proximité du cimetière du Père-Lachaise. Notre immeuble compte sept étages et cinquante-cinq studios. Huit logements par palier, répartis autour de la cage d'un escalier de bois. Nous, c'est le studio 45, au sixième. Même s'ils le voulaient, les habitants du 22 sont trop à l'étroit pour s'ignorer. Personne ne ferme sa porte. Les enfants passent d'un appartement à un autre. Quand Massiré ne peut pas s'occuper de nous, c'est la voisine du cinquième qui nous donne à manger, ou alors celle du premier.
La pièce que nous habitons est meublée d'un grand lit à deux places, d'un petit lit pliable, et d'un lit à barreaux où peut dormir un bébé. Je dors avec Moussa et mes parents dans le grand lit. Massou est dans le lit à barreaux. La nuit tombée, on ouvre pour Issa le lit pliant qu'on place contre la porte. L'espace est si petit, si encombré, que les enfants doivent se percher quand mon père fait sa prière. Sagui garde un lien très étroit à la religion, il fait ses ablutions et prie cinq fois par jour. Il sort alors son tapis de prières et nous grimpons sur le lit. Les prières ne durent pas très longtemps. Il a tôt fait de ranger son tapis et nous pouvons redescendre.
Semaine Marie Desplechin du 18 au 24 avril 2011