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A propos de livres...
20 octobre 2010

Haïti kenbe la ! - Rodney Saint-Eloi

Livre lu dans le cadre du partenariat Livraddict et Michel Lafon

haiti_kenbe_la Michel Lafon – septembre 2010 – 266 pages

Préface de Yasmina Khadra

Quatrième de couverture :
" J'ai écrit ce livre pour faire taire en moi les fureurs du goudou-goudou, ce séisme désormais ancré dans les entrailles de tous les Haïtiens. Haïti, en plus de la violence de l'Histoire, de la misère, n'avait pas besoin de séisme. C'est une violence de trop. L'esclavage, la colonisation, l'exploitation, les occupations auraient amplement suffi. La nuit, je me sens balancé. La terre vacille au moindre mouvement. Je me mets à lire ou à écrire pour oublier que la terre, qui sait nourrir, peut aussi trembler et tuer. J'ai écrit ce livre pour dire que la vie ne tremble jamais. Un peuple debout cherche sa route, à la lueur des bougies. Un peuple debout cherche de l'eau et du pain, et enterre ses morts. Car les morts savent traverser les jardins et frapper aux fenêtres des rêves pour apporter aux vivants l'espoir. "
Rodney Saint-Eloi

Auteur : Né à Cavaillon au sud d'Haïti, Rodney Saint-Eloi partage son temps entre l'écriture et l'édition. Ecrivain, professeur de littérature, activiste culturel, il a fondé en 1991 à Port-au-Prince les éditions Mémoire et en 2001 à Montréal les éditions Mémoire d'encrier, qui publient de nombreux ouvrages d'auteurs haïtiens, caribéens et africains.

Mon avis : (lu en octobre 2010)
Le titre de ce livre en créole signifie Haïti, redresse-toi ! Ce livre est le témoignage de Rodney Saint-Eloi qui était à Haïti, le 12 janvier 2009 lors du séisme. Vivant d'ordinaire à Montréal, il était là avec Dany Laferrière et d'autres écrivains venus à Port au Prince à l'occasion du Festival Étonnants Voyageurs.
On donne des noms aux tempêtes et aux cyclones, mais pas aux tremblements de terre, alors Rodney Saint-Eloi le nomme goudou-goudoupour nommer, par les sons, les vacillements et les balancements, la terre qui a tremblé.») et en 35 secondes le pays bascule dans l’horreur.
Pour exorciser sa peur après le tremblement de terre, Rodney Saint-Eloi nous raconte les cinq jours qu'il passe au milieu d'un pays en ruines. Il décrit la terre qui vacille, qui balance, qui tremble, qui se crevasse, les bâtiments qui se fendillent et qui s'ouvrent et s'affaissent... Et puis c'est le silence. Puis les appels aux secours. Il raconte que c'est grâce à un transistor qu'il apprend l'ampleur de la catastrophe : un séisme de magnitude 7,3 qui a frappé Haïti. Les communications sont coupées avec le pays mais aussi avec le monde entier. Mais naturellement, l'entraide s'organise. Il raconte la souffrance, l'espérance, la dignité du peuple haïtiens.
Au fil de son récit, Rodney Saint-Eloi revient sur l'histoire de son pays, sur la violence de la société haïtienne, sur le passé colonial, sur la pauvreté matérielle du pays et la particularité de sa richesse culturelle.
J'ai lu d'une traite ce livre fort et bouleversant que je conseille à ceux qui veulent connaître un peu plus Haïti.

Merci à Livraddict et aux éditions Michel Lafon pour m'avoir permis de découvrir ce superbe témoignage.

Extrait : (début du livre)
- Ça va ?
- Oui... Ça va... Maman est sous les décombres.
- Attention... Les trous pour les cadavres, ça doit aller jusqu'à huit pieds.
C'est au milieu de ses voix atones que je me réveille. On réapprend à parler bref. L'expression est pressante et grave. On emploie les termes exacts. On évite paraphrases et hyperboles. La parole est transparente, sans anicroches ni détours. Pas de mais. Pas de si. Pas de quoique. Aucune incise n'est permise. On touche à la chair des mots.
- Ça va... Maman est sous les décombres. La maison s'est effondrée.
- Il ne reste plus de pays.
- La terre nous a trahis.
- La terre a fait goudou-goudou.

Goudou-goudou pour nommer, par les sons, les vacillements et les balancements, la terre qui a tremblé.
Les voix sont lourdes de chocs et de violences.
La terre a fait goudou-goudou.
Plus rien !

Et la nuit a été si longue...

Trente-cinq secondes.
Trente-cinq secondes.
Et tout tremble avec la terre.
Trente-cinq secondes de saccage.

Livre 16/21 pour le Challenge du 3% littéraire 1pourcent2010

Autres livres autour de Haïti :
yanvalou_pour_Charlie Yanvalou pour Charlie – Lyonel Trouillot
tonton_clarinette_p Tonton Clarinette – Nick Stone

en_attendant_la_mont__des_eaux En attendant la montée des eaux – Maryse Condé

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19 octobre 2010

Grandir - Sophie Fontanel

grandir Robert Laffont – août 2010 – 144 pages

Quatrième de couverture :
La longue histoire d'amour d'une fille pour sa mère.
"A 8 heures du matin, ça y est, j'avais accepté. Je me levai, je filai chez ma mère. je m'assis sur une chaise près du lit: "Maman, je lui disais pour la première fois depuis l'enfance: je t'aime. Tu es ma vie. Et comment, si je t'aime. toi qui es ma vie. je pourrais te laisser là dans ce lit, à l'abandon? Je ne le pourrais pas. Ecoute, je veux que tu me donnes l'autorisation d'appeler le docteur. qui appellera l'ambulance, et tu seras dans un hôpital mais tu seras soignée, et je t'aime. Et je te donnerai du courage, je le pourrai. Tu veux bien ?" La seconde inoubliable où je fus suspendue à sa réponse. "Oui à tout", elle avait annoncé. Et plus tard, dans l'ambulance, le sublime sourire retrouvé malgré les souffrances qu'elle endurait: "Sophie. tu me surprends." Grandir, c'est bien après la croissance, on dirait."

Auteur : Sophie Fontanel est romancière, essayiste et grand reporter à Elle.

Mon avis : (lu en octobre 2010)
Sophie Fontanel décrit avec beaucoup de pudeur et de tendresse sa relation avec sa maman de quatre-vingt-six ans qui devient dépendante. Elle décrit la difficulté qu'elle a eu de prendre la responsabilité de sa mère, il était temps pour elle de "Grandir" et d'inverser le rôle mère-fille.
Elle nous raconte avec beaucoup de délicatesse le quotidien de sa maman avec parfois des situations cocasses. Tout cela est vraiment à l'opposé du monde de la mode où travaille la narratrice. Sophie et sa maman sont très touchantes. Ce livre est un belle hommage d'une fille à sa mère. A découvrir.

Extrait : (début du livre)
Ces temps-ci, quand je pense à ce que j'essaie de sauver, je ressens un tel besoin d'aide que ça me fait trembler. Aider quelqu'un, je le sais maintenant, c'est avoir aussitôt soi-même besoin de secours. Et ces jours, je bois toute sympathie comme un buvard, et la moindre bonté me fait l'effet de l'amour. Jamais je n'ai eu autant la conscience des autres, moi qui ai fondé ma vie sur la liberté. J'ai depuis peu des idées nouvelles, par exemple sur ce que ça veut dire « être présent ». Je pense sans cesse qu'un jour moi aussi je serai âgée, moi aussi je passerai un cap et je devrai m'en remettre à la bienveillance d'autrui. Lorsque ce jour viendra, qui dans ce monde pourra faire pour moi ce que je fais pour ma mère ? Qui sera présent ? Qui me soutiendra quand, à mon tour, je serai une personne vulnérable ? Et est-ce que je me tuerai un jour, pour cause de ce manque d'amour très particulier qui est le manque d'aide ?

Je la regarde, cette mère épuisée de quatre-vingt-six ans, après que je l'ai couverte d'affection, de jonquilles pour sa maison, de soins, de paroles réconfortantes, d'une nouvelle robe, d'une galette des Rois, de bonbons au gingembre, de plaisanteries sur le cours des choses, de récits enjolivés de mon quotidien, de foi certaine dans le fait qu'à notre époque les gens vivent si longtemps qu'on ne peut plus dire, et qu'au bout du compte on ne peut plus donner aucune norme, je lui affirme qu'elle a meilleure mine, je la regarde, oui, et devant son insouciance retrouvée, la blague qu'elle a de nouveau la malice de faire, je me dis : « Encore un effort, et elle ne mourra pas. »

Livre 15/21 pour le Challenge du 3% littéraire 1pourcent2010

18 octobre 2010

De deux choses l'une – Christine Détrez

Lu dans le cadre du partenariat Blog-O-Book et des éditions Chèvre-feuille étoilée

de_deux_choses_l_une Chèvre-feuille étoilée - août 2010 – 168 pages

Quatrième de couverture :
Jeanne et Jeanne, les sœurs siamoises, les inséparables.
Vierge folle et vierge sage. Et inversement. A l'écart des autres. Il y avait elles, et nous. Comme dans les histoires d'enfants où dans les clairières peuvent survenir les loups, et parce que les libellules, en anglais, s'appellent dragons, c'est l'histoire d'une petite fille qui se fait manger par un ogre. C'est également l'histoire d'une amitié en miroir, entre deux Jeanne, où dans les jeux de reflets, l'une d'elle finit par se retrouver. C'est enfin l'histoire d'une rivière et de la lumière entre les feuilles, qui peut dissiper les ombres quand on apprend à la regarder. Christine Détrez joue avec bonheur de l'art de la fiction et du suspense. Elle réussit à nous tenir en haleine et à nous surprendre jusqu'à la dernière page de ce deuxième roman qui confirme son talent.

Auteur : Christine Détrez est écrivaine. Elle est agrégée de lettres classiques et docteur en sociologie. Elle s'intéresse également aux représentations du corps dans la littérature et dans le discours social et médiatique. Ses ouvrages font aujourd'hui figure de référence sur ces thématiques. Ce livre est son second roman.

Mon avis : (lu en octobre 2010)
Drôle de lecture... Ce livre est troublant, en lisant la quatrième de couverture, on ne comprend pas vraiment ce que va être ce livre. Le premier chapitre est plutôt obscure et j'ai eu peur de ne pas comprendre ce livre. Ensuite, l'auteur nous raconte la première rencontre entre les deux « Jeanne » au collège et ce prénom désuet qui va les lier. Ensuite alterne des chapitres qui parlent du présent ou de leur enfance. Au fil des chapitres, nous découvrons des petites comptines connues. Mais peu à peu l'histoire nous dévoile des zones d'ombres, l'histoire est plus complexe que ce que l'on imagine, un terrible secret va faire basculer le livre. Pour ma part, la surprise a été totale avec une révélation finale inattendue.

J'ai du mal à dire si oui ou non j'ai aimé ce livre... Il m'a dérangé, j'ai eu beaucoup de questions restées sans réponse, et j'ai pourtant relu certains passages après avoir terminé le livre pour tenter de répondre à mes interrogations.

Ce livre se lit facilement et il est très bien écrit. L'auteur sait installer une ambiance qui devient de plus en plus pesante.

Merci à Blog-O-Book  aux éditions Chèvre-feuille étoilée de m'avoir permise de découvrir ce livre.

Extrait : (début du livre)
Elle grossira, je maigrirai. Plus elle enflera, plus je me creuserai. Plus elle épaissira, moins je pèserai. Elle, pieds fichés en terre, plus que jamais soumise aux lois de la gravité, et moi, légère comme une plume, presque envolée. On ne verra plus qu’elle, peau du ventre bien tendue, et moi, je disparaitrai, m’effacerai. Elle resplendira, et moi reflet inversé. Elle, la photo, toute en sourires, moi, le négatif embrumé d’obscurité. Brioche levée, chairs moelleuses où se moirera la lumière, et moi, morceau de pain sec, épaules et hanches osseuses. Elle, le fruit, la chair pulpeuse, la fertile. Moi, branche noueuse et tordue, sèche comme du sureau, comme disait ma grand-mère – c’est du poison, les graines de sureau, et pourtant, on en fait de la gelée. Et pourquoi les oiseaux ne s’en empoisonnent-ils pas ?
     Moi, l’écorchée des planches anatomiques de Vésale, et on pourra lire le dessin de mes veines, de mon squelette, de mes muscles sous ma peau transparente à force d’être fine. La peau sur les os. Elle, opulente, toute en seins, la Vénus de Gautier D’Agoty, qui, l’air de rien, absente et maquillée, au fait c’est à moi que vous parliez, présente son ventre ouvert où dort un fœtus. Elle va avoir un bébé.
     Comme des vases communicants, les deux parties jumelles d’un sablier, sœurs siamoises, ce qui remplit l’une vide l’autre, par osmose, par écoulement harmonieusement équilibré. « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». L’étreinte accomplie, où nos formes s’épouseront parfaitement. L’une complète l’autre, deux pièces d’un puzzle, elle en relief, moi en creux. À nous deux, on sera cette bouteille à moitié vide ou à moitié pleine. Elle pleine et ample, épanouie – c’est toujours beau une femme enceinte – moi avalée de vide, comme aspirée de l’intérieur.
Chair de ses entrailles, leur chair et leur sang mêlés. Question de liquide. C’est bien une question de fluide, de liquide, après tout, il a suffi de quoi, ça représente quoi, une toute petite goutte, rien du tout, invisible à l’œil nu. Elle, son corps nu, et lui en elle, il a bien fallu. Et voilà, une tache noire sur une échographie, flottant dans cet espace inconnu, amniotique, c’est donc ça, juste ça, l’intérieur de son ventre, ce balayage de pois gris en arc de cercle comme la trace des essuie-glaces sur un pare brise, hop, effacée la tache, un détritus ramassé dans une pelle à poussières. Un petit coup de chasse d’eau, et ça disparaitrait dans le tourbillon, adieu. Non, à la place des cataractes en trombe, comment dit-on, ils nagent dans un océan de bonheur ? Une vague de joie les a submergés...

Livre 14/14 pour le Challenge du 2% littéraire 1pourcent2010

17 octobre 2010

Les fautes de Lammé Bouret - Jean Failler

Lu durant le Read-A-Thon RAT_logo

les_fautes_de_Lamm__Bouret De Palemon – novembre 2004 – 114 pages

Quatrième de couverture :
Mary Lester est dépêchée à Pont-Aven où le corps inanimé d'un octogénaire vient d'être retrouvé à son domicile par sa femme de ménage, Eglantine Duverger. Apparemment, le vieillard a été roué de coups et a succombé à ses blessures. La police locale penche immédiatement pour un crime crapuleux commis par un rôdeur. Mais, avant de mourir, le vieil homme a pu livrer le nom de son assassin à Eglantine Duverger. Mary se met, avec scepticisme, à la recherche de ce coupable désigné qui porte le même nom qu'un héros de roman. Parallèlement, elle se penche sur la personnalité de la victime et s'aperçoit que ce modeste ouvrier d'imprimerie en retraite avait une double vie et qu'en dépit d'une retraite fort modeste, il disposait d'une cagnotte bien remplie. Quel était donc le secret de monsieur Aurélien Fabre ? En le mettant à jour, Mary va faire une autre découverte, bien plus surprenante encore…

Auteur : Jean Failler est un auteur Breton né le 26 février 1940 à Quimper. Il est en particulier le créateur du personnage de Mary Lester auquel il a consacré à ce jour 35 romans. Il habite actuellement à l'Île-Tudy (Finistère).

Mon avis : (lu en octobre 2010)
C'est l'enquête numéro 24 de Mary Lester et c'est la plus courte. Cette enquête touche le milieu des écrivains. Cela commence par le meurtre d'un vieil homme, Aurélien Fabre, retraité d’une imprimerie. C'est un érudit, et personne ne lui connaissait d'ennemi. Avant de mourir, la victime a prononcé ces quelques mots : « C’est la faute de l’Abbé Mouret ». Le meurtre a lieu du côté de Pont-Aven, dans le Finistère Sud, et Mary Lester va mener son enquête avec son fidèle lieutenant Fortin. Ce n'est pas la meilleure enquête de la série mais ce livre se lit facilement et l'on découvre une intrigue autour des livres et des écrivains plutôt bien construite.

Extrait : (le début du livre)
La dépouille mortelle du vieil homme était étendue, face contre terre, dans la pièce qui lui servait de bureau. C’était d’ailleurs, à proprement parler — si l’on peut user de ce qualificatif pour évoquer une pièce où règne une famille de chats à la nombreuse progéniture — plus un capharnaüm qu’un bureau.
Sans grand effort d’imagination, on aurait pu se croire dans l’arrière-boutique d’un bouquiniste collectionneur particulièrement bordélique.
Dans le clair-obscur de cet antre où le jour ne pénétrait que parcimonieusement par d’étroites fenêtres voilées de rideaux gris de crasse, son pauvre petit corps de vieillard gisait entre un lutrin porteur d’un gros livre somptueusement relié de cuir et une chaise bancale dont la paille s’en allait en lambeaux.
Aux murs, des rayonnages ployaient sous les livres, la table de bois blanc qui servait d’écritoire était, elle aussi, accablée de piles d’ouvrages qui envahissaient jusqu’au plancher dont on entrevoyait, entre d’autres entassements de même nature, les frises de sapin aux lames usées par les ans, où les nœuds saillaient, noirs et luisants comme des verrues de mauvais aloi.
Derrière ce rempart de papier, le vieil homme s’était ménagé une sorte de meurtrière, juste une place où insérer sa carrure étriquée et poser ses coudes étroits afin de pouvoir écrire.
Un porte-plume à manche de bois garni d’une plume sergent-major, tel que la République en fournissait aux écoliers de la communale avant la guerre de quatorze-dix-huit, était posé sur la table.
— Il devait être en train d’écrire quand on l’a agressé, dit le lieutenant Fortin dont la grande carcasse encombrait cette pièce saturée de meubles hors d’âge et de liasses de papiers jaunis.
Point de trace de lettre, pourtant, sur le vieux calendrier des Postes qui servait de sous-main.
— Je ne crois pas, dit Mary Lester. Si on l’avait agressé à cet endroit, ces piles de bouquins se seraient écroulées.
Elle toucha du doigt l’entassement de grimoires qui branla dangereusement.
— L’agresseur aurait pu les remettre en place, objecta Fortin.
Mary secoua la tête négativement :
— Non. Regarde, la poussière y est encore. Et puis, ajouta-t-elle, où est l’encrier ?
— L’encrier, répéta Fortin les sourcils froncés, quel encrier ?
— Cette petite bouteille où l’on met l’encre, dit Mary.

17 octobre 2010

Les bruines de Lanester - Jean Failler

Lu durant le Read-A-Thon RAT_logo

les_bruines_de_Lanester De Palemon – avril 2003 – 175 pages

Quatrième de couverture : La découverte d'un clochard noyé dans le Scorff, entre Lanester et Lorient, quoi de plus banal ? La disparition d'un directeur de société, ça arrive tous les jours ! Des loubards qui volent une voiture, cambriolent une maison…Routine que tout cela pour l'inspecteur Amadéo. La vie s 'écoule, simple et tranquille, au commissariat de Lorient. Ou plutôt s'écoulerait, si une jeune femme, inspecteur stagiaire, ne s'avisait de vouloir contre toute logique relier ces faits pour en tirer des conclusions pour le moins surprenantes. Mary Lester parviendra-t-elle, dans cet univers d'hommes, à mener son enquête jusqu'au bout ? Vous le saurez en marchant sur ces traces, dans " Les bruines de Lanester ".

Auteur : Jean Failler est un auteur Breton né le 26 février 1940 à Quimper. Il est en particulier le créateur du personnage de Mary Lester auquel il a consacré à ce jour 32 romans. Il habite actuellement à l'Île-Tudy (Finistère).

Mon avis : (lu en octobre 2010)
C'est la première aventure de Mary Lester, une héroïne de roman policier créé par Jean Failler, l'originalité de cette série est que chacune des enquêtes se déroulent dans différentes villes ou régions de Bretagne. Moi qui aime tellement cette région, j'ai pratiquement toute la série dans ma bibliothèque.
Lors de la première enquête, Mary Lester est inspecteur stagiaire à Lorient. L'enquête se situe à Lanester, une ville voisine de Lorient. Mary est une femme dans un milieu d'hommes et ce n’est pas toujours facile. Son supérieur, Marc Amédéo est un homme désagréable et vaniteux. Il lui donne les petits dossiers à traiter : cela commence par la noyade de clochard, puis elle doit enquêter sur la disparition d'un cadre de super marché parti chercher du bois avec une camionnette...
L'intrigue est bien construite et alors qu'aux deux tiers du livre on pense avoir deviné qui est le coupable, un nouveau rebondissement va survenir...
Un livre qui se lit facilement, on passe un bon moment avec Mary Lester, personnage attachant et perspicace.

mary_lester

En 1998 est tourné le téléfilm Marée Blanche, dont l'histoire est adaptée du livre de Jean Failler (enquête n°4 de Mary Lester) avec quelques ajouts des scénaristes. Ce policier, réalisé par Christiane Leherissey d'une durée de 90 minutes, met en scène Mary Lester sous les traits de Sophie de La Rochefoucauld.
Un courte série de six épisodes sera faite en 1999, avec le personnage de Mary Lester mais les intrigues ne sont pas celles des livres de Jean Failler.

Extrait : (début du livre)
Le corps de Maurice Toussaint, dit Momo, ou Toutousse, selon le degré d'intimité dans lequel on s'était trouvé avec le défunt, fut découvert à basse mer par Aimable Maugracieux, ci-devant maître canonnier, présentement en retraite.Il reposait sur la vase noire du Scorff, les bras en croix au milieu du parc à bois de la Compagnie des Indes, et devait à la bretelle de sa besace de n'avoir pas été emporté au large par le jusant. En effet, celle-ci s'était prise dans un des pieux vermoulus qui servaient autrefois à retenir les troncs dont on faisait les navires, et qui trempaient là de longs mois, immergés au gré des marées. Cette pratique avait pour effet d'habituer ces terriens à ce qui serait désormais leur élément, la mer, lorsque les charpentiers de l'Arsenal tout proche les auraient bien sûr débités en quilles, membrures, jambettes, bordés et autres mille pièces de bois qui, une fois assemblées devenaient par le génie de l'homme, un vaisseau de guerre.
À ces pieux destinés à retenir d'autres troncs que des troncs humains, Toutousse s'était sans vergogne amarré pour son dernier voyage.
Aimable Maugracieux surpris, s'arrêta, demeura un temps immobile comme s'il doutait de sa raison, puis jura devant sa macabre découverte :
- Nom de Dieu !
Et s'en approcha prudemment, comme s'il craignait une quelconque entourloupette de la part du défunt. Toutousse, de son vivant, n'avait jamais fait de mal à personne. C'était un doux clochard aux ambitions limitées à deux objectifs bien précis : trouver à boire quand il se réveillait, et dormir quand il avait bu.
Cette fois il avait bu plus que de raison, et d'un liquide dont son organisme n'avait pas plus l'habitude en usage externe qu'en usage interne : de l'eau ! Et de l'eau salée de surcroît ! Un liquide enfin qui ne lui filerait pas la gueule de bois puisque la gueule de bois n'est-ce pas, on ne la ressent vraiment qu'au réveil et que là, Toutousse paraissait parti pour un sommeil qui promettait d'être éternel.
Inoffensif de son vivant, la mort ne l'avait pas rendu redoutable. Néanmoins... On ne sait jamais. La face camuse d'Aimable Maugracieux se renfrogna sous le coup de la contrariété. Il allait falloir qu'il prévienne les flics et il n'était pas loin de prévoir des irritations de ce côté-là. Questions, témoignage, bref, perte de temps. Rien de bon, vraiment rien de bon ! ...

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16 octobre 2010

Green River – Tim Willocks

l_odeur_de_la_haine green_river

Pocket – octobre 1997 – 416 pages

Sonatine – avril 2010 – 410 pages

traduit de l'anglais par Pierre Grandjouan

Quatrième de couverture :
Green River, un pénitencier de sécurité maximale au Texas. Un univers sans pitié où le silence n'existe pas, l'obscurité non plus. Un véritable enfer, entre tensions raciales et violences quotidiennes, dans lequel vivent cinq cents âmes perdues. C'est ici que Ray Klein, ancien médecin, purge sa peine. Alors que sa libération approche, une émeute éclate dans la prison. Au milieu du chaos et de l'anarchie, Ray, qui est tombé amoureux de Juliette Devlin, psychiatre judiciaire, va tout mettre en œuvre pour sauver la jeune femme séquestrée avec ses patients dans l'infirmerie. Avec ce huis clos impitoyable peuplé de figures effrayantes, depuis John Campbell Hobbes, directeur de prison psychorigide, jusqu'à Henry Abbott, meurtrier schizophrène, Tim Willocks nous offre un portrait terrifiant de la vie carcérale. Il nous donne surtout un thriller prodigieux, au rythme haletant et au suspens oppressant.

Auteur : Tim Willocks est né en 1957. Grand maître d'arts martiaux, il est aussi chirurgien, psychiatre, producteur et écrivain. Scénariste, il a travaillé avec Steven Spielberg et Michael Mann. Green River, déjà publié en France en 1995 chez Plon, sous le titre L'Odeur de la haine, est son premier roman. Il en a depuis publié cinq autres, parmi lesquels La Religion (Sonatine, 2009). Il vit en Irlande.

Mon avis : (lu en octobre 2010)
Ce livre nous plonge dans l'univers carcéral des États-Unis. Green River est un pénitencier au Texas. Une prison où les rivalités entre communautés Noirs, Latinos et Blancs sont présentes.
Dans cette prison, Ray Klein, ancien chirurgien, travaille à l'infirmerie et purge sa peine. Il vient d'apprendre qu'il sera libéré le lendemain lorsque qu'une émeute éclate dans la prison.
Ray Klein veut attendre tranquillement au fond de sa cellule que tout se calme mais les évènements en ont choisi autrement car certains émeutiers veulent attaquer l'infirmerie pour tuer les « Pédés » (c'est à dire les malades atteints du sida)...
C'est un roman très noir, violent, rien n'est épargné au lecteur. Avec l'émeute, Green River est devenu pire que l'enfer : le feu, les égouts, des viols, des explosions, de la fumée, des flingues, des hommes terrifiants. Mais heureusement dans ce chaos et cet enfer il y a un peu d’espoir. Il reste un peu d'humanité pour certains et malgré les rivalités raciales il y a des amitiés qui se créent.
Un thriller passionnant, une plongée dans l'enfer des prisons. Pour public averti...

Un grand Merci à Delphine du Blog Mes petites idées grâce à qui j'ai gagné ce livre cet été.

15 octobre 2010

La vie de ma mère ! - Thierry Jonquet

Lu durant le Read-A-Thon RAT_logo

la_vie_de_ma_m_re_ la_vie_de_ma_m_re

Gallimard – novembre 1994 – 142 pages

Folio – novembre 2001 – 147 pages

Quatrième de couverture :
Ce n'est pas l'histoire de sa mère car de mère, il en a si peu. Elle n'est jamais là, elle travaille comme standardiste de nuit à Lariboisière. Elle fait de son mieux. Alors il vit sa vie tant bien que mal et la raconte dans son langage à lui, le môme des cités. Il n'est pas fort en rédaction, mais lui aussi fait de son mieux...

Auteur : Né à Paris en 1954, auteur de polars, Thierry Jonquet fait figure de référence dans ce genre littéraire et bien au-delà. Engagé politiquement dès son adolescence, il entre à Lutte ouvrière en 1970 sous le pseudonyme de Daumier (caricaturiste du XIXe siècle), puis à la Ligue communiste révolutionnaire l'année de son bac. Après des études de philosophie rapidement avortées et plusieurs petits boulots insolites, un accident de voiture bouleverse sa vie : il devient ergothérapeute et travaille successivement dans un service de gériatrie puis un service de rééducation pour bébés atteints de maladies congénitales, et enfin dans un hôpital psychiatrique où il exerce les fonctions d'instituteur. Inspiré par l'univers de Jean-Patrick Manchette, son premier roman, 'Le Bal des débris', est publié en 1984 bien qu'il ait été écrit quelques années plus tôt. 'Mémoire en cage' paraît en 1982, suivent 'Mygale' (1984), 'La Bête et la belle', 'Les Orpailleurs' (1993), qui confirment le talent de Thierry Jonquet pour le roman au réalisme dur, hanté par la violence et les questions de société. Ainsi, 'Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte', paru en 2006 évoque sans tabous la violence et l'antisémitisme qui sévissent dans certaines banlieues. Thierry Jonquet a également scénarisé plusieurs bandes dessinées parmi lesquelles 'Du papier faisons table rase', dessiné par Jean-Christophe Chauzy. Plébiscité par la critique, l'une des plus élogieuses est signée Tonino Benacquista qui écrit de lui : 'Jonquet sculpte la fiction, c'est le matériau qu'il façonne pour lui donner une âme, le même que celui d'Highsmith ou de Simenon, il est difficile d'en citer beaucoup d'autres.' Alors qu'il venait de publier 'Ad Vitam aeternam', Thierry Jonquet, décède en août 2009, après avoir lutté deux semaines contre la maladie.

Mon avis : (lu en octobre 2010)

Ce livre raconte l'histoire assez banale de Kevin, jeune adolescent. Son père a quitté la famille lorsqu'il était tout petit, il vit seul avec sa mère qui travaille de nuit au standard de l'hôpital Lariboisière. Sa grande sœur travaille dans la coiffure et vit avec un portugais. Son grand frère travaille dans un garage en province. Il est au collège en 6ème SES (section d'éducation spécialisé) et il tombe amoureux de Clarisse une élève du collège, il va être encouragé à travailler un peu plus à l'école. Mais il va également rencontrer une bande de petits délinquants...

L'originalité de ce livre, c'est la façon dont l'histoire est racontée, car c'est Kévin lui-même qui raconte sa vie, avec son regard, mais aussi son langage de jeune des cités. Pour ce livre, Thierry Jonquet a fait un gros travail sur la langue des banlieues. Au début, j'ai eu un peu de mal à comprendre ce langage mais en lisant à haute voix certaines phrases, je m'y suis habituée. Et j'ai pris du plaisir à lire ce livre.

Extrait : (début du livre)
Il me l'avait bien dit, monsieur Bouvier, que si je continuais à faire l'andouille, je pourrais jamais aller au collège normal, comme les autres copains de la classe. Monsieur Bouvier, c'était le maître qu'on avait en CM2. Il était vachement sévère, monsieur Bouvier. Il me punissait sans arrêt, mais faut dire qu'on faisait le souk dans la classe, moi, Farid, Mohand et Kaou !
Monsieur Bouvier, il nous avait mis au fond, tous les quatre, à côté de l'aquarium, pour pas qu'on gêne les autres. On faisait les cons quand même, mais à force on avait plus envie, c'était toujours la même chose, alors on se tenait peinards. Pendant qu'ils faisaient les dictées ou les problèmes, on jouait avec nos Mega-drive ou on écoutait IAM sur nos walkmans.
Quand même, le jour où avec Farid, on a versé de la Javel Lacroix dans l'aquarium, là, monsieur Bouvier il a pas aimé. Les poissons, ils étaient tous crevés ! Le dirlo, il nous a fait style la morale, comme quoi on devrait avoir honte de tuer des pauvres bêtes, qu'on avait même pas le respect des animaux, et tout ! Il nous a bien pris la tête, làçui, avec ses poissons, mais à la cantine, on en mange bien, des trucs en carré panés, cap'tain Igloo comme à la télé, alors qu'est-ce qu'il y a, où qu'il est le respect avec ces poissons-là ?
Du coup, quand on lui a dit ça, à monsieur Bouvier, il s'est vachement véner, et il nous a collé une baffe, à moi, Kaou, Mohand et Farid. Il avait pas le droit de nous taper, c'est marqué dans le règlement de l'école. Même qu'après, Béchir, le grand frère à Farid, il a voulu pécho monsieur Bouvier, mais il l'a pas fait, il a juste niqué les pneus de sa Clio avec un cutter, dans le parking.

Déjà lu de Thierry Jonquet :

Ils_sont_votre__pouvante Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte

les_orpailleurs_p Les orpailleurs  mon_vieux Mon vieux

du_pass__faisons_table_rase_p Du passé faisons table rase ad_vitam_aeternam_p Ad vitam aeternam

m_moire_en_cage Mémoire en cage  moloch_p Moloch  mygale_p Mygale

le_secret_du_rabin_p Le secret du rabbin  la_belle_et_la_bete_p La Belle et la Bête

le_bal_des_d_bris_2010 Le bal des débris

14 octobre 2010

L'étrangleur de Cater Street de Anne Perry

Lu dans le cadre du Baby Challenge Polar 2011
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Baby Challenge - Polar Livraddict : 7/20 déjà lus

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10/18 – septembre 1999 – 384 pages

10/18 – avril 2002 – 381 pages

traduit par Annie Hamel et Roxanne Azimi

Quatrième de couverture :
Suffragette avant l'heure, l'indomptable Charlotte Ellison contrarie les manières et codes victoriens et refuse de se laisser prendre aux badinages des jeunes filles de bonne famille et au rituel du tea o'clock.
Revendiquant son droit à la curiosité, elle parcourt avec intérêt les colonnes interdites des journaux dans lesquels s'étalent les faits divers les plus sordides.
Aussi bien le Londres des années 1880 n'a-t-il rien à envier à notre fin de siècle : le danger est partout au coin de la rue et les femmes en sont souvent la proie.
Dans cette nouvelle série " victorienne ", la téméraire Charlotte n'hésite pas à se lancer dans les enquêtes les plus périlleuses pour venir au secours du très séduisant inspecteur Thomas Pitt de Scotland Yard. Charmante Sherlock Holmes en jupons, Charlotte a déjà séduit l'Angleterre et les États-Unis. La voici partie à l'assaut de l'Hexagone.

Auteur : Juliet Hulme, habituellement connue sous son pseudonyme d'Anne Perry est un auteur de romans policiers victoriens. Elle est la fille d'Henry Hulme, astronome, physicien nucléaire et mathématicien qui, en vue de soigner sa tuberculose, l'envoya d'abord dans des sanatoriums aux Antilles puis en Afrique du Sud. Le choix de son père d'accepter en 1948 sa nomination comme recteur de l'Université de Canterbury (Nouvelle-Zélande), a certainement été influencé par la possibilité de faire soigner son enfant. La jeunesse d'Anne Perry fut mouvementée, puisqu'elle fut poursuivie et condamnée, en 1954, pour le meurtre de la mère d'une amie très proche, accompli avec celle-ci. Cet épisode tourmenté de sa vie est directement à l'origine du film 'Créatures célestes' (1994), coécrit et coproduit par son mari Peter Jackson, qui en assurera la réalisation. Son besoin d'écriture semble avoir toujours existé mais il lui faudra attendre une vingtaine d'années avant de voir ses efforts couronnés de succès par la publication en 1979 de 'L' Etrangleur de Cater Street', premier d'une longue série de succès mérités. Sans délaisser sa spécialisation victorienne, elle a toutefois fait quelques incursions dans le domaine de la littérature fantastique et a débuté une nouvelle série policière ayant pour cadre le Paris de la Révolution française. Elle vit aujourd'hui en Ecosse.

Mon avis : (lu en octobre 2010)

Ce roman se déroule à Londres, sous le règne de Victoria. C'est le premier de la série qui met en scène Charlotte Ellison et l'inspecteur Thomas Pitt.

Un série de meurtres mettant en scènes des jeunes femmes étranglées ont lieu dans Cater Street, et affole la famille Ellison et leurs voisins. C’est l'inspecteur Thomas Pitt est chargé de mener l'enquête.

Dans la famille Ellison, il y a trois filles, Sarah, l'aînée est mariée, la plus jeune, Emily, travaille ardemment à se trouver un mari. La dernière, Charlotte, est une fille atypique de la bonne bourgeoisie de Londres, elle refuse les règles rigides et absurdes de la bonne société, elle est trop intelligente et trop directe pour se trouver un mari. L'intrigue est passionnante et bien construite, mais ce roman est également une critique très juste de la société victorienne. Les confrontations entre Charlotte et l'inspecteur Thomas Pitt sont vraiment très amusantes. Les personnages de cette série sont vraiment bien décrits et très attachants. Après cette découverte, je lirai certainement d’autres épisodes pour retrouver Charlotte et Thomas Pitt !

Extrait : (début du livre)
Charlotte Ellison se tenait au milieu du salon désert, le journal à la main. Son père avait commis l'imprudence de le laisser traîner sur la desserte. Il désapprouvait ce genre de lecture, préférant lui fournir des informations qui lui semblaient mieux convenir à l'éducation d'une jeune fille. Cela excluait les scandales, l'ordre politique ou personnel, les controverses de toute nature et, bien entendu, les crimes : tout ce qui, en fait, présentait un intérêt !
Aussi Charlotte devait-elle se procurer les journaux à l'office où Maddock, le majordome, les gardait pour les lire avant de les jeter. Elle avait donc toujours au moins un jour de retard sur le reste des Londoniens.
Quoi qu'il en soit, elle avait un quotidien du 20 avril 1881 entre les mains, donc un journal du jour. La nouvelle la plus remarquable était celle de la mort de Mr Disraeli, la veille. Charlotte se demanda comment réagissait Mr Gladstone. Éprouvait-il une sensation de vide ? Un ennemi juré occupe-t-il une place dans la vie d'un homme qu'un véritable ami ? Certainement, oui. Dans le tissu des émotions, l'ennemi correspond à une erreur dans la trame.

Charlotte entendit des pas dans l'entrée et rangea très vite le journal. Elle n'avait pas oublié la colère de son père, le jour où il l'avait surprise en train de lire un quotidien du soir, trois ans plus tôt. Il s'agissait d'un article sur cette affaire de diffamation entre Mr Whistler et Mr Ruskin. C'était donc différent. Cependant, lorsqu'elle avait émis le désir d'en savoir plus sur la guerre des Zoulous, racontée par des journalistes présents sur les lieux, son père s'était montré tout aussi intraitable. Pour finir, ç'avait été Dominic, le mari de sa soeur, qui l'avait régalée de savoureux récits. Hélas, chaque fois avec un jour de retard !

13 octobre 2010

Il a jamais tué personne, mon papa - Jean-Louis Fournier

Lu durant le Read-A-Thon RAT_logo

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Stock – janvier 1999 – 152 pages

Livre de Poche – décembre 1999 – 150 pages

Quatrième de couverture :
Il était docteur, le papa de Jean-Louis Fournier.
Un drôle de docteur qui s'habillait comme un clochard, faisant ses visites en pantoufles et bien souvent ne demandait pas d'argent. Ses patients lui offraient un verre. Il n'était pas méchant, seulement un peu fou quand il avait trop bu ; il disait alors qu'il allait tuer sa femme. Un jour il est mort : il avait quarante-trois ans. Longtemps après, son fils se souvient. A petites touches, en instantané, il trace le portrait de ce personnage étonnant, tragique et drôle à la fois.
Il a appris, en devenant grand, l'indulgence. Et qu'il ne faut pas trop en vouloir à ceux qui, plus fragiles, choisissent de " mauvais " moyes pour supporter l'insupportable. Il en résulte un livre drôle et poignant qui a bouleversé des dizaines de milliers de lecteurs.

Auteur : Jean-Louis Fournier est un écrivain, humoriste et réalisateur de télévision né à Arras le 19 décembre 1938. Il est le créateur, entre autres, de La Noiraude et d'Antivol, l'oiseau qui avait le vertige. Par ailleurs, il fut le complice de Pierre Desproges en réalisant les épisodes de La Minute nécessaire de Monsieur Cyclopède, ainsi que les captations de ses spectacles au Théâtre Grévin (1984) et au Théâtre Fontaine (1986). C'est également à lui que l'on doit l'intitulé de la dépêche AFP annonçant le décès de l'humoriste: "Pierre Desproges est mort d'un cancer. Etonnant non ?". Il adore Ionesco.
Jean-Louis Fournier est l'auteur de nombreux succès depuis 1992 (Grammaire française et impertinente), Il a jamais tué personne mon papa (1999), Les mots des riches, les mots des pauvres (2004), Mon dernier cheveu noir (2006). Autant de livres où il a pu s entraîner à exercer son humour noir et tendre. Où on va, papa est peut-être son livre le plus désespérément drôle.

Mon avis : (lu en octobre 2010)
C'est un beau livre, très court et poignant, qui parle de l'alcoolisme et de ses conséquences sur un ton léger, plein de poésie et de tendresse.
C'est à la manière d'un petit garçon, Jean-Louis Fournier nous parle de son père.
" Mon papa était docteur. Il soignait les gens, des gens pas riches, qui souvent ne le payaient pas, mais ils offraient un verre en échange, parce que mon papa, il aimait bien boire un coup, plusieurs coups même, et le soir, quand il rentrait, il était bien fatigué. Quelquefois, il disait qu'il allait tuer maman, et puis moi aussi, parce que j'étais l'aîné et pas son préféré. Il était pas méchant, seulement un peu fou quand il avait beaucoup bu. Il a jamais tué personne, mon papa, il se vantait. "
A travers de nombreuses anecdotes, Jean Louis Fournier rend un bel hommage à l'humanité de son père malgré tout.
"Un jour, il est rentré avec sa traction dans un troupeau. Il a abimé quelques moutons mais il a pas écrasé le berger, il s'est arrêté juste devant."
"Un jour, le patron d'un des cafés où papa avait ses habitudes, il a fait des gros travaux dans son bistrot. Il a acheté un nouveau comptoir. Tout le monde a dit que c'était le docteur Fournier qui avait subventionné les travaux. Je ne savait pas ce que ça voulait dire, "subventionner", j'ai regardé dans le dictionnaire, ça veut dire « aider financièrement ».  Pourquoi maman, elle a pas ouvert un bistrot?"

Déjà lu du même auteur :

ou_on_va_papa_p Où on va papa ? le_cv_de_Dieu Le CV de Dieu

l_arithm_tique_impertinente L'arithmétique appliquée et impertinente

la_grammaire_impertinente La grammaire française et impertinente

13 octobre 2010

Vivement l’avenir – Marie-Sabine Roger

Lu durant le Read-A-Thon RAT_logo

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vivement_l_avenir Éditions du Rouergue – août 2010 – 301 pages

Quatrième de couverture :
« Dans les maternités, d’après moi,
il n’y a que des princesses et des princes charmants,
dans les petits berceaux en plastique.
Pas un seul nouveau-né qui soit découragé,
déçu, triste ou blasé.
Pas un seul qui arrive en se disant :
Plus tard, je bosserai en usine pour un salaire de misère.
J’aurai une vie de chiotte et ce sera super.
Tra-la-lère. »

Auteur : Née en 1957 à Bordeaux, Marie-Sabine Roger a toujours été passionnée par l'écriture. Après une carrière de 10 ans comme enseignante en maternelle, elle se consacre entièrement, depuis 1999, à son métier d'écrivain. Mère de trois enfants, elle vit dans la région de Nîmes et a publié de nombreux ouvrages pour la jeunesse et pour adultes.

Mon avis : (lu en octobre 2010)
Voilà un livre plein d’espoir et de chaleur qui est également pour moi un vrai coup de cœur. Les narrateurs sont tour à tour Alex et Cédric. Alex est une solitaire aux allures de garçon qui a été embauchée en CDD dans le poulailler industriel.
Cédric est un jeune de 28 ans, désœuvré qui ne s’imagine aucun avenir. Il passe ses journées au bord du canal avec son copain Olivier, dit le Mérou, à lancer des canettes dans l'eau. Alex est émue par Gérard (ou Roswell), fortement handicapé, qui est le beau-frère de Marlène sa logeuse. Celle-ci a du mal à supporter Roswell et le malmène un peu.
Alex va s'occuper de Roswell, elle lui raconte des histoires, écoute ses poèmes, elle rit avec lui, elle le considère comme une vrai personne et pas comme un « monstre ». Alex va même fabriquer un chariot pour sortir Roswell et c'est en le promenant au bord du canal, ils vont rencontrer Cédric et Olivier. Ensemble, ils vont démontrer vis à vis de Roswell un beau sens de l'amitié, et de la solidarité. Une très belle histoire !

Extrait : (début du livre)
Comment c'était venu dans la conversation, je ne sais plus très bien. C'était venu. C'est tout.
L'origine, elle était peut-être à chercher du côté des clébards, quand la télé avait parlé de ceux qu'on abandonne à la SPA, au début des vacances. Tous ces braves chiens-chiens avec la truffe humide et dans leurs yeux marron de l'amour sans reproche.
- Abandonner son chien ! Si c'est pas malheureux ! a dit Marlène, à un moment, en caressant Tobby. La peine de mort, il leur faudrait, à tous ces salopards !
- Bah ! La peine de mort, faut pas pousser, non plus... Mais de la tôle, oui. Là, je dirais pas non ! a répondu Bertrand, de sa voix toujours calme.
Jamais je ne l'ai vu énervé, celui-là.
Marlène a secoué la tête. Quand elle a une idée, elle s'y tient.
- La peine de mort et voilà tout. Hein, mon Tobby, mon amour, mon pépère ? La guillotine, hein ? Et en plusieurs fois, tant qu'à y être. À petits coups de cisaille, tchak tchak.
- La guillotine, ben voyons ! a dit Bertrand.
Roswell s'est marré. Il se marre tout le temps.
Moi j'étais dans mon coin, je lisais, sans rien dire. Je parle rarement. Ça servirait à quoi ?   

Mais l'origine était sans doute aussi dans la bêtise de Roswell, un peu plus tôt dans la soirée. Parce qu'il avait voulu se faire du pop-corn, sans rien demander à personne.
Il pourrait se nourrir de pop-corn, de frites et de Coca, il en est fou.
Il avait allumé le gaz, tout seul, posé la poêle sur le feu, bien huilée comme il faut selon la procédure. Et puis il l'avait oubliée, forcément.
Roswell n'a pas de suite dans les idées. Peut-être pas d'idées, non plus. Tout au plus des initiatives.   

Alors, quand Marlène est allée dans la cuisine pour mettre l'eau des pâtes à chauffer, tout était envahi d'une fumée épaisse et âcre, qui piquait salement les yeux.
Elle a crié :
- Ah ben ça, ah ben ça ! Mais c'est quoi, ce bordel ?!
Elle a ouvert la fenêtre en urgence, en envoyant valser tout ce qui était devant : la passoire en métal, le pichet, la salière et les couverts en bois. Elle a balancé la poêle dans l'évier, fait couler l'eau en grand, c'est parti en vapeur. Il n'est plus resté que l'odeur.   

Quand elle est revenue dans la salle à manger, Marlène hurlait que non, alors là non ! Non, cette fois, on avait dépassé la mesure du comble ! Elle disait qu'il avait encore failli tout faire cramer, ce crétin, ce taré ! Qu'un beau jour, la maison, ça serait plus qu'un tas de cendres en ruines, et par la faute à qui ?
Roswell a rigolé, mais pas d'un rire franc.
Moi qui le connais mieux que le reste du monde, puisque je suis la seule à me soucier de lui, je voyais bien qu'il avait les miquettes, rien qu'à cette façon de coller du regard aux gestes de Marlène, de ne pas la quitter de l'oeil, surtout pas, au cas où.
Marlène, elle a parfois la main leste, avec lui. Lourde, aussi. Mais elle a seulement soupiré, en se tournant vers moi :
- Va me le mettre au pieu, tiens ! Moi je peux plus le voir, il me pile l'humeur, j'en ai les nerfs qui me sortent des gaines !
- Il a mangé ? a fait Bertrand.
- Il a pas faim !
J'ai aidé Roswell à sortir du fauteuil. On a pris l'escalier, lui devant, moi derrière, pour parer, au cas où. Je l'ai fait arrêter aux toilettes. Après, je l'ai mené jusqu'à sa chambre. Je l'ai aidé à se déshabiller, à enfiler son pyjama, je lui ai mis sa couche pour la nuit. J'ai remonté la couette sous son menton barbu, je lui ai enlevé ses lunettes, je lui ai porté un verre d'eau.
Il a chuchoté :
- Hésschantille-hein ?
J'ai dit ben oui, bien sûr ! Bien sûr, je suis gentille ! Tu le sais bien, non ?
- Hhhui. Hésschantille, toi.
- Oui, je suis gentille, moi. Et toi, tu devrais éviter de faire
du pop-corn !   

Il a rigolé. J'ai montré la veilleuse, d'un hochement de tête. Il a fait no-no-non, no-no-non ! Je sais bien qu'il a peur du noir. Du noir, des araignées, des guêpes, des orages. Et de Marlène, aussi. De Marlène, surtout.
J'ai touché de l'index ma visière invisible, OK chef, compris chef, je te la laisse allumée, ta lumière. Il a souri de tout son trop de dents qui encombre sa bouche, de ses gencives de mulet. Il a refait mon geste, en me saluant, la main un peu en travers de sa joue.
- Oké-sschef !
Je lui ai fait un clin d'oeil avant de refermer la porte. Il avait déjà pris le coin de son drap pour téter. Il a cligné des yeux, les deux en même temps. Un seul, il ne sait pas le faire.

Comme chaque soir, j'ai pensé : Sacré Roswell ! Tu es tombé dans un piège à cons, le jour où tu es sorti du ventre de ta mère.   

Livre 13/14 pour le Challenge du 2% littéraire 1pourcent2010

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