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A propos de livres...
30 septembre 2010

Boomerang – Tatiana de Rosnay

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Éditions Héloïse d'Ormesson – avril 2009 – 376 pages

Livre de Poche - avril 2010 - 375 pages

traduit de l'anglais par Agnès Michaux

Quatrième de couverture :
Sa sœur était sur le point de lui révéler un secret... et c'est l'accident. Elle est grièvement blessée. Seul, l'angoisse au ventre, alors qu'il attend qu'elle sorte du bloc opératoire, Antoine fait le bilan de son existence: sa femme l'a quitté, ses ados lui échappent, son métier l'ennuie et son vieux père le tyrannise. Comment en est-il arrivé là? Et surtout, quelle terrible confidence sa cadette s'apprêtait-elle à lui faire? Rattrapé par le passé, Antoine Rey vacille. Angèle, une affriolante embaumeuse, lui apportera une aide inattendue dans sa recherche de la vérité. Entre suspense, comédie et émotion, Boomerang brosse le portrait d'un homme bouleversant, qui nous fait rire et nous serre le cœur.

Auteur : Née en 1961, Tatiana de Rosnay est franco-anglaise. Elle vit à Paris avec sa famille. Journaliste, elle est l'auteur de neuf romans, dont "La Mémoire des murs" et "Elle s'appelait Sarah" (Prix Chronos, Prix des lecteurs de Corse et Prix des lecteurs-choix des libraires du Livre de Poche).

Mon avis : (lu en septembre 2010)
Pour les 40 ans de Mélanie, Antoine offre à sa sœur un week-end surprise à Noirmoutier. C’est l’île de leur enfance, ils n’y sont pas retournés depuis plus de trente ans, Mélanie avait six ans et Antoine avait dix ans. C’était le dernier été qu’ils ont passé avec leur maman, celle-ci est décédée l’année suivante à l’âge de trente-cinq ans.
Antoine est architecte, divorcé, père de trois enfants dont l’adolescence le dépasse un peu. Mélanie est éditrice et célibataire. Ce week-end à Noirmoutier va faire resurgir les souvenirs du passé. C’est pendant le voyage du retour que Mélanie, alors au volant, commence cette phrase « Antoine, il faut que je te dise quelque chose. J'y ai pensé toute la journée. La nuit dernière, à l'hôtel, tout m'est revenu. C'est à propos… »
Et c’est l’accident.
A l’hôpital, Antoine s’interroge sur la révélation que sa sœur voulait lui faire. Il va également faire connaissance avec la belle et mystérieuse Angèle qui va l’aider à avancer dans sa vie.
Antoine va mener son enquête sur le passé de sa famille tout en gérant le mieux possible sa vie professionnelle, son rôle de père, ses sentiments et ses faiblesses.
Un livre très facile à lire et que l’on ne veut pas lâcher, des personnages attachants et originaux, un livre plein d’émotion qui m’a beaucoup touchée.

Extrait : (début du livre)
La petite salle d'attente est morne. Dans un coin, un ficus aux feuilles poussiéreuses. Six fauteuils en plastique se font face sur un lino fatigué. On m'invite à m'asseoir. Je m'exécute. Mes cuisses tremblent. J'ai les mains moites et la gorge sèche. La tête me lance. Je devrais joindre notre père avant qu'il ne soit trop tard, mais je suis tétanisé. Mon téléphone reste dans la poche de mon jean. Appeler notre père ? Pour lui dire quoi ? Je n'en ai pas le courage.
La lumière est crue. Des tubes de néon barrent le plafond. Les murs sont jaunâtres, craquelés par le temps. Hébété sur mon siège, désarmé, perdu, je rêve d'une cigarette. Je dois lutter contre un haut-le-cœur. Le mauvais café et la brioche pâteuse que j'ai avalés il y a deux heures ne passent pas.
J'entends encore le crissement des pneus. Je revois l'embardée de la voiture. Ce drôle de balancement quand elle s'est brutalement déportée vers la droite pour venir heurter le rail de sécurité. Puis le cri. Son cri. Qui résonne toujours en moi.
Combien de gens ont patienté ici ? Combien ont attendu sur ce même siège d'avoir des nouvelle d'un être cher ? Je ne peux m'empêcher d'imaginer ce dont ces tristes murs ont été témoins. Les secrets qu'ils renferment. Leur mémoire. Les larmes, les cris. Le soulagement et l'espoir, aussi.
Les minutes s'égrènent. Je fixe d'un œil vide la pendule crasseuse au-dessus de la porte. Rien d'autre à faire qu'attendre.

Après une demi-heure, une infirmière entre dans la pièce. Son visage est long et chevalin. De sa blouse dépassent de maigres bras blancs.
— Monsieur Rey ?
— Oui, dis-je, le souffle court.
— Vous voudrez bien remplir ces papiers. Nous avons besoin de renseignements complémentaires. Elle me tend plusieurs feuilles et un stylo.
— Elle va bien ? tenté-je d'articuler.
Ma voix n'est qu'un faible fil prêt à se rompre. De ses yeux humides, aux cils rares, l'infirmière me lance un regard inexpressif.
— Le docteur va venir.
Elle sort. Elle a le cul plat et mou.
J'étale les feuilles sur mes genoux. Mes doigts ne m'obéissent plus.
Nom, date et lieu de naissance, statut marital, adresse, numéro de sécurité sociale, mutuelle. J'ai les mains qui tremblent tandis que j'écris :
Mélanie Rey, née le 15 août 1967 à Boulogne-Billancourt, célibataire, 49 rue de la Roquette, 75011 Paris
.
Je ne connais pas le numéro de sécurité sociale de ma sœur, ni sa mutuelle, mais je dois pouvoir les trouver dans son sac à main. Où est-il ? Je ne me souviens pas de ce qu'est devenu ce fichu sac. Mais je me rappelle parfaitement la façon dont le corps de Mélanie s'est affalé quand on l'a extraite de la carcasse. Son bras inerte qui pendait dans le vide quand on l'a déposée sur la civière. Et moi ? Pas une mèche de travers, pas un bleu. Pourtant j'étais assis à côté d'elle. Un violent frisson me secoue. Je veux croire que tout cela n'est qu'un cauchemar et que je vais me réveiller.
L'infirmière revient et m'offre un verre d'eau. Je l'avale avec difficulté. L'eau a un goût métallique. Je la remercie. Je n'ai pas le numéro de sécurité sociale de Mélanie. Elle hoche la tête, récupère les papiers et sort.
Les minutes me semblent aussi longues que des heures. La pièce est plongée dans le silence. C'est un petit hôpital dans une petite ville. Aux environs de Nantes. Je ne sais pas vraiment où. Je pue. Pas d'air conditionné. La sueur s'instille de mes aisselles jusqu'au pli de mes cuisses. L'odeur âcre et épaisse de la peur et du désespoir me submerge. Ma tête me lance toujours. Je tente de maîtriser ma respiration. Je ne tiens que quelques minutes. Puis l'atroce sensation d'oppression me gagne à nouveau.

Paris est à plus de trois heures de route. Ne devrais-je pas appeler mon père ? Ou ferais-je mieux d'attendre ? Je n'ai aucune idée de ce que le médecin va me dire. Je jette un coup d'œil à ma montre. Vingt-deux heures trente. Où se trouve notre père à cette heure ? Est-il sorti dîner ? Ou dans son bureau à regarder une chaîne du câble, avec Régine dans le salon d'à côté, probablement au téléphone ou en train de se faire les ongles ?
Je décide de patienter encore un peu. J'ai envie de parler à mon ex-femme. Le nom d'Astrid est toujours le premier qui s'impose dans les moments de détresse. Mais... Elle et Serge, à Malakoff, dans notre maison, dans notre lit, cette manie qu'il a de décrocher, même si c'est son portable à elle qui sonne. Rien que d'y penser... « Salut Antoine, ça va, mon pote ? » C'est plus que je ne peux le supporter. Alors, voilà, je ne vais pas appeler Astrid, même si j'en crève d'envie.

Je suis toujours assis dans ce cagibi étouffant à essayer de garder mon calme. À tenter de dominer la panique qui s'empare de moi. Je pense à mes enfants. Arno, dans la pleine gloire de son adolescence rebelle. Margaux, à peine quatorze ans et déjà si mystérieuse. Lucas, onze ans, gros bébé comparé aux deux autres et à leurs hormones débridées. Impossible de m'imaginer leur annonçant : « Votre tante est morte. Mélanie est morte. Ma sœur est morte. » Ces mots n'ont aucun sens. Je les repousse farouchement.
Une heure supplémentaire d'angoisse pure. Prostré, la tête entre les mains, je me concentre sur ce que j'ai à faire. Demain, c'est lundi et après ce long week-end, il y a tant d'urgences à régler. Rabagny et sa foutue crèche, un chantier que je n'aurais pas dû accepter. Lucie, l'assistante cauchemardesque que je dois me décider à virer. La situation est absurde. Comment puis-je penser à mon boulot alors que Mélanie est entre la vie et la mort ? Pourquoi Mélanie ? Pourquoi elle ? Et pas moi ? Ce voyage, c'était mon idée. Mon cadeau pour son anniversaire. Ses quarante ans qu'elle redoutait tant.
Une femme, qui doit avoir mon âge, entre dans la pièce. Elle porte une blouse verte et le drôle de petit bonnet de papier que mettent les chirurgiens au bloc. Des yeux noisette perspicaces, une chevelure courte et châtain où courent quelques mèches grises. Elle sourit. Les battements de mon cœur s'accélèrent. Je me lève d'un bond.
— C'était limite, monsieur Rey.
Je remarque avec effroi des taches brunes sur sa blouse. Est-ce le sang de Mélanie ?
— Votre sœur va s'en tirer.
Malgré moi, je sens mon visage qui se décompose et je fonds en larmes. Mon nez coule. Je suis gêné de pleurer devant cette femme, mais incapable de me retenir.
— Ça va aller, ne vous en faites pas, me dit le docteur.
Elle me prend fermement le bras. Ses mains sont petites et carrées. Elle m'oblige à me rasseoir et s'installe à côté de moi. Je gémis comme quand j'étais môme. Le chagrin me prend aux tripes, les sanglots sont irrépressibles.
— C'est elle qui conduisait, n'est-ce pas ? Je confirme d'un hochement de tête, en m'essuyant le nez d'un revers de main.
— Nous savons qu'elle n'était pas sous l'emprise de l'alcool. Les analyses le prouvent. Pouvez-vous m'expliquer ce qui s'est passé ?
Je m'efforce de répéter ce que j'ai déjà dit à la police et au SAMU. Ma sœur avait voulu prendre le volant pour la fin du voyage. C'était une bonne conductrice. J'avais parfaitement confiance à ses côtés.
— A-t-elle perdu connaissance ?
Sur son badge, je lis : « Docteur Bénédicte Besson ».
— Non.
À cet instant, un détail me revient. J'ai oublié de le confier aux ambulanciers pour la bonne raison que je ne m'en souviens que maintenant.
Je fixe les traits fins et bronzés du médecin. Mon visage est encore déformé par l'émotion. Je respire profondément.
— Ma sœur voulait me dire quelque chose. Elle s'est tournée vers moi. Et c'est là que tout est arrivé. La voiture a fait une embardée sur l'autoroute. Tout s'est passé si vite.
Le médecin me presse.
— Que voulait-elle vous dire ?

Mélanie. Ses mains sur le volant.
Antoine, il faut que je te dise quelque chose. J'y ai pensé toute la journée. La nuit dernière, à l'hôtel, tout m'est revenu. C'est à propos... Ses yeux. Troublés, inquiets. Puis la voiture quittant la route.

Déjà lu du même auteur :

elle_s_appelait_sarah_p Elle s'appelait Sarah

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29 septembre 2010

Miss Charity – Marie-Aude Murail

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MissCharityGRAND École des Loisirs – novembre 2008 – 562 pages

Quatrième de couverture :
Charity est une fille.
Une petite fille.
Elle est comme tous les enfants : débordante de curiosité, assoiffée de contacts humains, de paroles et d'échanges, impatiente de créer et de participer à la vie du monde.
Mais voilà, une petite fille de la bonne société anglaise des années 1880, ça doit se taire et ne pas trop se montrer, sauf à l'église, à la rigueur. Les adultes qui l'entourent ne font pas attention à elle, ses petites sœurs sont mortes. Alors Charity se réfugie au troisième étage de sa maison en compagnie de Tabitha, sa bonne. Pour ne pas devenir folle d'ennui, ou folle tout court, elle élève des souris dans la nursery, dresse un lapin, étudie des champignons au microscope, apprend Shakespeare par cœur et dessine inlassablement des corbeaux par temps de neige, avec l'espoir qu'un jour quelque chose va lui arriver...

Auteur : Marie-Aude Murail est née au Havre en 1954. Elle vit avec son mari et a trois enfants, deux garçons et une fille. Elle a commencé à écrire pour la jeunesse en 1986. Au début, ses romans étaient surtout destinés à des femmes, puis elle s'est mise à écrire pour les jeunes de 7 à 16 ans. Dans ses romans, on peut retrouver énormément de dialogues entre les personnages. Son but est de séduire ses lecteurs grâce à de l'émotion et de l'amour. Le plus souvent, dans ses livres, les histoires se passent dans des milieux urbains et les héros sont des hommes, souvent des ados, motivés par des femmes. Elle a écrit Oh boy (2000), Simple (2004), Maïté coiffure (2004), Miss Charity (2008), Papa et Maman sont dans un bateau (2009).

Mon avis : (lu en septembre 2010)
Ce livre est formidable, il raconte l'histoire de Charity, une petite fille de la bonne société anglaise née en 1880. Charity nous raconte son histoire à partir de ses cinq ans, elle est seule car comme elle nous le raconte « J’aurais dû être assise entre mes deux sœurs. Mais Prudence, ma sœur aînée, avait renoncé à vivre trois heures après être née. Quant à Mercy, venue au monde deux ans plus tard, elle n’avait pas voulu tenter l’aventure plus d’une semaine. » Ses parents ne s'occupent pas d'elle, dès sa petite enfance, c'est Tabitha, sa bonne venue d'Écosse qui s'occupe d'elle, qui lui raconte des histoires qui font peur et qui petit à petit deviendra folle. Pour ne pas sombrer dans la solitude et l'ennui, Charity va grandir, en compagnie  des animaux qu'elle recueille et qu'elle apprivoise, chacun a un nom : sa première souris sera Madame Petitpas, puis il y aura Jack son hérisson, Julius son rat noir, Peter le lapin... Elle les observe et notes ses observations. Puis c'est vers l'âge de dix ans, que Charity aura une gouvernante française, Mlle Blanche Legros, qui lui enseignera le français et qui lui fera découvrir l’aquarelle. Grâce à cela, sa vie va être transformée, Charity aime l'aquarelle et elle a du talent, elle commence donc à peindre ce qu’elle voit autour d’elle : ses animaux, des paysages... Plus tard, elle publiera son premier livre pour enfants avec ses illustrations.

Dans une Angleterre victorienne, Miss Charity raconte l’histoire romancée de Beatrix Potter, mais pas seulement... On y croise également les personnages célèbres que sont Georges Shaw et Oscar Wilde, on y retrouve des références littéraires...

Ce livre nous dévoile des personnages attachants, en particulier Charity que l'on voit peu à peu s’émanciper, gagner sa vie et son indépendance. J'y ait trouvé également de l'humour et beaucoup d'émotions. Malgré ses 562 pages, j'ai dévoré ce livre en moins de 2 jours.
Il ne faut pas oublier également que le livre en lui-même est très beau avec en particulier les nombreuses illustrations et aquarelles de Philippe Dumas.

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Extrait : (page 16)
Ma souris, baptisée par mes soins Madame Petitpas, ne resta pas enfermée dans sa cage. Je laissais souvent la porte ouverte et Madame Petitpas en profitait pour pointer son nez, moustaches auvent. Elle était incroyablement effrontée, s'aventurant sur ma main, sur mon bras, mon épaule, me chatouillant le cou, s'empêtrant dans mes cheveux. J'avais beau la nourrir raisonnablement de légumes verts et de graines pour oiseaux, elle éventrait ma poupée de son ou grignotait le haut de mes bottines. Insensible à mes gronderies, elle s'asseyait sur son derrière, la queue en rond, et faisait sa toilette avec des gestes si drôles et si gracieux qu'il était impossible de se fâcher longtemps. C'était aussi une acrobate-née et elle s'était prise de passion pour ma maison de poupée, entrant par la fenêtre, grimpant l'escalier, ressortant par une lucarne. Elle y faisait des dégâts, rongeant le minuscule mobilier et semant partout ses petites crottes boudinées. Parfois, sa tête moustachue jaillissait de la cheminée puis disparaissait brusquement dans le conduit, comme si on venait de la tirer par la queue.
A quelque temps de là, Madame Petitpas me présenta à une de ses bonnes amies, plus courte et plus dodue, Miss Tutu. Miss Tutu était d'un naturel plus calme et pouvait rester toute une matinée dans la poche de mon tablier. Mais la nuit, je les entendais toutes les deux qui trottaient et couinaient dans la nursery. « C'est une invasion ! », se lamentait Tabitha. Elle ne faisait que commencer.

Déjà lu du même auteur :

Simple Simple  papa_et_maman_sont_dans_un_bateau Papa et Maman sont dans un bateau

27 septembre 2010

L’amour est une île - Claudie Gallay

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Quatrième de couverture :
C'est une saison singulière pour Avignon et les amoureux du théâtre : la grève des intermittents paralyse le festival. Un à un les spectacles sont annulés. Les visiteurs déambulent sous un soleil de plomb, à la recherche des rares lieux où joueront quand même quelques comédiens. Comme Mathilde, dite la Jogar : devenue célèbre depuis qu'elle a quitté Avignon, elle est enfin de retour dans cette ville où elle a grandi, et pour un rôle magnifique. L'homme qu'elle a tant aimé, et qui l'a tant aimée, Odon Schnadel, a appris sa présence par la rumeur. Lui-même vit ici en permanence, entre sa péniche sur le fleuve et le petit théâtre qu'il dirige. Cette année-là, avec sa compagnie, Odon a pris tous les risques. Il met en scène une pièce d'un auteur inconnu, mort clans des circonstances équivoques : un certain Paul Selliès dont la jeune sœur Marie - une écorchée vive - vient elle aussi d'arriver à Avignon, un peu perdue, pleine d'espérances confuses... ou de questions insidieuses. Car autour de l'œuvre de Paul Selliès plane un mystère que ces personnages dissimulent ou au contraire effleurent, parfois sans faire exprès, souvent clans la souffrance. Plongée au cœur des passions, des rêves et des mensonges, des retrouvailles sans lendemain, des bonheurs en forme de souvenirs, des amours que l'on quitte, des îles qu'on laisse derrière soi, le nouveau roman de Claudie Gallay noue et dénoue les silences d'un été lourd de secrets.

Auteur : Née en 1961, Claudie Gallay vit dans le Vaucluse. Elle a publié aux éditions du Rouergue L'Office des vivants (2000), Mon amour, ma vie (2002), Les Années cerises (2004), Seule Venise (2004, prix Folies d'encre et prix du. Salon d'Ambronay), Dans l'or du temps (2006) et Les Déferlantes (2008), qui a reçu le Prix des lectrices de Elle et fera prochainement l'objet d'une adaptation cinématographique.

Mon avis : (lu en septembre 2010)

 

Dans son nouveau livre, Claudie Gallay a quitté le Cap de La Hague, le vent et les tempêtes pour un cadre diamétralement opposé, le Festival d'Avignon en 2003 pendant l'été de la canicule. Cette année, le festival est perturbé par les grèves des intermittents du spectacle.

 

La ville est envahie par des manifestants, des comédiens ou des spectateurs qui recherchent les spectacles qui seront joués. Là vont s’affronter trois personnages. Odon Schnadel, il dirige le théâtre du Chien-Fou, et il met en scène la pièce Nuit rouge d’un auteur inconnu, Paul Selliès.Mathilde, dite la Jogar, est devenue célèbre, originaire d’Avignon, elle n’y est pas revenue depuis cinq ans. A cette époque, elle avait quitté Odon pour faire carrière. Et enfin Marie, elle est la sœur de Paul Selliès, marginale avec ses piercings, elle est venue à Avignon en stop depuis Versailles parce qu’elle a vu par hasard qu’on jouait une pièce de son frère. Elle est convaincue qu’Odon est responsable de la mort de son frère. 

 

Amour, trahison, théâtre, écrivain....voilà les ingrédients de ce roman qui se lit facilement. Les chapitres courts, des phrases simples décrivent parfaitement l’atmosphère tendue et lourde d’Avignon et les ressentis des personnages principaux et secondaires.

 

J’ai lu ce livre avec beaucoup de plaisir, j’ai aimé cette atmosphère étouffante et chaude, j’ai trouvé très attachante Marie et ses blessures. Une très belle découverte !

 

 

Extrait : (début du livre)
Il fait encore nuit et le fleuve est tranquille quand Odon Schnadel sort de sa péniche. Il tient un bol à la main. C'est son premier café, noir, brûlant. Il a mal au crâne. Il glisse deux aspirines dans le bol.
La chaleur est étouffante.
Des branches flottent, cassées plus au nord et charriées, apportées là, elles se confondent avec les eaux brunes.
Les arbres souffrent, même ceux qui ont les racines dans l'eau.
Sur le pont, ça sent le vernis. Il y a des pinceaux rouges dans une boîte, un pot, des chiffons. L'odeur du vernis ajoute au mal de crâne.
Odon boit son café en regardant couler le fleuve. Quelque part sur l'île, un chien hurle.
Une lucarne grillagée est plantée dans la porte. Faible halo jaune. Quand Mathilde est partie, il s'est juré ça, la laisser briller jusqu'à ce qu'elle revienne.
Cinq ans. Les ampoules ont grillé. Il les a remplacées.
Aujourd'hui, elle est là, quelque part en ville, pour le temps du festival. Depuis des semaines, la rumeur se répand, la Jogar revient entre ses murs, elle joue Sur la route de Madison au théâtre du Minotaure.
On parle d'elle dans les journaux.
On parle d'elle partout, dans son quartier, dans la rue. On dit qu'elle dort à la Mirande, l'un des plus beaux hôtels de la ville. On dit aussi qu'elle a renié son nom en devenant la Jogar.
Odon finit son café, le bol entre les mains, les coudes au bastingage.
Big Mac le crapaud se terre dans le talus.
Un train passe.
Odon tire une cigarette du paquet, arrache le filtre avec les dents. C'est sa dernière, il froisse le paquet, le jette dans le fleuve.
Il pisse dans l'eau.
Un poisson nage à la surface. Un silure est en train de crever dans les branches, entre la péniche et la rive. Tout a soif cet été, la terre, le ciel, même le fleuve réclame sa part.
Il pose son bol, remonte le silure, le rejette vers les courants.
Jeff arrive juste après huit heures, il cale le Solex contre le saule, enjambe la barrière.
Des touffes d'orties et d'herbes vertes ont pris racine au pied de la passerelle. Un pot avec un vieux géranium, les tiges noueuses, sèches.
Jeff monte sur la péniche.
Il enlève sa casquette. Ses cheveux sont trempés par la sueur.
Il jette le journal sur la table, entre le cendrier et le bol. Il le jette toujours de la même façon, la main désinvolte. La casquette suit.
Avant, il était cantinier à la prison. Quand la prison a fermé, il a gardé les clés, un trousseau entier. Depuis deux ans, il squatte une cellule avec la vue sur l'arrière du palais des Papes. Il touche une aide de l'Etat. Il fait aussi des petits boulots comme s'occuper de la péniche et du théâtre d'Odon.
Il sort un trèfle de sa poche.
- Je l'ai trouvé sur la rive. C'est un bon présage, il dit, en montrant les quatre feuilles.
Odon s'en fout, il vient d'ouvrir le journal.
- Bon présage, tu parles...
Sur la première page, en grand titre : Avignon, état de choc !
Après une semaine de grève, la direction du festival vient de décider l'annulation de tous les spectacles in. La nouvelle tombe dans les journaux.
Ça fait des années que le malaise grandit, il fallait bien que ça éclate.
Odon est inquiet. La veille encore, par solidarité, sa compagnie n'a pas voulu jouer.
Il passe ses mains sur son visage. Sa peau est sèche. Ou c'est l'intérieur de ses mains.
Il regarde le fleuve. Le soleil éclaire la surface de reflets rouges.
Jeff range le trèfle.

 

 

 

 

 

 

 

Il choisit une pomme dans la corbeille. Il se cale contre le bastingage, racle la peau avec les dents, après il attaque la chair. Il mange aussi le trognon. Il fait comme ça depuis toujours. Il avale aussi les pépins. Il paraît qu'il y a de l'arsenic dedans. Il n'y a que la queue qu'il ne mange pas.
- On dit que ce sera un sale été, il dit. Un été pourri.
Il énumère les travaux qu'il doit faire avant l'automne, laver le pont, vidanger le groupe électrogène, réparer la table pliante. Il doit aussi évacuer les branches mortes et jeter tous les pots de peinture vides qui traînent un peu partout.
Jeff est payé pour nettoyer, vernir, empêcher que tout ne devienne un taudis.
Il n'empêche pas.
Le pont est encombré par plusieurs grands fauteuils, un divan, un siège pivotant de coiffeur, une table basse au milieu. Un auvent de canisses protège tout ça du soleil.
Un piano. Jeff glisse sa main sur les touches, ramène un mélange de poussière et de pollen. Ses doigts laissent leur empreinte, une sueur qui s'efface.
Odon tourne les pages du journal. Rubrique Spectacles. La Jogar est en photo. Dans un salon d'hôtel, en robe du soir. La chevelure épaisse, les yeux sombres. Sur ses lèvres, ce sourire qui fait dire d'elle qu'elle est arrogante.
- Elle est revenue... dit Jeff en se penchant sur son épaule.
- Ça ne te regarde pas.
Il se redresse.
- J'aime pas qu'elle soit là.
- C'est pas ton problème.
Jeff recule.
- Je m'éloigne du journal alors.
- C'est ça, éloigne-toi.
Odon referme le journal.
- Faudrait que t'arraches les orties, on va bientôt plus pouvoir sortir.
- Je vais le faire.
- Deux semaines que tu le dis, Jeff... Tu as commencé à vernir le pont aussi et t'as pas fini.
- J'arrose les fleurs déjà...
- Oui, les fleurs tu les arroses mais les orties ça s'arrache, et Monsieur Big Mac n'aime pas leur odeur.
- Parfois, on n'aime pas et puis on s'attache, dit Jeff.
Odon plaque la main sur la table, les doigts écartés.
Jeff se tait.
Avec la chaleur, les feuilles se dessèchent, elles jaunissent, crèvent. Sous l'un des hublots, le lierre se transforme en lianes.
Il remplit l'arrosoir.
Des plantes sont alignées sur une planche au-dessus du piano. Des fleurs qui poussent dans des pots en verre, on voit les racines par transparence. C'est Jeff qui les plante. Quand il n'a plus de pots, il utilise des boîtes de conserve, avec une pointe il perce des trous. Il récupère de la terre à limon dans un endroit secret de l'île.
Tout ce que Jeff plante prend racine.
Il dit, Si je plantais la mort, elle pousserait aussi.
Odon pense à Mathilde. La nuit, il s'empêchait de dormir pour la regarder. Sa bouche lourde, son corps nu sous le drap, il en parcourait tous les contours, il la couvait, la recouvrait, il aimait tout d'elle, son ventre doux, l'odeur de sa peau, son rire, ses désirs, sa voix. Quand elle est partie, elle a dit, Tu penseras à moi de temps en temps ? Il n'a pas pu répondre. Il a posé un long baiser dans ses cheveux.
Jeff arrose les plantes au-dessus du piano. Il parle du festival de l'an passé.
- D'où il était le gars qui nous aidait pour les décors, il avait un drôle d'accent ?
- Du Michigan...
Jeff le sait mais il aime entendre prononcer ce nom, Michigan.
- Oui, c'est ça, il jouait du banjo...
Il parle encore, tout seul, en arrosant la terre.

 

 

 

Livre 10/14 pour le Challenge du 1% littéraire 1pourcent2010

Déjà lu du même auteur :

lesd_ferlantes Les déferlantes Dans_l_or_du_temps Dans l'or du temps

mon_amour_ma_vie Mon amour ma vie l_office_des_vivants L'office des vivants

seule_venise_p Seule Venise

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

26 septembre 2010

Hello monsieur Hulot – David Merveille

Lu dans le cadre du partenariat  Masse Critique de Babelio et Éditions du Rouergue

hello_monsieur_hulot Éditions du Rouergue - octobre 2010 – 56 pages

D’après le personnage de Jacques Tati.

Présentation de l'éditeur :
Après les tribulations amoureuses de M Hulot dans "Le Jacquot de M Hulot", David Merveille met à nouveau en scène le personnage de Jacques Tati dans une série de 22 strips où l'on retrouve toute la poésie, l'humour et le caractère subversif de M Hulot. Encore une fois, David Merveille nous montre combien Hulot est à la fois décalé et toujours d'actualité, par les jeux graphiques, les références cinématographiques ou littéraires et les clins d'œil à l'actualité, qu'il glisse dans ces mini-BD menées avec brio.

Auteur : David Merveille vit à Bruxelles. Il travaille pour la presse, la publicité et l'édition jeunesse et est enseignant à l'Institut Saint-Luc de Bruxelles, en graphisme et illustration.
Il a illustré de nombreuses campagnes publicitaires en France et en Belgique, réalise des affiches et des illustrations hebdomadaires de nouvelles qui paraissent dans le quotidien belge " La Libre Belgique". Il est l'auteur de plusieurs albums édités chez différents éditeurs ( Mijade, Rouergue, Nathan, Hachette, etc)

Mon avis : (lu en septembre 2010)
Quelle bonne surprise de trouver dans ma boîte aux lettres le livre « Hello monsieur Hulot » de David Merveille. J'avais sélectionné ce livre parmi mes choix lors de Critique en Masse de Babelio.
Or, un autre livre m'ayant été attribué, je ne m'attendais pas du tout à recevoir celui-ci.
A peine l'enveloppe ouverte que j'étais déjà en train de le lire... ou plutôt de le regarder, car il n'y a comme seul texte les titres de chacune des petites histoires.
Chaque histoire tient en deux pages : sur le recto il y a le début de l'histoire en plusieurs cases et au recto (il faut donc tourner la page) il y a la chute en pleine page. On retrouve le personnage de Monsieur Hulot créé par Jacques Tati, sa fantaisie, son étourderie, sa poésie, son humour, son côté enfantin.
Les dessins sont simples et colorés mais avec beaucoup de petits détails à découvrir, des clins d'œil à l'actualité, au personnage de Monsieur Hulot...
Le livre en lui-même est un belle objet avec un dos toilé.

Dès que j'ai terminé de le regarder, tour à tour mes fils et mon mari ont voulu le découvrir également. Cela s'est terminé par une lecture commune... chacun ayant vu des petits détails que les autres n'avaient pas vu !
L'avis de la famille est unanime : un très beau livre qu'on prend beaucoup de plaisir à lire et qui nous révèle beaucoup de surprise !

Un GRAND MERCI  aux éditions du Rouergue pour ce jolie cadeau.

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Extraits :

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Pour découvrir un peu plus l'auteur : Blog de David Merveille

25 septembre 2010

La maison d'à côté - Lisa Gardner

Livre lu dans le cadre du partenariat Livraddict et Albin Michel

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Albin Michel – septembre 2010 – 432 pages

traduit de l’américain par Cécile Déniard

Quatrième de couverture :
Un fait divers dans une banlieue résidentielle de Boston passionne les médias. Sandra Jones, jeune maîtresse d'école et mère modèle a disparu. Seul témoin : sa petite fille de 4 ans. Suspect N°1 : un mari Jason. Dès qu'elle pénètre dans la villa douillette des Jones, l'inspectrice D.D. Warren sent que quelque chose cloche. Aux yeux de tous, Sandra et Jason Jones avaient tout du jeune couple amoureux. Mais de toute évidence, cette apparente normalité dissimulait des zones d'ombre redoutables. Au fil des jours, la disparition de la jeune femme devient de plus en plus inquiétante. Pourtant Jason Jones semble plus intéressé à faire disparaître les preuves et isoler sa fille que par rechercher sa femme « chérie ». Le parfait époux essaierait-il de brouiller les pistes ou cherche-t-il simplement à se cacher ? Mais de qui ?

Auteur : Les suspenses de Lisa Gardner sont des best-sellers aux États-Unis et en Grande Bretagne. Sauver sa peau (2009) a connu un vrai succès en France.
Lisa vit aux États-Unis, dans un petit hameau des montagnes du New Hampshire.

Mon avis : (lu en septembre 2010)
« Autopsie d'une famille au-dessus de tout soupçon : un couple de rêve, une maison de rêve, et quelques secret... inavouables. » Voilà ce qui est fort bien résumé sur la première page de la jaquette du livre. Cela commence par la disparition d'une jeune et jolie femme de sa maison de Boston sans laisser de traces. Le seul témoin de sa disparition est Ree, sa petite fille âgée de 4 ans. Le premier suspect est son mari Jason Jones. C'est l'inspectrice D.D Warren qui mène l'enquête et dès le début elle trouve bizarre le comportement de Jason... Il cache quelque chose. D'autres personnages vont entrer dans l'histoire, chacun a des secrets et chacun pourrait être le coupable idéal...
Voilà un livre dont l'intrigue est très bien construite, le suspens se met en place peu à peu, des indices apparaissent, des fausses pistes également. Le lecteur suit l'histoire à travers plusieurs voix celle du narrateur, celle de Sarah et celle d'Aidan Brewster. Et j'avoue avoir été surprise par le dénouement du livre, que je n'avais pas vu venir.
A travers cette histoire, l'auteur aborde les sujets des enfants maltraités et du fichage des délinquants sexuels. J'ai passé un très bon moment avec ce livre dont l'histoire m'a captivée.

Merci à Livraddict et aux éditions Albin Michel pour m'avoir permis de découvrir ce livre et cette auteure.

Extrait : (début du livre)
JE ME SUIS TOUJOURS DEMANDÉ ce que ressentaient les gens pendant les toutes dernières heures de leur existence. Savent-ils qu’un drame est sur le point de se produire ? Pressentent-ils la tragédie imminente, étreignent-ils leurs proches ? Ou bien est-ce que ce sont juste des choses qui arrivent ? La mère de famille qui couche ses quatre enfants en s’inquiétant des covoiturages du matin, du linge dont elle ne s’est pas encore occupée et du bruit bizarre que fait à nouveau la chaudière, quand elle entend soudain un craquement sinistre au bout du couloir. Ou l’adolescente qui rêve de son shopping du samedi avec sa Meilleure Amie pour la Vie et qui découvre en ouvrant les yeux qu’elle n’est plus seule dans sa chambre. Ou le père qui se réveille en sursaut et se demande Mais qu’est-ce que ? juste avant de recevoir un coup de marteau entre les deux yeux.
Pendant les six dernières heures du monde tel que je le connais, je donne son dîner à Ree. Des macaronis au fromage de chez Kraft avec des morceaux de saucisse de dinde. Je coupe une pomme en tranches. Ree mange la chair blanche croquante et laisse des demi sourires de pelure rouge. Toutes les vitamines sont dans la peau, lui dis-je. Elle lève les yeux au ciel – elle a quatre ans, mais là on dirait quatorze. C’est déjà la bagarre pour les vêtements : elle aime les jupes courtes, son père et moi préférons les robes longues ; elle veut un bikini, nous tenons à ce qu’elle porte un maillot de bain
une pièce. J’imagine que c’est l’affaire de quelques semaines avant qu’elle ne demande les clés de la voiture.
Ensuite elle veut partir à la «chasse au trésor» dans le grenier. Je lui réponds que c’est l’heure du bain. De la douche, en fait. Depuis qu’elle est bébé, nous nous lavons ensemble dans la vieille
baignoire à pattes de lion dans la salle de bains de l’étage. Ree savonne deux Barbie et un canard princesse en caoutchouc. Je la savonne, elle. Lorsque nous avons fini, nous sentons toutes les deux la lavande et la salle de bains carrelée de noir et blanc est une étuve.
J’aime le rituel qui suit la douche. Nous nous enveloppons dans d’immenses serviettes, puis nous filons tout droit par le couloir froid jusqu’au Grand Lit de la chambre que je partage avec Jason ; nous nous y allongeons, côte à côte, les bras emmaillotés, mais les doigts de pied qui dépassent et se frôlent. Notre chat tigré orange, M. Smith, saute sur le lit et nous dévisage de ses grands yeux dorés en remuant sa longue queue.
«Quel moment tu as préféré aujourd’hui ?» demandé-je à ma fille.
Ree plisse le nez. «Je ne me souviens plus.»
M. Smith s’éloigne de nous, se trouve un coin bien douillet près de la tête de lit et commence sa toilette. Il sait ce qui vient ensuite.
«Mon moment préféré, c’est quand j’ai eu droit à un gros câlin en rentrant du collège.» Je suis enseignante. Nous sommes mercredi.
Le mercredi, je rentre vers quatre heures. Jason part à cinq. Ree a l’habitude de cette organisation à présent. Papa s’occupe d’elle la journée, maman le soir. Nous ne voulions pas que notre enfant soit élevée par d’autres et nous avons ce que nous voulions.
«Je peux regarder un film?» demande Ree. Sempiternelle question. Elle passerait sa vie enchaînée au lecteur de DVD si on la laissait faire.
«Pas de film, réponds-je avec légèreté. Raconte-moi l’école.»
Elle revient à la charge :
«Un petit film, dit-elle avant de proposer d’un air triomphant : Nos amis les légumes !
– Pas de film», répété-je en dégageant un peu mon bras pour la chatouiller sous le menton. Il est près de huit heures du soir et je sais qu’elle est fatiguée et têtue. J’aimerais éviter un beau caprice
aussi près de l’heure du coucher. «Alors, raconte-moi l’école. Qu’est-ce que vous avez eu comme collation ?»
Elle libère ses bras et me chatouille sous le menton. «Des carottes !
– Ah oui ?» Encore des chatouilles, derrière son oreille. «Qui les a apportées ?
– Heidi ! »
Elle essaie d’atteindre mes aisselles. Je bloque adroitement sa manœuvre. «Arts plastiques ou musique ?
– musique !
– Chant ou instrument ?
– Guitare ! »
Elle enlève sa serviette et me saute dessus pour me chatouiller partout où elle le peut de ses petits doigts vifs, dernier débordement d’énergie avant l’effondrement de la fin de journée. J’arrive à la
repousser, mais roule en riant jusqu’à tomber du lit. J’atterris lourdement sur le parquet, ce qui ne fait que redoubler l’hilarité de Ree tandis que M. Smith émet un miaulement de protestation. Il sort de la chambre en trottinant, impatient désormais que notre rituel du soir s’achève.
Je sors un long tee-shirt pour moi et une chemise de nuit Petite Sirène pour elle. Nous nous brossons les dents ensemble, côte à côte devant le miroir ovale. Ree aime que nous crachions en même temps. Deux histoires, une chanson et une demi-comédie musicale plus tard, elle est enfin couchée, Doudou Lapine entre les bras et M. Smith roulé en boule à ses pieds.
Vingt heures trente. Notre petite maison est officiellement à moi. Je m’installe au bar de la cuisine. Je prends un thé en corrigeant des copies, le dos tourné à l’ordinateur pour ne pas être tentée.
L’horloge en forme de chat que Jason a offerte à Ree pour Noël miaule pour sonner l’heure. Le bruit résonne dans les deux étages de notre pavillon des années 1950, qui paraît ainsi plus vide qu’il
ne l’est réellement.
J’ai froid aux pieds. C’est le mois de mars en Nouvelle-Angleterre, les journées sont encore fraîches. Je devrais mettre des chaussettes, mais j’ai la flemme de me lever.
Vingt et une heures quinze, je fais ma ronde. Je pousse le verrou de la porte de derrière, vérifie les coins en bois enfoncés dans tous les châssis de fenêtre. Pour finir, je ferme le double verrou de la porte d’entrée métallique. Nous vivons à South Boston, dans un quartier résidentiel sans prétention, avec des rues bordées d’arbres et des parcs pour les enfants. Beaucoup de familles, beaucoup de clôtures de piquets blancs.
Je vérifie quand même les verrous et je renforce les fenêtres. Jason et moi avons chacun nos raisons.

Livre lu dans le cadre du partenariat et Albin Michel

Livre 9/14 pour le Challenge du 1% littéraire 1pourcent2010

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23 septembre 2010

Le cœur régulier - Olivier Adam

le_coeur_r_gulier Editions de l’Olivier – août 2010 – 231 pages

Quatrième de couverture :
" Vu de loin on ne voit rien ", disait souvent Nathan. Depuis la mort de ce frère tant aimé, Sarah se sent de plus en plus étrangère à sa vie, jusque-là " si parfaite ". Le cœur en cavale, elle s'enfuit au Japon et se réfugie dans un petit village au pied des falaises. Nathan prétendait avoir trouvé la paix là-bas, auprès d'un certain Natsume. En revisitant les lieux d'élection de ce frère disparu, Sarah a l'espoir de se rapprocher, une dernière fois, de lui. Mais c'est sa propre histoire qu'elle va redécouvrir, à ses risques et périls. Grâce à une écriture qui fait toute la place à la sensation, à l'impression, au paysage aussi bien intérieur qu'extérieur, Olivier Adam décrit les plus infimes mouvements du cœur et pose les grandes questions qui dérangent.

Auteur : Olivier Adam est né en 1974. Après avoir grandi en banlieue et vécu à Paris, il s’est installé à Saint-Malo. Il est l’auteur de nombreux livres dont Passer l’hiver (Goncourt de la nouvelle 2004), Falaises, À l’abri de rien (prix France Télévisons 2007 et prix Jean-Amila-Meckert 2008), Des vents contraires (Prix RTL/Lire 2009).

Mon avis : (lu en septembre 2010)
Voilà un livre que j’avais hâte de découvrir. Dans ce livre on retrouve la grande sensibilité d’Olivier Adam. Il nous raconte la fuite de Sarah au Japon. Sarah est la mère de deux adolescents, elle a un mari parfait, une belle maison et un travail, une vie bien réglée. Mais Nathan, son frère, s’est tué dans un accident de voiture. Lorsque sa sœur Clara lui apprend la mauvaise nouvelle, Sarah répond «il l’a fait exprès». En effet, Nathan est un jeune homme instable, qui n'a jamais vraiment trouvé sa place dans la société. Il avait déjà fait plusieurs tentatives de suicides. Sarah et Nathan étaient très proches et complices pendant leur enfance et adolescence. Après la mort de Nathan, Sarah va chercher à comprendre qui était vraiment son frère. Elle va retourner sur les lieux que son frère aimait, en particulier dans ce petit village japonais au pied de falaises. Nathan y avait rencontré Natsume, un ancien policier qui sauve des vies.

J'aime beaucoup les livres d'Olivier Adam et celui-ci m'a également conquise. Ces personnages sont attachants, les descriptions sont superbes, j'ai l'impression de voir les paysages décrits devant mes yeux. Une bien belle histoire !

Extrait : (début du livre)
C'est une nuit sans lune et c'est à peine si l'on distingue l'eau du ciel, les arbres des falaises, le sable des roches. Seules scintillent quelques lumières, de rares fenêtres allumées, une dizaine de lampadaires le long de la plage, deux autres aux abords du sanctuaire, le néon d'un bar, un distributeur de boissons, myriade de canettes multicolores sous l'éclairage cru. Plus grand monde ne s'attarde à cette heure. La fin de l'été a ravalé les touristes, les dernières cigales crissent dans les jardins de l'hôtel, nous sommes fin septembre mais il fait encore tiède. Par la baie entrouverte monte la rumeur du ressac. S'y mêlent le froissement des feuilles, le balancement des bambous, les craquements des cèdres. Les singes se sont tus peu après la tombée du jour, tout à l'heure ils hurlaient de panique, puis l'obscurité a tout recouvert et ils ont renoncé. Je suis rentrée des falaises par ce chemin sinueux que j'emprunte depuis déjà six jours. Sous la voûte des grands arbres où se croisaient les premières chauves-souris et les dernières buses, au milieu des fougères et des tapis de mousse, j'ai longé des lanternes devenues familières, des rosa rugosa encore fleuris, des camélias aux feuilles luisantes, des érables encore verts, des maisons de bois par les fenêtres desquelles se devinaient des mobiliers à ras du sol, des cloisons de papier, l'écru blond des tatamis. Il n'était pas sept heures, mais déjà des repas s'y préparaient, répandaient leurs parfums moites de bouillon et d'algues, de thé vert et de soja. Trois gamins en tenue de base-ball me suivaient en bavardant, la batte sur l'épaule. Ils ont bifurqué dans mon dos sans que je m'en aperçoive, quand je me suis retournée il n'y avait plus personne, j'aurais aussi bien pu avoir été filée par des fantômes. Arrivée à l'hôtel, je me suis installée près des fenêtres, accroupis autour d'une table en bois laqué nous n'étions que cinq à dîner, Katherine, moi-même et trois Japonais : un couple élégant et silencieux, tous deux vêtus de kimonos sobres et parfaitement coupés, visages aux traits si fins qu'on les aurait dits échappés d'un film, d'une photo. Et, légèrement en retrait, un homme d'une cinquantaine d'années, costume anthracite sur chemise claire, dont la bouche arborait en permanence une cigarette entièrement blanche. Il les sortait d'un paquet souple et bleu ciel et ne s'interrompait que pour avaler quelques bouchées ou boire une gorgée de bière d'une longueur inhabituelle, comme s'il tentait de vider son verre en un seul trait. Nous nous sommes salués en hochant la tête, bustes inclinés et sourires de convenance, puis chacun s'est de nouveau penché sur son assiette. La patronne m'a servi un bol de riz et d'anguille avant de s'installer à l'écart pour prendre son repas elle aussi, en compagnie de sa fille Hiromi, une gamine d'une quinzaine d'années que j'avais croisée plus tôt dans la journée, sitôt quitté l'école elle avait remonté sa jupe de plusieurs centimètres, défait trois boutons de son chemisier, maquillé ses yeux et sorti son téléphone portable de son sac, d'où pendaient une dizaine de breloques : porte-bonheur shinto, figurines de manga, créatures issues de films de Miyazaki et la galerie complète des Aristochats. J'ai pensé à ma propre fille en la voyant, elle ne me manquait pas encore, est-ce que les enfants nous manquent une fois entrés dans l'adolescence, je n'en étais pas certaine. Romain non plus ne me manquait pas, Anaïs avait bientôt seize ans et lui quatorze à peine, depuis pas mal de temps déjà nous ne faisions plus que nous croiser, nous ne vivions plus ensemble mais les uns à côté des autres, sous un même toit, en colocation en quelque sorte, j'avais mis du temps à m'en rendre compte mais vu d'ici, vu de si loin, oui, c'est ainsi que m'apparaissaient les choses. "Vu de loin on ne voit rien", disait souvent Nathan à tout propos, et cette phrase semblait recouvrir à ses yeux une vérité essentielle. Je n'ai jamais compris ce que mon frère entendait par là mais aujourd'hui je sais qu'il avait tort, que c'est exactement le contraire : vu de près, pris dans le cours ordinaire, on ne voit rien de sa propre vie. Pour la saisir il faut s'en extraire, exécuter un léger pas de côté. La plupart des gens ne le font jamais et ils n'ont pas tort. Personne n'a envie d'entrevoir l'avancée des glaces. Personne n'a envie de se retrouver suspendu dans le vide. Nos vies tiennent dans un dé à coudre. Je ne sais plus qui disait ça l'autre jour, c'était à la radio je crois. Ou bien l'ai-je lu dans un livre. Je ne sais plus. Mais cette phrase m'a saisie, Nathan aurait pu la prononcer, ai-je pensé, l'ajouter aux dizaines d'autres, tout aussi définitives et désenchantées, qui lui servaient de viatique, dessinaient une ligne de conduite qui ne l'a jamais mené nulle part. J'avais pris le premier avion pour Tokyo, le cœur en cavale, dans un état de confusion totale, fuyant une menace indéfinissable dont je sentais qu'elle n'allait pas tarder à m'engloutir. Quand j'ai appelé les enfants, une fois arrivée ici, pour leur annoncer que voilà, j'étais partie au bout du monde pour quelque temps, que j'avais besoin d'une pause, de me retrouver, qu'un élan m'avait tirée vers l'est, vers ce pays, ces rues, ces paysages, ils se sont contentés d'acquiescer. Au fond je crois qu'ils s'en foutaient, pour eux ça ne devait pas signifier grand-chose. Pas beaucoup plus qu'une de ces lubies d'adulte névrosé dont ils avaient été plutôt protégés jusqu'alors, bien au chaud derrière les murs épais de notre maison confortable, la réserve feutrée et la pondération de leurs parents solides et raisonnables, mais dont regorgeaient les allées bien peignées de notre si jolie résidence : crises de nerfs, pétages de plombs, perversions, dépressions alcool adultère, vide et ressentiment en tout genre, il n'y avait qu'à se baisser, les rues et les maisons voisines en étaient pleines, comme partout ailleurs. Et il leur suffisait d'allumer la télé pour contempler des galeries entières de parents en tout point identiques aux leurs et à ceux de leurs camarades, rentrant chaque soir de leur travail valorisant et rémunérateur, dotés de voitures propres aux marques prestigieuses, suédoises ou allemandes, de résidences secondaires en Normandie en Bretagne ou dans le Pays basque, pratiquant le tennis, le golf et le jogging du dimanche matin, toujours impeccablement vêtus, goûtant le repos dans des pavillons rangés et entretenus, à la décoration choisie, et dont le vernis s'écaillait à la première occasion, laissant à nu des secrets putrides, les viscères du mensonge et de la dissimulation. Ils avaient raccroché en lâchant un "bon, ben... à bientôt maman" dubitatif et vaguement inquiet. Alain, leur père, avait dû prendre son air compréhensif et désolé, mon si parfait mari, votre mère est fragile en ce moment, avait-il dû leur confier, le front barré d'une ride soucieuse, après ce qui s'est passé il faut la comprendre, nous allons respecter son choix et attendre patiemment son retour, que pourrions-nous faire d'autre ? Ils avaient dû l'écouter sans réagir, impuissants et dépassés, ne sachant trop si cet événement en était vraiment un, ni ce qu'on attendait d'eux en pareilles circonstances.

Déjà lu du même auteur :

a_l_abri_de_rien A l’abri de rien  falaises Falaises

Des_vents_contraires Des vents contraires je_vais_bien_ne_t_en_fait_pas_p Je vais bien, ne t'en fais pas

Livre 8/14 pour le Challenge du 1% littéraire 1pourcent2010

22 septembre 2010

Swap Scandinavia : ouverture du colis !

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A la fin du mois de juillet dernier, je me suis incrite au Swap Scandinavia organisé par Isleene.
Ce Swap nous invitait à découvrir la Scandinavie à travers des livres, un objet, deux gourmandises, une surprise...
La Scandinavie regroupe 5 pays : le Danemark, la Finlande, l'Islande, la Norvège et la Suède.

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J'ai déjà eu l'occasion de lire des œuvres de chacun de ses pays mais ce swap a été l'occasion de découvrir un peu mieux la Scandinavie, dans un premier temps virtuellement !

Après une attente longue et impatiente et les ratés de La Poste... (cf.billet du 20/09)
J'ai enfin réussi à récupérer mon colis ce matin au bureau de poste :

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Un très gros paquet qui ne rentrait pas dans ma boîte aux lettres !

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avec pleins de paquets et de petits mots et une carte que je garde pour la fin...

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Voilà tous les paquets déballés !

Et voilà le détail :

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Les livres : 
Le livre de Dina tome 1 Herbjørg Wassmo,
le premier tome d'une trilogie que ma swappeuse veut me faire connaître.

Un safari arctique – Jørn Riel,
et autres racontars, un livre que ma swappeuse aime beaucoup,

L'Héritage impossible – Anne B. Ragde,
c'est le troisième tome de la "Trilogie des Neshov" dont j'ai déjà lu les premiers livres

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Un cœur, objet de déco scandinave
et des bâtonnets d'encens pour me plonger dans l'ambiance scandinave
"Veillée et contes d'hiver"

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le DVD Le Lièvre de Vatanen, tiré du roman d'Arto Paasilinna, j'ai bien aimé le livre et
je n'avais pas encore eu l'occasion de voir le film.

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Enfin les gourmandises...
Ma swappeuse a évité le hareng, elle a préféré le Pain d'Epices (moi aussi !)
pour évoquer la neige, elle a choisit Mousse au Chocolat blanc (très bon !)
Enfin, un énorme clin d'œil à la Suède avec les Krisprolls !
 

Et c'est la carte à l'esprit scandinave qui a dévoilé
le nom de ma swappeuse :
Pickwick

Un très grand MERCI à Pickwick pour tous ses paquets et
ses surprises nombreuses et variées.
Le plaisir que j'ai eu en découvrant ce colis a été proportionnel

à l'attente de la réception mouvementée de ce Swap

Et merci à Isleene pour l'organisation de ce Swap Scandinavia !

 

Pour ma part, j'avais préparé et envoyé un colis à Isleene

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21 septembre 2010

Maigret et le clochard – George Simenon

Lu dans le cadre du Challenge Maigret organisé par Ferocias

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Presses de la Cité – 1963 – 189 pages
Presses de la Cité – 1978 – 189 pages
Livre de Poche – octobre 2000 – 191 pages
Livre de Poche – octobre 2002 – 190 pages
Le Livre Qui Parle – novembre 2003 - CD

Quatrième de couverture :
Une nuit de mars, à Paris, deux bateliers tirent de la Seine un clochard grièvement blessé. Il s'agit de François Keller, un ancien médecin. Depuis plus de vingt ans, il a rompu tout lien avec son épouse et un milieu bourgeois qu'il ne supportait pas. Mais qui a pu vouloir sa mort ? C'est en bavardant avec les autres clochards que Maigret va reconstituer l'existence marginale de Keller, tout en s'intéressant à une Peugeot 403 rouge et à Van Houtte, un des sauveteurs de la victime, marié et père d'un jeune enfant. Les quais et les brumes de la Seine, le petit monde mystérieux des clochards et des mariniers fournissent au romancier un de ces décors en demi-teintes comme il les affectionne, pour y faire vivre une humanité apparemment ordinaire, mais lourde, pour qui sait voir, de secrets et de passions.

Auteur : Né à Liège le 13 février 1903, après des études chez les jésuites, et amené de bonne heure à gagner sa vie, Georges Simenon est contraint d'exercer divers métiers. Un temps reporter à La Gazette de Liège, il circule volontiers de par le monde, séjournant notamment à Paris. 'Le Roman d'une dactylo', publié sous un pseudonyme en 1924, est un véritable succès populaire. Dès lors, cet auteur prolifique rédige roman sur roman, à un rythme impressionnant, et donne naissance au fameux commissaire Maigret. L'univers de Simenon est marqué par un réalisme cru - ses personnages sont des êtres veules et médiocres - auquel se mêle toutefois une poésie particulière, liée à la restitution de l'atmosphère des lieux, ou à l'angoissante solitude qui enserre les hommes. En vertu de leurs qualités dramatiques intrinsèques, nombre de ses œuvres ont été adaptées au petit et au grand écran. Simenon gravit les marches de l'Académie royale de Belgique en 1952, rendant au genre policier toutes ses lettres de noblesse. Décédé à Lausanne le 04 septembre 1989.

Mon avis : (lu en septembre 2010)

Après ma première lecture de Simenon qui ne m'avait pas convaincu, j'ai choisi un Maigret écrit plus tardivement : Maigret et le Clochard est un roman de Georges Simenon publié en 1963.
Lors d’une nuit, à Paris, deux bateliers repêchent dans la Seine un clochard grièvement blessé. L’un des bateliers dit avoir vu sur le quai une voiture rouge. Maigret retrouve les occupants de cette voiture et découvre qu’ils sont innocents. Le clochard a un passé surprenant : c’est un ancien médecin, il a rompu avec sa femme car il ne supportait plus l’esprit bourgeois de celle-ci. On découvre un commissaire Maigret qui s’imprègne petit à petit de la vie des gens qui tournent autour de l’enquête et peu à peu il va comprendre pourquoi ce clochard a été jeté à l’eau… Mais je n’en dévoilerai pas plus !
Voilà une enquête de Maigret que j’ai suivie avec beaucoup de plaisir.

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Il existe deux téléfilms adaptés de ce livre, le premier a été réalisé en 1982 par Louis Grospierre, avec Jean Richard, le second a été réalisé en 2004 par Laurent Heynemann  avec Bruno Cremer.


Extrait : (début du livre)

Il y eut un moment, entre le quai des Orfèvres et le pont Marie, où Maigret marqua un temps d'arrêt, si court que Lapointe, qui marchait à son côté, n'y fit pas attention. Et pourtant, pendant quelques secondes, peut-être moins d'une seconde, le commissaire venait de se retrouver à l'âge de son compagnon.
Cela tenait sans doute à la qualité de l'air, à sa luminosité, à son odeur, à son goût. Il y avait eu un matin tout pareil, des matins pareils, au temps où, jeune inspecteur fraîchement nommé à la Police Judiciaire que les Parisiens appelaient encore la Sûreté, Maigret appartenait au service de la voie publique et déambulait du matin au soir dans les rues de Paris.

Bien qu'on fût déjà le 25 mars, c'était la première vraie journée de printemps, d'autant plus limpide qu'il y avait eu, pendant la nuit, une dernière averse accompagnée de lointains roulements de tonnerre.
Pour la première fois de l'année aussi, Maigret venait de laisser son pardessus dans le placard de son bureau et, de temps en temps, la brise gonflait son veston déboutonné.
A cause de cette bouffée du passé, il avait adopté sans s'en rendre compte son pas d'autrefois, ni lent ni rapide, pas tout à fait le pas d'un badaud qui s'arrête aux menus spectacles de la rue, pas non plus celui de quelqu'un qui se dirige vers un but déterminé.
Les mains jointes derrière le dos, il regardait autour de lui, à droite, à gauche, en l'air, enregistrant des images auxquelles, depuis longtemps, il ne prêtait plus attention.
Pour un aussi court trajet, il n'était pas question de prendre une des voitures noires rangées dans la cour de la PJ et les deux hommes longeaient les quais. Leur passage, sur le parvis de Notre-Dame, avait fait s'envoler des pigeons et il y avait déjà un car de touristes, un gros car jaune, qui venait de Cologne.

20 septembre 2010

Swap Scandinavia

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A la fin du mois de juillet dernier, je me suis incrite au Swap Scandinavia organisé par Isleene.
Ce Swap nous invitait à découvrir la Scandinavie à travers des livres, un objet, deux gourmandises, une surprise...
La Scandinavie regroupe 5 pays : le Danemark, la Finlande, l'Islande, la Norvège et la Suède.

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J'ai déjà eu l'occasion de lire des œuvres de chacun de ses pays mais ce swap a été l'occasion de découvrir un peu mieux la Scandinavie, dans un premier temps virtuellement !

C'est pour moi mon troisième Swap et je découvre que chaque Swap est différent, et qu'un Swap est source de nombreuses surprises...

Et, aujourd'hui étant le jour de publication pour toutes du résultat du Swap :
la grosse surprise pour moi... est que, à ce jour, je n'ai pas encore reçu mon colis !

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J'espère le trouver ce soir dans ma boîte aux lettres...

Edit du 20/09/2010, 18h30 : J'ai trouvé ce soir un avis de la poste pour le colis, la Poste serait passée samedi (or j'étais présente à l'heure du passage...) et je suis sûre que l'avis de passage a été mis ce matin car Samedi j'ai ouvert au moins 3 fois la BAL dans la journée...

Les horaires de la poste n'étant pas compatible avec les miens...
Je suis obligée d'attendre Mercredi matin pour aller retirer mon colis...

Voilà un swap qui m'aura fait patienter...

Merci d'avance à ma gentille Swappeuse et suite de l'aventure Mercredi prochain !

Pour ma part, j'avais préparé et envoyé un colis à Isleene

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20 septembre 2010

En attendant la montée des eaux – Maryse Condé

Livre lu dans le cadre du partenariat Blog-o-Book et  JC Lattès

en_attendant_la_mont__des_eaux Jean-Claude Lattès – août 2010 – 364 pages

Présentation de l'éditeur :
Babakar est médecin. Il vit seul avec ses souvenirs d’une enfance africaine, d’une mère aux yeux bleus qui vient le visiter en songe, d’un ancien amour, Azelia, disparue elle aussi, et autres rêves de jeunesse d’avant son exil en Guadeloupe, berceau de sa famille. Mais le hasard ou la providence place une enfant sur sa route et l’oblige à renoncer à sa solitude, à ses fantômes.

La petite Anaïs n’a que lui. Sa mère, une réfugiée haïtienne, est morte en la mettant au monde, lui léguant sa fuite et sa misère. Babakar veut lui offrir un autre avenir. Ils s’envolent pour Haïti, cette île martyrisée par la violence, les gouvernements corrompus, les bandes rebelles, mais si belle, si envoûtante. Babakar recherche la famille d’Anaïs, une tante, un oncle, des grands-parents peut-être, qui pourraient lui raconter son histoire. Mais Babakar ne rencontre personne et ne peut compter que sur lui et sur ses deux amis Movar et Fouad. Des hommes qui lui ressemblent, exilés, solitaires, à la recherche d’eux-mêmes et qui trouvent à Haïti des réponses à leur quête, un lieu de paix au milieu des décombres.

Auteur :  Née en 1934 à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), Maryse Condé est l’auteur d’une œuvre considérable : la trilogie Ségou, La Migration des cœurs, La Traversée de la mangrove, Désirada, La Belle Créole, Histoire de la femme cannibale, Les Belles Ténébreuses, publiée aux Editions Robert Laffont et au Mercure de France. Elle a reçu le prix Tropiques, le prix de l’Académie Française et le prix Marguerite Yourcenar. Après avoir longtemps enseigné à l’Université de Columbia, elle se partage aujourd’hui entre Paris et New York.
On retrouve dans
En attendant la montée des eaux ses thèmes et ses paysages de prédilection, l’empire de Ségou, les sociétés antillaises, la terrible Haïti.

Mon avis : (lu en septembre 2010)
C'est l'histoire de trois hommes et d'une petite fille en quête de ses origines. Babakar est médecin obstétricien en Guadeloupe, il recueille une petite fille, Anaïs, dont la mère vient de mourir en la mettant au monde. Cette femme est une clandestine haïtienne.
Avec l'aide de Movar, lui-même clandestin haïtien qui habitait avec Reinette la mère d'Anaïs, il va partir pour Haïti à la recherche de la famille de la petite fille. Il va rencontrer Fouad, un cuisinier libanais.
L'écriture est fluide et imagée rendant facile la lecture de ce livre. Mais l'histoire est un peu compliquée. En effet, la trame principale du livre est entrecoupée par les histoires des différents personnages, chacun ayant eu une histoire chaotique.
Les descriptions de Haïti, nous montre un pays ravagé par les guerres civiles, les désordres politiques et également par les cyclones…
Entre Afrique et Antilles, dans un environnement sombre et hostile, on ressent beaucoup d’humanité dans cette histoire.

Merci à Blog-o-Book et JC Lattès pour m'avoir permis de découvrir ce livre.

Extrait : (début du livre)

Babakar fut précipité de la tiédeur du sommeil à la clameur d'une nuit d'orage et atterrit, étourdi, saisi dans un vacarme. Le tonnerre grondait. Les tôles du toit grinçaient. Les branches des pié bwas craquaient avant de se fracasser à terre tandis que les mangots tombaient drus comme roches. Pendant son sommeil, il avait vu sa mère, souriante, radieuse, ses yeux de bleuet lumineux et rafraîchis comme si, au milieu du désordre des éléments, elle apportait un rameau d'olivier. Elle venait lui signifier que les pages noires de deuil étaient tournées et que se dessinait enfin la promesse du bonheur.

La pendule marquait 23 h 15. Il songea aux hommes qui en ce moment buvaient du rhum agricole, jouaient aux dés ou aux dominos et caressaient les seins durcis des femmes qu'ils s'apprêtaient à baiser. Lui, dormait déjà dans un pyjama de coton rayé.

Personne ne comprenait rien de rien à cet hivernage-là. Des semaines qu'on aurait dû en voir le bout. Mais la pluie n'arrêtait pas de flageller la Nature avec violence et de faire déborder les ravines les plus secrètes. Frissonnant dans l'humidité, Babakar enfila un peignoir et glissa sur ses pieds nus à travers l'enfilade de pièces de sa villa meublée sans goût, à la va-vite. Les maisons s'expriment à leur manière. Celle-là parlait de solitude et d'exclusion. Dans la cuisine, il se versa un verre de lait qu'il but trop hâtivement, en se salissant le menton. Il ne touchait jamais à l'alcool, non par souci de religion, mais parce que cela lui donnait des aigreurs qui ajoutaient au goût déjà si mauvais de sa vie.

Il emplissait à nouveau son verre quand la sonnerie de l'entrée retentit avec violence, pressée par une main fiévreuse.

Babakar sortit sur la galerie et, malgré la pluie, traversa en courant la pelouse, ses pieds nus s'enfonçant dans la gadoue puis s'en arrachant avec un bruit de succion. Un homme se tenait derrière la grille, s'abritant d'une feuille de bananier. Il était jeune. Beau. L'air craintif. Noir. Très noir. Habillé de hardes, curieusement chaussé de conver- ses rouges qui prenaient l'eau de toutes parts. Il s'agissait visiblement d'un Haïtien, innombrables dans la région malgré les arrestations et les reconduites aux frontières de plus en plus féroces de la police. Il balbutia :

- Fô li vini kounye-a. Li pral mouri !

Babakar ne s'était pas trompé : il reconnut le créole haïtien qu'il ne comprenait pas plus que le guadeloupéen et interrogea en français :

- De qui s'agit-il ? D'une de mes patientes ?

L'homme se borna à répéter avec plus de force :

- Li pral mouri !

Babakar retourna à l'intérieur de la maison pour s'habiller et prendre sa trousse. Puis, il rejoignit l'Haïtien qui, la tête entre les mains, s'était accroupi dans un coin du garage. Ils prirent place dans la vieille Mercedes, achetée pour une bouchée de pain à un VAT qui retournait à Angoulême, son contrat terminé. C'était une de ces nuits où ne peuvent germer que l'étrange ou l'insolite. Par une nuit semblable, Dieu avait dû créer l'homme avec tous les déboires que cela avait entraînés.

Après un virage, ils entrèrent dans un hameau enfoui sous un amoncellement de verdure.

- Nou rivé, fit l'Haïtien.

Il désigna une case abritée d'un bouquet de beaux ébéniers droits comme des I. Un homme âgé, les cheveux grisonnants et une femme rondouillarde en pleurs se tenaient devant la porte d'entrée. A leur approche, l'homme dit en se signant :

- I pati, Movar. I pa atan ou...

Il se signa à nouveau tandis que les sanglots de la femme redoublaient et que le jeune Haïtien fondait en larmes à son tour.

- Elle ne souffre plus, conclut l'homme en fixant Babakar d'un air théâtral...

Babakar crut reconnaître ce nègre solennel, dignement engoncé dans un costume élimé à la coupe d'avant-guerre. L'autre lui tendit la main :

- Docteur, je suis Cyprien Aristophane, le directeur de l'école communale Pierpont III.

Il présenta ses compagnons :

- Elle, c'est Yvelise Dentu et lui, c'est Movar Pompilius, un Haïtien comme la défunte, Reinette Ovide.

Brusquement, il reprit en créole :

- Pran kouwaj, Movar.

En effet, le malheureux semblait sur le point de tomber en léthargie, affalé à terre. Babakar sympathisa avec ce chagrin. D'expérience, il savait ce que cela signifiait de perdre un être qui vous est cher.

Il entra à l'intérieur de la maison.

Livre 7/7 pour le Challenge du 1% littéraire 1pourcent2010

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