Albin Michel – octobre 2009 – 583 pages
traduit de l’anglais Marie-Lise Marlière et Guillaume Marlière
Quatrième de couverture :
Les romans de Pat Conroy débordent de générosité. Attendue depuis des années par les lecteurs du Prince des marées et de Beach Music, sa nouvelle saga, formidable hymne à la Caroline du Sud dont il est originaire, confirme sa réputation de monstre sacré de la littérature américaine. Chronique familiale, Charleston Sud est aussi l'histoire d'une génération. Celle du narrateur, Leo King, et d'un groupe d'adolescents venus de tous horizons : rejetons de l'aristocratie locale, orphelins des Appalaches, fils de l'entraîneur noir de football, et jumeaux d'une étonnante beauté, Sheba et Trevor Poe, qui tentent d'échapper à une mère psychotique. Le récit alterne entre 1969, année glorieuse où Leo et ses amis partent à l'assaut des barrières religieuses, sexuelles, sociales et raciales de Charleston, et 1989, où Sheba, devenue une star d'Hollywood, les supplie de retrouver son frère gay, disparu à San Francisco.
Le grand roman d'un écrivain hors normes dont la passion pour la vie et l'écriture ne connaît pas de limite.
Auteur : Né à Atlanta en 1945, Pat Conroy publie son premier roman en 1972, mais c'est Le grand Santini (1989) qui le fait vraiment connaître du public. Il rencontre un succès international avec Le Prince des Marées, qui sera adapté au cinéma en 1991 par Barbara Streisand. Il publiera ensuite Beach music et Saison noire.
Mon avis : (lu en juin 2010)
Avec ce livre, Pat Conroy nous raconte la ville de Charleston à travers de nombreux personnages et l’histoire d’une génération sur plus de vingt années à partir de 1969.
La mère de Leo King, le narrateur, est une fervente catholique et admiratrice de James Joyce, elle est proviseur de du lycée et le père de Leo y est professeur de sciences. A l’âge de huit ans, Leo a découvert son frère aîné suicidé. Il est tombé dans la dépression, il a fait des séjours en hôpital psychiatrique et il est suivi par une psychanalyste. A l’âge de quatorze ans il est trouvé au lycée en possession de cocaïne. Depuis Leo est en liberté surveillée, condamné à des travaux d’intérêt général. En 1969, il a 18 ans et il va faire plusieurs rencontres qui le marqueront pour toute sa vie : les orphelins fugueurs Starla et Niles, les jumeaux Sheba et Trevor Poe, Molly et Chad, un jeune couple de bonne famille et Ike Jefferson le fils de l’entraîneur noir du lycée. Nous retrouverons la bande d'amis en 1989 et l’auteur nous emmènera dans les bas fonds de San Francisco avant un retour à Charleston pour la conclusion.
Une histoire d'amitié et d'amour d’un groupe de copains superbes et improbables, une histoire avec de nombreux rebondissements qui m’a enchantée. Les personnages sont attachants et les descriptions de Charleston sont très belles. J’ai dévoré ce livre avec vraiment beaucoup de plaisir.
D'autres avis chez BoB.
Extrait : (page 23)
Les jardins de Charleston étaient des énigmes dissimulées dans des coffrets à bijoux couverts de lierre qui distillaient leurs parfums singuliers par-dessus de hauts murs. L'été s'était montré propice aux magnolias dont la floraison avait été tardive. Je passai devant un vieil arbre haut de quarante pied qui donnait l'impression d'avoir été choisi par une centaine de colombes désireuses de se trouver un compagnon. Mon odorat se réveilla à mesure que la température montait, tandis que la rosée commençait à brûler le jasmin et l'olivier de Chine. Mes aisselles se mouillèrent et je me mis à gratifier de ma propre odeur les rues où le café commençait à passer dans des cuisines invisibles, où le bruit des journaux frappant le bois tendre des auvents résonnait comme si des rougets sautaient de joie dans des lagons géants. Une fois que j’eus tourné à droite dans Legare, je filai à toute allure et réussis mon jet le plus long de toute la matinée en direction de l’hôtel particulier qui se trouvait derrière la Sword Gate House. Le journal atteignit la troisième marche. En arrivant au bout de la rue, devant la Ravenel House, je fis le premier véritable raté d’une matinée remarquable par sa précision mécanique, et j’envoyai un journal dans un massif de camélias gigantesques. Je descendis de bicyclette, franchis la porte, récupérai le journal dans les branches supérieures et le lançai devant l’entrée. Le petit nez noir d’un épagneul king charles nommé Virginia pointa sous le bas de la clôture d’une maison faisant face à celle des Ravenel ; j’expédiai vigoureusement un journal au fin fond de la cour où ce chien délicieusement tricolore le retrouva en un clin d’œil et le porta triomphalement sur le paillasson de son maître. Après avoir effectué ce lancer, je jetai dans cette même cour un petit biscuit pour chiens que Virginia alla récupérer avec une grande dignité.
Quand on m'avait attribué cet emploi, trois ans plus tôt, tout ce qui avait éclairé ma vie jusqu'alors avait dévié, disparu. Aussi m'étais-je promis de bien faire ce travail. Si j'entendais un client farfouiller dans son jardin pour trouver son journal du matin, je l'appelais toujours pour m'excuser. Un bon livreur de journaux se devait d'être le modèle d'à propos, de ténacité et d'exactitude que je voulais offrir à mes clients. C'était ce qu'Eugene Haverford m'avait enseigné de son ton bougon durant ma semaine d'orientation.