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A propos de livres...
28 juin 2009

Les carnets de guerre de Victorien Mars - Maxence Fermine

les_carnets_de_guerre_de_Victorien_Mars Albin Michel – octobre 2008 – 192 pages

Quatrième de couverture : « Cette histoire commence comme ça. On est tous les cinq dans cette tranchée qui n 'est pas la nôtre. Trois agenouillés au sol et deux debout. J'ai un pistolet sur la tempe. De l'autre côté du pistolet, il y a un soldat français. Et j'attends qu'il tire. »
Verdun, avril 1916. En première ligne, l'épouvante des tranchées: un gouffre de peur, de faim, de froid. Mais pas seulement. Non loin de l'ennemi déclaré, un autre, plus sournois, sévit. Un adjudant qui se repaît de la souffrance de ses hommes. Un bourreau que la guerre, enfin, autorise à tuer.
Dans ce roman atypique et dérangeant, Maxence Fermine explore cette « mise entre parenthèses de la vie » qu'impose la guerre. Mais plus que l'horreur du conflit, c'est, sous un angle humain, l'enfer psychologique et les sentiments extrêmes suscités par la crainte de la mort qu'il met en abyme avec un incontestable talent.

Auteur : Né à Albertville en 1968, écrivain ayant vécu entre Paris et l'Afrique, Maxence Fermine est l'auteur de plusieurs romans et recueils de nouvelles. En 1999, il se lance en publiant 'Neige' qui est une agréable surprise. Fort de ce premier succès, l'auteur se consacre pleinement à l'écriture. Toujours en 1999, il dévoile son deuxième roman, 'Le Violon noir'. En 2000, il écrit 'L' Apiculteur' qui reçoit le Prix del Duca et le Prix Murat en 2001. La même année, il co-écrit 'Sagesses et malices de Confucius le roi sans royaume' avec Olivier Besson. Véritable bourreau de travail, il enchaîne avec 'Opium' en 2002, 'Billard blues', 'Jazz blanc' et 'Poker' en 2003. En 2004, il décroche le Prix Europe 1 grâce au roman 'Amazone'. S'en suit les romans 'Tango Massaï' en 2005 et 'Le labyrinthe du temps' en 2006. En 2007, Maxence Fermine publie 'Le Tombeau d'étoiles'.

Mon avis : (lu en juin 2009)

Le narrateur, Victorien nous raconte le cauchemar de la Guerre 14-18 : la vie dans les tranchées. Il y a la peur, la faim, le froid... Dans les tranchées au delà du no man's land, il y a les ennemis allemands, mais l'ennemi peut aussi être dans son propre camp. Ici c'est le cruel As de Pique, un criminel devenu adjudant au début de la guerre et qui se joue de la mort : il revient toujours seul et indemne de toutes ses missions, pour lui la guerre, c'est le meurtre autorisé. Ce livre nous plonge dans le monde sombre de la guerre et de ses atrocités, mais surtout nous montre l'enfer psychologique que peut subir les soldats.

Le récit est simple, Victorien nous raconte sa guerre au front, jour après jour, il se battra à Ypres puis à Verdun. il s'interroge sur le comportement des officiers, à l'abri dans leurs bureaux et qui envoient au feu les hommes sans aucune considération pour la vie. J'ai trouvé ce livre intéressant pour son côté historique et très facile à lire. Il est pourtant très différent des premiers livres de Maxence Fermine.

Extrait : (début du livre)

C'est en avril 1916 que tout a commencé, dans une tranchée lugubre où pleuvaient les obus et les balles par centaines, sous un ciel obscur formant une voûte de fer, de grisaille, d'acier et de sang.

Ce spectacle, c'était la guerre. Et elle allait durer deux années de plus, même si nous ne le savions pas encore. Une guerre sans merci, dans laquelle nous n'étions que de bien piètres figurants. Je me souviens qu'il faisait horriblement froid. Le sol était recouvert d'un mélange de boue et de neige fondue qui collait à nos bottes et nous maculait jusqu'à l'entrecuisse. Chacun de nos pas était un supplice. Nos mains étaient pleines d'engelures, nos membres, nos corps engourdis, transis depuis des heures. Mais nous aurions eu tort de nous plaindre, souffrir c'est vivre encore. Car dans le long boyau de terre qui nous servait de refuge, une multitude de morts à demi enterrés attendaient en vain une sépulture plus décente que ce cimetière à ciel ouvert.

Nous étions entrés dans les ténèbres de l'humanité, aux frontières du néant, un champ de destruction où se dispersaient les dernières cendres du vivant. Un champ de mitraille qu'on appelait Verdun.

Cette tranchée n'était pas la nôtre. C'était celle de l'ennemi. Celle des Allemands, où nous aurions jamais dû aller, et d'où, peut-être, nous ne ressortirions jamais. Pourtant, des Allemands, il n'y en avait plus guère. Ou bien réduits en bouillie, amas d'os et de chair sanglante exposés aux quatre vents. Les derniers avaient été délogés avec fracas par notre armée et s'étaient repliés quelques dizaines de mètres plus loin. Pour notre état-major comme pour la Nation tout entière, ce recul constituait une immense victoire, même si nous n'étions pas dupes et que nous savions, nous, les soldats de troupe, que ce succès temporaire ne servirait à rien.

(…)

Le soleil se couchait à l'ouest. Il était peut-être six heures du soir, six heures et demie à tout prendre. L'heure de la brune. Bientôt, il ferait noire et nous serions plongés dans l'obscurité la plus totale. Nous n'étions plus que quatre hommes de la compagnie. Quatre survivants, c'était tout ce qui subsistait de l'Escouade des Braves.

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28 juin 2009

Comment j'ai raté mes vacances - Geoff Nicholson

comment_j_ai_rat__mes_vacances Robert Laffont – juin 2007 – 276 pages

traduit de l'anglais par Bernard Turle

Présentation de l'éditeur
" Ne vous inquiétez pas, messieurs les policiers, je peux tout expliquer... " Votre vie peut basculer très vite, même en vacances ! Motivé par une crise existentielle, Eric a décidé de goûter aux délices du camping-caravaning en famille. Malgré une tenace bonne volonté et un goût modéré pour l'imprévu, les événements déroutants et effrayants s'enchaînent. Sa femme est prise de pulsions sexuelles irrépressibles, sa fille traverse une crise de mysticisme et son fils retourne à l'état de nature. Viennent s'ajouter à cette tribu déjantée des vacanciers loufoques, un policier cinglé et des corps sans tête. Dans cette comédie grinçante, les scènes cocasses, voire hilarantes, côtoient des situations plus tragiques.. L'élixir satirique subtilement dosé ajoute au burlesque que Geoff Nicholson manie avec talent.

Biographie de l'auteur
Geoff Nicholson est né en 1953 à Sheffield. Il est passé par Essex puis Cambridge, avant, si l'on en croit la notice rédigée par ses propres soins, d'exercer les professions les plus diverses (vendeur de meubles, libraire, homme de ménage, agent de sécurité, jardinier et chef cuisinier...) puis de se consacrer à plein temps à l'écriture. Il est l'auteur de quinze romans parus entre 1987 et 2004. Seul What We Did On Our Holidays (Comment j'ai raté mes vacances) a été traduit en français. Son premier livre, Street Sleeper (1987), a été nominé pour le Yorshire Post First Work Award (Prix du meilleur premier roman) et Bleeding London pour le Whitbread Prize. Il a aussi publié plusieurs ouvrages de non-fiction consacrés à Andy Warhol, Frank Lloyd Wright et, récemment, les Sex Collectors (2006). Comment j'ai raté mes vacances a été porté à l'écran en 2006 par Scott Peak, avec David Carradine et Gina Bellman dans les rôles principaux. Pour le New York Times, il s'agit de " la plus drôle des comédies noires ".

Mon avis : (lu en juin 2009)

J'ai pris ce livre par hasard à la bibliothèque, son titre "Comment j'ai raté mes vacances" m'a attiré car c'est très rare que quelqu'un vous avoue qu'il a raté ses vacances ! La quatrième de couverture était également vendeuse... Malheureusement, le livre n'est pas à la hauteur de mes attentes... trop c'est trop...

Eric vient d'avoir 45 ans, il décide de partir quinze jours en famille au camping pour faire un bilan sur sa vie et sur ses proches qu'il a du mal à comprendre. Ce livre est son journal quotidien pendant ce séjour catastrophique... En effet, toutes les tuiles possibles et inimaginables vont s'abattre sur leurs vacances : accident de voiture, garagiste véreux, voisins de camping bruyants... Sans compter sur la famille un peu "frapa-dingue" : sa femme Kathleen est prise de pulsions sexuelles, sa fille Sally traverse une crise mystique et son fils Max fait un retour à la nature et se promène avec un os dans le nez... Au début, j'ai été prise par l'histoire et je riais bien mais rapidement c'est l'accumulation des cataclysmes et trop c'est trop et c'est l'indigestion... J'ai donc eu du mal à finir ce livre... En conclusion, c'est pas terrible !

27 juin 2009

Le week-end - Bernhard Schlink

le_week_end Gallimard – octobre 2008 – 217 pages

Traduit de l’allemand par Bernard Lorthomary

Présentation de l'éditeur
Après plus de vingt ans passés derrière les barreaux, Jörg est gracié par le président de la République allemande. Pour ses premières heures en liberté, sa sœur Christiane a organisé des retrouvailles avec de vieux amis dans une grande demeure à la campagne, près de Berlin. Mais ce week-end, qu'elle avait souhaité paisible, est difficile à vivre pour tout le monde, tant les questions de responsabilité, de culpabilité et de pardon sont dans toutes les têtes. Car Jörg est un ancien terroriste de la Fraction Armée Rouge. Pendant trois jours, les coups de théâtre et de bluff des uns et des autres vont se succéder. Chacun cherche sa place, et le choc des biographies, des rêves et parfois des mensonges produit plus de questions que de réponses. L'amitié passe-t-elle avant tout jugement moral ? Le regret et le pardon sont-ils souhaitables, possibles, suffisants ?. Le week-end renoue avec la force et la concision du premier grand succès de Bernhard Schlink, Le Liseur, et prolonge avec beaucoup de talent les interrogations qui hantent son œuvre.

Biographie de l'auteur
Bernhard Schlink, né en 1944, est juriste. Il est l'auteur de romans policiers et du best-seller mondial Le liseur, traduit en plus de trente langues et paru aux Editions Gallimard comme toute son œuvre.

 

Mon avis : (lu en juin 2009)

C’est le premier livre que je lis de cet auteur. Ici, il nous raconte l’histoire de Jörg qui vient d’être libéré après 20 ans en prison. Il appartenait à la Faction Armée Rouge. Jörg va passer son premier week-end de liberté, dans une maison à la campagne. Sa sœur y a invité des anciens amis de lutte. Nous assistons à un huis clos à la campagne avec des personnages qui ont changé depuis vingt ans, chacun a trouvé sa place dans la société, ils ont fait leurs vies et ils ont un peu oublié leurs idéaux passés. Jörg est en décalage avec eux, il semble que sa vie se soit arrêtée pendant vingt ans entre les murs de la prison. Ce livre pose beaucoup de questions sur l'après : faut-il renier son passé ou lui rester fidèle ? A-t-il des remords, des doutes ? Quel est son avenir ? Peut-on encore justifier ses actes ?

J'ai trouvé ce livre très bien écrit et les discussions, les réflexions et les confrontations entre la dizaine de personnages très profondes. A découvrir !

Extrait : (page 91)

D'abord, le soleil inonde d'une vive lumière la couronne du chêne qui se trouve devant la maison. Les oiseaux qui l'habitent et bavardent déjà depuis l'aurore haussent alors le ton. Le merle chante si fort et si obstinément que, si l'on dort dans la chambre d'angle, on se réveille sans pouvoir se rendormir. La lumière du soleil descend progressivement sur la façade tournée vers la route, elle atteint derrière la maison l'autre chêne, le pavillon de jardin, les arbres fruitiers et le ruisseau. Elle vient éclairer aussi la cabane qui flanque au nord le pavillon de jardin et dont Margarete voudrait faire un poulailler avec son enclos. Elle aimerait bien être réveillée par le cri du coq.

A part les oiseaux, les matins sont silencieux. Les cloches de l'église du village ne sonnent qu'à sept heures, la grand-route est loin, la ligne de chemin de fer plus loin encore. La coopérative agricole, dont les machines démarraient au petit jour et dont on entendait les vaches beugler dans leurs étables quand le vent soufflait de là, n'existe plus depuis déjà longtemps ; ses étables et ses hangars sont vides, ses champs sont loués et cultivés par une ferme du village suivant. Si les habitants du village ont du travail, ce n'est pas ici ; ils partent le dimanche soir et rentrent le vendredi soir. Le samedi matin et le dimanche matin, ils dorment tard.

26 juin 2009

Exposition “Jacques Tati : Deux temps, trois mouvements”

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J'ai été voir l’Exposition Jacques Tati : Deux temps, trois mouvements à la Cinémathèque Française qui se tient du 8 avril au 2 août 2009 avec mon fils de 14 ans. Mon père m’avait fait découvrir et aimer le cinéma de Jacques Tati et j’ai fait de même avec mes enfants.

La Cinémathèque Française est en elle-même un bâtiment original conçu par Frank Gehry

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Cette exposition est construite autour des six longs métrages de Jacques Tati, on y retrouve des éléments de chacun des films, décors, accessoires, messages…

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On débute la visite dans un couloir austère qui rappelle la modernité uniforme de Playtime, on découvrira une grande maquette de la villa Arpel dans Mon Oncle, on s’arrêtera à côté des cabines de bains des Vacances de Monsieur Hulot pour écouter la mer, on terminera par un manège avec cheval bleu et la bicyclette de François le facteur dans Jour de Fête.

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On découvre aussi les dessins de nombreux artistes qui ont travaillé avec Tati, notamment sur les affiches des films, que ce soit Pierre Etaix, Sempé ou Cabu par exemple.

Avec les travaux des dessinateurs, nous découvrons quelques pages du story-board de L’Illusionniste, le prochain film de Sylvain Chomet, le réalisateur des Triplettes de Belleville, c’est l’adaptation d’un scénario inédit de Jacques Tati.

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Tout au long de l’exposition on visionne également des courts extraits de films qui nous expliquent les thèmes chers à Jacques Tati et surtout nous font bien rire !

Exposition : “Jacques Tati : Deux temps, trois mouvements”

du 8 avril au 2 août 2009

à la Cinémathèque Française – 51 rue de Bercy Paris 12ème

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renseignements plus complets : ici

1er juillet 2009 : Les Vacances de Monsieur Hulot restauré sort au cinéma

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26 juin 2009

Le sumo qui ne pouvait pas grossir - Éric-Emmanuel Schmitt

le_sumo_qui_ne_voulait_pas_grossir Albin Michel – avril 2009 - 101 pages

Quatrième de couverture :

Sauvage, révolté, Jun promène ses quinze ans dans les rues de Tokyo, loin d’une famille dont il refuse de parler.

Sa rencontre avec un maître du sumo, qui décèle un « gros » en lui malgré son physique efflanqué, l’entraîne dans la pratique du plus mystérieux des arts martiaux. Avec lui, Jun découvre  le monde insoupçonné de l force, de l’intelligence et de l’acceptation de soi.

Mais comment atteindre le zen lorsque l’on est que douleur et violence ? Comment devenir sumo quand on ne peut pas grossir ?

Derrière les nuages, il y a toujours un ciel…

Après Milarepa, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, Oscar et la dame rose, L’Enfant de Noé, Éric-Emmanuel Schmitt poursuit « Le Cycle de l’Invisible » avec ce nouveau récit qui mêle enfance et spiritualité, nous conduisant ici à la source du bouddhisme zen.

Auteur : Né en 1960, normalien, agrégé de philosophie, docteur, Éric-Emmanuel Schmitt s’est d’abord fait connaître au théâtre avec Le Visiteur, cette rencontre hypothétique entre Freud et peut-être Dieu, devenue un classique du répertoire international. Rapidement, d’autres succès ont suivi : Variations énigmatiques, Le Libertin, Hôtel des deux mondes, Petits crimes conjugaux, Mes Evangiles, La Tectonique des sentiments… Plébiscitées tant par le public que par la critique, ses pièces ont été récompensées par plusieurs Molière et le Grand Prix du théâtre de l’Académie française. Son œuvre est désormais jouée dans plus de quarante pays.
Il écrit le Cycle de l’Invisible, quatre récits sur l’enfance et la spiritualité, qui rencontrent un immense succès aussi bien sur scène qu’en librairie : Milarepa, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, Oscar et la dame rose et L’Enfant de Noé. Une carrière de romancier, initiée par La Secte des égoïstes, absorbe une grande partie de son énergie depuis L’Evangile selon Pilate, livre lumineux dont La Part de l’autre se veut le côté sombre. Depuis, on lui doit Lorsque j’étais une œuvre d’art, une variation fantaisiste et contemporaine sur le mythe de Faust et une autofiction, Ma Vie avec Mozart, une correspondance intime et originale avec le compositeur de Vienne. S'en suivent deux recueils de nouvelles : Odette Toulemonde et autres histoires, 8 destins de femmes à la recherche du bonheur,  inspiré par son premier film, et la rêveuse d'Ostende, un bel hommage au pouvoir de l'imagination. Dans Ulysse from Bagdad, son dernier roman, il livre une épopée picaresque de notre temps et interroge la condition humaine. Encouragé par le succès international remporté par son premier film Odette Toulemonde, il adapte et réalise Oscar et la dame rose. Sortie prévue fin 2009
.

Mon avis : (lu en juin 2009)

J’avais beaucoup aimé Oscar et la dame rose, L’Enfant de Noé et Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran du « Cycle de l’Invisible » d’Éric-Emmanuel Schmitt. Cette fois-ci, j’ai été déçu par ce livre très court. Je n’ai pas été touchée par les personnages du livre. J’ai trouvé l’histoire un peu simpliste, manquant de profondeur et je m’attendais à en apprendre plus sur les sumos, la culture japonaise et sur le bouddhisme. Cependant on ne peut pas nier que ce livre est plein d’optimiste.

Extrait : (début du livre)

Alors que j'étais maigre, long, plat, Shomintsu s'exclamait en passant devant moi :

- Je vois un gros en toi.

Exaspérant ! De face, j'avais l'air d'une peau de hareng séchée sur du bois d'allumette ; de profil... on ne pouvait pas me voir de profil, je n'avais été conçu qu'en deux dimensions, pas en trois ; tel un dessin, je manquais de relief.

- Je vois un gros en toi.

Les premiers jours, je n'avais pas répliqué parce que je me méfie de moi : il m'arrive souvent de penser que les gens m'agressent en paroles, en grimaces, en gestes, puis de découvrir mon erreur , j'ai interprété, déformé, voire rêvé.

Paranoïa, je crois, on appelle ce genre d'illusion à répétition, oui, je fais de la paranoïa, en plus de l'allergie.

- Jun, calme-toi, tu te massacres, me sermonnai-je. Ce vieux bancal n'a pas pu dire ça.

La troisième fois, à l'approche de Shomintsu, inutile de préciser que j'avais les oreilles aussi écartées que les jambes d'un gardien avant un tir au but : pas question de manquer un mot, de rater une syllabe, j'intercepterais le moindre grognement que cet enfariné m'enverrait.      

- Je vois un gros en toi.

- Va te faire foutre !

Ce coup-là, j'étais certain d'avoir bien entendu.

Lui, en revanche, semblait ne pas avoir enregistré ma réponse : il sourit et reprit sa promenade comme si je n'avais pas réagi.

Le lendemain, en s'arrêtant, il s'écria, avec la mine inspiré de celui qui venait de l'inventer à l'instant :

- Je vois un gros en toi.

- Tu as le cerveau en potage ou quoi ?

Pas moyen de s'en désengluer ! Vlan, tous les jours, il remettait ça.

- Je vois un gros en toi.

- Soigne-toi !

Voilà désormais ce que je répondais, chaque matin, avec, selon mon degré d'exaspération, des variantes telles : « Mets des lunettes, grand-père, tu vas rentrer dans le mur », « On a enfermé des fous pour moins que ça ! », voire : « Me gonfle pas sinon je t'oblige à avaler les trois dents qui te restent. »

Imperturbable, Shomintsu remuait le museau et poursuivait son chemin, hilare, paisible, imperméable au fait que je lui avait gueulé dessus. Une tortue. J'avais l'impression de converser pendant trente secondes avec une tortue, tant son visage était ridé, kaki, dépourvu de poils, percé d'yeux minuscules que masquaient d'antiques paupières, oui, une tortue dont le cou desséché ployait sous le crâne lourd puis disparaissait dans les plis de son costume impeccable, amidonné, carapace rigide. J'en venais à me demander quelle maladie motivait son immuable comportement : était-il aveugle, sourd, crétin ou lâche ? Avec lui, question tares, on n'avait que l'embarras du choix.   

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25 juin 2009

Karambolage : tome 2 – Claire Doutriaux

lu dans le cadre de l'opération babelio

karambolage_2 Seuil – octobre 2007 – 197 pages

Présentation de l'éditeur
Le deuxième tome de KaramboLaGe ! De la Fernsehturm à la toile de Jouy, de la tâche au Hiztefrei, de la Kehrwoche au bal des pompiers, mais aussi de la prestation de serment d'Angela Merkel aux accolades des chefs d'État, ces autres objets, mots, expressions, symboles, rites et analyses d'images complètent la petite mythologie du quotidien des Français et des Allemands. Après le succès du premier tome, KaramboLaGe continue de creuser son sillon et décrypte avec jubilation les us et coutumes de part et d'autre du Rhin.

Les auteurs :

Claire Doutriaux a découvert l'Allemagne enfant dans une famille de Düren où elle passait régulièrement les vacances de Pâques. Plus tard, elle a vécu une quinzaine d'années à Hambourg et a rejoint ARTE dès sa création. Karambolage est né de l'envie de réunir les fils d'une existence qui navigue entre deux pays. Alexandra Brodin, Nathalie Karanfilovic, Marco Kasang, Eva Könnemann, Jeanette Konrad , Hajo Kruse , Waltraud Legros, Olaf Niebling, Nikola Obermann, Katja Petrovic, Maija-Lene Rettig, Rainer Rother, Hinrich Schmidt-Henkel, Karine Waldschmidt, Bettina Wohlfarth.

Mon avis : (lu en juin 2009)

Karambolage" est avant tout une émission de télévision diffusée sur Arte, le dimanche à 20h00 depuis janvier 2004, "qui jette un regard amusé sur les particularités des Allemands et des Français."

Karambolage

Depuis 3 ans, nous regardons très régulièrement cette émission en famille. Les deux aînés font de l’allemand en classe, le dernier commencera à la rentrée prochaine. Cette émission dure 10 minutes et nous apprenons beaucoup de choses sur nos habitudes et nos coutumes en France et en Allemagne. A la fin de chaque émission il y a une photo-devinette : la photo a-t-elle été prise en Allemagne ou en France, qu’elle est l’indice ?

Ce livre rassemble par chapitres des articles de chacune des chroniques de l'émission :

L'objet / der Gegenstand : description et utilisation d'un objet spécifique ou commun à l'Allemagne ou à la France - Exemples : la cabine de plage, der Fernsehturm (la tour de télévision)...

Le symbole / das Symbol : description et histoire de symboles importants pour la France ou pour l'Allemagne – Exemples : les drapeaux, les hymnes nationaux, la porte de Brandebourg...

Le mot / das Wort : étymologie et origine de mots ou d'expressions qui se retrouvent dans les deux langues - Exemples : choucroute, banc – bank - banque...

Le quotidien / der Alltag : Exemples : la numérotation des rues à Berlin, l'alliance portée à gauche en France et à droite en Allemagne...

Le rite / der Brauch : Exemple : der Maibaum (l'arbre de Mai), la chandeleur...

L'analyse d'image / die Bildanalyse : analyse de situations historiques – Exemples : La prestation de serment (die Eidesleistung), trois gestes historiques échangés entre chefs d'Etat français et allemands...

En bonus, tout au long du livre nous retrouvons douze photos-devinette : France - Deutschland avec les solutions en fin du livre !

Les textes sont bien écrits, courts avec un ton enjoué et beaucoup de sens critique.

Petit bémol pour les illustrations, issues d'image vidéo et comme le signale une note de l'éditeur au début du livre, qui sont parfois un peu pixellisées.

Aimant beaucoup l'émission Karambolage sur Arte, j'ai été contente de retrouver des chroniques vues à la télévision ou d'en découvrir des nouvelles.

lu dans le cadre de l'opération babelio

24 juin 2009

Les sirènes d'Alexandrie – François Weerts

Les_sir_nes_d_Alexandrie Actes Sud – novembre 2008 – 317 pages

Présentation de l'éditeur
1984, Bruxelles est en pleine mutation architecturale. Dans le quartier où des filles s'exposent en vitrine, Antoine Daillez vient d'hériter de L'Alexandrie, lieu de plaisirs dont les pintes de bière ne sont pas seules responsables. Mais drames et incidents se multiplient autour de ce bar qui semble susciter bien des convoitises. La vieille Mémé Tartine, locataire si gentille avec les travailleuses du quartier, est retrouvée assassinée. Des skinheads aux ordres d'un parti d'extrême droite flamand s'attaquent à l'établissement, à sa patronne et à l'une des filles. La sauvegarde de la morale n'est certainement pas leur motivation. Pas plus que la protection offerte par Monaco, le caïd du quartier, ne doit avoir pour but la défense du petit commerce... Pour essayer de comprendre, Antoine doit fouiller la jeunesse de son grand-père, aidé par Martial Chaidron, inspecteur de la brigade des mœurs, et Piotr Bogdanovitch, historien de son état. Les secrets découverts datent du temps de l'Occupation, quand se jouait un jeu trouble, dont l'un des acteurs n'était pourtant qu'un homme ordinaire, avec ses raisons, ses faiblesses, ses failles - pas forcément politiques. Les Sirènes d'Alexandrie s'inscrivent dans la meilleure tradition du roman noir. Celle qui sait dire, avec son lot de violence et d'amour, un destin personnel sur fond social urbain où misères et espoirs, qu'ils soient communs ou individuels, sont bien souvent balayés par le vent de l'Histoire.

Biographie de l'auteur
Journaliste belge établi à Waterloo, François Weerts, est né en 1960 à Addis-Abeba.

Mon avis : (lu en juin 2009)

J'ai choisi ce livre à la bibliothèque, car il fait parti de la collection "actes noirs" d'Actes Sud. C'est l'histoire d'Antoine Daillez un jeune journaliste bruxellois qui vient d'hériter de son grand père d'un bien particulier... un hôtel de passe : "L' Alexandrie" situé derrière la gare du Nord de Bruxelles. Cette établissement se trouve au centre de drames et d'incidents mais aussi semble susciter des convoitises. A travers ce roman policier, il est question des heures noires de la collaboration belge durant la Seconde Guerre mondiale, mais aussi des tensions qu'il existe aujourd'hui entre Flamands et Wallons. L'auteur nous fait une description très précise de Bruxelles des années 80 avec son quartier des vitrines qui aujourd'hui a été rasé pour faire place à des bureaux. L'intrigue est palpitante, nous sommes plongés dans un monde de la nuit à la fois attachant et violent.

En conclusion, j'ai passé un très bon moment en compagnie de ce livre. A découvrir.

Extrait :

Tout à l'heure, Antoine a bu une bière au bar de l'hôtel Métropole où il est descendu pour trois jours. L'endroit n'a pas désempli de sa population de dames mûres venues siroter leur apéritif, mi-cham­pagne, mi-vin blanc. Il les a écoutées papoter en relevant quelques glissements dans les accents, moins de finales traînantes à la wallonne, pas un seul mot en flamand dans les phrases, peu d'éli­sions brutales, de chocs rocailleux, de consonnes gutturales dont l'articulation s'attarderait du côté du voile du palais. Bref, un gommage appuyé de l'ac­cent bruxellois à l'ancienne. Leur parler est tou­jours aussi exclamatif, et c'est à cette emphase que l'on reconnaîtra longtemps les Bruxellois. Mais les buveuses de champagne coupé s'expriment avec des intonations snobs dans la volonté évidente de rejeter des origines peu patriciennes.

Antoine a observé avec amusement cette évolu­tion rendue perceptible par son éloignement pro­longé de Bruxelles. A la sortie du bar, la place de Brouckère correspond à son souvenir. Bien entendu, le cinéma s'est converti à la mode du multiplex. Des agences de travail intérimaire ont remplacé les magasins de vêtements. Le mobilier urbain griffé Decaux a envahi l'espace. Et les voiries ont profité d'un réaménagement complet. Mais dans l'ensemble les lieux conservent l'atmosphère d'urgence, l'am­biance empressée qu'il leur connaissait. Bus, voitures et piétons se bousculent en ce début d'après-midi. Une foule de citadins retournent travailler après s'être restaurés d'un rapide sandwich pris à l'un des snacks du quartier. Des chômeurs, des pensionnés, des étudiants entre deux cours flânent, aimantés par l'effervescence rassurante de la ville.

Antoine se fraie un passage dans cette cohue tré­pidante. La place de Brouckère est l'un des rares endroits d'une Bruxelles alanguie où l'on puisse goûter à l'agitation des mégapoles. Il se dirige vers le boulevard Adolphe-Max pour rejoindre la place Rogier, ce même boulevard arpenté avec Martial un jour de novembre 1984, après un filet américain qui lui était resté en travers de la gorge. L'artère voit défiler davantage de voitures encore. Ses immeubles haussmanniens demeurent aussi peu engageants. Et si leur alignement continue à évoquer les boule­vards parisiens, l'interprétation est toujours d'un genre maussade. Ici l'agitation s'essouffle, sauf celle du trafic qui se précipite dans cet axe. Les com­merces n'ont pas proliféré. Antoine note la dispari­tion d'un cinéma tous publics, comme d'ailleurs celle des salles qui promettaient des scènes pimentées sur l'écran et du spectacle à l'entracte. L'industrie du porno n'a cependant pas été évacuée du boule­vard. Les peep-shows se sont multipliés, accouplés à des boutiques de DVD crades.

21 juin 2009

Kilomètre zéro - Vincent Cuvellier

kilom_tre_z_ro Edition du Rouergue – mars 2002 – 171 pages

Quatrième de couverture
Voilà des mois que son père ne lui parle plus que de ses mauvaises notes en maths, quand ils partent pour trois semaines de randonnée, sac à dos sur les épaules. Une idée super nulle, pense Benjamin. Traverser la moitié de la France à pied, pour quoi faire? Dormir dans la même tente que son père qui pue des pieds et ronfle? Mais les kilomètres passent, et Benjamin finit par ne plus s'ennuyer. Marcher au même pas que son père, discuter avec lui dans la nuit, manger des patates à la braise... Comme deux vieux loups solitaires qui auraient plein de choses à partager.

L'auteur vu par l'éditeur
Né en 1969 à Brest, Vincent Cuvelier vit à Rennes. Il a publié deux livres, La Troisième vie (Milan, Prix du jeune écrivain), et Marre des cauchemars (Éditions Batsberg).

Mon avis : (lu en juin 2009)

Voici une lecture amusante avec des personnages attachants qui se lit très facilement. C'est l'histoire de Benjamin 12 ans, ses parents sont divorcés. Il nous raconte kilomètre après kilomètre les vacances originales que lui a « imposé » son père : une randonnée à pied à travers la France pendant 1 mois. Au début, Benjamin est grognon, son sac est lourd, le silence est pesant entre le père et le fils. Peu à peu, ils avalent les kilomètres, Benjamin se met à apprécier cette belle randonnée : dormir sous les étoiles, manger des pommes de terre cuites dans la braise. Tout au long du chemin GR, le père et le fils vont faire de nombreuses rencontres. Grâce à ces vacances pas comme les autres, Benjamin va retrouver et partager une nouvelle complicité avec son père.

Extrait :

Kilomètre un

Il se retourne et me regarde pour la première fois depuis notre départ.

- Ça va ?

Il sourit. Pas moi, mais alors pas du tout.

- C'est joli, non ?

- Super, je réponds.

Je vais rien dire pendant un mois, ça lui apprendra.

Il a les chaussettes qui montent jusqu'aux genoux et il fait semblant d'être content.

Mes jambes sont lourdes, mes yeux sont lourds, mon sac est lourd.

Il est déjà dix mètres devant moi. Y a rien dans cette forêt, pas un bruit, pas un rayon de lumière.

C'est nul.

Kilomètre 2

C'est super nul.

Kilomètre 5

Allez, on s'arrête un peu, si tu veux.

Je jette mon sac par terre et je me jette dessus. Crevé.

On boit sans rien dire. Papa souffle. Il est déjà en sueur. Je crois qu'il pense comme moi. Qu'on ferait mieux de rentrer, d'enlever nos chaussures, nos shorts, nos chaussettes aux genoux, de monter dans la voiture et de rentrer chez nous.

- T'as compris pour les balises ?

Hein ? Quoi ?

- Les balises, t'as compris ? On va suivre tout le temps les rouges et les blanches. Ce sont les couleurs des GR, des chemins de grande randonnée.

- Ah ouais, et pourquoi on suit pas les chemins de petite randonnée ? Je demande.

- Parce que traverser la moitié de la France, c'est une grande randonnée.

Ça y est. Il l'a dit. Il avait pas encore osé, mais je savais que c'était ça, son idée de fou. Traverser la moitié de la France. Partir de chez nous pour arriver au pied des Pyrénées. Le voilà, son truc. Son truc de dingo taré.

21 juin 2009

Que serais-je sans toi – Guillaume Musso

que_serais_je_sans_toi XO Editions – avril 2009 – 299 pages

Quatrième de couverture :

Gabrielle a deux hommes dans sa vie.

L’un est son père, l’autre est son premier amour.

L’un est un grand flic, l’autre est un célèbre voleur.

Ils ont disparu depuis longtemps, laissant un vide immense dans son cœur.

Le même jour, à la même heure, ils surgissent pour bouleverser sa vie.

Ils se connaissent, ils se détestent, ils se sont lancé un défi mortel.

Gabrielle refuse de choisir entre les deux,

elle voudrait les préserver, les rapprocher, les aimer ensemble.

Mais il y a des duels dont l’issue inéluctable est la mort.

Sauf si…

Des toits de Paris au soleil de San Francisco

Un premier amour qui éclaire toute une vie

Une histoire envoûtante, pleine de suspense et de féerie

Auteur : Né à Antibes en 1974, Guillaume Musso découvre la littérature à dix ans et il proclame qu'il écrira un jour des romans. Inspiré par un séjour à New York alors qu'il est encore étudiant, il commence à écrire et à rassembler ses idées. Après une licence de sciences économiques à Nice, Guillaume Musso débute une carrière d'enseignant. Mais il ne perd pas son but de tête et publie son premier roman en 2001 'Skidamarink', où il aborde des interrogations économiques et sociales. Encouragé par la critique, il publie 'Et après ...' en 2004. Sa diffusion dans sept pays étrangers confirme son talent. Oscillant entre roman sentimental et intrigue psychologique à suspense, il publie encore 'Seras-tu là ?' et 'Sauve-moi' en 2006.

Mon avis : (lu en juin 2009)

Ce livre de Guillaume Musso se lit facilement, et j'ai passé un bon moment mais pas plus. Ce roman démarre par une belle histoire d'amour entre Martin et Gabrielle qui dure quelques mois. Près de treize ans après, nous retrouvons Martin devenu policier et qui traque un mystérieux voleur d'art Archibald.

L'histoire est simple, un peu naïve puis surréaliste et pendant longtemps je me suis demandé où l'auteur voulais nous mener... J'ai été prise par l'histoire et le rebondissement final m'a surprise.

Extrait : (début du livre)

San Francisco, Californie - Été 1995

Gabrielle a 20 ans

Elle est américaine, étudiante en troisième année à l’université de Berkeley.
Cet été-là, elle porte souvent un jean clair, un chemisier blanc et un blouson de cuir cintré. Ses longs cheveux lisses et ses yeux verts pailletés d’or la font ressembler aux photos de Françoise Hardy prises par Jean-Marie Périer dans les années 1960.
Cet été-là, elle partage ses journées entre la bibliothèque du campus et son activité de pompier volontaire à la caserne de California Street.
Cet été-là, elle va vivre son premier grand amour.

Martin a 21 ans

Il est français, vient de réussir sa licence de droit à la Sorbonne.
Cet été-là, il est parti aux États-Unis en solitaire pour perfectionner son anglais et découvrir le pays de l’intérieur. Comme il n’a pas un sou en poche, il enchaîne les petits boulots, travaillant plus de soixante-dix heures par semaine: serveur, vendeur de crèmes glacées, jardinier…
Cet été-là, ses cheveux noirs mi-longs lui donnent des airs d’Al Pacino à ses débuts.
Cet été-là, il va vivre son dernier grand amour.

Cafétéria de l’université de Berkley

- Hé, Gabrielle, une lettre pour toi!
Assise à une table, la jeune femme lève les yeux de son livre.
- Comment?
- Une lettre pour toi, ma belle! répète Carlito, le gérant de l’établissement, en posant une enveloppe couleur crème à côté de sa tasse de thé.
Gabrielle fronce les sourcils.
- Une lettre de qui?
- De Martin, le petit Français. Son travail est terminé, mais il est passé déposer ça ce matin.
Gabrielle regarde l’enveloppe avec perplexité et la glisse dans sa poche avant de sortir du café.
Dominé par son campanile, l’immense campus verdoyant baigne dans une atmosphère estivale. Gabrielle longe les allées et les contre-allées du parc jusqu’à trouver un banc libre, à l’ombre des arbres centenaires.
Là, toute à sa solitude, elle décachette la lettre avec un mélange d’appréhension et de curiosité.

Le 26 août 1995

Chère Gabrielle,
Je voulais simplement te dire que je repars demain en France.
Simplement te dire que rien n’aura plus compté pour moi pendant mon séjour californien que les quelques moments passés ensemble à la cafétéria du campus, à parler de livres, de cinéma, de musique, et à refaire le monde.
Simplement te dire que, plusieurs fois, j’aurais aimé être un personnage de fiction. Parce que dans un roman ou dans un film, le héros aurait été moins maladroit pour faire comprendre à l’héroïne qu’elle lui plaisait vraiment, qu’il aimait parler avec elle et qu’il éprouvait quelque chose de spécial lorsqu’il la regardait. Un mélange de douceur, de douleur et d’intensité.
Une complicité troublante, une intimité bouleversante. Quelque chose de rare, qu’il n’avait jamais ressenti avant. Quelque chose dont il ne soupçonnait même pas l’existence.
Simplement te dire qu’un après-midi, alors que la pluie nous avait surpris dans le parc et que nous avions trouvé refuge sous le porche de la bibliothèque, j’ai senti, comme toi je crois, ce moment de trouble et d’attraction qui, un instant, nous a déstabilisés. Ce jour-là, je sais que nous avons failli nous embrasser. Je n’ai pas franchi le pas parce que tu m’avais parlé de ce petit ami, en vacances en Europe, à qui tu ne pouvais pas être infidèle, et parce que je ne voulais pas être à tes yeux un type «comme les autres», qui te draguent sans vergogne et souvent sans respect.
Je sais pourtant que si on s’était embrassés, je serais reparti le coeur content, me foutant de la pluie ou du beau temps, puisque je comptais un peu pour toi. Je sais que ce baiser m’aurait accompagné partout et pendant longtemps, comme un souvenir radieux auquel me raccrocher dans les moments de solitude. Mais après tout, certains disent que les plus belles histoires d’amour sont celles qu’on n’a pas eu le temps de vivre. Peut-être alors que les baisers qu’on ne reçoit pas sont aussi les plus intenses...
Simplement te dire que lorsque je te regarde, je pense aux 24 images seconde d’un film. Chez toi, les 23 premières images sont lumineuses et radieuses, mais de la 24e émane une vraie tristesse qui contraste avec la lumière que tu portes en toi. Comme une image subliminale, une fêlure sous l’éclat: une faille qui te définit avec plus de vérité que l’étalage de tes qualités ou de tes succès. Plusieurs fois, je me suis demandé ce qui te rendait si triste, plusieurs fois, j’ai espéré que tu m’en parles, mais tu ne l’as jamais fait.
Simplement te dire de prendre bien soin de toi, de ne pas être contaminée par la mélancolie. Simplement te dire de ne pas laisser triompher la 24e image. De ne pas laisser trop souvent le démon prendre le pas sur l’ange.
Simplement te dire que, moi aussi, je t’ai trouvée magnifique et solaire. Mais, ça, on te le répète cinquante fois par jour, ce qui fait finalement de moi un type comme les autres…
Simplement te dire, enfin, que je ne t’oublierai jamais.
Martin

20 juin 2009

Millenium, Tome 3 - Stieg Larsson

La reine dans le palais des courants d'air

mill_nium3 Actes Sud – septembre 2007 – 710 pages

Traduit du suédois par Lena Grumbach et Marc de Gouvenain

Présentation de l'éditeur
Que les lecteurs des deux premiers tomes de la trilogie Millénium ne lisent pas les lignes qui suivent s'ils préfèrent découvrir par eux-mêmes ce troisième volume d'une série rapidement devenue culte. Le lecteur du deuxième tome l'espérait, son rêve est exaucé : Lisbeth n'est pas morte. Ce n'est cependant pas une raison pour crier victoire : Lisbeth, très mal en point, va rester coincée des semaines à l'hôpital, dans l'incapacité physique de bouger et d'agir. Coincée, elle l'est d'autant plus que pèsent sur elle diverses accusations qui la font placer en isolement par la police. Un ennui de taille : son père, qui la hait et qu'elle a frappé à coups de hache, se trouve dans le même hôpital, un peu en meilleur état qu'elle... Il n'existe, par ailleurs, aucune raison pour que cessent les activités souterraines de quelques renégats de la Säpo, la police de sûreté. Pour rester cachés, ces gens de l'ombre auront sans doute intérêt à éliminer ceux qui les gênent ou qui savent. Côté forces du bien. on peut compter sur Mikael Blomkvist, qui, d'une part, aime beaucoup Lisbeth mais ne peut pas la rencontrer, et, d'autre part, commence à concocter un beau scoop sur des secrets d'Etat qui pourraient, par la même occasion, blanchir à jamais Lisbeth. Mikael peut certainement compter sur l'aide d'Armanskij, reste à savoir s'il peut encore faire confiance à Erika Berger, passée maintenant rédactrice en chef d'une publication concurrente.

Biographie de l'auteur
Né en 1954, Stieg Larsson était journaliste. Il est décédé brutalement en 2004, juste après avoir remis à son éditeur les trois tomes de la trilogie
Millénium dont le premier est disponible chez Actes Sud (Les hommes qui n’aimaient pas les femmes, 2005) et le deuxième (La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette, 2006).

Mon avis : (lu en juin 2009)

C'est avec beaucoup de nostalgie que j'ai fermé ce troisième tome qui achève cette superbe série de Millénium. J'ai adoré suivre les aventures du couple improbable que sont Lisbeth et Mikael. Millénium n'est pas un simple roman policier mais surtout une étude sociologique de la société Suédoise.
Au début de ce troisième tome, nous retrouvons Lisbeth et Mickael quelques heures à peine après la fin du second tome. Lisbeth est dans un sale état inconsciente, avec une balle dans la tête, une balle dans la hanche et une dans l'épaule, Mikaël est menotté... La rédaction de Millénium va se mobiliser pour faire défendre Lisbeth. On retrouve aussi tous les soutiens de Lisbeth qui se s'unissent : Dragan Armanskij, son ancien patron, de même que son ancien tuteur. Certains policiers vont aussi rejoindre ce camp.
Nous allons être plongé dans une enquête, minutieuse, au cœur de complots politiques, de trafics en tout genre et de la police secrète.

Un immense plaisir de lecture, comme pour les deux volumes précédents, j'ai commencé lentement ce troisième tome et rapidement je n'ai pas pu le lâcher avant la fin de cette nouvelle histoire toujours aussi passionnante et captivante. Finalement, je suis bien triste de quitter les héros de Millénium qui m'étaient devenus familiers . Le journaliste suédois Stieg Larsson aurait rédigé les deux cent premières pages du tome 4 avant de décéder. Pourra-t-on un jour lire ce mystérieux Millénium 4 ?

Extrait : (page 19)

Mikael Blomkvist lorgna sur la montre et constata qu'il était 3 heures et des poussières. Il avait des menottes aux poignets. Il ferma les yeux pendant une seconde. Il était exténué mais l'adrénaline lui faisait tenir le coup. Il rouvrit les yeux et regarda hargneusement le commissaire Thomas Paulsson qui lui rendit un regard embêté. Ils étaient assis autour d'une table de cuisine dans une ferme d'un patelin qui s'appelait Gosseberga, quelque part près de Nossebro, et dont Mikael avait entendu parler pour la première fois de sa vie moins de douze heures auparavant.

La catastrophe venait d'être confirmée.

- Imbécile, dit Mikael.

- Écoutez-moi...

- Imbécile, répéta Mikael. Je l'ai dit, putain de merde, qu'il était un danger de mort ambulant. J'ai dit qu'il fallait le manier comme une grenade dégoupillée. Il a tué au moins trois personnes, il est bâti comme un char d'assaut et il tue à mains nues. Et vous, vous envoyez deux gardiens de la paix pour le cueillir comme s'il était un simple poivrot à la fête du village.

Mikael ferma les yeux de nouveau. Il se demanda ce qui allait bien pouvoir encore foirer au cours de cette nuit.

Il avait trouvé Lisbeth Salander peu après minuit, grièvement blessée. Il avait appelé la police et réussi à persuader les Services de secours d'envoyer un hélicoptère pour évacuer Lisbeth à l'hôpital Sahlgrenska. Il avait décrit en détail ses blessures et le trou que la balle avait laissé dans son crâne, et il avait trouvé un appui auprès d'une personne intelligente et sensée qui avait compris que Lisbeth avait besoin de soins immédiats.

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