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A propos de livres...
31 mars 2009

Des amis haut placés - Donna Leon

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Calmann-Levy – février 2003 – 274 pages

Point – mai 2004 - 280 pages

Traduit de l'anglais (États-Unis) par William Olivier Desmond

Quatrième de couverture : Personne n'aime être dérangé en pleine lecture de l'Anabase un samedi après-midi par un coup de sonnette intempestif. Surtout pas le commissaire Guido Brunetti, fin lettré et flic épicurien, et surtout pas pour une sombre affaire de permis de construire introuvable concernant son propre appartement...

Simple formalité ? Pas sûr. D'autant que le fonctionnaire zélé tombe malencontreusement d'un échafaudage où il n'avait rien à faire, devant des témoins qui à leur tour décèdent brutalement.

De fil en aiguille, avec la patience et la ténacité d'un flic habitué mais jamais résigné à l'égoïsme des bureaucrates de tout poil, le commissaire Brunetti va découvrir l'existence d'un vaste réseau de corruption. Derrière la façade fastueuse de la Cité des Doges, le monde interlope des dealers, des usuriers et des ripoux dicte sa loi.

L'auteur : Donna Leon est née en 1942 dans le New Jersey et vit à Venise depuis quinze ans. Elle enseigne la littérature dans une base de l’armée américaine située près de la Cité des Doges. Son premier roman, Mort à la Fenice, a été couronné par le prestigieux prix japonais Suntory, qui récompense les meilleurs suspenses.

Mon avis : (lu en mars 2009)

"Des amis haut placés", bestseller en Angleterre et en Allemagne, est la neuvième enquête du commissaire Brunetti. Ce livre a obtenu en 2000 le Silver Dagger Award, décerné en Angleterre par la Crime Writers'Association.

Le commissaire Brunetti et sa famille apprenne par Franco Rossi, employé au Service du Cadastre, que leur appartement risque d’être démoli car il n’existe aucune preuve de son existence au cadastre. Quelques mois plus tard, le commissaire découvre que ce même Franco Rossi a fait une chute d’un échafaudage. Cette mort mystérieuse va lancer le Commissaire Brunetti sur une enquête qui va nous mener dans le monde des dealers, des usuriers et de la corruption.

C’est le premier livre que je lis de Donna Leon et je le trouve distrayant, sans plus. L’intrigue n’est pas exceptionnelle mais l’auteur nous fait de belle description de Venise.

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30 mars 2009

Le sourire étrusque – José Luis Sampedro

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Métailié – mai 2004 – 318 pages

Présentation éditeur : Salvatore Roncone, vieux paysan calabrais attaché à sa terre et à ses traditions, doit se rendre à l'évidence. Pour combattre cette bête qu'il nomme la "Rusca" et que les médecins appellent le cancer, qui lui dévore peu à peu le ventre et le tue, il doit quitter son village natal et partir en convalescence chez son fils à Milan. Milan que le Calabrais déteste, Milan et sa fureur, sa solitude, sa laideur aussi et sa vie sans goûts ni odeurs. Milan et son fils, qu'il croit ne plus connaître et sa belle-fille qui ne vient pas du même monde. Milan ou l'enfer. Cet enfer qui va pourtant lui offrir son dernier amour - un amour franc et total, plus fort que tout - en la personne de son petit-fils Bruno qu'il ne connaît pas...

L'écriture de José Luis Sampedro est d'une douceur infinie. Il aborde dans ce roman touchant l'approche de la mort, la remise en question et développe le thème de l'apprentissage dans un langage d'une clarté limpide. Nourri de ce talent de la simplicité, Le Sourire étrusque est l'œuvre de la transcendance, celui de la mort par l'amour.

Auteur : José Luis Sampedro (né à Barcelone le 1er février 1917) est un écrivain et économiste espagnol.

Mon avis : 5/5 (lu en mai 2006 et relu depuis)

Ce livre est magnifique, plein d’humanité, c’est l’histoire Salvatore, vieux sicilien reprenant goût à la vie grâce à son petit-fils, Brunettino. Un portrait sans concession de cet homme avec ses travers, ses défauts mais qui est malgré tout très attachant. C’est la rencontre tardive de ce vieil homme en fin de vie avec son petit fils, il va transmettre les valeurs de la vie à ce bambin et une belle complicité va naître entre le petit fils et son grand-père.

L’écriture est pleine de poésie, on trouve dans ce livre des moments de tendresse et d'humour et des émotions fortes. C’est un hymne à la vie, à l’amour et aussi à la mort.

Ce livre fait parti de mes livres préférés. C’est un livre que j’ai souvent offert à des proches.

Le titre de du livre fait allusion à un sarcophage étrusque d’un jeune couple qui fascine Salvatore et qui se trouve Villa Giulia - Musée étrusque à Rome : les visages du jeune couple du sarcophage sont illuminés d'un large sourire. Qu’est ce qui leur a permis de sourire jusque dans la mort ? Quel est ce secret de vie ?

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Sarcophage des époux étrusques découvert à Cerveteri vers 520 av. J.C

Extrait :

"C'est un sacrifice de supprimer peu à peu le tabac ; en revanche, ses petits déjeuners clandestins sont un plaisir, surtout celui qu'il fait trois jours plus tard alors qu'il ne devrait rien manger. On va lui faire une prise de sang à neuf heures pour l'analyse prescrite par le fameux docteur, à la consultation duquel Andrea l'a conduit la veille. Prescrite, en réalité par son assistante ou qui que ce soit – aussi grosse qu'Andrea est mince, mais avec la même façon de parler - car, après de nombreux rendez-vous organisés, attente, couloirs et autres rites préliminaires, ils n'ont pas réussi à pénétrer dans le sanctuaire du médecin. Le vieux s'amuse en pensait à la satisfaction qu'aura Andrea, lorsqu'elle va se lever et apparaître dans la cuisine, de voir avec quelle docilité il s'abstient de manger.

"Cette histoire de jeûner avant les analyses, pense-t-il en savourant son fromage blanc à l'oignon et au olives, c'est des foutaises de médecin. Du cinéma pour toucher plus. Des analyses, pour quoi faire ? De toutes manières, ça va mal tourner, pas vrai Rusca ? Tu vas t'en charger toi !"

On ne lui fait pas la prise de sang au cabinet du fameux docteur, mais au Grand Hôpital. (…)

S'il s'écoutait, le vieux s'en irait sans se faire piquer, mais le fameux docteur va exiger l'analyse pour continuer la routine. "Routine et comédie, c'est ça qui m'énerve… Ils me prennent pour un vieux gâteux ? Ils croient que je suis venu pour me faire soigner ? Pauvres naïfs ! Si c'était pas à cause de cette charogne de Cantonotte qui respire encore, maudit soit-il, est-ce que j'aurais un jour accepté de quitter le village où je pourrais finir mes jours tranquillement dans mon lit, au milieu des copains et avec ma montagne sous les yeux, la Femminamorta, paisible sous le soleil et les nuages ?".

Traduit de l'espagnol par Françoise Duscha-Calandre

29 mars 2009

Passagère du silence : Dix ans d'initiation en Chine – Fabienne Verdier

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Albin Michel – septembre 2003 – 350 pages

Quatrième de couverture
Tout quitter du jour au lendemain pour aller chercher, seule, au fin fond de la Chine communiste, les secrets oubliés de l'art antique chinois, était-ce bien raisonnable ? Fabienne Verdier ne s'est pas posé la question en ce début des années 80, la jeune et brillante étudiante des Beaux-Arts est comme aimantée par le désir d'apprendre cet art pictural et calligraphique dévasté par la Révolution culturelle. Et lorsque, étrangère et perdue dans la province du Sichuan, elle se retrouve dans une école artistique régie par le Parti, elle est déterminée à affronter tous les obstacles : la langue et la méfiance des Chinois, mais aussi l'insupportable promiscuité, la misère et la saleté ambiantes, la maladie et le système inquisitorial de l'administration... Dans un oubli total de l'Occident, elle devient l'élève de très grands artistes méprisés et marginalisés qui l'initient aux secrets et aux codes d'un enseignement millénaire. De cette expérience unique sont nés un vrai récit d'aventures et une oeuvre personnelle fascinante, qui marie l'inspiration orientale à l'art contemporain, et dont témoigne son extraordinaire livre d'art L'unique trait de pinceau (Albin Michel).

Auteur : Elève aux Beaux-Arts de Toulouse dans les années 1980, Fabienne Verdier se découvre une attirance pour l'art asiatique, et plus particulièrement pour la peinture chinoise. Elle décide dès lors de tout quitter pour partir étudier en Chine. Après six mois d'insistance, elle est enfin acceptée comme élève par un maître chinois qui l'initie à l'art pictural et calligraphique. Après dix ans passés en Chine, elle est l'une des rares gardiennes européennes de ce précieux savoir.

Mon avis : (lu en février 2007)

Ce livre est vraiment exceptionnel, cette histoire est un mélange de récit d'aventure et d'une quête initiatique auprès de grands artistes de la calligraphie chinoise. C'est un témoignage sur la Chine des années 80, on découvre la vie difficile d'une étudiante étrangère seule dans une école artistique chinoise dirigée par le Parti. Elle doit lutter contre la méfiance des chinois, l'administration inquisitrice, la misère, la maladie... Mais c'est aussi une quête initiatique qui nous révèle beaucoup sur la culture chinoise, sur sa philosophie, sur sa civilisation... Son maître lui enseigne non seulement la technique de la calligraphie, mais tout un art de vivre oublié de nos jours en Chine. Superbe témoignage !

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Extrait : « C’est l’éclat spirituel qui doit générer l’œuvre; la pensée ne doit pas l’emporter sur le naturel de l’ensemble. C’est l’unité qui importe. Pars toujours d’une intuition poétique et essaie d’exprimer la substance des choses; tel est le principe constant.

On enrichit sa peinture en vivant pleinement l’humeur du jour. Le peintre ne copie pas la nature, mais elle est sa révélation première; il en restitue les traits, les états, l’ossature. Un brin d’herbe est source de connaissance. Il apprend la ligne drue, coupante, dense. La danse de l’oiseau en vol indique comment se déployer, prendre son élan, piquer vers le sol.

Le peintre, au cours de son existence, se construit une banque de données psychiques à partir de sa connivence avec le monde. C’est ce qu’il restitue dans son trait. Un jour, de cette banque de données naîtra naturellement, en un geste spontané, un acte créatif. Le beau en peinture chinoise, c’est le trait animé par la vie, quand il atteint le sublime du naturel ».

Extrait : « Si tu veux travailler les perceptions infinies à travers les lavis d’encre, il faut une attitude d’humilité, de transparence; c’est seulement ainsi que tu feras naître dans tes peintures une présence subtile. Quiétude, calme, silence. C’est le vide qui nourrira ton futur tableau; sur ce terrain vierge la pensée doit jaillir dans l’instant, comme une étincelle limpide».

Extrait : « Ma peinture exprime un désir de volupté, de béatitude, un refuge contre la tristesse, le plaisir procuré par les beaux paysages qui, depuis mon enfance, m’ont apporté les moments les plus intenses de joie et de paix. J’ai compris que l’extase, qu’elle se crie ou se taise, n’est pas un don du Ciel qu’on attend les bras croisés, mais qu’elle se conquiert, se façonne, et que l’intelligence y a aussi sa part ».

29 mars 2009

Ker Violette – Karine de Fougeray

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Montalant – février 2008 – 254 pages

Présentation de l'éditeur :

« J’avais trente-cinq ans et je roulais en voiture. À vive allure, en rétrogradant sèchement dans les virages, en mordant la ligne blanche. Il faisait beau mais le temps qu’il faisait importait peu.
Il fallait que j’avance.
La route longeait la côte, tournait dans tous les sens. Au deuxième village je suis descendue sur le port et je me suis garée là, dans les odeurs de casiers fraîchement débarqués. On m’a regardée. On m’a dévisagée par-dessous les casquettes,
par-dessus les cols des cabans et des vestes de quart. Des hommes ont rivé leurs yeux sur moi parce que je leur étais inconnue et cela ne m’a pas dérangée. Au contraire. »
Venant de nulle part, Clara débarque un matin dans un port, en Bretagne. Elle recherche son cheval mais c’est Félix, un homme de mer qu’elle rencontre, puis Violette, une étrange vieille dame qui l’accueille dans sa maison d’hôtes.
L’indépendance de Clara, sa franchise, attirent les relations passionnées.
Libre, Clara sait exactement ce qu'elle veut. Pour autant, elle masque un passé difficile qui va lentement et sauvagement remonter à la surface. Sa quête emporte Félix, Violette et les nombreux personnages qui traversent son chemin.
Ker Violette, c’est l’histoire d'un bout de vie, avec son lot de rires, de surprises, d'emballements.
Ker Violette, c’est aussi l’histoire des mers qui pénètrent dans les terres, des chevaux et des bateaux qui scellent les cœurs à jamais.

Auteur : Karine Fougeray est née à Saint-Malo en 1963. Son premier recueil de nouvelles, Elle fait les galettes, c’est toute sa vie, est paru en 2005 aux Editions Delphine Montalant puis chez Pocket en 2007. Fine observatrice des femmes et des hommes de tout âge, elle débusque leurs passés sans la moindre complaisance. Son univers est composé de quatre sortes d’humains. Les vivants. Les morts. Ceux qui partent sur le pont d’un bateau. Ceux qui partent sur le dos d’un cheval.

Mon avis : (lu en mars 2009)

J'avais beaucoup aimé le recueil de nouvelles de Karine Fougeray "Elle fait les galettes, c’est toute sa vie" et ce premier roman m'a également enchanté. Une fois le livre commencé, je n'ai pas pu le lâcher, j'ai été transportée par l'histoire !

Clara 36 ans débarque un beau matin dans un petit port breton, elle est à la recherche de son cheval ! Elle va rencontrer alors Félix un pêcheur – peintre qui va la conduire chez Violette une vieille dame qui tient des chambres d'hôtes. On va découvrir petit à petit au fil des chapitres l'histoire de Clara, son passé et ses secrets, mais en parallèle on découvre qui sont Félix et Violette... Ils ont également un secret qui les hante. On est tour à tour dans le présent et dans le passé. C'est une histoire d'amour mais aussi d'abandon...

Chaque chapitre a pour narrateur un des personnages du roman et il s'exprime à la première personne du singulier... Il faut parfois quelques phrases avant de découvrir qui parle !

La Bretagne est très présente dans le livre, la mer mais aussi la campagne s'affronte. On est pris par les odeurs que peut susciter les descriptions : les embruns, les algues, l'écurie, la violette, les fleurs... Une lecture pleine d'émotions et de bonheur !

Extrait : (page 91)

"Pour ma naissance, mon père a eu une initiative remarquable. Une idée qui a ruiné sa vie, qui l'a mise en bouillie petit à petit, et ce sans qu'il ne puisse jamais rien faire pour que cette purée reprenne à un moment ou à un autre la consistance ferme et lisse de la matière d'une vie normale. C'était un cadeau magnifique, une arme fatale affûtée de mille petits hachoirs noirs, de mille surprises improbables et tranchantes.

Il a offert un cheval à ma mère.

Mon père était fou d'elle jusqu'à ce jour de septembre où je suis arrivée pour la première fois dans ma maison, où ma mère m'a déposée amoureusement dans le berceau emberlificoté sous les dentelles. Où, tout de suite après, elle a retiré ses sandales et est sortie dans le jardin pour sentir la terre sous ses pieds nus. Elle a vérifié chaque fleur, chaque pied de roses trémières, chaque buisson d'hortensias, et bien sûr, arborant son ventre encore flasque, elle est descendue au potager, heureuse, si heureuse, pour le plaisir de reconnaître ses tomates, pour s'assurer qu'elles ne s'étaient pas enfuies lors de son séjour à la clinique. Oui, elles étaient bien là, ses tomates charnues, rouges, rondes et quelquefois déformées d'excroissances incontrôlées. Les préférées de ma mère.

Mon père m'a raconté cette scène plusieurs fois et, les dernières fois, il fondait en larmes dès l'évocation des tomates. Mais j'insistais toujours, malgré le désespoir, malgré la voix cassée.

Raconte papa, raconte-moi quand maman a cessé de nous voir pour toujours. Raconte-moi comment c'est possible qu'elle ne m'ait regardée vraiment que huit jours. Les premiers huit jours de ma vie, dans une chambre de clinique, en compagnie des infirmières, des sages-femmes, des pédiatres, des cadeaux à déballer, de toutes ces choses qui m'empêchaient d'être seule avec elle.

Il faisait beau, ma mère venait d'avoir son unique enfant et elle est descendue au potager. C'était marée basse et l'air était saturé des senteurs de la vase. Alors ma mère, ma radieuse de jeune mère a tourné la tête au-delà du carré de légumes organisé en courtes allées, derrière, afin d'apercevoir le fil turquoise de l'eau qui serpentait parmi vert-de-gris. Il y avait la maison, le jardin, le potager, et puis la mer à reconquérir. Là, à cet endroit, au milieu des herbes qui entraînent pas à pas le jardin vers les vasières. Là où la terre se meurt pour la rivière, ma jeune mère a vu un cheval qui la regardait dans les yeux."

27 mars 2009

Dans l’or du temps - Claudie Gallay

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Edition du Rouergue – janvier 2006 - 320 pages

Actes Sud – février 2008 – 365 pages

Présentation de l'éditeur
Le narrateur passe l'été en famille, avec sa femme et leurs jumelles de sept ans, dans leur maison normande au bord de la mer. II rencontre par hasard Alice, une vieille dame abrupte et bienveillante à la fois, volontiers malicieuse. Il lui rend visite à plusieurs reprises et une attente semble s'installer : l'homme est en vacances, vacant pour ainsi dire, intrigué et attiré malgré lui ; Alice a des choses à raconter, qu'elle n'a jamais pu dire à personne, des souvenirs qui n'attendaient que lui pour remonter à la surface et s'énoncer. Tout commence par un voyage à New York qu'elle a effectué dans sa jeunesse, en 1941, en compagnie de son père photographe et d'André Breton. Ensemble, ils ont approché les Indiens hopi d'Arizona, dont l'art et les croyances les ont fascinés. Dans l'or du temps plonge au plus intime de ses personnages par petites touches, l'air de rien. Hommage à la figure d'André Breton et à la culture sacrée des Indiens hopi, ce magnifique roman célèbre les rencontres exceptionnelles, celles qui bouleversent l'âme et modifient le cours des existences

Biographie de l'auteur
Née en 1961, Claudie Gallay vit dans le Vaucluse. Elle a publié L'Office des vivants (2000), Mon amour ma vie (2002), Les Années cerises (2004), Seule Venise (2004, prix Folies d'encre et prix du Salon d'Annonay) et Les Déferlantes (2008)

Mon avis : (lu en mars 2009)

Je suis en train de devenir une inconditionnelle de Claudie Gallais... J'ai adoré "Les Déferlantes" et pour "Dans l'or du temps" l'effet a été le même. Ce livre m'a transporté : cette rencontre entre le narrateur et Alice est pleine de tendresse et d'émotions.

A travers une très belle rencontre entre une vieille dame et un jeune homme en quête du sens de sa vie, ce roman raconte une transmission, c’est aussi une plongée dans la culture sacrée des Indiens Hopi et un hommage littéraire à la figure d’André Breton.

La vie quotidienne d’Alice et du narrateur alterne avec les souvenirs chez les Indiens hopi. Les phrases sont courtes, les descriptions rendent l’atmosphère particulière, il se dégage du texte une certaine poésie et on est comme hypnotisé par le livre et on ne le lâche plus ! (j'ai failli plusieurs fois rater ma station de train...) Passionnant et superbe !

Le titre fait écho à l'épitaphe de la tombe d'André Breton "Je cherche l'or du temps".

Ce livre est superbement documenté, entre autres, il fait référence au livre "Soleil hopi" de Don C. Talayesva (autobiographie d’un indien hopi).

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Extrait : "Notre maison, La Téméraire, face à la mer, à quelques kilomètres seulement au sud de Dieppe. On l’a achetée juste après la naissance des filles. Un coup de cœur, a dit Anna.

On a emprunté pour dix ans.

L’hiver, La Téméraire prend toutes les tempêtes. On ne vient jamais l’hiver. L’été seulement. Et puis quelques week-ends au printemps. On trouve des troncs d’arbres et des bouées de bateaux dans le jardin. Du sable, des planches, des cadavres de mouettes. Il faut des jours pour tout nettoyer.

Quand on est arrivés il pleuvait. J’ai arrêté la voiture au plus près de la porte. Les jumelles ont pris leurs affaires et elles sont montées directement dans leur chambre. Elles avaient été sages, tout le trajet à remplir leur cahier de vacances. Des trucs de filles. Avec des garçons, on n'aurait pas eu ça.

- Ça quoi ? A demandé Anna.

Je n'ai pas eu envie d'expliquer.

On a ouvert les volets et on a commencé à décharger.

A midi, on a mangé des sandwichs. Les filles avaient trouvé des vieux livres de Martine dans une caisse au grenier. Anna ne voulait pas qu'elles lisent ça alors les filles les lisaient en cachette, à l'école ou quand elles allaient à la bibliothèque du quartier.

L'après-midi, la pluie s'est arrêtée et Anna a emmené les jumelles à la plage. Je suis resté sur la terrasse. C'était marée basse. Les filles couraient. Elles sont allées loin jusqu'à toucher le bord de l'eau.

Quand elles sont revenues, elles avaient faim. Anna a préparé des crêpes. Les filles se sont installées dehors, sur la table blanche de la terrasse."

Extrait : "Le camion était là. Je me suis garé sur le terre-plein. L'épicier avait déjà rabattu la moitié de son auvent. Quand il m'a vu, il a bloqué son geste. Il m'a demandé si je voulais quelque chose et j'ai dit, Oui, des fraises, un kilo. Il a relevé le battant. Il a mis les fraises dans un sac. Le sac, en papier brun. Et comme les fraises étaient rouges et vraiment appétissantes, je lui ai demandé d'en rajouter une poignée.

Je suis retourné à la voiture. Un chemin de terre s'enfonçait, humide, sous le couvert des arbres. Une vieille dame s'éloignait. Elle portait un panier. Elle faisait un pas, un autre. Son panier était plein. Elle devait souvent le poser pour changer de main.

- Voulez-vous que je vous aide ? j'ai demandé en prenant le chemin derrière elle.

Elle s'est arrêtée. Elle m'a toisé moi et elle a toisé la Deux Chevaux. J'ai soulevé le panier.

- Qu'est-ce que vous avez là-dedans pour que ce soit si lourd ?

- Cinq kilos de poires à confitures, elle a dit. Plus le sucre.

Sa voix était grave. Traînante. Je l'ai suivie, une centaine de mètres sur ce chemin de terre. Plus de boue que de la terre. Elle s'est arrêtée devant un portail, une grille en fer en partie envahie par du lierre. Il n'y avait pas d'autres maisons après celle-là. Simplement le sentier qui se resserrait encore et puis les arbres.

Elle a poussé la grille."   

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25 mars 2009

La Belle maison - Franz Bartelt

la_belle_maison Le Dilettante – février 2008 - 192 pages

Présentation de l'éditeur
Les meilleures intentions du monde ont quelquefois des conséquences tragiques. Les Capouilles, seuls pauvres authentiques de la petite ville, vont pâtir des bienfaits dont les comblent les autres habitants, lesquels ne comprendront pas à temps que ce n'est pas parce qu'on n'a rien qu'on n'a rien à cacher.

Biographie de l'auteur
Franz Bartelt est né au bord de la Seine de Maupassant, a grandi au bord de la Vence de René Daumal et vit au bord de la Meuse d'Arthur Rimbaud. Sans doute est-ce pourquoi il a développé un certain respect pour l'eau qui coule, le goût de la littérature qui en découle et le regret, à mesure qu'il prend de la bouteille, de n'avoir pas vu le jour dans des régions viticoles.

Mon avis : (lu en mars 2009)

Ce livre se lit très facilement, c'est une fable sociale moqueuse et cruelle avec des personnages hauts en couleurs : le maire mégalo-maniaque, sa femme hypocondriaque, Chéchème l'épicier... C'est la chronique d'un village rurale Cons-sur-Lombe qui a les ambitions d'une grande ville.

J'ai trouvé très attachant le couple formé par Mortimer et Constance Boulu que tout le monde appelle Capouilles et qui se tiennent à l'écart de ce village qui se veut si parfait. Ils font désordre et le maire veut leurs faire une grande surprise en leur offrant "La Belle Maison" que tout le village aura rénové bénévolement.

Mais peux-t-on faire le bonheur des gens malgré eux ?

Le lecteur va découvrir ce que ne sait pas le village, Mortimer et Constance ont un secret... Ils aiment et lisent de la poésie. Ils ont même une certaine complicité avec les poètes puisqu'ils les nomment par leurs prénoms (Paul, Arthur...) "Ainsi, à l'instar de bien des humains qui savent ce qui est bon, ils recevaient les poètes à domicile, sans cérémonie, en pure amitié."

Extrait : Avec près de deux mille habitants, une place équipée de sept bancs de couleur, d’un jet d’eau et d’un abri bus pourvu d’un plan de la commune, avec également une salle des fêtes de dimensions respectables, une église remarquable pour des raisons mystérieuses, des barbecues municipaux ouverts à tous et des toilettes publiques à participation de l’usager, Cons-sur-Lombe était un village qui se donnait des airs de grande métropole sans renier ses origines céréalières que rappelaient, devant la mairie, quelques anciennes machines agricoles, désormais exposées sur des socles de béton : « Afin que nul n’en ignore », disait le maire, M. Balbe, un homme qui aurait pu être communiste, tant il avait le sens de la collectivité, mais qui s’était résigné à carriérer dans le centrisme pour faire plaisir à tout le monde, ce qui revient à peu près au même.

C’était ce qu’on appelle «un homme à idées ». Sa générosité paraissait sans limites. Ses amis le comparaient volontiers et sans rire à saint Vincent de Paul. Il n’avait pas d’ennemis car, très fort en gueule et pesant plus de cent soixante kilos, il savait se faire respecter en s’imposant à l’heure de l’apéritif comme le meilleur buveur de boissons anisées d’un canton qui, en la matière, ne comptait pourtant que des champions. Sa devise ne manquait pas d’ambition : «Toujours plus et toujours mieux qu’ailleurs. » Elle l’exposait quelquefois à des déconvenues administratives de premier ordre. Par exemple, il aurait voulu doubler la surface du terrain de football.

«Avec un terrain plus long et plus large, et des buts en proportion, nous montrerions au monde entier que les Consiens sont des fameux joueurs, qu’ils courent plus vite et plus longtemps que les châtrés des autres équipes ! »

Par mesquinerie sportive autant que par conformisme politique, les potentats du conseil général avaient fait obstacle au projet, et les footballeurs de Cons devaient se contenter d’un terrain, certes réglementaire, mais où leur talent se sentait à l’étroit.

« Sur un terrain adapté, même à six contre douze, on gagnerait ce qu’on voudrait ! », soupirait Balbe à chaque fois qu’il repensait à cette histoire. Ses compagnons de comptoir abondaient dans son sens, car on ne contrarie pas un édile qui, bien souvent et de sa poche, règle l’ensemble des tournées.

Extrait : Une des petites maisons était occupée par un couple adorable que la commune avait recueilli vingt ans auparavant, lors d’un hiver radical. On ne savait pas très bien qui ils étaient, d’où ils venaient, ni quelle inspiration miraculeuse les avait conduits jusqu’à Cons plutôt que dans un des nombreux bourgs des alentours ou à Larcheville où le Secours catholique et d’autres pourvoyaient aux besoins des plus démunis. Ils vivaient comme des clochards, sales, en loques, misérables, mais soutenus dans leur malheur par toute la population. En fait, ils ne manquaient de rien, et surtout pas de travail. La belle saison les voyait dans les jardins, la mauvaise dans la forêt ou dans les granges, à couper le bois. Ils débouchaient les éviers, rangeaient les greniers, vidaient les caves, donnaient la main à toutes sortes de nécessités du quotidien des autres. Au fil du temps, ils s’étaient rendus indispensables.

On les surnommait affectueusement les Capouilles, mais ils s’appelaient Boulu : Mortimer et Constance Boulu. Tous deux d’un calibre médiocre, petits et maigres, immensément chaussés de bottes épaisses, vêtus de dépenailles, et bien qu’on leur fît don régulièrement d’habits encore mettables, ils se complaisaient dans la négligence la plus farouche. La crasse, la barbe et la moustache gauloise se partageaient le visage de Mortimer. Sur la figure de Constance, un surcroît de crasse compensait l’absence de pilosité. Ne les aurait-on pas connus d’aussi longue date qu’on les aurait chassés à coups de bâton et en leur lançant des pierres, comme à des lépreux.

«Trop pauvres pour être fiers de se sentir propres », répétait souvent M. Balbe que les maladies quasi mortelles de sa femme vouaient au culte de l’hygiène, et même de l’asepsie.

Il les aimait sincèrement et ne ratait jamais une occasion de proclamer : « Il faut faire quelque chose pour les Capouilles ! », mais, depuis vingt ans, l’éventualité ne s’était jamais présentée de concrétiser cette aimable résolution.

24 mars 2009

La pluie, avant qu'elle tombe – Jonathan Coe

la_pluie_avant_qu_elle_tombe traduit de l'anglais par Jamila et Serge Chauvin

Gallimard – janvier 2009 – 248 pages

Présentation de l'éditeur
Rosamond vient de mourir, mais sa voix résonne encore, dans une confession enregistrée, adressée à la mystérieuse Imogen. S'appuyant sur vingt photos soigneusement choisies, elle laisse libre cours à ses souvenirs et raconte, des années quarante à aujourd'hui, l'histoire de trois générations de femmes, liées par le désir, l'enfance perdue et quelques lieux magiques. Et de son récit douloureux et intense naît une question, lancinante : y a-t-il une logique qui préside à ces existences ? Tout Jonathan Coe est là : la virtuosité de la construction, le don d'inscrire l'intime dans l'Histoire, l'obsession des coïncidences et des échos qui font osciller nos vies entre hasard et destin. Et s'il délaisse cette fois le masque de la comédie, il nous offre du même coup son roman le plus grave, le plus poignant, le plus abouti.

Biographie de l'auteur
Né en 1961 à Birmingham, Jonathan Coe est l'un des auteurs majeurs de la littérature britannique actuelle. On lui doit notamment Testament à l'anglaise, prix du Meilleur livre étranger 1996, La maison du sommeil, prix Médicis étranger 1998, et le diptyque que forment Bienvenue au club et Le Cercle fermé.

Mon avis : (lu en mars 2009)

C’est le premier livre que je lis de cet auteur et j’ai lu ce livre avec beaucoup de facilité et de plaisir. J’ai trouvé beaucoup de sensibilité dans cette histoire sur le sujet difficile du manque d’amour d’une mère pour sa fille et cela sur plusieurs générations. Le style est fluide et le faite de partir sur la description de 20 photos pour raconter l’histoire de trois générations de femmes des années quarante à nos jours est une idée très bonne et originale. J’ai été prise par l’histoire et j’ai dévoré le livre rapidement. A découvrir sans tarder !

Extrait : (page 36)
« Catharine saisit la télécommande, monta le son, et la première chose qu’elles entendirent, au bout de quelques secondes, fut un souffle de bande, suivi des claquements et crachotements d’un micro qu’on allumait et qu’on réglait, et du grattement du pied de micro en plastique sur une surface dure. Puis il y eut une toux, un raclement de gorge ; et enfin une voix, la voix qu’elles comptaient entendre, ce qui ne la rendait pas moins fantomatique. C’était la voix de Rosamond, seule dans le salon de son bungalow du Shropshire, qui parlait dans le micro quelques jours à peine avant sa mort. La voix disait :

  J’espère Imogen, que c’est toi qui m’écoutes. Je crains de ne pas pouvoir en être certaine, car tu as l’air d’avoir disparu. Mais je fais confiance au destin – et surtout à l’ingéniosité de ma nièce Gill – pour que ces enregistrements finissent par arriver jusqu’à toi.

  Je ne devrais peut-être pas m’étendre sur le sujet… mais je m’inquiète, depuis quelques années, de ne pas t’avoir vue réapparaître dans ma vie. Je suis vaguement tentée d’y voir un présage funeste, mais il est vrai que je suis portée à ce genre de pensées dans les circonstances, alors que ma propre fin est… eh bien si proche et si concrète. Je suis sûre qu’il y a une explication logique. Et même plusieurs explications logiques.»

22 mars 2009

Le Scaphandre et Le Papillon - Jean-Dominique Bauby

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Robert Laffont – mars 1997 – 139 pages

Pocket - septembre 1999 - 139 pages

Présentation de l'éditeur
À jamais statufié, muet exilé à l'intérieur de lui-même, il jette toute sa vie dans ce carnet de voyage immobile parce qu'elle va finir dans peu de temps. Après son accident cardiovasculaire, Jean-Dominique Bauby est ce mort vivant qu'un seul battement de cils rattache encore au monde et à la confidente qui déchiffre, un à un, ses derniers mots. Adieu à la vie, dont les images dansent encore devant lui. Le visage d'une femme aimée, un air populaire, une nuit blanche à Saint-Pétersbourg ou un jour incandescent dans le Nevada, un film de Fritz Lang, les petits riens et les grandes espérances. Et puisqu'il faut quitter tout cela, autant le faire sans peur, et même avec le sourire. Le journaliste qu'il était a remis sa dernière copie, inoubliable lettre adressée à un pays inconnu.

Auteur : Jean-Dominique Bauby (né en 1952 et décédé le 9 mars 1997) est un journaliste français, auteur d'un livre sur son expérience du locked-in syndrome, ou syndrome d'enfermement. Il a vécu avec Sylvie de la Rochefoucauld (présidente de Canal Jimmy)

Élevé à Paris, il grandit rue du Mont-Thabor derrière le Jardin des Tuileries dans l'ancien immeuble d'Alfred de Musset. Rédacteur en chef du magazine féminin Elle et père de deux enfants : Théophile et Céleste, Jean-Dominique Bauby est victime le vendredi 8 décembre 1995 d'un accident vasculaire cérébral qui le plonge dans le coma puis l'affecte du locked-in syndrome.

Hospitalisé à 44 ans, à l'hôpital maritime de Berck, il conserve ses capacités intellectuelles. Il continue de pouvoir mouvoir l'une de ses paupières, ce qui lui permet de communiquer. C'est lettre à lettre qu'il dicte son livre Le Scaphandre et le Papillon, publié le 6 mars 1997. Comme mentionné dans la dernière phrase de son livre, il décède peu de temps après sa sortie, le 9 mars 1997.

Mon avis : (lu en mars 1998)

C'est un récit bouleversant de courage. D’abord dans l’énergie qu’il a nécessitée pour sa rédaction, mais aussi dans le témoignage souvent ironique qu’il fournit sur cette effroyable immobilité. Ce livre est un hymne à la vie et à l'espoir. L'auteur décrit ce qu'était sa vie "avant", et ce qu'elle est maintenant, alors qu'il est atteint du "locked-in" syndrome. Ce livre est très touchant dans sa simplicité car pour lui, chaque chose, même les plus simples, sont devenues inaccessibles.
C'est un témoignage très émouvant, qui nous donne envie de profiter de la vie, "au cas où"...

En mai 2007, une adaptation au cinéma, également titrée Le Scaphandre et le Papillon, réalisée par Julian Schnabel, avec Mathieu Amalric, Emmanuelle Seigner, Marie-Josée Croze, Anne Consigny, Patrick Chesnais est sortie en salles.

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J'ai vu ce film qui est tout aussi bouleversant que le livre, humain, touchant, très émouvant, étonnamment drôle parfois. Le rôle de Jean-Dominique Bauby est magnifiquement interprété par Mathieu Amalric (il a d'ailleurs reçu un César pour sa prestation).

Extrait :
"Derrière le rideau de toile mitée une clarté laiteuse annonce l'approche du petit matin. J'ai mal aux talons, la tête comme une enclume, et une sorte de scaphandre qui m'enserre tout le corps. Ma chambre sort doucement de la pénombre. Je regarde en détails les photos des être chers, les dessins d'enfants, les affiches, le petit cycliste en fer-blanc envoyé par un copain la veille de Paris-Roubaix, et la potence qui surplombe le lit où je suis incrusté depuis six mois comme un bernard-l'ermite sur son rocher. Pas besoin de réfléchir longtemps pour savoir où je suis et me rappeler que ma vie a basculé le vendredi 8 décembre de l'an passé (...)".

Extrait : "Le 8 juin, cela fera six mois que ma nouvelle vie a commencé. Vos lettres s'accumulent dans le placard, vos dessins sur le mur et, comme je ne peux répondre à chacun, j'ai eu l'idée de ces samizdats pour raconter mes journées, mes progrès et mes espoirs. D'abord j'ai voulu croire qu'il ne s'était rien passé. Dans l'état de semi-conscience qui suit le coma, je me voyais revenir bientôt dans le tourbillon parisien, tout juste flanqué d'une paire de cannes."
Tels étaient les premiers mots du premier courrier de la lettre de Berck qu'à la fin du printemps je décidai d'envoyer à mes amis et relations. Adressée à une soixantaine de destinataires, cette missive fit un certain bruit et répara un peu les méfaits de la rumeur. La ville, ce monstre aux cent bouches et aux mille oreilles qui ne sait rien mais dit tout, avait en effet décidé de me régler mon compte. Au café de Flore, un de ces camps de base du snobisme parisien d'où se lancent les cancans comme des pigeons voyageurs, des proches avaient entendu des piapiateurs inconnus tenir ce dialogue avec la gourmandise de vautours qui ont découvert une gazelle éventrée.
"Sais-tu que B. est transformé en légume? disait l'un. - Évidemment, je suis au courant. Un légume, oui, un légume." Le vocable "légume" devait être doux au palais de ces augures car il était revenu plusieurs fois entre deux bouchées de welsh rarebit. Quant au ton, il sous-entendait que seul un béotien pouvait ignorer que désormais je relevais davantage du commerce des primeurs que de la compagnie des hommes. Nous étions en temps de paix. On ne fusillait pas les porteurs de fausses nouvelles. Si je voulais prouver que mon potentiel intellectuel était resté supérieur à celui d'un salsifis, je ne devais compter que sur moi-même.
Ainsi est née une correspondance collective que je poursuis de mois en mois et qui me permet d'être toujours en communion avec ceux que j'aime. Mon péché d'orgueil a porté ses fruits. A part quelques irréductibles qui gardent un silence obstiné, tout le monde a compris qu'on pouvait me joindre dans mon scaphandre même s'il m'entraîne parfois aux confins de terres inexplorées.
Je reçois des lettres remarquables. On les ouvre, les déplie et les expose sous mes yeux selon un rituel qui s'est fixé avec le temps et donne à cette arrivée du courrier le caractère d'une cérémonie silencieuse et sacrée. Je lis chaque lettre moi-même scrupuleusement. Certaines ne manquent pas de gravité. Elles me parlent du sens de la vie, de la suprématie de l'âme, du mystère de chaque existence et, par un curieux phénomène de renversement des apparences, ce sont ceux avec lesquels j'avais établi les rapports les plus futiles qui serrent au plus près ces questions essentielles. Leur légèreté masquait des profondeurs. Étais-je aveugle et sourd ou bien faut-il nécessairement la lumière d'un malheur pour éclairer un homme sous son vrai jour ?"

22 mars 2009

La promesse de l'ange – Frédéric Lenoir et Violette Cabesos

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Albin Michel – mars 2004 - 496 pages

Livre de Poche – mai 2006 – 627 pages

Présentation de l'éditeur
Rocher battu par les tempêtes, lieu de cultes primitifs sanctifié par les premiers chrétiens, le Mont-Saint-Michel est loin d'avoir révélé tous ses secrets. Au début du XIe siècle, les bâtisseurs de cathédrales y érigèrent en l'honneur de l'Archange, prince des armées célestes et conducteur des âmes dans l'au-delà, une grande abbaye romane.
Mille ans plus tard, une jeune archéologue passionnée par le Moyen Âge se retrouve prisonnière d'une énigme où le passé et le présent se rejoignent étrangement.
Meurtres inexpliqués, amours périlleuses, secrets millénaires... sur le chemin du temps, de la passion, de l'absolu, la quête de Johanna la conduit inexorablement aux frontières d'un monde dont on ne revient pas indemne.
Roman initiatique, thriller métaphysique, un suspense érudit et fascinant de Violette Cabesos et Frédéric Lenoir.


Les Auteurs :

Violette Cabesos, 33 ans, est l’auteur d’un premier roman remarqué Sang comme neige aux éditions Plon (2003).

Frédéric Lenoir, 41 ans, est philosophe et écrivain. Auteur de nombreux essais et ouvrages encyclopédiques, il a dirigé entre autres L’encyclopédie des religions chez Bayard et divers ouvrages dont Mal de terre avec Hubert Reeves, au Seuil et Les Métamorphoses de Dieu chez Plon. Il est l’auteur d’un premier roman paru chez Albin Michel : Le secret, 2001 et du scénario d’une BD (La Prophétie des deux mondes, Albin Michel, 2003).

Mon avis : (lu en septembre 2008)

Le Mont Saint Michel m'a toujours fasciné. La première fois que je l'ai vu j'avais 8 ans : je n'ai jamais oublié ce jour là. La deuxième fois, j'avais 20 ans : la magie de ce lieu a été la même. Ensuite, j'ai eu la chance de travailler pour un chantier extérieur à proximité du Mont pendant 3 jours au début mai. Chaque fois que je levais les yeux de mon travail, je le voyais surgir et je ne pouvais pas m'empêcher de l'admirer... Et le soir, après le dîner, avec mes deux collègues nous arpentions en long et en large les ruelles du Mont désertes des touristes de la journée et cela jusqu'à la nuit. Ce sont des souvenirs inoubliables ! Ensuite jusqu'en 2000, j'ai habité pendant près de 4 ans à 60 km du Mont Saint Michel. Et souvent, le w-e nous venions nous y promener pendant les périodes hors-saison. Voilà pourquoi le Mont Saint Michel reste pour moi un lieu magique que j'aime beaucoup. Ce livre m'a donc passionné, il nous fait découvrir le Mont Saint Michel sous un nouvel angle, nous sommes embarqués dans un aventure incroyable entre le passé et le présent. Les personnages sont attachants et l'intrigue fort bien construite. J'ai été captivée par l'histoire et l'atmosphère étrange et mystérieuse qui caractérise si bien le Mont. La réalité historique est très intéressante et on apprend aussi beaucoup sur le métier d'archéologue.

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21 mars 2009

Falaises – Olivier Adam

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Editions de l'Olivier - août 2005 – 204 pages

Points - août 2006 - 181 pages

Présentation de l'éditeur
Etretat. Sur le balcon d'une chambre d'hôtel, un homme veille. Au bout de son regard : les falaises éclairées d'où s'est jetée sa mère, vingt ans plus tôt. Le temps d'une nuit, le narrateur déroule le film de sa vie, cherche dans sa mémoire rétive les traces de cette mère disparue. Il fouille son enfance, revient sur sa jeunesse perdue, sur son père brutal, son frère en fuite, ses années à Paris. Ce qu'il puise dans ses souvenirs : un flot d'images, de sensations, de lieux, d'apparitions. Et cette question : comment suis-je encore en vie, qui m'a sauvé ? Dans ce roman qui semble faire table rase du passé pour mieux le ranimer, Olivier Adam convoque tous les thèmes et les personnages qui lui sont chers. Ainsi rassemblés, ils donnent à Falaises un souffle et une ampleur romanesques rares.

Biographie de l'auteur
Olivier Adam est né en 1974. Il a grandi en banlieue parisienne et vit aujourd'hui à Paris. Il a publié, entre autres, A l'ouest, Poids léger (adapté au cinéma en 2004 par Jean-Pierre Améris) et Passer l'hiver (Goncourt de la Nouvelle 2004). Il écrit également pour la jeunesse et pour le cinéma.

Mon avis : (lu en mars 2009)

C’est le deuxième livre que je lis de cet auteur après "A l’ abri de rien" que j’avais beaucoup aimé. Ce roman est dur et tendre à la fois. C’est un cri de douleur du narrateur qui revient sur le drame de son enfance : le suicide de sa maman lorsqu’il avait 11 ans, puis sur ses souvenirs de jeunesse avec un père dur et indifférent, sa complicité avec son frère. On découvre aussi sa vie d'adulte avec sa femme et sa fille. Ce livre nous rappelle que la vie fluctue entre la mélancolie, la tristesse mais aussi la joie et le bonheur. Ce livre est très touchant et poétique, l’écriture est fluide, tout ceci est vraiment très beau !

Extrait : (page 48)
Dans la chambre tiède, l'air est rempli du parfum de ma fille, de l'odeur de sa mère. Je m'allonge près d'elles. Chloé grogne et je respire ses cheveux, son odeur de savon, d'eau de cassis et de lait. J'embrasse son cou, ses doigts minuscules, son épaule. Elle ouvre les yeux un instant, murmure 'papa' et se rendort aussitôt.
Il y a maintenant deux ans qu'elle est née, qu'elle est près de moi et me protège. Deux ans et j'ai souvent l'impression qu'avant ça rien n'a existé, rien n'a eu lieu, qu'à nouveau ma mémoire se ferme à double tour, et entraîne les trente années qui ont précédé dans un lieu caché de mon cerveau. Un lieu sans importance désormais.

Extrait : (page 64)
Mon frère s'est réveillé un soir et, à ma grande surprise, ce ne fut pas plus étrange et extraordinaire que des yeux qui s'ouvrent et se posent sur ce qui les entoure, les murs et la fenêtre, les arbres qui se balancent, le ciel au loin, craquelé de rouge et de bleu crème ce soir-là, les immeubles puis moi, assis dans le grand fauteuil, sous le téléviseur suspendu. Il m'a souri faiblement, a refermé les yeux un moment. Quand il les a rouverts, j'étais près de lui.
- Tu as fait semblant, hein ? T'étais pas dans le coma, en vrai ?
Il s'est tourné vers moi, pris dans les brumes. Il m'a regardé longuement, ses yeux s'appuyaient sur mon visage, sans reproche, sans ironie, sans tristesse. On y lisait juste la fatigue et la détresse. D'une voix pâteuse il m'a demandé où était maman. A l'expression de son visage, j'ai compris qu'après six semaines hors du monde il espérait de tout son cœur avoir fait un mauvais rêve.

Extrait : (page 171)
J'ai froid et le ciel s'éclaircit un peu. Au loin fraient des cargos. Sur les ponts rouillés passe infiniment mon frère et pour toujours peut-être. J'ignore s'il me manque, je crois qu'il fait partie d'une autre vie et que, depuis la mort de ma mère, j'ai appris à consentir à ce qu'il advient, à ne plus résister à rien. Je crois qu'en somme, le trou qu'elle a creusé en moi était déjà si large et profond qu'en y disparaissant il n'aura pu l'agrandir.
Je ne sais pas quand exactement mon frère surgit pour la première fois dans le flux troué de ma mémoire. Quand, au juste, il s'extrait de ces sables pour arborer un visage, une voix, une silhouette reconnaissables. Entre huit et onze ans, je crois qu'il se confond, selon les moments, soit avec moi soit avec ma mère. Pourtant, étrangement, il me semble le connaître depuis beaucoup plus longtemps que ça.

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