les_autres_Ferney     les_autres  Actes Sud – août 2006 – 531 pages

Présentation de l'éditeur
Théo fête ce soir ses vingt ans et rien ne devrait troubler ce moment de convivialité et de réjouissance. Rien sinon le jeu de société que son frère aîné lui offre, qui révélera à chaque participant la façon dont les autres le perçoivent, menaçant de remettre en cause l'idée qu'il se faisait de lui-même et des sentiments réciproques l'attachant à ses proches. Au fil de la partie, le jeu devient le révélateur de secrets de famille jusque-là soigneusement occultés par la honte, la déception ou la souffrance... et nul ne sortira indemne de la soirée. Evoquant les liens de la fratrie, de l'amitié ou de l'amour naissant, Les Autres est aux relations affectives ce que La Conversation amoureuse est à l'amour : un accomplissement romanesque d'une remarquable maîtrise polyphonique.

Biographie de l'auteur
L'œuvre romanesque d'Alice Ferney est publiée chez Actes Sud : Le Ventre de la fée (1993), L'Elégance des veuves (1995), Grâce et dénuement (1997, prix Culture et bibliothèques pour tous), La Conversation amoureuse (2000), Dans la guerre (2003).

Mon avis : (lu en octobre 2006)
Ce livre d'Alice Ferney est original et très intéressant. Original, car il raconte 3 fois la même histoire mais sous trois angles différents : tout d'abord les pensées des personnages (choses pensées), ensuite on assiste à des échanges verbaux (choses dites) et enfin la version du narrateur (choses rapportées). C'est l'histoire d'une soirée de 8 personnes autour d'un jeu de la vérité. Peu à peu, on apprend à mieux connaître les différents personnages. Ce roman, nous fait réfléchir sur le fait que les personnes que nous côtoyons nous perçoivent différemment. Faut-il connaître les images que les autres ont de nous ? Est-ce que cela nous aide à mieux nous connaître ? Ce n'ai pas le livre d'Alice Ferney que j'ai préféré mais il est très bien écrit et se lit facilement car on est pris par le jeu...

Extrait : (choses pensées - page 99)
Nous sommes tellement remplis de mots qu'il nous faut absolument parler : comme s'ils étaient des oiseaux à libérer, comme s'il fallait faire le vide avant de laisser venir en nous d'autres mots. Nous parlons, nous parlons : les uns aux autres, les uns contre les autres, les uns des autres. Les mots s'agitent inutilement entre nous. Ceux que nous osons dire, Ceux que nous gardons pour nous. Ils sont tous là. Nous les avons sur le bout de la langue, au bord des lèvres, derrière la paroi du front, dans la tête. Souvent nous les avons déjà dits et nous les répétons. Ils ne s'usent pas, ils gardent leur pouvoir de transformer, de blesser, ou d'illuminer.

Extrait : (choses rapportées - page 413)
Fleur comprenait, il y a des souffrances qu'il ne faut surtout pas livrer, et l'on ne peut s'en aller vers les autres que dans les bavardages. Lorsqu'on se sent déchue de soi-même, terrassée et piteuse, trop docile, portant le deuil de sa fierté, on ne parle pas de soi-même. Oui, la mère conseillait le vide : souriante la mère, et sourde, et muette, et acquiescante. Tout sauf une mère, tout sauf nourricière, sauf protectrice. Il y avait une loi sacrée et des gestes interdits, le père transgressait la loi et commettait les gestes, obscènes caresses qui devaient ne pas recevoir de nom. Ils devraient être le silence du corps blessé. Quelle tristesse d'avoir un jardin sans oiseaux ! Je ne comprends déjà plus rien ! Claude ne pense pas ce qu'il dit ! Fleur parlait. Il y a des effusions qui sont des silences.