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A propos de livres...
29 janvier 2009

Les gens du Balto – Faïza Guène

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Hachette Littératures - août 2008 - 180 pages

LGF – janvier 2010 – 153 pages

Présentation de l'éditeur
Jusqu'à ce fameux samedi, il ne s'était jamais rien passé d'extraordinaire à Joigny-les-Deux-Bouts, petite bourgade tranquille en fin de ligne du RER. Yéva, minijupe à ras et verbe haut, rêvait toujours d'une vie ailleurs. Jacquot, son mari chômeur, creusait une fosse dans le canapé à force de jeux télévisés. Leur fils Yeznig, déficient mental, recomptait ses dents après chaque repas. Son frère Tanièl, renvoyé du lycée pour avoir abîmé le conseiller d'orientation, peaufinait sa technique pour serrer les blondes. Le jeune Ali, Marseillais au gros nez, essayait de se fondre dans le décor. Et Magalie, LA blonde du lycée, suivait à la lettre les conseils de son magazine préféré pour rendre crazy tous les mecs. Bref, la routine pour ces habitués qui, un matin, découvrent le patron de " leur " bar, baignant dans son sang. Un drame ? Pas pour les gens du Balto.

Avec ce roman choral, Faïza Guène dévoile de nouvelles facettes de son talent, réussissant à se glisser avec autant d'aisance dans la peau de tous ses personnages. Humour, justesse du trait, Les Gens du Balto confirme que cette jeune romancière n'est pas devenue une figure des lettres par hasard.

Biographie de l'auteur
Faïza Guène a vingt-trois ans. Elle est l'auteur de deux best-sellers, Kiffe kiffe demain (2004) et Du rêve pour les oufs (2006), traduits dans plus de vingt pays.

Mon avis : (lu en janvier 2009)

Ce livre se lit facilement, à travers une enquête policière on découvre une galerie de personnages d’une banlieue pavillonnaire, le langage est actuel (sms, verlan…). Cette enquête autour du meurtre de Jojo le patron du bar n’est qu’un prétexte pour que chacun raconte ses problèmes : l’exclusion, la différence, le chômage, les conflits parents-enfants, le handicap…

Le récit est simple, touchant, plein d’humour.

Extrait :
« Joël, dit Jojo, dit Patinoire

Je m'appelle Joël Morvier et j'ai décidé de raconter mon histoire moi-même. Depuis trente ans, je vis au milieu des journaux alors on me la fait pas. Je vois très bien comment ils déforment la réalité. Je préfère me fier à ma bouche.

J'aurais eu soixante-deux ans en avril, le 12 du mois. Je dis ça pour information, je n'ai jamais fêté un anniversaire de ma vie.

Il paraît que je suis un homme antipathique. Je dirais plutôt que j'ai reçu moins d'amour et de compassion que ce que je méritais. On me fait de faux procès. Je ne suis pas raciste. J'ai des valeurs et visiblement, ça dérange.

Je suis tel que l'usine de la nature m'a fabriqué. On me traite d'insensible mais je n'ai pas eu le choix des options au commencement, ce qui n'a pas empêché la voiture de rouler. Fabrication française je précise.

À les écouter, faudrait s'émouvoir du moindre enfant violé.

Moi aussi je regarde des images à la télévision, les attentats, les accidents, les ouragans et les vieillards qui crèvent de chaleur. Rien à faire. Ça ne me touche pas.

J'ai perdu mon père assez jeune. Je ne suis pas le seul. Un père, ça meurt un jour ou l'autre. C'est pas pour faire chialer que je raconte ça, seulement pour expliquer.

J'ai vécu quelques années avec mon oncle Louis dans l'appartement au-dessus du bar. Puis à son tour, il a claqué. Un cancer. Mon vieux, lui, a eu une mort aussi bête que sa vie. Un accident de chasse. D'ailleurs tout a été accidentel chez lui, même moi.

On est à Joigny-les-Deux-Bouts depuis plus de cinquante ans. Une commune de 4 500 habitants à l'extrémité d'une ligne de RER. Un endroit dans lequel vous ne foutrez sans doute jamais les pieds.

Ici, tout le monde me connaît. Jojo ou « Patinoire » pour les habitués. On me surnomme comme ça disons à cause de ma calvitie avancée. Enfin elle est récente, parce qu'à l'adolescence, fallait voir la tignasse. De dos, je ressemblais à Dalida. Par nostalgie, je garde les cheveux longs malgré le terrain vague sur le dessus. J'étais le patron du café Le Balto. On ne s'est pas beaucoup remué les méninges pour le baptiser. C'est le bar-tabac-journaux du coin. Poumon du village. Et sac à vomi.

Pendant des années, j'ai joué au psychiatre de service. J'en ai passé des soirées à les écouter parler de leurs emmerdements et de leurs histoires de cul. À côté de mon bar, Sainte-Anne passerait pour un salon de thé. J'essayais d'élever le niveau de la conversation mais ça volait pas plus haut que les remboursements de la sécu. Chaque fois que je regardais sur ma gauche, accoudée au bar, Claudine était là, toujours au même endroit. On ne la voyait même plus tellement elle passait son temps à cette place. Ici, tout le monde l'appelait la Veuve noire. On raconte qu'elle a empoisonné son mari quelques semaines après leurs noces. Paraîtrait qu'elle a fichu de l'insecticide dans sa soupe au potiron.

Chaque fois qu'elle avait un coup dans le nez, elle avait cette manie de se déshabiller et elle commençait toujours par retirer ses bas. Je suis sympa, j'épargne les détails.

Un que ça dégoûtait vraiment, c'était Yves Legendre, le gendre du maire de Joigny. C'est pas une blague, il s'appelle vraiment Legendre. Il ne supportait plus d'être dans l'ombre de son beau-père. Sur le ton de la confidence, il finit un jour par m'avouer n'avoir jamais voté pour lui.

J'étais le seul à savoir que Legendre votait coco. Un jour, au début de l'été dernier, il m'a fait commander un abonnement à un magazine de musculation. Ces bouquins pour les maniaques de la gonflette, avec des pages entières de publicités pour les protéines, du genre de celles qu'on donne aux bœufs de concours. Et bien sûr des tas de photos de types musclés et bronzés qui se foutent de l'huile partout sur le corps. Legendre était devenu rapidement accroc. Il en raffolait. Je n'avais pas cherché à en savoir plus. Encore un pédé, je m'étais dit.

Mon seul petit moment agréable de la journée, c'était aux alentours de 19 heures quand Mme Yéva passait acheter ses Gauloises blondes. Sacrément bien chargée. Une belle femme, ça oui. Elle laissait toujours derrière elle une traînée de parfum, comme un grand nuage rose, un nuage d'amour.

Une odeur sucrée qui arrêtait le temps dans le bar. C'est pas que je sois un sentimental mais Mme Yéva, c'est spécial. C'est le genre de femme qui donne de l'inspiration. Il est arrivé qu'une fois ou deux, je lui mette discrètement la main au derrière. Elle l'a vraiment mal pris. Je me suis défendu en disant que je l'avais pas fait exprès mais elle m'a fait une grosse scène. Pendant qu'elle me hurlait à la figure des noms d'oiseaux, je pensais qu'elle avait un sacré caractère et ça m'attirait encore plus fort. Elle vit avec trois hommes et y en a pas un pour rattraper l'autre. Deux fils : un bandit à casquette et un mongol. Et un mari en jogging drogué par la Française des Jeux. Elle doit rester avec lui pour ses prouesses au pieu, je vois que ça. Et encore, faut avoir de l'imagination. Ma Yéva, c'est bien la seule chose qui va me manquer maintenant.

Je baigne dans mon sang, à poil, dans une position incroyable. Je pensais voir défiler ma vie comme un film, mais c'est une connerie. J'entends seulement des voix. »

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