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A propos de livres...
18 janvier 2009

Ensemble c’est tout – Anna Gavalda

ensemble_c_est_tout Le Dilettante – mars 2004 – 604 pages

Mot de l'éditeur : L'action se déroule à Paris, au pied de la tour Eiffel très exactement, et couvre une année. Ce livre raconte la rencontre puis les frictions, la tendresse, l'amitié, les coups de gueule, les réconciliations et tout le reste encore, tout ce qui se passe entre quatre personnes vivant sous un même toit. Quatre personnes qui n'avaient rien en commun au départ et qui n'auraient jamais dû se rencontrer. Un aristocrate bègue, une jeune femme épuisée, une vieille mémé têtue et un cuisinier grossier. Tous sont pleins de bleus, pleins de bosses et tous ont un cœur gros comme ça (non, plus gros encore !)... C'est la théorie des dominos à l'envers. Ces quatre-là s'appuient les uns sur les autres mais au lieu de se faire tomber, ils se relèvent. On appelle ça l'amour.

Biographie de l'auteur
Anna Gavalda est née le 9 décembre 1970. Elle vit dans la région parisienne. Elle a deux enfants très mignons et écrit quand ils sont à l'école. Le reste du temps, elle regarde les gens vivre. Ensemble, c'est tout est son quatrième livre après Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part, Je l'aimais (Le Dilettante) et 35 kilos d'espoir (Bayard jeunesse)

Mon avis : (lu en mai 2004)

J'ai vraiment beaucoup aimé ce livre. Je l'ai lu avec beaucoup de bonheur et j'avais beaucoup de mal à lâcher le livre. C'est une histoire de solidarité entre des personnages « cabossés » par la vie mais si attachants. On voudrait les connaître pour de vrai et faire partie de cette vie qu'ils se construisent doucement "ensemble". Ce livre nous fait du bien. A la fin du livre, j'aurai aimé qu'il ne soit pas fini, tellement cette histoire était belle !

ensemble_c_est_tout_film

J'ai également bien aimé le film tiré du livre, même s'il est difficile d'adapter un livre de 600 pages en 1h37. Film réalisé par Claude Berri, avec Audrey Tautou, Guillaume Canet, Laurent Stocker, Françoise Bertin. Sortie le 21 Mars 2007.

Extraits :

1

Paulette Lestafier n’était pas si folle qu’on le disait. Bien sûr qu’elle reconnaissait les jours puisqu’elle n’avait plus que ça à faire désormais. Les compter, les attendre et les oublier. Elle savait très bien que c’était mercredi aujourd’hui. D’ailleurs elle était prête ! Elle avait mis son manteau, pris son panier et réuni ses coupons de réductions. Elle avait même entendu la voiture de la Yvonne au loin… Mais voilà, son chat était devant la porte, il avait faim et c’est en se penchant pour reposer son bol qu’elle était tombée en se cognant la tête contre la première marche de l’escalier. Paulette Lestafier tombait souvent, mais c’était son secret. Il ne fallait pas en parler, à personne. «À personne, tu m’entends? » se menaçait-elle en silence. «Ni à Yvonne, ni au médecin et encore moins à ton garçon…» Il fallait se relever lentement, attendre que les objets redeviennent normaux, se frictionner avec du Synthol et cacher ces maudits bleus. Les bleus de Paulette n’étaient jamais bleus. Ils étaient jaunes, verts ou violacés et restaient longtemps sur son corps. Bien trop longtemps. Plusieurs mois quelquefois… C’était difficile de les cacher. Les bonnes gens lui demandaient pourquoi elle s’habillait toujours comme en plein hiver, pourquoi elle portait des bas et ne quittait jamais son gilet. Le petit, surtout, la tourmentait avec ça :

Alors mémé? C’est quoi ce travail ? Enlève-moi tout ce bazar, tu vas crever de chaud !

Non, Paulette Lestafier n’était pas folle du tout. Elle savait que ses bleus énormes qui ne partaient jamais allaient lui causer bien des ennuis un jour… Elle savait comment finissent les vieilles femmes inutiles comme elle. Celles qui laissent venir le chiendent dans leur potager et se tiennent aux meubles pour ne pas tomber. Les vieilles qui n’arrivent pas à passer un fil dans le chas d’une aiguille et ne se souviennent même plus de comment on monte le son du poste. Celles qui essayent tous les boutons de la télécommande et finissent par débrancher l’appareil en pleurant de rage. Des larmes minuscules et amères. La tête dans les mains devant une télé morte. Alors quoi ? Plus rien ? Plus jamais de bruit dans cette maison ? Plus de voix ? Jamais ? Sous prétexte qu’on a oublié la couleur du bouton ? Il t’avait mis des gommettes pourtant, le petit… Il te les avait collées les gommettes ! Une pour les chaînes, une pour le son et une pour éteindre ! Allons, Paulette ! Cesse de pleurer comme ça et regarde donc les gommettes ! Arrêtez de me crier dessus vous autres… Elles sont parties depuis longtemps, les gommettes… Elles se sont décollées presque tout de suite… Ça fait des mois que je cherche le bouton, que j’entends plus rien, que je vois juste les images avec un tout petit murmure… Criez donc pas comme ça, vous allez me rendre sourde encore en plus…

[...]

4

À quand remontent vos dernières règles ?

Elle était déjà derrière le paravent en train de se battre avec les jambes de son jean. Elle soupira. Elle savait qu’il allait lui poser cette question. Elle le savait. Elle avait prévu son coup pourtant… Elle avait attaché ses cheveux avec une barrette en argent bien lourde et était montée sur cette putain de balance en serrant les poings et en se tassant le plus possible. Elle avait même sautillé un peu pour repousser l’aiguille… Mais non, ça n’avait pas suffi et elle allait avoir droit à sa petite leçon de morale…

Elle l’avait vu à son sourcil tout à l’heure quand il lui avait palpé l’abdomen. Ses côtes, ses hanches trop saillantes, ses seins ridicules et ses cuisses creuses, tout cela le contrariait. Elle finissait de boucler son ceinturon tranquillement. Elle n’avait rien à craindre cette fois-ci. On était à la médecine du travail, plus au collège. Un baratin pour la forme et elle serait dehors.

Alors ?

Elle était assise en face de lui à présent et lui souriait. C’était son arme fatale, sa botte secrète, son petit truc en plumes. Sourire à un interlocuteur qui vous embarrasse, on n’a pas encore trouvé mieux pour passer à autre chose.

Hélas, le bougre était allé à la même école… Il avait posé ses coudes, croisé ses mains et posé par-dessus tout ça un autre sourire désarmant. Elle était bonne pour répondre. Elle aurait dû s’en douter d’ailleurs, il était mignon et elle n’avait pas pu s’empêcher de fermer les yeux quand il avait posé ses mains sur son ventre…

Alors ? Sans mentir, hein ? Sinon, je préfère que vous ne me répondiez pas.

Longtemps…

Évidemment, grimaça-t-il, évidemment… Quarante-huit kilos pour un mètre soixante-treize, à ce train-là vous allez bientôt passer entre la colle et le papier…

Le papier de quoi ? fit-elle naïvement.

Euh… de l’affiche…

Ah ! De l’affiche ! Excusez-moi, je ne connaissais pas cette expression…

Il allait répondre quelque chose et puis non. Il s’est baissé pour prendre une ordonnance en soupirant avant de la regarder de nouveau droit dans les yeux :

Vous ne vous nourrissez pas ?

Bien sûr que si je me nourris !

Une grande lassitude l’envahit soudain. Elle en avait marre de tous ces débats sur son poids, elle en avait sa claque. Bientôt vingt-sept ans qu’on lui prenait la tête avec ça. Est-ce qu’on ne pouvait pas parler d’autre chose ? Elle était là, merde ! Elle était vivante. Bien vivante. Aussi active que les autres. Aussi gaie, aussi triste, aussi courageuse, aussi sensible et aussi décourageante que n’importe quelle fille. Il y avait quelqu’un là-dedans ! Il y avait quelqu’un… De grâce, est-ce qu’on ne pouvait pas lui parler d’autre chose aujourd’hui ?

Vous êtes d’accord, n’est-ce pas ? Quarante-huit kilos, ça ne fait pas bien lourd…

Oui, acquiesça-t-elle vaincue, oui… Je suis d’accord… Il y a longtemps que je n’étais pas descendue aussi bas… Je…

Vous?

Non. Rien.

Dites-moi.

Je… J’ai connu des moments plus fastes, je crois…

Il ne réagissait pas.

Vous me le remplissez, ce certificat ?

Oui, oui, je vais vous le faire, répondit-il en s’ébrouant, euh… C’est quoi cette société déjà ?

Laquelle ?

Celle-ci, là où nous sommes, enfin la vôtre…

Touclean.

Pardon?

Touclean.

T majuscule o-u-c-l-i-n-e, épela-t-il.

Non, c-l-e-a-n, rectifia-t-elle. Je sais, ce n’est pas très logique, il aurait mieux valu « Toupropre », mais je pense qu’ils aimaient bien ce côté yankee, vous voyez… C’est plus pro, plus… wondeurfoule drim tim…

Il ne voyait pas.

C’est quoi exactement ?

Pardon?

Cette société ?

Elle s’adossa en tendant ses bras devant elle pour s’étirer et c’est avec une voix d’hôtesse de l’air qu’elle déclina, le plus sérieusement du monde, les tenants et les aboutissants de ses nouvelles fonctions :

Touclean, mesdames et messieurs, répond à toutes vos exigences en matière de propreté. Particuliers, professionnels, bureaux, syndics, cabinets, agences, hôpitaux, habitats, immeubles ou ateliers, Touclean est là pour vous satisfaire. Touclean range, Touclean nettoie, Touclean balaye, Touclean aspire, Touclean cire, Touclean frotte, Touclean désinfecte, Touclean fait briller, Touclean embellit, Touclean assainit et Touclean désodorise. Horaires à votre convenance. Souplesse. Discrétion. Travail soigné et tarifs étudiés. Touclean, des professionnels à votre service !

Elle avait débité cet admirable laïus d’une traite et sans reprendre son souffle. Son petit french docteur en resta tout abasourdi :

C’est un gag ?

Bien sûr que non. D’ailleurs vous allez la voir la dream team, elle est derrière la porte…

Vous faites quoi au juste ?

Je viens de vous le dire.

Non, mais vous… Vous!

Moi? Eh bien, je range, je nettoie, je balaye, j’aspire, je cire et tout le bazar.

Vous êtes femme de mén…?

Ttt…technicienne de surface, je préfère…

Il ne savait pas si c’était du lard ou du cochon.

Pourquoi vous faites ça ?

Elle écarquilla les yeux.

Non, mais je m’entends, pourquoi « ça » ? Pourquoi pas autre chose ?

Pourquoi pas ?

Vous n’avez pas envie d’exercer une activité plus… euh…

Gratifiante ?

Oui.

Non.

Il est resté comme ça encore un moment, le crayon en l’air et la bouche entrouverte puis a regardé le cadran de sa montre pour y lire la date et l’a interrogée sans lever le nez :

Nom?

Fauque.

Prénom?

Camille.

Date de naissance ?

17 février 1977.

Tenez, mademoiselle Fauque, vous êtes apte au travail…

Formidable. Je vous dois combien ?

Rien, c’est… euh… C’est Touclean qui paye.

Aaaah Touclean ! reprit-elle en se levant et dans un grand geste théâtral, me voilà apte à nettoyer des chiottes, c’est merveilleux…

Il la raccompagna jusqu’à la porte. Il ne souriait plus et avait remis son masque de grand ponte consciencieux. En même temps qu’il appuyait sur la poignée, il lui tendit la main :

Quelques kilos quand même ? Pour me faire plaisir…

Elle secoua la tête. Ça ne marchait plus ces trucs-là avec elle. Le chantage et les bons sentiments, elle en avait eu sa dose.

On verra ce qu’on peut faire, elle a dit. On verra…

Samia est entrée après elle. Elle descendit les marches du camion en tâtant sa veste à la recherche d’une cigarette. La grosse Mamadou et Carine étaient assises sur un banc à commenter les passants et à râler parce qu’elles voulaient rentrer chez elles.

Alors ? a rigolé Mamadou, qu’est-ce que tu trafiquais là deu-dans? J’ai mon RER, moi ! Il t’a maraboutée ou quoi ?

Camille s’est assise sur le sol et lui a souri. Pas le même genre. Un sourire transparent, cette fois. Sa Mamadou, elle ne faisait pas sa maligne avec elle, elle était bien trop forte…

Il est sympa ? a demandé Carine en crachant une rognure d’ongle.

Super.

Ah, je le savais bien ! exulta Mamadou, je m’en doutais bien de ça ! Hein que je te l’ai dit à toi et à Sylvie, qu’elle était toute nue là-deu-dans !

Il va te faire monter sur sa balance…

Qui ? Moi ? a crié Mamadou. Moi ? Il croit que je vais monter sur sa balance !

Mamadou devait peser dans les cent kilos au bas mot, elle se frappait les cuisses :

Jamais de la vie ! Si je grimpe là-deu-ssus, je l’écrabouille et lui avec ! Et quoi d’autre encore ?

Il va te faire des piqûres, a lâché Carine.

Des piqûres deu quoi d’abord ?

Mais non, la rassura Camille, mais non, il va juste écouter ton cœur et tes poumons…

Ça, ça va.

Il va te toucher le ventre aussi…

Mais voyons, se renfrognait-elle, mais voyons, bonjour chez lui. S’il touche à mon ventre, je le mange tout cru… C’est bon les petits docteurs blancs… Elle forçait son accent et se frottait le boubou.

Oh oui, c’est du bon miam-miam ça… C’est mes ancêtres qui me l’ont dit. Avec du manioc et des crêtes depoule… Mmm…

Et la Bredart, qu’est-ce qu’il va lui faire à elle ?

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Commentaires
B
J'ai beaucoup aimé ce livre aussi je l'ai trouvé tendre et très bien construit A bientôt Bonne journée
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