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A propos de livres...
23 décembre 2008

L'Homme aux cercles bleus - Fred Vargas

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Viviane Hamy, mars 1996, 213 p.

J'ai lu, 2002, 219 p.

PRIX DU FESTIVAL DE SAINT-NAZAIRE 1992

Présentation de l'éditeur :

" Victor, mauvais sort, que fais-tu dehors ? " Depuis quatre mois, cette phrase accompagne des cercles bleus qui surgissent la nuit, tracés à la craie sur les trottoirs de Paris. Au centre de ces cercles, prisonniers, un débris, un déchet, un objet perdu : trombone, bougie, pince à épiler, patte de pigeon... Le phénomène fait les délices des journalistes et de quelques psychiatres qui théorisent un maniaque, un joueur. Le commissaire Adamsberg, lui, ne rit pas. Ces cercles et leur contenu hétéroclite sont de, mauvais augure. Il le sait, il le sent : bientôt, de l'anodin saugrenu on passera au tragique. Il n'a pas tort. Un matin, c'est le cadavre d'une femme égorgée que l'on trouve au milieu d'un de ces cercles bleus.

Auteur : Fred Vargas est née à Paris en 1957. Fred est le diminutif de Frédérique. Vargas est son nom de plume pour les romans policiers. Pendant toute sa scolarité, Fred Vargas ne cesse d'effectuer des fouilles archéologiques. Après le bac, elle choisit de faire des études d'histoire. Elle s'intéresse à la préhistoire, puis choisit de concentrer ses efforts sur le Moyen Âge. Elle a débuté sa « carrière » d'écrivain de roman policier par un coup de maître. Son premier roman Les Jeux de l'amour et de la mort, sélectionné sur manuscrit, reçut le Prix du roman policier du Festival de Cognac en 1986 et fut donc publié aux éditions du Masque. Depuis elle a écrit : Un lieu incertain (2008), Dans les bois éternels (2006), Sous les vents de Neptune (2004), Coule la Seine (2002), Pars vite et reviens tard (2001), Petit traité de toutes vérités sur l'existence (2001), Les quatre fleuves (en collaboration avec Edmond Baudoin) (2000), L'homme à l'envers (1999), Sans feu ni lieu (1997), Un peu plus loin sur la droite (1996), Debout les morts (1995), Ceux qui vont mourir te saluent (1994), L'homme aux cercles bleus (1992)

Mon avis :
Fred Vargas est un auteur de roman policier que j'aime beaucoup. Je ne lâche pas le livre de la première à la dernière page... J'aime beaucoup l'ambiance, les descriptions de Paris mais surtout les personnages si particuliers : souvent loufoques et décalés mais toujours très attachants.
« L'homme aux cercles bleus » est le premier roman policier de Fred Vargas où apparaît le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg. Il est paru en 1991. Le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg est un anti-héros, il est bourru, flâneur mais intuitif. Adrien Danglard est l'adjoint d'Adamsberg, inspecteur très cultivé, divorcé, père de 5 enfants, grand consommateur de vin blanc et de bière. Mathilde est une océanographe de renom qui s'amuse à suivre des inconnus au hasard des rues. C'est au cours de cette passion singulière qu'elle croise un homme qui entoure des fragments de vie à la craie bleue. Cette filature va prendre une importance toute particulière...

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Une adaptation à la télévision de ce roman a été faite par José Dayan et diffusée le 28 octobre 2009. C'est le troisième téléfilm de la série Collection Fred Vargas. Il y a donc quelques différences avec le livre car Josée Dayan a pris le partie d'en faire une suite à son premier téléfilm "Sous les vents de Neptune" (1 et 2), alors que c'est le premier roman de Vargas où apparaît le commissaire Adamsberg.
La distribution : Jean-Hugues Anglade (Jean-Baptiste Adamsberg), Charlotte Rampling (Mathilde Forestier), Jacques Spiesser (Adrien Danglard), Jean-Pierre Léaud (Louis Le Nermord), Stanislas Merhar (Charles Reyer), Hélène Fillières (Camille Forestier), Corinne Masiero (Violette Retancourt), Didier Terron (Joseph Favre), Philippe Magnan (Vercors-Laury)

Extrait : « Mathilde sortit son agenda et nota : « Le type qui est assis à ma gauche se fout de ma gueule. » Elle but une gorgée de bière et jeta un nouveau coup d’oeil à son voisin, un type immense qui pianotait sur la table depuis dix minutes. Elle ajouta sur son agenda : « Il s’est assis trop près de moi, comme si l’on se connaissait alors que je ne l’ai jamais vu. Certaine que je ne l’ai jamais vu. On ne peut pas raconter grandchose d’autre sur ce type qui a des lunettes noires. Je suis à la terrasse du Café Saint-Jacques et j’ai commandé un demi-pression. Je le bois. Je me concentre bien sur cette bière. Je ne vois rien de mieux à faire. » Le voisin de Mathilde continuait à pianoter.

— Il se passe quelque chose? demanda-t-elle.

Mathilde avait la voix grave et très ébréchée. L’homme jugea que c’était une femme, et qu’elle fumait autant qu’elle le pouvait.

— Rien. Pourquoi? demanda l’homme.

— Je crois que ça m’énerve de vous voir tambouriner sur la table. Tout me crispe aujourd’hui.

Mathilde termina sa bière. C’était fade, typique d’un dimanche. Mathilde avait l’impression de souffrir plus que d’autres de ce mal assez commun qu’elle appelait le mal du septième jour.

— Vous avez environ cinquante ans, je suppose? demanda l’homme, sans s’écarter d’elle.

— Possible, dit Mathilde.

Elle fut contrariée. Qu’est-ce que ça pouvait lui faire à ce type? À l’instant, elle venait de s’apercevoir que le filet d’eau de la fontaine d’en face, dévié par le vent, mouillait le bras d’un ange sculpté en contrebas, et ça, c’était peut-être des instants d’éternité. Au fond, ce type était en train de lui gâcher le seul instant d’éternité de son septième jour. Et puis d’ordinaire, on lui donnait dix ans de moins. Elle le lui dit.

— Et alors ? dit l’homme. Je ne sais pas estimer à l’ordinaire des autres. Mais je suppose que vous êtes plutôt belle, ou je me trompe ?

— Il y a quelque chose qui cloche sur mon visage ? Vous n’avez pas l’air très fixé, dit Mathilde.

— Si, dit l’homme, je suppose que vous êtes plutôt belle, mais je ne peux pas le jurer.

— Faites donc comme vous voulez, dit Mathilde. En tous les cas, vous, vous êtes beau, et je peux le jurer si ça peut vous être utile. En réalité, c’est toujours utile. Et puis je vais vous laisser. Au fond, je suis trop crispée aujourd’hui pour avoir envie de parler à des types dans votre genre.

— Je ne suis pas détendu non plus. J’allais voir un appartement à louer et c’était déjà pris. Et vous?

— J’ai laissé filer quelqu’un à qui je tenais.

— Une amie ?

Non, une femme que je suivais dans le métro. J’avais pris pas mal de notes et d’un seul coup, je l’ai perdue. Vous voyez ça un peu ?

— Non. Je ne vois rien.

— Vous n’essayez pas, voilà le fond de la chose.

— C’est évident que je n’essaie pas.

— Vous êtes pénible comme homme.

— Oui, je suis pénible. Et en plus je suis aveugle.

— Bon Dieu, dit Mathilde, je suis désolée.

L’homme se tourna vers elle avec un sourire assez mauvais.

— Pourquoi désolée? dit-il. Tout de même, ce n’est pas votre faute.

Mathilde se dit qu’elle devrait s’arrêter de parler. Mais elle savait aussi qu’elle n’y arriverait pas.

— C’est la faute à quoi? demanda-t-elle.

L’aveugle beau, comme Mathilde l’avait déjà nommé dans sa tête, se réinstalla de trois quarts dos.

— À une lionne que je disséquais pour comprendre le système de locomotion des félins.

Qu’est-ce qu’on s’en fout du système de locomotion des félins! Parfois je me disais, c’est formidable, et d’autres fois je pensais, bon sang, les lions, ça marche, ça recule, ça saute, et c’est tout ce qu’il y a à en savoir. Un jour, j’ai eu un coup de scalpel maladroit …

— Et tout a giclé.

— C’est vrai. Comment vous le savez ?

— Il y a eu un gars, celui qui a construit la colonnade du Louvre, qui a été tué comme ça, par un chameau pourri étalé sur une table. Mais c’était il y a longtemps et c’était un chameau. Ça fait pas mal de différences en fait.

— Mais le pourri reste le pourri. Le pourri a sauté dans mes yeux. J’ai été expédié dans le noir. Fini, plus moyen de regarder. Merde.

— C’était une saloperie de lionne. J’ai connu un animal comme ça. Ça fait combien de temps?

— Ça fait onze ans. Si ça se trouve elle rigole bien à l’heure qu’il est, la lionne. Enfin moi aussi je rigole parfois maintenant. Mais sur le coup, non. Un mois plus tard, je suis retourné au laboratoire et j’ai tout saccagé, j’ai étalé du pourri partout, je voulais que le pourri aille dans les yeux de tout le monde et j’ai foutu en l’air tout le travail de l’équipe sur la locomotion des félins. Bien entendu, je n’en ai pas retiré de satisfaction. J’ai été déçu.

— Quelle couleur ils avaient, vos yeux ?

— Noirs comme des martinets, noirs comme les faucilles du ciel.

Et maintenant ils sont comment ?

Personne n’a osé me les décrire. Noirs, rouges et blancs, je crois. Les gens s’étranglent quand ils les voient. J’imagine que le spectacle est abominable. Je ne retire plus jamais mes lunettes.

— Moi je veux bien les voir, dit Mathilde, si vous voulez vraiment savoir comment ils sont. L’abominable, ça ne m’embarrasse pas.

— On dit ça. Et après on pleure.

— Un jour en plongée, un requin m’a mordu la jambe.

— D’accord , ça ne doit pas être beau.

— Qu’est-ce que vous regrettez le plus de ne plus voir?

— Vos questions m’assassinent. On ne va pas parler des lions et des requins et des sales bestioles toute la journée.

— Non, sans doute pas.

— Je regrette des filles. C’est très banal.

— Les filles sont parties après la lionne?

— Faut croire. Vous ne m’avez pas dit pourquoi vous suiviez cette femme?

— Pour rien. Je suis des quantités de gens vous savez. C’est plus fort que moi.

— Votre amant est parti après le requin?

— Parti, et d’autres sont venus.

— Vous êtes une femme singulière.

— Pourquoi dites-vous ça? dit Mathilde.

— À cause de votre voix.

— Qu’est-ce que vous entendez, vous, dans les voix?

— Allons, je ne peux pas vous le dire! Que me resterait-il, bon Dieu? Il faut bien laisser quelque chose à l’aveugle, madame, dit l’homme avec un sourire.

Il se leva pour partir. Il n’avait même pas bu son verre.

— Attendez. Comment vous appelle-t-on? dit Mathilde.

L’homme hésita.

— Charles Reyer, dit-il.

— Merci. Je m’appelle Mathilde.

L’aveugle beau dit que c’était un nom assez chic, que la reine Mathilde avait régné en Angleterre au XIIe siècle, et il partit, en se guidant du doigt le long du mur. Mathilde se foutait du XIIe siècle et elle vida le verre de l’aveugle en fronçant les sourcils. Longtemps, pendant des semaines, au cours de ses excursions en trottoirs, Mathilde chercha en même temps l’aveugle beau du bord de ses regards. Elle ne le trouvait pas. Elle lui donnait trente-cinq ans. »

 

 

 

 

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23 décembre 2008

Le Petit Bol de porcelaine bleue - Françoise Legendre

le_petit_bol_de_porcelaine_bleu Seuil jeunesse - mai 1996 - 132 pages

Quatrième de couverture :

Andrei est un enfant ; il aime jouer, rêver, apprendre des mots de français et goûter sous les yeux de sa grand-mère qui l'adore. Mais la vie est dure dans la Roumanie communiste des années 80.

Ses parents partent un jour et ne reviennent pas : c'est lui qui devra les rejoindre, plus tard...

Andrei doit soudain devenir adulte : il lui faut apprendre à maîtriser sa souffrance et sa peur, entourer sa grand-mère, se protéger des regards hostiles et, surtout, apprendre à attendre.

Le petit bol de porcelaine bleue qu'il retrouve un jour va l'aider à tenir...

Auteur : Née à Caen en 1955, mariée, mère de deux adolescents, Françoise Legendre exerce avec passion son métier de bibliothécaire. A trente-huit ans, elle réalise son rêve de devenir écrivain en publiant son premier livre. Elle se spécialise rapidement dans les ouvrages pour la jeunesse. Françoise Legendre est conservatrice générale des Bibliothèques de Rouen.

Mon avis : (lu en avril 2007)

Ce roman est plein d’émotions et de sensibilité, c’est un très beau témoignage de l’auteur qui a vécu une épreuve semblable. On découvre que la vie est difficile sous Ceausescu, il faut mentir aux officiels pour protéger ceux qu’on aime. On est admiratif devant ce jeune garçon de 9 ans si courageux. 

Extrait :

"Pendant neuf ans, j'ai habité appartement 36, bloc 3, strada Justitsiei, à Braïla, en Roumanie. Je n'ai jamais oublié cette adresse. Mon immeuble était comme les autres, jeté sur un grand terrain vague où les papiers sales voletaient sur une herbe rase, boueuse dès octobre, grise de poussière aux beaux jours. Certains immeubles étaient restés en chantier : les fenêtres sans vitres, les portes donnant sur le vide et sans doute les histoires de brigands cachés dans les caves me faisaient peur. Il y avait souvent des carreaux cassés. En hiver, la petite ampoule éclairait à peine les paliers. Lorsque je rentrais et qu'il faisait déjà sombre, je grimpais en courant les cinq étages.
Quand j'arrivais, la clef tournait déjà dans la ser­rure de la porte de l'appartement avant que je n'aie eu le temps de toucher la clenche. Bunica était là, elle guettait mon retour. Je montrais mon étonnement, rien que pour voir ce petit sourire apparaître sur sa bouche, accompagné d'un léger haussement d'épaules qui voulait dire : «Mais non, il n'y a rien d'étonnant, je suis ta Bunica...»
Elle était seule en fin d'après-midi et me faisait asseoir en s'empressant de me servir un goûter. Rien à voir avec les goûters d'ici... C'était du pain, du thé brûlant, de la dulceatsa, cette confiture de cerises tellement sucrée et douce qu'il fallait boire entre chaque cuillerée. Bunica me regardait, assise sur un coin de chaise. Elle était toute menue - j'étais sûr d'être vite plus grand qu'elle -, mais elle se tenait très droite, ses cheveux gris argenté bien maintenus par des peignes qu'elle réajustait sans cesse.
Mes parents rentraient plus tard. Ils travaillaient tous les deux dans une sorte d'usine autour d'un puits de pétrole, un «combinat». Leur travail me paraissait compliqué, lointain. Ils parlaient toujours du laboratoire. Par moments, ils semblaient contents, enthousiastes, d'autres fois, ils rentraient abattus pour des raisons qui restaient pour moi totalement mystérieuses. Ma mère, toujours bien coiffée, laissait alors s'échapper des mèches de longs cheveux noirs de son chignon bas, des cernes se creusaient sous ses yeux gris. Ces soirs-là, elle m'embrassait sans y penser et tout ce que faisait Bunica l'agaçait. Il n'y avait pas grand-place quand nous étions là tous les quatre. Bunica avait son lit dans la salle à manger, tout recouvert de coussins brodés pendant la journée : c'est dans cette pièce aussi que je m'installais pour travailler ou pour lire, le dos appuyé contre le buffet. Souvent, Bunica cousait ou repassait à un bout de la table, pendant que mes cahiers s'étalaient à l'autre bout.
Tous les soirs, elle venait s'asseoir à côté de moi pour suivre mon travail. Ensuite, elle me proposait des mots de français, me désignant les parties du visage, du corps, des meubles, des couleurs... Ses yeux brillaient. Elle me fixait pour tester ma compréhension, le ne comprenais pas tout, mais une rivière coulait vers moi et je me laissais flotter.
J'appréhendais les leçons d'histoire qui donnaient quelquefois lieu à des discussions entre mon père et Bunica. Il avait toujours le dernier mot en lançant :
- Andrei doit apprendre ce qu'on lui demande d'apprendre, ne te mêle pas de ça !
Combien de fois ai-je vu Bunica se détourner, disparaître dans la cuisine, toute seule. Je ne comprenais pas leur discussion ni cette colère froide, je n'osais pas demander.
Mon père était très brun, ses cheveux faisaient des crans, il avait les yeux noirs. Souvent, il regardait ailleurs : je lui parlais de l'école, de M. Teodorescu, le vieil instituteur, de mes amis. Très vite, son regard flottait. Il ne m'entendait même plus, je me taisais. Moi aussi, bientôt, je rêvais.
J'entendais presque tous les jours :
- Andrei, reviens avec nous ! Toujours dans la lune, hein !
M. Teodorescu me pardonnait mes rêveries parce que j'apprenais vite, mais Virgil, Mihai ou Grigore, mon meilleur ami, ne rataient pas une occasion de se moquer de moi !
- Andrei va encore se faire pincer !"

22 décembre 2008

Best Love Rosie - Nuala O'Faolain

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Traduit de l'anglais (Irlande) par Judith Roze

Sabine Wespieser éditeur - Septembre 2008 - 544 pages

10/18 - mars 2010 - 445 pages

Résumé : Après avoir vécu et travaillé loin de chez elle, Rosie décide qu’il est temps de rentrer à Dublin, pour s’occuper de Min, la vieille tante qui l’a élevée. Ni les habitudes ni les gens n’ont changé dans ce quartier populaire où elle a grandi, et la cohabitation avec Min, que seule intéresse sa virée quotidienne au pub, n’a rien d’exaltant : en feuilletant des ouvrages de développement personnel, censés apporter des solutions au mal-être de Min, Rosie se dit qu’elle s’occuperait utilement en se lançant elle-même dans la rédaction d’un manuel destiné aux plus de cinquante ans. Sa seule relation dans l’édition vivant aux États-Unis, elle se frottera donc au marché américain. Son vieil ami Markey tente bien de lui faire comprendre que sa manière de traiter le sujet n’est pas assez « positive »…
C’est au moment où elle va à New York, pour discuter de son projet, que le roman s’emballe : Min, qu’elle avait placée pour quelque temps dans une maison de retraite, fait une fugue et la rejoint à Manhattan. Très vite, les rôles s’inversent : la vieille dame est galvanisée par sa découverte de l’Amérique, elle se fait des amies, trouve du travail et un logement. Alors que Rosie est rentrée seule en Irlande, pour rien au monde Min ne voudrait renouer avec son ancienne vie. Surtout pas pour reprendre possession de la maison de son enfance… que l’armée lui restitue après l’avoir confisquée pendant la guerre. Rosie, elle, a besoin de cette confrontation avec ses origines. Profondément ancrée dans les valeurs de la vieille Europe, le passage du temps est maintenant au cœur de ses préoccupations.
La lucidité de Nuala 0’Faolain, sa tendresse pour ses personnages, font merveille une fois de plus dans ce livre drôle et généreux, plein de rebondissements, où l’on suit avec jubilation souvent, le cœur noué parfois, les traversées de l’Atlantique de ces deux femmes que lie toute la complexité du sentiment maternel. De ses romans, l’auteur dit souvent qu’ils révèlent plus d’elle que ses autobiographies… Best Love Rosie nous embarque aussi dans un beau voyage intérieur.

L'Auteur :
Nuala 0’Faolain est née en Irlande en 1940. Journaliste à Londres, pour la BBC, puis à Dublin, elle a publié tardivement son premier livre, On s'est déjà vu quelque part ? (Sabine Wespieser éditeur, 2002). Le succès de ce récit autobiographique, qui a suscité un véritable phénomène d'identification auprès de toute une génération de femmes, a changé sa vie. Elle la consacre désormais à l'écriture, et partage son temps entre son cottage de l’ouest de l’Irlande et New York. Après Chimères (2003), J'y suis presque (2005), L'Histoire de Chicago May (Prix Femina étranger, 2006), tous parus chez Sabine Wespieser éditeur. Nuala 0’Faolain
est décédée le 9 mai 2008 et Best love Rosie a été publié après sa mort.

Mon avis : C’est le premier livre que je lis de cet auteur et j’ai beaucoup aimé. Les personnages sont très attachants. Il est question des relations de famille, de la solitude, de l’âge, de l’amour. Les descriptions de la nature irlandaise sont également très plaisantes.

Extrait : "LE MATIN DE NOËL, j’étais au lit avec Leo dans une pensione glaciale proche des docks d’Ancône. Il m’a fallu du courage pour me décoller de son dos, sortir un bras de sous la couette et composer le numéro de ma tante à Dublin. Comme elle ne répondait pas, j’ai essayé la maison voisine. « Allô ? Reeny ? C’est toi ? Oui, bien sûr que c’est Rosie. Joyeux Noël, chère Reeny, et tous mes voeux pour la nouvelle année ! Je suis en Italie. Oui, avec un ami - qu’est-ce que tu crois - que je suis folle ? Ça ne valait pas le coup de rentrer pour le peu de congés qu’on nous donne. Écoute, Min ne répond pas au téléphone. Ça t’ennuierait d’aller appeler sous sa fenêtre ? Il est onze heures à Dublin, non ? Et je sais qu’elle doit venir chez toi pour la dinde et les choux. Elle ne devrait pas déjà être debout ? - Ah, non, t’en fais pas, m’a dit Reeny. Elle va bien. Elle était ici hier soir à regarder EastEnders. Mais elle est bizarre ces temps-ci, ta tante. Y a des jours où elle sort pas du lit alors qu’elle se porte comme un charme. Et - je veux pas te gâcher tes vacances mais j’allais t’en parler la prochaine fois que tu viendrais - elle a eu des petits ennuis l’autre jour après avoir un peu bu. La police l’a ramenée de la Poste centrale, ma parole personne sait comment elle avait fait le trajet du pub jusque là, parce qu’elle était tombée et n’arrivait plus à se lever. Enfin, c’est plutôt qu’elle voulait plus se lever. Elle racontait à tout le monde qu’elle devait envoyer un colis en Amérique. Bref, ils ont été bien braves et ils l’ont ramenée ici, mais le flic m’a dit qu’ils avaient eu du mal à l’empêcher de sauter de la voiture et que si ç’avait pas été une petite vieille dame, ils l’auraient menottée. Depuis, elle est quasiment pas sortie de chez elle et les femmes en parlaient l’autre jour au Xpress Store et y en a qui disaient comme ça que Rosie Barry ferait bien de rentrer…

- Mais Min ne veut pas de moi ! ai-je dit en riant.

- Je sais », a fait Reeny.

J’ai cessé de rire. Elle ne s’en est pas aperçue. « Mais c’est comme ça qu’ils sont avec la dépression, a-t-elle poursuivi. J’ai vu un gars qui en parlait à la télé. Ils savent pas ce qu’ils veulent.

- Dis-lui que je l’appellerai ce soir, Reeny, et qu’il faut qu’elle réponde à tout prix. Et toi, comment ça va ? Monty est avec toi ? » Monty était le fils de Reeny, un quadragénaire timide et bedonnant, fan de golf, avec qui mon amie Peg sortait depuis des décennies. Son père l’avait abandonné quand il était petit et j’avais toujours vu sa passion du golf comme une protection qu’il s’était forgée à l’époque où il luttait pour devenir un homme. « Dis-lui que le Père Noël va lui apporter un trou en un. » Par-dessus l’épaule de Leo, j’apercevais un coin d’Adriatique d’un bleu éclatant, moutonné de blanc par le vent âpre qui faisait vibrer les volets. Nous avions eu des velléités de faire l’amour un peu plus tôt, mais aucun de nous n’avait été assez déterminé pour poursuivre. C’était une bonne chose, me disais-je, que nous ne nous sentions pas obligés de simuler l’enthousiasme. Cela étant, le manque de libido était mauvais pour l’âme. Sans compter qu’il restait deux jours à tirer dans une chambre sous-chauffée et qu’il n’y avait rien à faire à Ancône quand les rares attractions qu’offrait la ville étaient fermées pour les fêtes. Noël. Autrefois, ce simple mot brillait de mille feux.

« Leo ! » J’ai tenté de le réveiller en douceur en lovant mon bras autour de son ventre et en le caressant gentiment. « Leo, chéri, va voir si la signora veut bien nous préparer un café… » J’ai pris appui sur mon coude pour regarder son visage et j’ai eu un choc, comme si je venais de recevoir une décharge, en m’apercevant qu’il avait les yeux grands ouverts et fixait la fenêtre. Le lendemain, nous sommes allés écouter un récital d’orgue dans une église désaffectée balayée par les courants d’air. Leo s’est aussitôt abîmé dans une concentration absolue. Quand il écoute de la musique, on pourrait lui planter une épingle dans le bras sans qu’il s’en aperçoive.

Les choses allaient devoir changer, je le voyais, et cette triste pensée me glaçait encore plus. Nous avions été… Mais je ne voulais pas penser aux merveilleux amants que nous avions été. J’avais déjà peine à m’avouer qu’il devenait difficile de l’attirer hors de sa villa de l’arrière-pays d’Ancône, bien qu’il eût renoncé à en faire un hôtel de luxe. Pour me distraire, j’ai pensé à Min. Il fallait que quelqu’un la surveille si elle en arrivait à se couvrir de ridicule en public ; or, Reeny faisait désormais du gardiennage dans un complexe d’appartements en Espagne et, pour la première fois depuis leur jeunesse, elle n’était pas toujours disponible dans la maison d’à côté. Par ailleurs, d’ici quelques mois, mon contrat avec le service d’information de l’UE à Bruxelles, pour lequel je rédigeais de la documentation, prendrait fin et, si je décidais de partir, je toucherais une prime assez coquette pour me permettre de chercher tranquillement le boulot suivant. Certains collègues, à vrai dire, prenaient leur retraite dès cinquante-cinq ans - ceux qui n’avaient jamais aimé leur travail et savaient faire des économies. Je ne pouvais pas prendre ma retraite, et n’en avais aucune envie. Mais la prime me permettrait de tenir un an ou deux, peut-être même trois si je rentrais à Dublin. Et puis, ai-je songé en promenant délicatement ma langue autour de mon palais, les dentistes de Dublin parlent anglais. W.H. Auden disait que des milliers de personnes avaient vécu sans amour, mais aucune sans eau ; il aurait aussi bien pu mentionner les dents. Je n’avais aucun avenir devant moi si je ne m’occupais pas de celles qui me restaient. Il faisait maintenant complètement nuit derrière l’étroite fenêtre perchée en haut du mur ocre écaillé. Un ciel bleu marine où scintillait une étoile. Nous avions repéré une sympathique trattoria sur le trajet ; nous pourrions nous y réfugier dès que nous serions passés chercher un pull plus chaud et une paire de chaussettes supplémentaire à la pensione. Et ensuite, au lit…  Que faisais-je donc de tout ça ? Que faisais-je des cafés, du sexe et des fenêtres du XVIe siècle ? L’un des grands avantages de Bruxelles, c’était que je pouvais facilement venir retrouver Leo en train. Et, encore aujourd’hui, je ne supportais pas de rester longtemps loin de lui. J’entretenais soigneusement ma couleur, un discret blond cendré, et m’habillais dans des boutiques de la région flamande, où même les femmes élégantes aimaient les tartines de beurre autant  que moi et avaient ma corpulence. Quand je me promenais aux côtés de Leo en rentrant le ventre et en souriant d’un air éveillé, je me sentais une femme digne de ce nom. En Italie, où nous nous retrouvions plus souvent que partout ailleurs, il y avait pas mal d’hommes qui m’observaient attentivement avant de se détourner.

Mais à Kilbride, Dublin… Mon anniversaire n’était qu’en septembre, mais j’aurais alors cinquante-cinq ans - à peine engagée dans la seconde moitié de la décennie, mais penchant déjà vers les soixante. À Kilbride, il n’y avait jamais eu de femmes célibataires de mon âge qui pussent encore se croire « de la partie ». Ou s’il y en avait eu, elles étaient trop finaudes pour le laisser paraître. Les auditeurs applaudissaient à tout rompre ; ils essayaient sans doute de se réchauffer. En se levant, Leo m’a adressé un de ces sourires dont lui-même ignorait le charme. La musique le rendait heureux - enfin, celle qui remontait à un temps où les jupes n’avaient pas encore commencé à raccourcir. Oh. Un bis. Nous nous sommes rassis.

En réalité, ce qui plaidait le plus en faveur de Dublin, c’était une image, pas un argument. Si je rentrais pour m’occuper d’elle, il y avait une certaine façon dont Min pourrait me regarder. Son visage me charmait quoi qu’il arrive − si petit et si blanc, avec des yeux si ronds et enfantins. Mais j’avais vu longtemps auparavant à quoi il pouvait ressembler lorsqu’il s’ouvrait comme une feuille au soleil. Dans mon enfance, avant la mort de mon père, nous allions tous les trois passer une partie de l’été à Bailey’s Hut, un cabanon en bois environné d’herbe et de coquillages, au-delà du dernier quai du port de Milbay. Ma grand-mère paternelle, Granny Barry, pouvait nous procurer le cabanon pour nos vacances parce qu’elle travaillait pour Bailey’s Hardware and Builders’ Providers. Comme il n’y avait pas l’eau courante, nous apportions quelques jerrycans d’eau du robinet pour faire le thé et recueillions l’eau de pluie dans un tonneau posé près de la porte. Mon père utilisait l’eau de pluie pour laver les cheveux de Min. « Je veux, ma p’tite dame ! » répondait-il lorsqu’elle décrétait qu’il était temps de lui faire un bon shampoing. Il apportait une cuvette d’eau chaude devant le cabanon, puis un seau d’eau de pluie. Min s’agenouillait dans l’herbe, vêtue de sa vieille jupe et de son dessous rose qui avait un cône de chaque côté pour les seins. Il s’asseyait sur une caisse, elle posait la tête sur ses genoux et il la shampouinait avec le bout des doigts. « Attention à pas m’en mettre dans les yeux ! » disaitelle. Puis il se levait, la laissant à genoux, tête baissée, et versait délicatement un premier filet d’eau de pluie sur sa tête. Elle sursautait en criant : « Aïe ! Cette eau est glaciale ! » Mais, à mesure qu’il versait, le flot devenait plus régulier. Elle s’aidait de ses mains pour répartir l’eau sur sa chevelure et mon père suivait le mouvement, versant pile à l’endroit où elle avait les mains. Enfin, il posait le seau et enroulait fermement une serviette autour de sa tête. Elle levait alors son visage aveuglé et, avec une serviette plus petite, il le tamponnait doucement. Les cheveux de Min séchaient au soleil, peignés vers l’avant et masquant son visage, ses frêles épaules dépassant de chaque côté. Ou bien elle les brossait dans les courants d’air chauds émis par le poêle Aladdin qu’on avait installé dans un coin de la pièce, derrière un grillage pour m’empêcher de le toucher. Sa chevelure devenait épaisse et brillante et vibrait comme si un flux d’énergie la traversait. Mon père me disait : « Tu vois les cheveux de ta tante ? Ta tante Min a des cheveux magnifiques. » Sa voix était nostalgique, comme s’il évoquait un souvenir très lointain, alors qu’elle était juste devant lui et ne risquait pas de s’en aller. Je n’ai jamais oublié l’air d’abandon avec lequel elle levait son visage vers celui de mon père. Il le tenait un moment à deux mains avant de commencer à le sécher et, elle toujours si méfiante et si brusque, elle se laissait tenir. Elle n’ouvrait pas les yeux, mais elle se reposait entre ces mains comme un oiseau marin sur l’eau. Tel était le visage qu’elle tournerait peut-être vers moi ; telle était l’attitude qu’elle aurait peut-être avec moi. Va pour la prime.

Je suis rentrée à la fin de l’été et, pendant deux ou trois mois, je n’ai quasiment pas bougé de ma chaise devant la vieille table de la cuisine. Comme si j’avais pénétré dans une de ces forêts qui, dans les contes de fées, entourent le château où dort la princesse - des lieux où ne bouge aucune feuille et où ne chante aucun oiseau. Je pensais confusément : Tu as ce que tu voulais - et maintenant ? Je me sentais coupée de ma propre expérience, comme si la plupart des choses que j’avais apprises en trente ans de vie, d’amour et de travail autour du globe n’avaient aucune pertinence dans le lieu où j’avais abouti."

22 décembre 2008

Le cœur cousu – Carole Martinez

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Gallimard – fév 2007 – 430 pages

Folio - mars 2009 - 442 pages

Présentation de l'éditeur
" Ecoutez, mes sœurs ! Ecoutez cette rumeur qui emplit la nuit ! Ecoutez... le bruit des mères ! Des choses sacrées se murmurent dans l'ombre des cuisines. Au fond des vieilles casseroles, dans des odeurs d'épices, magie et recettes se côtoient. Les douleurs muettes de nos mères leur ont bâillonné le cœur. Leurs plaintes sont passées dans les soupes : larmes de lait, de sang, larmes épicées, saveurs salées, sucrées. Onctueuses larmes au palais des hommes ! " Frasquita Carasco a dans son village du sud de l'Espagne une réputation de magicienne, ou de sorcière. Ses dons se transmettent aux vêtements qu'elle coud, aux objets qu'elle brode : les fleurs de tissu créées pour une robe de mariée sont tellement vivantes qu'elles faneront sous le regard jaloux des villageoises; un éventail reproduit avec une telle perfection les ailes d'un papillon qu'il s'envolera par la fenêtre: le cœur de soie qu'elle cache sous le vêtement de la Madone menée en procession semble palpiter miraculeusement... Frasquita a été jouée et perdue par son mari lors d'un combat de coqs. Réprouvée par le village pour cet adultère, la voilà condamnée à l'errance à travers l'Andalousie que les révoltes paysannes mettent à feu et à sang, suivie de ses marmots eux aussi pourvus - ou accablés - de dons surnaturels... Le roman fait alterner les passages lyriques et les anecdotes cocasses on cruelles. Le merveilleux ici n'est jamais forcé : il s'inscrit naturellement dans le cycle tragique de la vie.

Biographie de l'auteur
Carole Martinez est née en 1966. Le cœur cousu est son premier roman.

 

 

Mon avis : (lu en décembre 2008)

C'est à la fois un conte, une fable, c'est un mélange de poésie, de voyage et de merveilleux. Une fresque familiale autour d'une couturière dont l'habilitée oscille entre don et malédiction. Les personnages du livre sont attachants et si particuliers, il y a beaucoup de personnages féminins. C'est un livre vraiment dépaysant !

Extrait :

« Commença alors pour ma mère la période des fils de couleurs.
Ils avaient fait irruption dans sa vie, modifiant le regard qu'elle portait sur le monde.
Elle fit le compte : le laurier-rose, la fleur de la passion, la chair des figues, les oranges, les citrons, la terre ocre de l'oliveraie, le bleu du ciel, les crépuscules, l'étole du curé, la robe de la Madone, les images pieuses, les verts poussiéreux des arbres du pays et quelques insaisissables papillons avaient été jusque-là les seuls ingrédients colorés de son quotidien. Il y avait tant de bobines, tant de couleurs dans cette boîte qu'il lui semblait impossible qu'il existât assez de mots pour les qualifier. De nombreuses teintes lui étaient totalement inconnues comme ce fil si brillant qu'il lui paraissait fait de lumière. Elle s'étonnait de voir le bleu devenir vert sans qu'elle y prenne garde, l'orange tourner au rouge, le rose au violet.
Bleu, certes, mais quel bleu ? Le bleu du ciel d'été à midi, le bleu sourd de ce même ciel quelques heures plus tard, le bleu sombre de la nuit avant qu'elle ne soit noire, le bleu passé, si doux, de la robe de la Madone, et tous ces bleus inconnus, étrangers au monde, métissés, plus ou moins mêlés de vert ou de rouge.
Qu'attendait-on d'elle ? Que devait-elle faire de cette nouvelle palette qu'une voix mystérieuse lui avait offerte dans la nuit ?
Bombarder de couleurs le village étouffé par l'hiver. Broder à même la terre gelée des fleurs multicolores. Inonder le ciel vide d'oiseaux bigarrés. Barioler les maisons, rosir les joues olivâtres de la mère et ses lèvres tannées. Elle n'aurait jamais assez de fil, assez de vie, pour mener à bien un tel projet.
Elle se rabattit donc sur l'intérieur de la maison. »

22 décembre 2008

Où on va papa ? - Jean-Louis Fournier

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Stock - septembre 2008 - 154 pages

Prix Fémina 2008

Résumé : Pour la première fois dans son oeuvre, Jean-Louis Fournier parle de ses garçons, pour ses garçons. Parce que le temps presse et qu il faut dire autrement. Dire autrement la question du handicap, sans l'air contrit ou la condescendance.
Comme il l'a fait en 1999 en évoquant son père, Jean-Louis Fournier conserve, pour ce nouveau roman, l' équilibre maîtrisé entre le drôle et la désespérance.


Auteur : Jean-Louis Fournier est un écrivain, humoriste et réalisateur de télévision né à Arras le 19 décembre 1938. Il est le créateur, entre autres, de La Noiraude et d'Antivol, l'oiseau qui avait le vertige. Par ailleurs, il fut le complice de Pierre Desproges en réalisant les épisodes de La Minute nécessaire de Monsieur Cyclopède, ainsi que les captations de ses spectacles au Théâtre Grévin (1984) et au Théâtre Fontaine (1986). C'est également à lui que l'on doit l'intitulé de la dépêche AFP annonçant le décès de l'humoriste: "Pierre Desproges est mort d'un cancer. Etonnant non ?". Il adore Ionesco.

Jean-Louis Fournier est l'auteur de nombreux succès depuis 1992 (Grammaire française et impertinente), Il a jamais tué personne mon papa (1999), Les mots des riches, les mots des pauvres (2004), Mon dernier cheveu noir (2006). Autant de livres où il a pu s entraîner à exercer son humour noir et tendre. Où on va, papa est peut-être son livre le plus désespérément drôle.

Mon avis : (lu en décembre 2008)

Dès que j'ai entendu parler de ce livre, j'ai voulu me le procurer à la bibliothèque. Je connaissait déjà l'auteur pour « il a jamais tué personne mon papa »

Livre qui se lit très facilement mais qui est percutant : on découvre la vie d'un papa de 2 enfants handicapés. Les situations sont émouvantes mais l'auteur est plein d'humour. Il se protège en ironisant sur les évènements difficiles de sa vie.

On découvre au fil des pages tout l'amour que porte Jean-Louis Fournier pour ces enfants. On est ému au plus profond de soi.

Étant moi-même maman, on prend conscience de la chance d'avoir des enfants en bonne santé, capable de répondre à nos attentes.

A lire absolument !

Extrait :

« Cher Mathieu, cher Thomas,

Quand vous étiez petits, j'ai eu quelquefois la tentation, à Noël, de vous offrir un livre, un Tintin par exemple. On aurait pu en parler ensemble après. Je connais bien Tintin, je les ai lus tous plusieurs fois.
Je ne l'ai jamais fait. Ce n était pas la peine, vous ne saviez pas lire. Vous ne saurez jamais lire. Jusqu à la fin, vos cadeaux de Noël seront des cubes ou des petites voitures... "
Jusqu'à ce jour, je n'ai jamais parlé de mes deux garçons. Pourquoi ? J'avais honte ? Peur qu'on me plaigne ?
Tout cela un peu mélangé. Je crois, surtout, que c'était pour échapper à la question terrible : « Qu'est-ce qu'ils font ? »
Aujourd’hui que le temps presse, que la fin du monde est proche et que je suis de plus en plus biodégradable, j'ai décidé de leur écrire un livre.
Pour qu'on ne les oublie pas, qu'il ne reste pas d'eux seulement une photo sur une carte d'invalidité. Peut-être pour dire mes remords. Je n'ai pas été un très bon père. Souvent, je ne les supportais pas. Avec eux, il fallait une patience d'ange, et je ne suis pas un
ange.
Quand on parle des enfants handicapés, on prend un air de circonstance, comme quand on parle d une catastrophe. Pour une fois, je voudrais essayer de parler d'eux avec le sourire. Ils m'ont fait rire avec leurs bêtises, et pas toujours involontairement.
Grâce à eux, j'ai eu des avantages sur les parents d'enfants normaux. Je n'ai pas eu de soucis avec leurs études ni leur orientation professionnelle. Nous n'avons pas eu à hésiter entre filière scientifique et filière littéraire. Pas eu à nous inquiéter de savoir ce qu'ils feraient plus tard, on a su rapidement ce que ce serait : rien.

Et surtout, pendant de nombreuses années, j'ai bénéficié d'une vignette automobile gratuite. Grâce à eux, j'ai pu rouler dans des grosses voitures américaines. »

LGF – mars 2010 – 149 pages

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22 décembre 2008

La cité des jarres - Arnaldur Indridason

la_cit__des_jarrestraduction Eric Boury

Points Policier – juin 2006 – 352 pages

Résumé : Un nouveau cadavre est retrouvé à Reyk-javik. L'inspecteur Erlendur est de mauvaise humeur : encore un de ces meurtres typiquement islandais, un «truc bête et méchant» qui fait perdre son temps à la police... Des photos pornographiques retrouvées chez la victime révèlent une affaire vieille de quarante ans. Et le conduisent tout droit à la «cité des Jarres», une abominable collection de bocaux renfermant des organes...

Biographie de l'auteur
Né en Islande en 1961, Arnaldur Indridason a accompli un coup de maître avec son premier roman policier, déjà traduit en plus de vingt langues.

Mon avis : (lu en décembre 2008)

C'est le 3ème livre que je lis de cet auteur, et j'y ai trouvé beaucoup de plaisirs.

On ressent l'atmosphère islandaise, une terre isolée, où il pleut beaucoup tout au long du livre.

Les enquêteurs sont très humains en particulier Erlendur, policier de Reykjavik, cinquante ans, divorcé, solitaire, fatigué, toujours de mauvaise humeur, mais tenace, qui enquête sur le meurtre du vieil homme dont le cadavre a été découvert dans son appartement. Et ce qui semble être un "simple meurtre" s'avère bien vite plus complexe qu'il n'y paraissait de prime abord... On trouve en trame de fond, le thème de la famille et de la filiation, de la recherche génétique aussi et de ses possibles dérives.

17 décembre 2008

Le boulevard périphérique - Henry Bauchau

le_boulevard_p_riph_rique Actes sud - 01/2008 – 255 pages


PRIX DU LIVRE INTER 2008

4ème de couverture : Paris, 1980. Alors qu'il " accompagne " sa belle-fille dans sa lutte contre un cancer, le narrateur se souvient de Stéphane, son ami de jeunesse. Au début de la guerre, cet homme l'a initié à l'escalade et au dépassement de la peur, avant d'entrer dans la Résistance puis, capturé par un officier nazi - le colonel Shadow -, de mourir dans des circonstances jamais vraiment élucidées. Mais Shadow, à la fin de la guerre, s'est fait connaître du narrateur. Son intangible présence demeure en lui, elle laisse affleurer les instants ultimes, la mort courageuse - héroïque, peut-être - de Stéphane. Et la réalité contemporaine (l'hôpital, les soignés et les soignants, les visites, l'anxiété des proches, les minuscules désastres de la vie ordinaire, tout ce que représentent les quotidiens trajets sur le boulevard périphérique) reçoit de ce passé un écho d'incertitude et pourtant d'espérance... L'ombre portée de la mort en soi, telle est sans doute l'énigme dont Henry Bauchau interroge les manifestations conscientes et inconscientes, dans ce captivant roman qui semble défier les lois de la pesanteur littéraire et affirmer, jusqu'à sa plus ultime mise à nu, l'amour de la vie mystérieusement éveillée à sa condition mortelle.

Auteur : Poète, romancier, dramaturge et psychanalyste, Henri Bauchau, né en 1913 à Malines, est membre de l’Académie royale de littérature française de Belgique. Il offre avec son dernier roman, Le Boulevard périphérique, une bouleversante réflexion sur la mort.

Mon avis : (lu novembre 2008)

Réflexions sur la vie et la mort. L’auteur à 95 ans.


Le cancer de sa belle-fille fait resurgir le souvenir du passé : son meilleur ami Stéphane qui est mort mystérieusement après avoir été capturé par un SS, Shadow. L’auteur met en parallèle son quotidien lorsqu’il se rend tous les jours à l’hôpital en empruntant le métro, le bus ou la voiture le long du boulevard périphérique et le récit des évènements 30 ans plus tôt.


L’auteur nous raconte ses rencontres avec celui qui a tué son ami : il veut comprendre comment cela c’est passé.


Beaucoup de sensibilité et de poésie dans l’écriture.


Par moment, j’ai eu du mal à comprendre en particulier les échanges avec Shadow.

Extrait : « Tandis que le métro m'emporte vers la station du fort d'Aubervilliers où je prendrai le bus pour Bobigny, je pense à ma famille telle qu'elle était dans mon enfance. La famille, les années lointaines que j'ai encore connues, c'est cela surtout qui intéresse Paule lorsque nous parlons ensemble à l'hôpital. Les racines, les liens entremêlés, les façons de vivre de ce clan auquel son mari et son petit garçon, souvent à leur insu, appartiennent si fort et avec qui elle a conclu alliance.
Le traitement contre le cancer a fait perdre ses cheveux à Paule. Je pense souvent, en la voyant si préoccupée de garder sa perruque bien en place, combien elle a dû souffrir en se découvrant chauve. Stéphane, s'il avait vécu, s'il n'avait pas été assassiné en 1944 par les nazis, serait-il devenu chauve ? Je le verrai toujours tel qu'il était à vingt-sept ans, et dans ma mémoire il n'aura jamais été touché par le temps. Il me semble qu'il entre avec moi dans la chambre de Paule, avec ses yeux très bleus, ses cheveux blonds, sa taille haute, son sourire bref. Non pas timide mais réservé. Un homme de l'acte.

C'est en juillet 1940 que je l'ai connu, dans un chantier de déblaiement des ruines de la guerre. De son métier il était sondeur de mines, mais il connaissait bien les travaux de chantier. Très vite c'est lui qui a dirigé le nôtre. Quand nos chantiers se sont regroupés il a pris la tête d'un camp de formation de chefs de chantier en 1941 dans la région mosane.
Chaque fois qu'il était libre il partait grimper dans les rochers qui par endroits bordent le fleuve, puisque depuis la guerre les Alpes ou les autres montagnes ne lui étaient plus accessibles. J'ai appris qu'il était un excellent alpiniste et que montagnes, rochers, glaciers étaient la passion de sa vie.
Un jour il m'a proposé d'aller grimper avec lui. Un petit train nous mène à proximité d'un groupe de rochers où il y a plusieurs voies à faire. Il sort de son sac une corde tressée en anneaux et la met autour de son cou. Nous marchons jusqu'au pied des rochers et avec son collier de cordes il paraît à la fois modeste et glorieux. Pour grimper il faut une pratique, un apprentissage et tout de suite j'aime le faire avec lui. Je me rappelle cette voie, la première qu'il m'a fait faire. Je suis impressionné car j'ai toujours eu le vertige. Il ne m'explique pas grand-chose sinon le maniement de la corde et comment il faut la faire coulisser dans les mousquetons qu'il attache à quelques pitons. Pour le reste, il me dit : "Fais comme moi." Je le regarde m'étonnant du peu de surface qui lui est nécessaire pour une prise de pied ou une prise de main. Cela me semble irréalisable pour moi, je vais lâcher, glisser, pourtant j'arrive à peu près à tenir où il a tenu, à me soulever là où il a pris de la hauteur. A un passage un peu délicat il faut contourner le rocher en ne se tenant en équilibre que sur un pied tandis que l'autre, à tâtons, cherche une vire sur laquelle s'élever. On est forcé de poser le regard vers le bas. Nous ne sommes pas très haut, assez pourtant pour que la sensation du vide me trouble. Tout se met à tournoyer légèrement et mon pied tremble sur la prise qu'il faut quitter sans que j'arrive à trouver l'autre. »


1 décembre 2008

Seul sur la mer immense – Michel Morpurgo

seul_sur_la_mer_immense Gallimard–Jeunesse - mai 2008 – 294 pages

prix 2008 des libraires indépendants britanniques

Présentation de l'éditeur :
En 1947, le tout jeune Arthur est embarqué, comme des milliers d'autres orphelins, sur un bateau à destination de l'Australie. II ne sait pas encore qu'il ne reverra pas sa sœur ni sa terre natale anglaise. Désormais sa vie entière se fera là-bas, jalonnée d'épreuves mais aussi illuminée par la rencontre de personnages extraordinaires et par sa passion de la mer. Bien des années plus tard, Allie, la fille d'Arthur, quitte la Tasmanie, au sud de l'Australie, à bord de son bateau. Elle s'apprête à accomplir une formidable traversée en solitaire. Son but : franchir les océans pour gagner l'Angleterre, dans l'espoir de retrouver sa tante Kitty, la sœur de son père

Auteur : Michael Morpurgo est né en 1943 en Angleterre. En 1982, il écrit Cheval de guerre, qui lance sa carrière d'écrivain. Il a, depuis, signé plus de cent livres, récompensés par de nombreux prix, qui font de lui l'un des auteurs les plus célèbres de Grande-Bretagne. En 2006, Michael Morpurgo est nommé officier de l'Ordre du British Empire pour services rendus à la littérature. Il défend la littérature pour la jeunesse avec énergie et générosité et a créé la fonction de Children's Lauréate, mission dédiée à la promotion du livre pour enfants.

Mon avis : 5/5 (Lu en novembre 2008)

J'ai beaucoup aimé ce livre qui peut aussi bien être lu par les adultes que par les enfants.

Dès les premières lignes du livre, on est emporté par l'histoire, on est ému. C'est l'histoire d'Arthur puis de sa fille qui se passe entre l'Australie et l'Angleterre. Les premières années sont difficiles pour Arthur, il est exploité comme esclave dans une ferme mais grâce à Marty et son amitié il tiendra le coup. Puis il rencontrera Meg qui sera une mère pour lui et Marty. Puis il devra prendre son autonomie.

La mer est au centre de ce livre, elle est attirante mais aussi elle fait peur... Arthur avec l'aide de sa fille fait le projet de retourner en Angleterre pour retrouver sa sœur Kitty... C'est la deuxième partie du livre.

Ce livre est un vrai roman d'aventure, il m'a fait voyager, rêver, naviguer sur la mer. J'ai eu aussi beaucoup d'émotions : il m'a fait rire et pleurer. J'ai eu un vrai coup de cœur ! Il faudra que je lise d'autres livres du même auteur.

1 décembre 2008

Entre les murs – François Bégaudeau

entre_les_murs Editions Verticales - janvier 2006 – 271 pages

Présentation de l'éditeur :
" Ne rien dire, ne pas s'envoler dans le commentaire, rester à la confluence du savoir et de l'ignorance, au pied du mur. Montrer comment c'est, comment ça se passe, comment ça marche, comment ça ne marche pas. Diviser les discours par des faits, les idées par des gestes. Juste documenter la quotidienneté laborieuse. "
Entre les murs s'inspire de l'ordinaire tragi-comique d'un professeur de français. Dans ce roman écrit au plus près du réel, François Bégaudeau révèle et investit l'état brut d'une langue vivante, la nôtre, dont le collège est la plus fidèle chambre d'échos.

Biographie de l'auteur :
François Bégaudeau est l'auteur chez Verticales de deux romans remarqués, Jouer juste (2003) et Dans la diagonale (2005), et d'une fiction biographique consacrée aux Rolling Stones, Un démocrate, Mick Jagger 1960-1969 (Naïve, 2005).

Mon avis : 3/5 (lu en novembre 2008)

Ce livre m'a intéressé même si le sujet n'est pas nouveau... J'ai déjà vu de nombreux reportages sur les collèges en zone sensible. On suit la vie ordinaire d'un professeur dans sa classe mais aussi en salle des profs. On observe les différents personnages que sont les collégiens et les professeurs.

L'écriture est surprenante et parfois un peu lassante, car l'auteur retranscrit les dialogues qui se passent en cours. C'est parfois répétitif. Il raconte les faits et c'est au lecteur de se poser les questions ou d'analyser les réactions des élèves ou du professeur. Parfois les dialogues sont surréalistes...

Je serai curieuse de voir le film qui a été tiré du livre et qui a eu la Palme d'Or au festival de Cannes en 2008, mais j'attendrai le DVD ou le passage en télévision.

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Extrait (page 150) : «  Jihad a fait un crochet par le bureau avant de gagner sa place. Préoccupé. Inquiet presque.

- M'sieur, le Bénin ça existe comme pays ?

- Ben oui, c'est un pays d'Afrique. D'Afrique noire.

Il a lancé une oeillade à Bamoussa qui écoutait en retrait, un désaccord entre eux allait être arbitré.

- Mais, qu'est-ce que j'veux dire, c'est un grand pays le Bénin, m'sieur ?

Suspendu à mes lèvres, qui ont fait une moue évaluative.

- Disons que non, c'est pas un grand pays, mais pas un petit non plus.

J'étais assez sûr pour pas grand, mais pour pas petit j'avais un doute, que Jihad n'a pas perçu, heureux qu'il était d'entendre que le Bénin n'avait rien de monumental.

- C'est pas trop grand, quoi ?

- Non, pas trop.

Il s'est retourné vers Bamoussa avec l'air de tu vois j'te l'avais dit. Je l'ai réorienté vers moi.

- C'est pour un contrôle d'histoire, c'est çà ?

- Non, non, c'est demain le Maroc il joue contre le Bénin, c'est pour ça j'veux savoir si ils sont bons ou pas le Bénin.

- Je dirais moyen.

Il a volé vers sa place. »

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