Cannibale – Didier Daeninckx
Gallimard – 1998 – 96 pages
Folio - février 2000 - 107 pages
Magnard - juillet 2001 - 140 pages
Résumé : Cent onze Kanak sont envoyés à Paris pour représenter la Nouvelle Calédonie lors de l'Exposition coloniale de 1931. Exhibés comme des animaux au jardin d'Acclimatation, ils doivent jouer les " cannibales " dans un enclos pour divertir les visiteurs. Quelques jours avant l'inauguration officielle, empoisonnés ou victimes d'une nourriture inadaptée, tous les crocodiles du marigot meurent d'un coup. Une solution est négociée par les organisateurs afin de remédier à la catastrophe. Le cirque Höffner de Francfort-sur-le-Main, qui souhaite renouveler l'intérêt du public, veut bien prêter les siens, mais en échange d'autant de Canaques. Qu'à cela ne tienne ! Les « cannibales » seront expédiés.
Inspiré par ce fait authentique, le récit déroule l'intrigue sur fond du Paris des années trente - ses mentalités, l'univers étrange de l'Exposition -tout en mettant en perspective les révoltes qui devaient avoir lieu un demi-siècle plus tard en Nouvelle-Calédonie.
Auteur : Didier Daeninckx, né en 1949 à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) est un écrivain français, auteur de romans noirs, de nouvelles et d'essais. Issu d'une famille modeste, Didier Daeninckx prend résolument le parti d'orienter son œuvre vers une critique sociale et politique au travers de laquelle il aborde certains dossiers du moment (la politique des charters, le révisionnisme, etc.) et d'autres d'un passé parfois oublié (le massacre des Algériens à Paris le 17 octobre 1961). Cette enquête historique le conduit parfois à quitter le domaine policier pour un réalisme social que souligne la sobriété de son style.
Mon avis : 4/5 (lu en février 2006)
Ce livre est court et juste. L'auteur a imaginé une fiction autour d'un fait historique réel mais oublié. On prend conscience de ce qu'était le colonialisme dans les années 30.
On est horrifié par la façon dont est traitée les Canaques : en premier lieu, dans cette Exposition Coloniale ils sont exposés dans des cages comme des bêtes dans un zoo sous prétexte d'exotisme... mais le pire c'est de vouloir faire un échange avec un cirque de Canaques contre des crocodiles ! Heureusement dans le roman, l'auteur imagine l'évasion des Canaques dans Paris et dans le métro véritable jungle urbaine... Ce livre est vraiment à lire pour mieux connaître ce fait réel.
Extrait :
— Ah, c’est enfin vous, Grimaut ! Cela fait bien deux heures que je vous ai fait demander... Que se passe-t-il avec les crocodiles ? J’ai fait le tour du parc ce matin, avant de venir au bureau, je n’en ai pas vu un seul dans le marigot...
Grimaut commence à transpirer. Il baisse les yeux.
— On a eu un gros problème dans la nuit, monsieur le haut-commissaire... Personne ne comprend ce qui a bien pu se passer...
— Cessez donc de parler par énigme ! Où sont nos crocodiles ?
— Ils sont tous morts d’un coup... On pense que leur nourriture n’était pas adaptée... Á moins qu’on ait voulu les empoisonner...
L’administrateur reste un instant sans voix, puis il se met à hurler.
Grimaut déglutit douloureusement.
— Morts ! Tous morts ! C’est une plaisanterie... Qu’est-ce qu’on leur a donné à manger ? De la choucroute, du cassoulet ? Vous vous rendez compte de la situation, Grimaut ? Il nous a fallu trois mois pour les faire venir des Caraïbes... Trois mois ! Qu’est-ce que je vais raconter au président et au maréchal, demain, devant le marigot désert ? Qu’on cultive des nénuphars ? Ils vont les chercher, leurs crocodiles, et il faudra bien trouver une solution... J’espère que vous avez commencé à y réfléchir...
L’adjoint a sorti un mouchoir de sa poche. Il se tamponne le front.
— Tout devrait rentrer dans l’ordre au cours des prochaines heures, monsieur le haut-commissaire... J’aurai une centaine de bêtes en remplacement, pour la cérémonie d’ouverture. Des crocodiles, des caïmans, des alligators... Ils arrivent à la gare de l’Est, par le train de nuit...
— Gare de l’Est ! Et ils viennent d’où ?
Grimaut esquisse un sourire.
— D’Allemagne...
— Des sauriens teutons ! On aura tout vu... Et vous les avez attrapés comment vos crocodiles, Grimaut, si ça n’est pas indiscret ?
L’adjoint se balance d’un pied sur l’autre.
— Au téléphone, tout simplement. Ils viennent de la ménagerie du cirque Höffner, de Francfort-sur-le-Main. C’était leur attraction principale, depuis deux ans, mais les gens se sont lassés. Ils cherchaient à les remplacer pour renouveler l’intérêt du public, et ma proposition ne pouvait pas mieux tomber...
Albert Pontevigne fronce les sourcils.
— Une proposition ? J’ai bien entendu... J’espère que vous ne vous êtes pas trop engagé, Grimaut.
— Je ne pense pas... En échange, je leur ai promis de leur prêter une trentaine de Canaques. Ils nous les rendront en septembre, à la fin de leur tournée.
L'élégance du hérisson – Muriel Barbery
Gallimard – août 2006 – 368 pages
Folio - juin 2009 - 413 pages
Prix des Libraires 2007.
Résumé : L’immeuble où se déroule l’action de ce roman, rue de Grenelle à Paris, semble bien ordinaire : une vie d’immeuble tranquille, animée par de petits différends de copropriété ou de voisinage. Les occupants offrent une palette humaine représentative de l’espèce dans le moins bon comme dans le pire.
Deux d’entre eux, pourtant, n’ont rien de banal. Ce sont les deux narratrices, qui prennent alternativement la parole pour donner de l’immeuble 7 rue de Grenelle et du vaste monde qui l’entoure une vision inattendue. La première est la concierge, Renée, douée d’une intelligence redoutablement acérée et d’une érudition encyclopédique (qu’elle s’efforce de dissimuler afin de ne pas froisser ses administrés, persuadés qu’en ce monde chacun doit se tenir à sa place). L’autre narratrice, Paloma, douze ans, est une gamine surdouée affligée d’une famille qui ne la mérite pas. D’une maturité effrayante, Paloma nous livre ses pensées les plus intimes et les plus stupéfiantes. Elle se donne encore quelques mois pour faire le tour de la question existentielle, après quoi elle envisage des changements radicaux.
Mais l’arrivée dans l’immeuble d’un nouveau copropriétaire, un riche Japonais d’un certain âge, Monsieur Ozu, qui porte sur tout et sur tout le monde un regard d’une intelligence aiguë, va bouleverser la donne…
Muriel Barbery use des armes de la satire, mais chacun des habitants de l’immeuble pèse son poids de chair et de contradictions grâce à mille détails concrets qui nourrissent ce roman pétillant et espiègle.
Auteur : Muriel Barbery est née en 1969. L'élégance du hérisson est son deuxième roman. Le précédent, Une gourmandise, est traduit en douze langues.
Mon avis : 5/5 (lu en janvier 2007)
On est touché et on s'attache aux personnages : Renée (54 ans), une vrai concierge vieille, laide, grassouillette et bougonne. Elle exerce ses fonction depuis plus de vingt ans dans un immeuble bourgeois de la rue de Grenelle. Elle entretient son image disgracieuse, mais en réalité elle dissimule une insoupçonnable connaissance en philosophie et littérature. Il y a aussi Paloma (12 ans) surdouée qui est en rébellion contre son milieu, elle a des idées suicidaires.Toutes deux sont des solitaires et l'arrivée d'un nouveau locataire dans l'immeuble va les réunir toute les deux.
J'ai beaucoup aimé ce livre et après cette lecture on se sent moins bête. Ce livre nous fait réfléchir sur les à priori que nous avons. Un roman qui nous montre que les apparences sont trompeuses et que le beau peut se cacher partout. Il y a de nombreux moments où j'ai bien rit, mais aussi d'autres où j'ai pleuré.
J'ai vraiment passé un formidable moment de lecture avec ce livre.
Une adaptation du livre a été réalisée par Mona Achache avec Josiane Balasko, Garance Le Guillermic, Togo Igawa. Le film est sortie le 3 juillet 2009